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  Note sur la transcription.

  Ce volume est la seconde partie du tome VIII des _Chroniques
  de J. Froissart_. Il contient le texte original de Froissart
  ainsi que les variantes selon les différents manuscrits. La
  première partie contient le Sommaire et les notes. Cette première
  partie est disponible à l'adresse https://gutenberg.org/ebooks/74208.

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  recto et verso respectivement, Fº ou fº Folio ou folio; Fºs se lit
  Folios; V{ez} représente V avec ez en exposant.




    CHRONIQUES

    DE

    J. FROISSART




    9627.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
    Rue de Fleurus, 9




    CHRONIQUES
    DE
    J. FROISSART


    PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE

    TOME HUITIÈME

    1370-1377

    (DEPUIS LE COMBAT DE PONTVALLAIN
    JUSQU’A LA PRISE D’ARDRES ET D’AUDRUICQ)

    DEUXIÈME PARTIE

    TEXTE ET VARIANTES
    PAR GASTON RAYNAUD

    [Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

    A PARIS
    LIBRAIRIE RENOUARD
    (H. LAURENS, SUCCESSEUR)
    LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
    RUE DE TOURNON, Nº 6

    M DCCC LXXXVIII




EXTRAIT DU RÈGLEMENT.


ART. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les
personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable
chargé d’en assurer l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans
l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration
du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter
d’être publié.


_Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome VIII de
l’Édition des_ CHRONIQUES DE J. FROISSART, _préparée par_ M. SIMÉON
LUCE, _lui a paru digne d’être publié par la_ SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE
FRANCE.

    _Fait à Paris, le 1er décembre 1887._

    _Signé_ L. DELISLE.

    _Certifié_,

    Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,

    J. DESNOYERS.




     [1] CHRONIQUES
         DE J. FROISSART.


         LIVRE PREMIER.


         § 669. Assés tost apriès ce que messires Bertrans
         fu ravestis de cel office, il dist au roy qu’il voloit
         chevaucier vers les ennemis, monsigneur Robert
         Canolle, qui se tenoit sus les marces d’Ango et du
      5  Mainne. Ces parolles plaisirent bien au roy, et dist:
         «Faites ce que vous volés: prendés ce qu’il vous
         plest et bon vous samble de gens d’armes; tout obeïront
         à vous.» Lors se pourvei li dis connestables, et
         mist une chevaucie de gens d’armes sus, Bretons et
     10  autres, et se parti dou roy, et chevauça vers le
         Mainne; et en mena en se compagnie avoech lui le
         signeur de Cliçon. Si s’en vint li dis connestables en
         le cité du Mans, et là fist sa garnison, et li sires de
         Cliçon en une aultre ville qui estoit assés priès de là;
     15  et pooient estre environ cinc cens lances. Encores
         estoient messires Robers Canolles et ses gens sus le
     [2] pays, mais il n’estoient mies bien d’acort; car il y
         avoit un chevalier en leur route englès, qui s’appelloit
         messires Jehans Mestreourde, qui point n’estoit de le
         volenté et tenure des autres, mais desconsilloit ce
      5  qu’il pooit, et avoit desconsilliet toutdis le chevauchie,
         et disoit qu’il perdoient leur temps, et qu’il ne
         se faisoient que lasser et travillier en vain et à petit
         de fait et de conquès.

         Et estoit li dis chevaliers, qui tenoit une grant route
     10  et menoit de gens d’armes, partis des aultres. Messires
         Robers Canolles et messires Alains de Boukeselle tenoient
         toutdis leur route et estoient logiet assés priès de
         le cité du Mans. Messires Thumas de Grantson, messires
         Gillebiers Giffars, messires Joffrois d’Urselée, messires
     15  Guillaumes de Nuefville se tenoient d’autre part
         à une journée en sus d’yaus. Quant messires Robers
         Canolles et messires Alains sceurent le connestable de
         France et le signeur de Cliçon venu ou pays, si en furent
         grandement resjoy, et disent: «Che seroit bon que
     20  nous nos remesissions ensamble, et nous tenissions à
         nostre avantage sus ce pays; il ne poet estre que messires
         Bertrans en se nouvelleté ne nous viegne veoir et
         qu’il ne chevauce: il le lairoit trop envis. Nous avons
         ja chevaucié tout le royaume de France, et si n’avons
     25  trouvé nulle aventure plus avant. Mandons nostre
         entente à messire Hue de Cavrelée qui se tient à
         Saint Mor sus Loire, et à monsigneur Robert Briket,
         à monsigneur Robert Ceni, à Jehan Cressuelle et as
         aultres chapitainnes des compagnes qui sont priès de
     30  ci, et qui venront tantost et volentiers. Se nous
         poiens ruer jus ce nouvel connestable et le signeur
         de Cliçon qui nous est si grans ennemis, nous arions
     [3] trop bien esploitié.» Entre monsigneur Robert et
         messire Alain et messire Jean Asneton n’i avoit point
         de discort, mès faisoient toutes leurs besongnes par
         un meisme conseil. Si envoiièrent tantost leurs lettres
      5  et messages secretement par devers [messire Hue de
         Cavrelée et] monsigneur Robert Briket et les aultres,
         pour yaus aviser et enfourmer de leur fait, et qu’il
         se vosissent traire avant, et il combateroient les
         François. Ossi il le segnefiièrent à monsigneur Thumas
     10  de Grantson, à monsigneur Gillebiert Giffart, à
         monsigneur Joffroi Ourselée et as aultres, que il se
         volsissent avancier et estre sus un certain pas que on
         leur avoit ordonné, car il esperoient que li François
         qui chevauçoient seroient combatu. A ces nouvelles
     15  entendirent li dessus dit très volentiers, et s’ordonnèrent
         et appareillièrent selonch ce, bien et à point,
         et se misent à voie pour venir vers leurs compaignons,
         et pooient estre environ deus cens lances.

         Onques si secretement ne si quoiement ne sceurent
     20  mander ne envoiier devers les compagnons, que
         messires Bertrans et li sires de Cliçon ne sceuissent
         tout ce qu’il voloient faire. Quant il en furent enfourmé,
         il s’armèrent de nuit et se partirent avoech
         leurs gens de leurs garnisons, et se trouvèrent sur les
     25  camps. Celle propre nuit, estoient parti de leurs logeis
         messires Thumas de Grantson, messires Joffrois Ourselée,
         messire Gillebiers Giffars, messires Guillaumes
         de Nuefville et li aultre. Et venoient devers monsigneur
         Robert Canolles et monsigneur Alain sus un
     30  pas où il les esperoient à trouver; mès on leur ascourça
         leur chemin, car droitement en un lieu que on
         appelle ou pays le Pont Volain, furent il rencontré et
     [4] ratendu des François, et courut sus et envay soudainnement.
         Et estoient bien quatre cens lances et li Englès
         deus cens. Là eut grant bataille et dure et bien combatue,
         et qui longement dura, et fait tamaintes grans
      5  apertises d’armes de l’un costé et de l’autre; car sitos
         qu’il se trouvèrent, il misent tout piet à terre et
         vinrent l’uns sus l’autre moult arreement, et là se
         combatirent des lances et des espées moult vaillamment.
         Toutes [fois], la place demora as François, et
     10  obtinrent contre les Englès, et furent tout mort ou
         pris: onques nulz ne s’en sauva, se il ne fu varlès ou
         garçons; mès de chiaus aucuns, qui estoient monté
         sus les coursiers leurs mestres, quant il veirent le
         desconfiture, se sauvèrent et se partirent. Là furent pris
     15  messires Thumas de Grantson, messires Gillebiers
         Giffars, messires Joffrois Ourselée, messires Guillaumez
         de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay, Hue
         le Despensier, neveu à monsigneur Edouwart le Despensier
         et pluiseur aultre chevalier et escuier, et tout
     20  enmené prisonniers en le cité du Mans.

         Ces nouvelles furent tantost sceues parmi le pays
         de monsigneur Robert Canollez et des aultres, et ossi
         de monsigneur Hue de Cavrelée et de monsigneur
         Robert Briket et de leurs compagnons: si en furent durement
     25  courouciet, et se brisa leur emprise pour celle
         aventure. Et ne vinrent cil de Saint Mor sus Loire
         point avant, mès se tinrent tout quoi en leurs logeis,
         et messire Robers Canolles et messires Alains de Bouqueselle
         se retraiirent tout bellement, et se desrompi
     30  leur chevaucie, et rentrèrent en Bretagne: il n’en
         estoient pas lonch. Et vint li dis messires Robers en
         son chastiel de Derval, et donna toutes manières de
     [5] gens d’armes [et d’archiers] congiet pour faire leur
         pourfit là où il le poroient faire ne trouver. Si s’en
         retraisent li plus en Engleterre, dont il estoient parti;
         et messires Alains de Bouqueselle s’en vint ivrener
      5  et demorer en [sa ville de] S. Salveur le Visconte, que
         li roi d’Engleterre li avoit donné.


         § 670. Apriès celle desconfiture de Pont Volain,
         où une partie des Englès furent ruet jus, pour quoi
         leur chevauchie se desrompi et deffist toute, messires
     10  Bertrans de Claiekin, qui en se nouvelleté de l’offisce
         de le connestablie de France usoit, [qui] en eut
         [grant] grasce et grant recommendation, s’en vint
         en France, et li sires de Cliçon avoecques lui, et amenèrent
         le plus grant partie de leurs prisonniers en
     15  leur compagnie en le cité de Paris. Là les tinrent il
         tout aise et sans dangier, et les recrurent sus leurs
         fois courtoisement sans aultre constrainte. Il ne les
         misent point en buies, en fers, en ceps, ensi que li
         Alemant font leurs prisonniers, quant il les tiennent,
     20  pour estraire plus grant finance. Maudit soient il!
         ce sont gens sans pité et sans honneur, et ossi on
         n’en deveroit nul prendre à merci. Li François fisent
         bonne compagnie à leurs prisonniers, et les rançonnèrent
         courtoisement, sans yaus trop grever ne presser.
     25  De l’avenue de Pont Volain et dou damage des
         Englès furent moult couroucié li princes, li dus de
         Lancastre et cil de leur costé qui se tenoient à
         Congnach après le revenue et reconquès de Limoges.

         En ce temps, et environ le Noël, trespassa de ce
     30  siecle en Avignon papes Urbains V{ez} qui tant fu vaillans
         clers, preudons et bons François. Et adont se
     [6] misent li cardinal en conclave et eslisirent entre yaus
         un pape et le fisent par commun acord dou cardinal
         de Biaufort; si fu cilz papes appellés Grigores XI{ez}.
         De le creation et divine providensce de lui fu durement
      5  li rois de France liés, pour tant qu’il le sentoit
         bon François et preudomme; et estoit au temps de
         se creation dalés lui en Avignon li dus d’Ango, qui y
         rendi grant painne qu’il le fust.

         En ce temps avint à monsigneur Eustasse d’Aubrecicourt
     10  une moult dure aventure. Car il chevauçoit
         en Limozin; si vint un soir ou chastiel le signeur de
         Pierebufière qu’il tenoit pour ami et pour compagnon
         et pour bon Englès; mais il mist Thiebaut dou
         Pont, un bon homme d’armes breton, et se route
     15  dedens son chastiel, li quelz prist pour son prisonnier
         monsigneur Eustasce, qui de ce ne se donnoit
         garde, et l’emmena avoeques lui comme son prison
         et rançonna de puis à douse mil frans, dont il en
         paia quatre mil, et ses filz François demora en ostages
     20  pour le demorant devers le duch de Bourbon, qui
         l’avoit raplegiet et rendu grant painne à sa delivrance,
         pour le cause de ce que messires Eustasses
         d’Aubrecicourt avoit ossi rendu grant painne et grant
         travel à ma dame sa mère, que les compagnes
     25  prisent à Belleperche. De puis sa delivrance, messires
         Eustasses s’en vint demorer en Quarentin, oultre les
         gués Saint Climench, en le Basse Normendie, une
         bonne ville que li rois de Navare li avoit donné; et
         là morut: Dieus en ait l’ame! car il fu, tant qu’il
     30  vesqui et dura, moult vaillans chevaliers.


         § 671. En ce temps s’en raloit de Paris en son
     [7] pays en Limozin, messires Raymons de Maruel, qui
         s’estoit tournés François. Si eut un assés dur rencontre
         pour lui, car il trouva une route d’Englès des
         gens de messire Hue de Cavrelée, que uns chevaliers
      5  de Poito menoit. Si cheï si à point entre leurs mains
         qu’il ne peut fuir, et fu pris et menés ent prisonniers
         en Poito ou chastiel du dit chevalier. La prise de
         monsigneur Raymon fu sceue en Engleterre, et tant
         que li rois en fu enfourmés. Si escripsi tantos li dis
     10  rois devers le dit chevalier, en lui mandant qu’il li
         envoiast son ennemi et trahitte, monsigneur Raymon
         de Marueil, car il en prenderoit si grant punition
         qu’il seroit exemples à tous aultres, et pour se prise il
         li donroit sis mil frans. Messires Joffrois d’Argenton,
     15  qui le tenoit et en quelle prison il estoit, ne volt mies
         desobeïr au roy, son signeur, et dist que tout ce feroit
         il volentiers. Messires Raymons de Maruel fu
         enfourmés comment li rois d’Engleterre le voloit
         avoir et l’avoit mandé, et comment ses mestres estoit
     20  tous avisés de lui là envoiier. Quant messires Raymons
         sceut ces nouvelles, si fu plus esbahis que
         devant: ce fu bien raisons. Et commença en se prison
         à faire les plus grans et les plus piteus regrés dou
         munde; et tant que cilz qui le gardoit, [qui estoit
     25  englès et de la nation d’Engleterre], en eut grant pité
         et le commença à reconforter moult doucement.
         Messires Raymons, qui ne veoit nulz reconfors en ses
         besongne[s], puis que mener en Engleterre on le devoit
         devers le roy, se descouvri envers sa garde, et li dist:
     30  «Mon ami, se vous me voliés oster et delivrer de ce
         dangier, je vous ay en couvent sus ma loyauté que je
         vous partirai moitié à moitié toute ma terre, et vous
     [8] en ahireterai, ne jamais je ne vous faurrai.» Li Englès,
         qui estoit uns povres hom, considera que messires
         Raymons estoit en peril de sa vie, et qu’il li prommetoit
         grant courtoisie: si en eut pité et compassion,
      5  et dist qu’il se metteroit en painne de lui sauver.
         Adont messires Raymons, qui fut moult resjoïs de
         ceste parolle, li creanta se foy qu’il li tenroit son couvent
         et encores oultre, se il voloit. Et sus cel estat
         s’assegurèrent et avisèrent comment il s’en poroient
     10  chevir.

         Quant ce vint de nuit, cilz Englès qui portoit les
         clés dou chastiel et de la tour, où messires Raymons
         estoit, ouvri la prison et une posterne dou chastiel,
         et fist tant qu’il furent hors, et se misent as camps et
     15  dedens un bois, pour yaus esconser, par quoi il ne
         fuissent rataint. Et eurent celle nuit tant de povreté que
         nulz ne la diroit, car il cheminèrent plus de set liewes
         tout à piet; et si estoit gellé par quoi il descirèrent tous
         leurs piés; et fisent tant que il vinrent à l’endemain en
     20  Ango en une forterèce françoise, où il furent recueillié
         des compagnons qui le gardoient, as quelz messires
         Raymons compta sen aventure: si en loèrent tout
         Dieu, quant il le sceurent. Bien est voirs que à l’endemain,
         quant on se fu aperceu qu’il estoient parti, on
     25  les quist à gens de chevaus tout par tout, mès on n’en
         peut nul trouver. Ensi escapa de grant peril messires
         Raymons de Maruel, et retorna en Limozin et recorda
         à ses amis comment cilz escuiers englès li avoit fait
         grant courtoisie. Si fu de puis li dis Englès moult
     30  amés et honnourés entre yaus. Et li voloit messires
         Raymons donner le moitié de son hiretage, mès cilz
         n’en volt onques tant prendre, fors seulement deus
     [9] cens livrées de revenue; c’estoit assés, ce disoit, pour
         lui et pour son estat parmaintenir.


         § 672. En ce temps trespassa de siècle en le cité
         de Bourdiaus li ainsnés filz dou prince et de la princesse;
      5  si en furent durement couroucié: ce fu bien
         raisons. Pour le temps de lors fu consillié au dit
         prince de Galles et d’Aquitainnes qu’il retournast en
         Engleterre sus se nation, en espoir de recouvrer plus
         grant santé qu’il n’avoit encore eu. Et ce conseil li
     10  donnèrent si surgien et phisicien qui se cognissoient
         à se maladie. Li princes se assenti moult bien à ce
         conseil, et dist que volentiers il y retourneroit. Si fist
         ordener sur ce toutes ses besongnes et me samble que
         li contes de Cantbruge, ses frères, et li contes Jehans
     15  de Pennebruch furent ordonné de retourner avoecques
         lui atout leurs gens, pour lui faire compagnie.

         Quant li dis princes deubt partir d’Aquitainnes, et
         que se navie fu toute preste sus le rivière de Garone
         ou havene de Bourdiaus, et proprement il estoit là et
     20  ma dame sa femme et le jone Richart, leur fil, il fist
         un mandement très especial en le ditte cité de Bourdiaus
         de tous les barons et chevaliers de Gascongne
         et de Poito et de tout ce dont il estoit sires et avoit
         l’obeïssance. Quant il furent tout venu et mis ensamble
     25  en une cambre en sa presence, il leur remoustra
         comment il avoit esté leurs sires et les avoit tenu
         en pais tant qu’il avoit pout, et en grande prosperité
         et poissance contre tous leurs voisins, et que pour
         recouvrer santé dont il avoit grant besoing, il avoit
     30  espoir [et intention] de retourner en Engleterre. Si
         leur prioit chierement que le duch de Lancastre, son
    [10] frère, il vosissent croire et servir et obeïr à lui, comme
         il avoient fait dou temps passé à lui; car il le trouveroient
         bon signeur courtois et acordable, et ossi en
         toutes ses besongnes il le volsissent aidier et consillier.
      5  Li baron d’Aquitainnes, de Gascongne, de Poito
         et de Saintonge li eurent tout en couvent, et li jurèrent
         par leurs fois que ja en yaus n’i trouveroient
         defaute, et fisent la feaulté et hommage au dit duch,
         et li recogneurent toute amour, service et obeïssance,
     10  et li jurèrent, present le prince, et le baisièrent
         tout en le bouche.

         Apriès ces ordenances faites, li dis princes ne sejourna
         point plenté [en le cité de Bourdiaux], ains
         entra en son vaissiel, et ma dame la princesse, et
     15  leur fil, et li contes de Cantbruge et li contes de
         Pennebruch. Et estoient bien en celle flote cinc cens
         combatans sans les archiers. Si singlèrent tant que
         sans peril et sans damage il arrivèrent ou havene de
         Hantonne. Là issirent il des vaissiaus, et s’i rafreschirent
     20  par trois jours, et puis montèrent à chevaus,
         et li princes en se littière, et tant esploitièrent qu’il
         vinrent à Windesore où li rois se tenoit qui rechut
         ses enfans moult doucement, et s’enfourma par yaus
         de l’estat de Giane. Quant li princes eut estet dalés
     25  le roy, son père, tant que bien li souffi, il prist congiet,
         et se retraiy à son hostel de Berkamestede à
         vint liewes de le cité de Londres.

         Nous nos soufferons à parler tant qu’en present
         dou prince, et parlerons des besongnes d’Aquitainne.


     30  § 673. Assés tost apriès che que li princes de Galles
         fu partis de Bourdiaus, li dus de Lancastre entendi
    [11] à faire faire l’obseque de son cousin Edouwart, le fil
         dou prince, son frère. Si le fist moult grandement
         et moult reveramment en le cité de Bourdiaus; et là
         furent tout li baron de Gascongne et de Poito qui
      5  avoient juré obeïssance à lui.

         Entrues que ces ordenances se faisoient et que on
         entendoit à faire cel obseque, et que cil signeur se
         tenoient à Bourdiaus, issirent [hors] de le garnison
         de Pieregorch bien deus cens lances de Bretons qui
     10  là se tenoient que li dus d’Ango y avoit envoiiés, des
         quelz estoient chapitainne quatre bon chevalier et
         hardi homme malement; je les nommerai. Che furent
         messires Guillaumes de Loncval, messires Alains
         de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires
     15  d’Arsi. Si chevauchièrent cil signeur et leurs routes jusques
         à un chastiel biel et fort que on dist de Montpaon,
         dou quel messires Guillaumes de Montpaon
         estoit sires. Quant cil Breton furent venu jusques à
         là et il eurent couru devant les barrières, il moustrèrent
     20  grant samblant d’assaut et l’environnèrent
         moult faiticement. Messires Guillaumez de Montpaon,
         à ce qu’il moustra, avoit le corage plus françois que il
         n’euist englès, et se rendi, et tourna François à peu
         de fait, mist les dessus dis chevaliers et leurs gens en
     25  sa forterèce, li quel disent qu’il le tenroient contre
         tout homme. Si le remparèrent et raparillièrent et
         rafreschirent de ce que il y apertenoit. Ces nouvelles furent
         sceues à Bourdiaus [tantost] coment li dus de
         Lancastre et li baron de Giane n’esploitoient mies bien,
     30  car li Breton chevauçoient et avoient pris Montpaon
         qui marcist assés priès de là. De quoi li dus et tout
         li signeur qui là estoient eurent grant virgongne,
    [12] quant il le sceurent, et se ordonnèrent [et appareillèrent]
         tantost pour yaus traire celle part. Et partirent
         de le cité de Bourdiaus sus un merkedi après boire
         en grant arroy. Avoecques le duch de Lancastre estoient
      5  li sires de Pons, li sires de Partenay, messires
         Loeis de Harcourt, messires Guichars d’Angle, messires
         Percevaus de Coulongne, messires Joffrois d’Argenton,
         messires Jakemes de Surgières, messires
         Mauburnis de Linières, messires Guillaumes de
     10  Monttendre, messires Huges de Vivone, li sires de
         Crupegnach et pluiseur autre baron et chevalier de
         Poito et de Saintonge. Si y estoient de Gascongne li
         captaus de Beus, li sires de Pumiers, messires Helyes
         de Pumiers, li sires de Chaumont, li sires de Monferrant,
     15  li sires de Longuerem, li soudis de l’Estrade, messires
         Bernardès de Labreth, sires de Geronde, messires
         Aymeris de Tarse et pluiseur aultre; et d’Engleterre,
         messires Thumas de Felleton, messires Thumas
         de Persi, li sires de Ros, messires Mikieus de la Poule,
     20  li sires de Willebi, messires Guillaumes de Biaucamp,
         messires Richars de Pontchardon, messires Bauduins
         de Fraiville, messires d’Agorisès et pluiseur aultre.
         Si estoient bien set cens lances et cinc cens arciers.
         Si chevaucièrent moult arreement et ordonneement
     25  par devers Montpaon et fisent tant qu’il y
         parvinrent.

         Quant messires Guillaumes de Montpaon sceut
         que li dus de Lancastre et toutes ses gens le venoient
         assegier, si ne fu mie trop assegurés, car bien savoit
     30  que se il estoit pris, il le feroient morir à grant
         painne, et que point ne seroit receus à merci, car
         trop il s’estoit fourfais. Si s’en descouvri à quatre
    [13] chevaliers dessus dis, et lor dist qu’il se partiroit et iroit
         tenir à Pieregorch, et que dou chastiel il fesissent
         leur volenté. Adont se departi li dessus dis ensi que
         proposé l’avoit, et s’en vint en le cité de Pieregorch
      5  qui est moult forte, et laissa son chastiel en le garde
         des quatre chevaliers dessus dis.


         § 674. Quant li dus de Lancastre, li baron et li
         chevalier et leurs routes, furent venu devant le chastiel
         de Montpaon, si le assegièrent et environnèrent
     10  de tous lés, et s’i bastirent ossi fort et ossi bien que
         dont que il y deuissent demorer set ans. Et ne
         sejournèrent mies quant il y furent venu, mais se
         ordonnèrent et se mirent tantos à l’assallir de grant
         volenté, et envoiièrent querre et coper par les villains
     15  dou pays grant fuison de bois, [d’arbres], de mairiens
         et de belourdes; si les fisent là amener et achariier
         et reverser ens es fossés; et furent bien sus cel estat
         vint jours que on n’entendoit à aultre chose fors que
         de raemplir les fossés. Et sus ces bois et mairiens on
     20  mettoit estrain et terre, et tant fisent li dit signeur par
         l’ayde de leurs gens que il raemplirent une grande
         quantité des fossés; et tant que il pooient bien venir
         jusques as murs pour escarmucier à ceulz dedens,
         ensi que il faisoient tous les jours par cinc ou par sis
     25  assaus. Et y avoit les plus biaus estours dou monde,
         car li quatre chevalier breton, qui dedens se tenoient
         et qui entrepris à garder l’avoient, estoient droites
         gens d’armes et qui si bien se deffendoient et si vaillamment
         se combatoient que il en sont grandement
     30  à recommender, ne quoi que li Englès et li Gascon
         les approçassent de si priès que je vous di, nullement
    [14] point ne s’en effreoient, ne sus yaus rien on ne
         conqueroit.

         Assés priès de là en le garnison de Saint Malkaire
         se tenoient aultre Breton des quelz Jehans de Malatrait
      5  et Selevestre Bude estoient chapitainne. Cil doi
         escuier, [qui] ooient parler tous les jours et recorder
         les grans apertises d’armes que on faisoit devant
         Montpaon, avoient grant desir et grant envie que il
         y fuissent; si en parlèrent ensamble pluiseurs fois en
     10  disant: «Nous savons nos compagnons priès de ci et
         si vaillans gens que telz et telz», et les nommoient,
         «qui ont tous les jours par cinc ou sis estours le bataille
         à le main, et point n’i alons, qui ci sejournons à riens
         de fait: certainnement nous ne nos en acquittons pas
     15  bien.» Là estoient en grant estri d’aler y, et quant
         il avoient tout parlé, et il consideroient le peril de
         laissier leur forterèce sans l’un d’yaus, il ne par
         osoient. Si dist une fois Selevestre Bude: «Par Dieu,
         Jehan, ou je irai, ou vous irés; or regardés li quelz
     20  ce sera.» Respondi Jehans: «Selevestre, vous
         demorrés, et jou irai.» Là furent de recief en estri
         tant que par accort et par sierement fait et juré,
         present tous leurs compagnons, il deurent traire
         à le plus longe, et cilz qui aroit le plus longe iroit,
     25  et li aultres demoroit. Si traisent tantost, et escheï
         Selevestre Bude à le plus longhe; lors y eut des
         compagnons grant risée. Li dis Selevestres ne le
         tint mies à gas, mais s’apparilla tantost, et monta
         à cheval, et se parti li XII{ez} de hommes d’armes.
     30  Et chevauça tant que sus le soir il s’en vint bouter
         en le ville et forterèce de Montpaon, dont li chevalier
         et li compagnon, qui là dedens estoient,
    [15] eurent grant joie, et en tinrent grant bien dou dit
         Selevestre.


         § 675. Si com je vous ay ci dessus dit, il y avoit
         tous les jours assaut à Montpaon, et trop bien li chevalier
      5  qui dedens estoient se deffendoient, et y acquisent
         haute honneur, car jusques adont que on leur
         fist reverser un pan de leur mur, il ne s’effraèrent.
         Mais je vous di que li Englès ordenèrent mantiaus et
         atournemens d’assaut, quant il peurent approcier par
     10  mi les fossés raemplis jusques au mur; et là avoit brigans
         et gens paveschiés bien et fort, qui portoient
         grans pis de fier, par quoi de force il piketèrent tant
         le mur qu’il en fisent cheoir sur une remontière plus
         de quarante piés de large. Et puis tantost li signeur
     15  de l’ost ordonnèrent et establirent une grande bataille
         de leurs arciers à l’encontre, qui traioient si ouniement
         à chiaus de dedens que nulz ne s’osoit
         mettre avant ne apparoir. Quant messires Guillaumes
         de Loncval, messires Alains de le Housoie, messires
     20  Loeis de Mailli et li sires d’Arsi se veirent en ce
         parti, si sentirent bien qu’il ne se pooient tenir. Si
         envoiièrent tantost un de leurs hiraus, monté à cheval,
         tout par mi ce mur trauet pour parler de par yaus au
         duch de Lancastre, car il voloient entrer en trettié, se
     25  il pooient. Li hiraus vint jusques au duch, car on
         li fist voie, et remoustra ce pour quoi il estoit là
         envoiiés. Li dus par le conseil des barons, qui là
         estoient, donna respit à chiaus de dedens, tant que
         il euissent parlementé à lui. Li hiraus retourna, et
     30  fist celle relation à ses mestres, et tantost tout quatre
         il se traisent avant. Si envoia li dis dus parler à yaus
    [16] monsigneur Guichart d’Angle. Là sus les fossés furent
         il ensemble en trettié, et demandèrent en quel
         manière li dus les voloit prendre ne avoir. Messires
         Guiçars, qui estoit cargiés de ce qu’il devoit dire et
      5  faire, leur dist: «Signeur, vous avés durement couroucié
         monsigneur, car vous l’avés ci tenu plus de
         onse sepmainnes où il a grandement fraiiet et perdu
         de ses gens; pour quoi il dist qu’il ne vous recevera ja
         ne prendera, se vous ne vous rendés simplement, et
     10  encores voet il tout premierement avoir monsigneur
         Guillaume de Montpaon et faire morir, ensi qu’il a
         desservi comme trahitour envers lui.» Lors respondi
         messires Loeis de Mailli, et dist: «Messires Guiçart,
         tant que de monsigneur Guillaume que vous demandés
     15  à avoir, nous vous jurrons bien en loyauté que nous
         ne savons où il est, et que point il ne se tient en ceste
         ville ne n’est tenus de puis que vous mesistes le si[è]ge
         ci devant; mais il nous seroit moult dur de nous rendre
         en le manière que vous volés avoir, qui ci sommes
     20  envoiiet comme saudoiier, gaegnans nostre argent,
         ensi que vous envoieriés le[s] vostres ou vous iriés
         personelment. Et ançois nous feissions ce marchié, nous
         nos venderions si chierement que on en parleroit
         cent ans à venir. Mais retournés devers monsigneur le
     25  duch, et li dittes qu’il nous prende courtoisement
         sus certainne composition de raençon ensi que il
         vorroit que il fesist les siens, se il estoient escheu en
         ce dangier.» Lors respondi messires Guiçars, et dist:
         «Volentiers; j’en ferai mon plain pooir.» A ces
     30  parolles retourna li dis mareschaus devers le duch,
         et prist en se compagnie le captal de Beus, le signeur
         de Rosem et le signeur de Muchident, pour mieulz
    [17] abrisier le duch. Quant cil signeur furent devant lui,
         se li remoustrèrent tant de belles parolles, unes et aultres,
         qu’il descendi à leur entente, et prist les quatre
         chevaliers bretons dessus dis et Selvestre Bude et leurs
      5  gens à merci comme prisonniers. Ensi eut il de
         rechief le saisine et possession de [le forteresche de]
         Montpaon; et prist le feauté des hommes de le ville,
         et y ordonna deus chevaliers gascons et quarante
         hommes d’armes et otant d’arciers pour le garder.
     10  Et le fisent cil tantost reparer bien et à droit par les
         païsans de là environ, et le refreschirent de vivres et
         d’artillerie.


         § 676. Apriès le reconquès de Montpaon, et que
         li dus de Lancastre l’eut repourveue de bonnes gens
     15  d’armes et de chapitainnes, ils se deslogièrent; et
         donna li dis dus congiet à toutes ses gens pour
         retraire cescun en son lieu. Si se departirent li un de
         l’autre et retournèrent en leurs nations, et s’en
         revint li dus en le cité de Bourdiaus et li Poitevin en
     20  leur pays, et li signeur de Gascongne [s’en ralèrent]
         en leurs villes et chastiaus. Si se commencièrent à
         espardre les compagnes sus les pays, li quel y faisoient
         moult de maulz, ossi bien en terre d’amis que
         d’anemis. Si les soustenoit li dis dus et leur souffroit
     25  à faire leurs aises pour le cause de ce qu’il en pensoit
         à avoir besongne. Et par especial les guerres
         estoient pour le temps de lors plus dures et plus
         fortes sans comparison en Poito que aultre part. Et
         tenoient une grande garnison li François ou chastiel
     30  de Montcontour à quatre liewes de Touwars et à sis
         de Poitiers; des quelz messires Piêres de la Gresille
    [18] et Jourdains de Coulongne estoient chapitainne et
         souverain. Si couroient priès que tous les jours
         [devant Touwars ou devant Poitiers, et y faisoient
         grans contraires et moult les resongnoient chil du
      5  païs; d’autre part à Chastel Eraut se tenoit Charuels
         et bien cinc cens Bretons qui trop adamagoient le
         païs; et chil de le Roche de Ponsoy et chil de
         Saint Salvin ossi priès que tous les jours], et n’osoient
         li baron et li chevalier de Poito, qui Englès
     10  se tenoient, chevaucier fors en grant route pour le
         doubtance des François qui estoient enclos en leur
         pays.


         § 677. Assés tost apriès le revenue de Montpaon
         et que cil signeur de Poito furent retrait en leur
     15  pays, qui tenoient frontière as François, y eut secrés
         trettiés entre monsigneur Loeis de Saint Juliien, le
         visconte de Rocewart, et aultres François d’un costé,
         et le signeur de Pons; et tant parlementèrent et tant
         esploitièrent li François par mi grans pourças qui
     20  vinrent dou roy de France qui nuit et jour travilloit
         à attraire chiaus de Poito à son accord, que li sires
         de Pons se tourna françois oultre la volenté de ma
         dame sa femme, et chiaus de sa ville de Pons en
         Poito, et demora à ce dont la dame englesce et li
     25  sires françois.

         De ces nouvelles furent moult courouciet li baron
         et li chevalier de Poito qui englès estoient; car
         cilz sires de Pons est là uns grans sires malement.
         Quant li dus de Lancastre entendi ce, si en eut grant
     30  mautalent et tint grant mal dou signeur de Pons et
         grant bien de ma dame sa femme, et de chiaus de le
    [19] ville de Pons, qui se voloient tenir englès. Si y envoia
         tantost pour estre chapitainne de la ditte ville
         de Pons, et pour aidier et consillier la dame, un chevalier
         qui s’appeloit messires Aymenions de Bourch,
      5  hardi homme et vaillant durement. Si couroit priès
         que tous les jours li sires de Pons devant sa ville et
         ne les deportoit en riens. Et tele fois y venoit que
         il estoit recaciés et reboutés, et retournoit à damage.
         Ensi estoient là les coses entoueillies, et li signeur et
     10  li chevalier l’un contre l’autre; et y fouloit li fors le
         foible ne on n’i faisoit droit ne loy ne raison à
         nullui. Et estoient les villes et li chastiel entrelachiet
         li un en l’autre, li uns englès, li autres françois, qui
         couroient et racouroient et pilloient li un sus l’autre
     15  sans point de deport.

         Or s’avisèrent aucun baron et chevalier de Poito
         qui englès estoient, que cil de le garnison de
         Montcontour les travilloient plus que nul aultre et
         que il se trairoient celle part et les iroient assegier.
     20  Si fisent un mandement en le cité de Poitiers,
         ou non dou seneschal de Poito, monsigneur Thumas
         de Persi, au quel commandement obeïrent
         tout chevalier et escuier, et furent bien cinc cens
         lances et deus mil brigans paveschiés par mi les
     25  arciers. Là estoient messires Guiçars d’Angle, messires
         Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, li sires
         de Puiane, li sires de Tannai Bouton, li sires de Crupegnach,
         messires Parcevaus de Coulongne, messires
         Joffrois d’Argenton, messires Huges de Vivone, li
     30  sire de Tors, li sires de Puisances, messires Jakemes
         de Surgières, messires Mauburnis de Linières et pluiseur
         aultre; et ossi des chevaliers englès qui pour
    [20] le temps se tenoient en Poito, par cause d’office ou
         de garder le pays, telz que monsigneur Bauduin de
         Fraiville, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Gautier
         Huet, monsigneur Richart de Pontchardon et
      5  des aultres. Quant il se furent tout mis ensamble
         à Poitiers, et il eurent ordonné leurs besongnes, leur
         arroi et leur charoi, il se partirent à grant esploit et
         prisent le chemin de Montcontour, tout ordonné
         et appareillié ensi que pour le assegier.


     10  § 678. Cilz chastiaus de Montcontour siet sur les
         marces d’Ango et de Poito, et est malement fors et
         biaus, à quatre liewes de Touars. Tant esploitièrent li
         dessus dit Poitevin, qui estoient bien en compte
     15  trois mil combatant, que il y parvinrent. Si le assegièrent
         et environnèrent tout au tour; et avoient fait
         amener et achariier avoech eulz grans engiens de le
         cité de Poitiers, et ossi il en mandèrent en le ville de
         Touars. Si les fisent, tantost qu’il furent venu, drecier
         par devant le dit chastiel de Montcontour, li quel
     20  jettoient nuit et jour à le ditte forterèce. Avoecques
         ce, li signeur envoioient leurs gens tous les jours
         assallir et escarmucier à chiaus dou dit fort, et là
         eut fait pluiseurs grans apertises d’armes, car avoech
         les Poitevins estoient gens de compagnes qui point ne
     25  voloient sejourner, telz que Jehans Cressueille et
         David Holegrave. Cil doi avoecques monsigneur
         Gautier Huet en estoient chapitainne. Messires Pières
         de la Gresille et Jourdains de Coulongne qui dedens
         estoient, se portoient vaillamment, et s’en venoient
     30  tous les jours combatre as Englès à leurs barrières.

         Entre les assaus que là eut fais, dont il en y eut
    [21] pluiseurs au Xe jour que li Englès et Poitevin
         furent là venu, il s’avancièrent telement et de si
         grant volenté et par si bonne ordenance, que de
         force il pertruisièrent les murs dou chastiel, et entrèrent
      5  dedens, et conquisent les François. Et y furent
         tout mort et occis cil qui dedens estoient, excepté
         messires Pières et Jourdains, et cinc ou sis hommes
         d’armes que les compagnes prisent à merci.

         Apriès ceste avenue et le prise de Montcontour,
     10  messires Thumas de Persi, messires Loeis de Harcourt
         et messires Guiçars d’Angle par l’acort et conseil des
         aultres barons et chevaliers, donnèrent le chastiel à
         monsigneur Gautier Huet, à Jehan Cressuelle et à
         David Holegrave et as compagnes qui bien estoient
     15  cinc cens combatans, pour faire la frontière as Poitevins
         contre chiaus d’Ango et du Maine; et puis se
         departirent li signeur, et retournèrent cescuns en
         leurs lieus. Ensi demora li chastiaus de Montcontour
         et li frontière en le garde et ordenance des dessus
     20  dis qui y fisent tantost une grande garnison, et le
         remparèrent grandement, et le tinrent de puis moult
         longement, et moult grevèrent le pays de là environ,
         car tous les jours il couroient en Ango et en
         Mainne.


     25  § 679. Nous retourrons à parler de monsigneur
         Bertran de Claiekin, connestable de France, qui s’estoit
         tenus à Paris et dalés le roy, de puis le revenue
         de Pont Volain, où ilz et li sires de Cliçon avoient
         ruet jus les Englès, sicom ci dessus est dit, et bien
     30  avoient entendu que li Englès en Poito et en Ghiane
         tenoient les camps. Si ques tantost apriès le Candeler,
    [22] que li prins tamps commença à retourner, li dis
         messires Bertrans s’avisa qu’il metteroit sus une
         grande armée et assamblée de signeurs et de gens
         d’armes, et chevauceroit d’autre part ossi bien que li
      5  Englès chevauçoient en Poito ou pays de Quersi et de
         Roerge, car là avoit aucuns Englès qui s’i tenoient
         trop honnourablement et estoient tenu de puis la
         guerre renouvelée. Et encores de nouviel les gens
         monsigneur Jehan d’Evrues, qui se tenoient ou pays
     10  de Limozin, avoient en Auvergne pris un chastiel,
         cité et ville tout ensamble qui s’appelle [Ussel], qui
         mies ne faisoit à souffrir. Si disoit li dis connestables
         que il se voloit traire de celle part. Si fist par le congiet
         dou roy un grant mandement de signeurs, de
     15  gens d’armes et d’arciers; et se parti de Paris à grant
         route et toutdis li croissoient gens. Et tant esploita
         li dis connestables qu’il vint en Auvergne. Adont estoient
         dalés lui et en se compagnie li dus de Berri,
         li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li contes du
     20  Perce, ses frères, li contes de Saint Pol, li daufins
         d’Auvergne, li contes de Vendome, li contes de Porsiien,
         li sires de Sulli, li sires de Montagut, messires
         Huges Dauffins, li sires de Biaugeu, li sires de Rocefort,
         li sires de Calençon et grant fuison de barons
     25  et de chevaliers des marces et tenures de France.
         Si esploitièrent tant ces gens d’armes avoech le dessus
         dit connestable que il vinrent devant le cité
         d’Ussel. Si le assegièrent et y furent quinse jours. Là
         en dedens il y eut pluiseurs assaus, grans et fors;
     30  mais onques en celle empainte il ne peurent prendre
         le forterèce, car il y avoit dedens Englès, qui trop
         vaillamment le gardèrent. Si s’en partirent ces [gens]
    [23] d’armes et chevaucièrent oultre avoech le connestable
         en Roerge.

         Et li aucun des chiés des signeurs vinrent en Avignon
         veoir le pape Grigore et le duch d’Ango, qui se
      5  tenoit dalés lui. Tantost apriès celle visitation, que
         cil signeur fisent au pape et au duch d’Ango, il se
         departirent de le cité d’Avignon et se retraisent devant
         le connestable qui chevauçoit en Roerge et conqueroit
         villes et chastiaus sus les Englès. Si s’en vinrent
     10  devant le ville de La Millau, et le assegièrent, la
         quele messire Thumas de Welkefare tenoit et avoit
         tenu tout le temps, et aussi le Roce Vauclere. Mais
         li dessus dis chevaliers englès, par composition à ce
         dont que messires Bertrans fu venus ou pays, s’en
     15  parti et li Englès qui de se route se tenoient. Et li
         rendirent encores aucuns chastiaus sur les frontières
         de Limozin. Et quant li dis messires Bertrans les ot
         rafreschis, il prist son chemin et son retour, et tout
         cil signeur de France en se compagnie pour venir
     20  de rechief devant le cité d’Ussel, en Auvergne, et le
         assegièrent. Et fisent là li dus de Berri et li dus de
         Bourbon et li connestables amener et achariier grans
         engiens de Rion et de Clermont, et drecier devant
         la ditte forterèce, et avoech tout ce appareillier grans
     25  atournemens d’assaus.


         § 680. Quant li Englès, qui s’estoient tenu en le
         cité d’Ussel si vaillamment, veirent le manière et ordenance
         dou connestable et des François, et il entendirent
         que messires Thumas de Welkefare estoit partis
     30  de ses forterèces de Roerge et que confors ne leur
         apparoit de nul costé, si se commencièrent à consillier
    [24] et aviser qu’il se renderoient par trettié, non aultrement.
         Si trettièrent si bellement et si sagement
         devers le connestable, qu’il se partirent sans damage
         et sans blasme, et emportoient tout le leur, ce que
      5  porter en pooient devant yaus. Et avoech tout ce, on
         les devoit conviier jusques à Sainte Sivière en Limozin.
         Ceste ordenance fut tenue: li Englès se partirent
         et rendirent tout ce que il tenoient d’Ussel,
         cité et chastiel, et furent mené sanz peril jusques en
     10  le garnison dessus dite. Ensi acquitta en ce voiage
         messires Bertrans un grant fuison de pays que li Englès
         avoient tenu, et tourna françois; dont il acquist
         grant grasce, et puis retourna en France.

         Vous avés bien ci dessus oy parler de le chevaucie
     15  monsigneur Robert Canolles, qu’il fist en France, et
         comment il retourna en son pays de Derval en
         Bretagne; et est bien voirs que aucun Englès, à
         leur retour, parlèrent grandement de sen honneur
         en Engleterre, et tant que li rois et ses consaulz en
     20  furent enfourmé contre lui et mal content. Mais
         quant li dis messires Robers le sceut, il s’envoia escuser
         par deus de ses escuiers d’onneur, telement que
         li rois et se[s] consaulz se tinrent pour mal enfourmé
         en devant dou dit monsigneur Robert, et de lui bien
     25  se contentèrent, parmi ce que messires Alains de Bouquesele
         et aucun aultre chevalier, bien amé et proçain
         dou roy, l’aidièrent à escuser. Et en fu trouvés
         en son tort tant que il le compara chierement, messires
         Jehans Mestreourde, car il en fu pris et justiciés
     30  publikement en le cité de Londres. Par celle justice fu
         lavés et escusés de toutes amises li dessus dis messires
         Robers et demora en le grace dou roy et dou prince.


    [25] § 681. Li rois d’Engleterre qui se veoit guerriiés
         et cuvriiés des François malement, acqueroit amis,
         ce qu’il pooit, par de deça le mer. Et avoit pour lui
         le duch de Guerles, son neveu, et le duch de Jullers,
      5  et devoient en celle saison mettre sus une grande
         somme de gens d’armes, et bien estoit en leur poissance
         pour entrer en France. Et de ce et d’yaulz se
         doubtoit bien li rois de France. En ce temps envoioit
         li rois d’Engleterre le conte de Herfort et les chevaliers
     10  de son hostel moult ordeneement en Bretagne,
         pour parler au duch sus aucunes ordenances qui devoient
         estre entre lui et le duch.

         Et pour lors n’estoient point bien cler li Englès et
         li Flamench, et s’estoient celle saison heriiet sus mer,
     15  et tant que li Flamench avoient perdu: dont il leur
         desplaisoit. Si se trouvèrent d’aventure devant un
         havene en Bretagne que on dist à le Bay, chil Englès
         et cil Flamench. Si estoit paterons de le navie des
         Flamens Jehans Pietresone, et des Englès messires
     20  Guis de Briane. Si tretos comme il se furent trouvé, il
         ferirent ensamble et assamblèrent de leurs vaissiaus;
         et là eut grant bataille et dure malement. Et estoient
         là des chevaliers dou dit roy avoec le comte de Herfort,
         messires Richars de Pennebruge, messires Alains de
     25  Bouquesele, messires Richars Sturi, messires Thumas
         Wisk, et des aultres. Si se combatirent chil chevalier
         et leurs gens moult asprement à ces Flamens, et s’i
         portèrent très vaillamment, comment que li Flamench
         fuissent plus grant fuison et pourveu de leur
     30  fait. Car il n’avoient desiré toute le saison aultre cose
         que il peuissent avoir trouvés les Englès, mais pour
         ce ne l’eurent il mies davantage. Si dura ceste bataille
    [26] sus mer bien trois heures, et là ot fait pluiseurs
         apertises d’armes et maint homme navré et
         blechié dou trait. Et avoient leurs nefs atachies à
         grawés de fier et à kainnes pour quoi il ne peuissent
      5  fuir. Toutes fois finablement la place demora as Englès,
         et furent li dit Flamench desconfi, et sires
         Jehans Pietresone, leurs paterons, pris, et tous li demorans
         mors et pris; onques piés n’en escapa. Et
         retournèrent li dit Englès arrière en Engleterre, qui
     10  en menèrent leur conquès et leurs prisonniers, et ne
         fisent point leur voiage en Bretagne adont. Si comptèrent
         ces nouvelles au roi d’Engleterre lor signeur,
         qui fu moult joians de leur avenue, quant il entendi
         que li Flamench qui envay les avoient, estoient desconfi.
     15  Si furent tantos envoiiet en prison fremée
         Jehan Pietresone et li aultre, et espars par mi
         Engleterre.


         § 682. Apriès celle desconfiture qui fu faite sus
         les Flamens, devant le Bay en Bretagne, li rois d’Engleterre
     20  mist grans gens sus mer à l’encontre des
         Flamens, et les commanda à guerriier et heriier et à
         clore les pas, par quoi riens ne leur venist fors à
         grant dangier. Quant cil de Bruges, d’Ippre et de
         Gand entendirent ces nouvelles, si misent leurs consaulz
     25  ensamble et disent, tout imaginé et consideré,
         que pourfitable ne leur estoit mie d’avoir la guerre
         et le hayne as Englès, qui leur estoient voisin et marcissant
         à yaus, pour l’oppinion de leur signeur le
         conte aidier à soustenir, comment que il en touchoit
     30  aucunement à yaus, otant bien c’au conte. Si se dissimulèrent
         li plus sage des bonnes villes, et envoiièrent
    [27] de par yaus souffisans hommes et bons
         trettieurs en Engleterre devers le roy et son conseil,
         li quel esploitièrent si bien [ains leur retour], que
         il aportèrent pais au pays de Flandres et as Flamens
      5  sus certains articles et ordenances qui furent ditté et
         seelé entre l’une partie et l’autre: si demora la cose
         en bon et segur estat.

         Or parlerons un petit dou roy Jame de Mayogres.


         § 683. Vous avés bien oy recorder comment li
     10  rois de Mayogres fu pris ou Val d’Olif en Castille au
         reconquès que li rois Henris fist en Espagne, et demora
         prisonniers au dit roy Henri. Quant la royne
         de Naples, sa femme, et la markise de Montferrat, sa
         soer, entendirent ces nouvelles, si furent moult coureciés
     15  de l’avenue et y pourveirent de remede et de
         conseil. Je vous dirai par quel manière elles traittièrent
         et fisent traittier par sages et vaillans hommes
         devers le roy Henri; et tant que li rois de Mayogres
         fu mis à finance et rançonnés à cent mil frans, le[s]quelz
     20  les deus dames dessus dittes paiièrent si courtoisement
         que li rois Henris leur en sceut gré. Tantost
         que li rois de Mayogres se peut partir, il retourna en
         Naples et ne volt mies sejourner; mès quist or et argent
         à grant pooir et amis de tous lés. Et se remist
     25  de rechief au chemin en istance de ce que pour guerriier
         le roy d’Arragon, sen adversaire, qu’il ne pooit
         amer; car il li avoit son père mort et li tenoit son
         hiretage. Si esploita tant li dis rois qu’il vint en Avignon
         devers le pape Grigore XIe, et là se tint plus
     30  d’un mois. Et fist ses complaintes si bien et si à point
         au dit Saint Père, que il descendi à ses priières. Et
    [28] consenti bien au dit roy de Mayogres, que il fesist guerre
         au dit roy d’Arragon, car il avoit cause qui le mouvoit;
         c’estoit pour son hiretage. Dont se pourvei li
         dis rois de Mayogres de gens d’armes là où il les peut
      5  avoir, et le acata bien et chier, Englès, Gascons,
         Alemans, Bretons et gens de compagnes, des quelz
         messires Garsions dou Chastiel, messires Jehans de
         Malatrait et Selevestre Bude et Jakes de Bray estoient
         chapitainne. Si pooient estre environ douse cens
     10  combatans; et passèrent oultre et entrèrent en Navare
         et sejournèrent là par le consentement et acord
         dou roy; et de Navare en Arragon. Et commencièrent
         cil chevalier, ces gens d’armes et leurs routes,
         à faire guerre au roy d’Arragon et à courir sus son
     15  pays, à prendre et à essillier petis fors et travillier le
         plain pays où il pooient habiter et entrer et rançonner
         hommes et femmes; et tant que li rois d’Arragon,
         qui bien se doubtoit de celle guerre, envoia
         grant gent d’armes sus les frontières; des quelz li viscontes
     20  de Rokebertin et li contes de Rodès furent
         meneur et chapitainne. Celle guerre pendant, qui estoit
         ja toute ouverte et moult felle, li rois James de
         Mayogres s’acouça malades de rechief ou Val de
         Sorie; de la quele maladie il morut. Par ensi eurent
     25  li Aragonnois pais de ce costé un grant temps; et se
         departirent ces compagnes qui là avoient guerriiet, et
         s’en retournèrent en France, cescuns devers le signeur
         dont il pensoient avoir plus grant pourfit. Or
         parlerons nous dou duch de Lancastre.


     30  § 684. Li dus Jehans de Lancastre qui se tenoit
         en le bonne cité de Bourdiaus sus Garone, et dalés
    [29] lui pluiseurs barons et chevaliers d’Aquitainne, car
         encores y estoient les coses en bon estat pour le partie
         des Englès, quoi c’aucun baron de Poito et de Limozin
         se fuissent retourné françois, faisoit souvent
      5  des issues et chevaucies sus ses ennemis, où riens ne
         perdoit; et bien le ressongnoient ou pays cil qui tenoient
         les frontières pour le duch d’Ango. Cilz dus
         estoit veues et sans moullier; car ma dame Blance de
         Lancastre et Derbi, sa femme, estoit trespassée de ce
     10  siècle. Si avisèrent li baron de Gascongne et messires
         Guiçars d’Angle, que li rois dan Pietres avoit deus
         filles de son premier mariage de la suer le roy de Portingal,
         les queles estoient en le cité de Bayone, et là
         à garant afuies. Et les avoient amenées par mer aucun
     15  chevalier de le Marce de Sebille, pour le doubtance
         dou roy Henri, sitost qu’il sceurent le mort de leur
         père, le roy dan Pietre. Si se tenoient là les deus filletes
         toutes esgarées, dont on pooit avoir grant pité,
         car elles estoient hiretières de Castille, qui bien leur
     20  fesist droit, par le succession dou roy, leur père. Si fu
         ce remoustré au duch de Lancastre en disant ensi:
         «Monsigneur, vous estes à marier, et nous savons là
         un grant mariage pour vous, dont vous ou vostre hoir
         serés encores rois de Castille. Et s’est très grant aumosne
     25  de reconforter et consillier puceletes et filles de
         roy, especiaument qui sont en tel estat comme celles
         sont. Si prendés l’ainsnée en mariage, nous le vous
         consillons, car en present nous ne savons où vous
         vous poés plus hautement marier, ne de quoi si grans
     30  pourfis vous puist nestre.» Ces parolles [et autres]
         entamèrent telement le coer dou dit duch et si bien li
         plaisirent, que il y entendi volentiers. Et envoia tantos
    [30] et sans delay querre les deus damoiselles qui s’appeloient
         Constanse et Ysabiel par quatre de ses chevaliers.
         Et parti de Bourdiaus li dis dus, quant il sceut
         et entendi que elles venoient, et ala encontre elles en
      5  grant arroy. Et espousa l’ainnée, ma dame Constanse,
         sus ce chemin en un village dalés le cité de Bourdiaus,
         qui s’appelle Rocefort. Et eut illuech au jour
         des espousalles grans festes et grans reviaus et fuison
         de signeurs et de dames pour la feste plus efforcier.
     10  Tantos apriès les espousalles, li dus amena ma dame
         sa femme en le cité de Bourdiaus; et là eut de rechief
         grant feste. Et furent la ditte dame et sa suer
         moult conjoïes et festées des dames et damoizelles de
         Bourdiaus; et leur furent donné grans dons et biaus
     15  presens pour l’amour dou dit duch.


         § 685. Ces nouvelles vinrent en Castille au roy
         Henri et as barons dou dit royaume, qui ahers et
         alloiiet à lui s’estoient de foy et d’ommage, comment
         sa nièce avoit espousé le duch de Lancastre, et encores
     20  supposoit on que se mainnée suer Ysabiel espouseroit
         le conte de Cantbruge, le dit duch retourné
         en Engleterre. Si fu plus pensieus li di rois Henris
         que devant, et en mist son conseil ensamble. Si fu
         adont conseilliés que il envoiast grans messages devers
     25  le roy de France, qui bien sceuissent parler et
         remoustrer son afaire, et qui de ce mariage estoit tous
         enfourmés. A ce conseil et avis se tint li rois Henris,
         et ordonna sages hommes et les plus autentis de son
         royaume pour aler en France. Si se misent ou chemin
     30  en grant arroy et fisent tant par leurs journées qu’il
         vinrent en le cité de Paris, où il trouvèrent le roy, qui
    [31] les rechut à grant joie, ensi que bien le sceut faire.
         Entre le dit roy et le conseil dou roy Henri, qui avoient
         procurations et seellés bons et justes de faire trettier
         et proceder en toutes coses, ou nom de leur signeur,
      5  eut pluiseurs parlemens, consaulz et trettiés secrés et
         aultres, li quel tournèrent à effect. Finablement en ce
         temps furent acordées, ordonnées et confremées
         alliances et confederations moult grandes et jurées
         solennelment de toutes parties, à tenir fermement et
     10  non brisier ne aler à l’encontre par aucune voie, que
         cil doi roy demoroient en une unité de pais, d’amour
         et d’alliance. Et jura adont li rois de France solennelment
         en parolle de roy que il aideroit et conforteroit
         le roy de Castille en tous ses besoings, et ne feroit
     15  pais ne acord aucunement au roy d’Engleterre, que
         il ne fust mis dedens. A ces trettiés, acors et alliances
         faire, rendi grant painne et diligense messires Bertrans
         de Claiekin, qui moult amoit le roy Henri.

         Apriès toutes ces coses faites, confremées et acordées
     20  et seelées, se departirent li ambasadour dou roy Henri
         et retournèrent en Espagne, et trouvèrent leur signeur
         au Lyon en Espagne, qui fu moult liés de leur revenue
         et de ce qu’il avoient si bien esploitié. Et se tint de
         puis par mi ces alliances li rois Henris plus assegurés
     25  et confortés que devant.


         § 686. Nous retourrons au duch de Lancastre qui se
         tenoit en le bonne cité de Bourdiaus, et eut avis environ
         le Saint Michiel, qu’il retourneroit en Engleterre,
         pour mieulz enfourmer le roy son père des besongnes
     30  d’Aquitainnes: si se ordonna et appareilla selonch ce.
         Un petit devant ce que il deuist mouvoir ne partir,
    [32] il assambla en le cité de Bourdiaus tous les barons
         et chevaliers de Giane qui pour le temps se tenoient
         Englès. Et quant il furent tout venu, il leur remoustra
         que il avoient entention de retourner en Engleterre
      5  pour certainnes coses et le pourfit d’yaus tous
         et de la ducé d’Aquitainne, et que à l’esté qui revenoit,
         il retourneroit, se li rois, ses frères, l’acordoit.
         Ces parolles plaisirent bien à tous ceulz qui les entendirent.
         Là institua et ordonna li dis dus monsigneur
     10  le captal de Beus, le signeur de Moutchident et le
         signeur de Lespare pour estre mainbour et gouvreneur
         de tout le pays de Gascongne, qui pour yaus se
         tenoit, et en Poito monsigneur Loeis de Harcourt
         et le signeur de Partenay; et en Saintonge monsigneur
     15  Joffroi d’Argenton et monsigneur Guillaume
         de Monttendre; et laissa tous seneschaus et officiers
         ensi comme il estoient en devant. Là furent ordonné
         d’aler en Engleterre avoech le dit duch, par le conseil
         des Gascons, Saintongiers et Poitevins, pour
     20  parler au roy et remoustrer les besongnes et l’estat
         d’Aquitainne [plus plainement], messires Guiçars
         d’Angle, li sires de Puiane, et messires Aymeris de
         Tarste. Et encores pour le cause d’yaus attendre,
         detria li dus un petit. Quant il furent tout apparelliet
     25  et les nefs cargies et ordonnées, il entrèrent
         dedens sur le havene de Bourdiaus, qui est biaus et
         larges. Si se parti li dis dus à grant compagnie de
         gens d’armes et d’arciers, et avoit bien soissante gros
         vaissiaus en se route parmi les pourveances, et en
     30  mena avoecques lui sa femme et sa suer; envis les euist
         laissies. Si esploitièrent tant li maronnier par le bon
         vent qu’il eurent qu’il arrivèrent ou havene de
    [33] Hantonne en Engleterre. Et là issirent il des vaissiaus
         et entrèrent en le ville; se s’i reposèrent et rafreschirent
         par deus jours, et puis s’en partirent. Et
         chevaucièrent tant qu’il vinrent à Windesore, où
      5  li rois se tenoit, qui rechut son fil le duch, les dames
         et les damoiselles et les chevaliers estragniers à
         grant feste. Et par especial il vei moult volentiers
         monsigneur Guichart d’Angle.

         En ce temps trespassa cilz gentilz chevaliers,
     10  messires Gautiers de Mauni, en le cité de Londres,
         dont tout li baron d’Engleterre furent moult coureciet,
         pour le loyauté et bon conseil que en lui
         avoient toutdis veu et trouvé. Si fu ensepelis à
         grant solennité en un monastère de Chartrous, qu’il
     15  avoit fait edifier au dehors de Londres. Et furent au
         jour de son obsèque là li rois d’Engleterre et tout si
         enfant, et li prelat et baron d’Engleterre. Si rescheï
         toute sa terre de delà le mer et de cha en Haynau au
         conte Jehan de Pennebruch, qui avoit à femme ma
     20  dame Anne, sa fille. Si envoia li dis contes de Pennebruch
         relever sa terre en Haynau, qui escheue li
         estoit, par deus de ses chevaliers qui en fisent leur
         devoir au duc Aubert, ensi qu’il apertenoit, et qui
         tenoit la conté de Haynau pour ce temps en bail.


     25  § 687. Tout cel iver se portèrent ensi les besongnes
         en Engleterre, et y eut pluiseurs consaulz et
         imaginations entre les signeurs sus l’estat dou pays,
         à savoir comment il se maintenroient sus l’esté qui
         venoit. Et avoient li Englès intention de faire deus
     30  voiages, l’un en Ghiane, et l’autre en France par
         Calais, et acqueroient amis de tous lés ce qu’il
    [34] pooient, tant en Alemagne comme ens es marces de
         l’empire, où pluiseur signeur, chevalier et escuier
         estoient de leur acord. Avoech tout ce, il faisoient le
         plus grant appareil de pourveances et de toutes coses
      5  neccessaires à ost que on euist [veu] en grant temps
         faire. Bien savoit li rois de France aucuns des secrés
         des Englès et sus quel estat il estoient, et quel cose il
         proposoient à faire. Si se consilloit et fourmoit sur ce,
         et faisoit pourveir ses cités, villes et chastiaus moult
     10  grossement en Pikardie, et tenoit par tout en garnison
         grant fuison de gens d’armes, par quoi li pays ne
         fust souspris d’aucune mal aventure.

         Quant li estés fut venus et li rois Edouwars d’Engleterre
         eut tenu sa feste et fait la solennité de Saint
     15  Gorge, ou chastiel de Windesore, ensi que il avoit
         d’usage cascun an de faire, et que messires Guichars
         d’Angle y fu entrés comme confrères, avoech le roy et
         ses enfans et les barons d’Engleterre qui se nommoient
         en confraternité les chevaliers dou bleu ghertier, li dis
     20  rois s’avala à Londres en son palais de Westmoustier,
         et là eut grans consaulz et parlemens sus les besongnes
         de rechief dou pays. Et pour tant que li dus de
         Lancastre devoit en celle saison passer en France
         par les plains de Pikardie, et li contes de Cantbruge,
     25  ses frères, avoecques lui, li rois ordena et institua, à le
         prière et requeste de monsigneur Guichart d’Angle
         et des Poitevins, le conte de Pennebruch à aler en
         Poito pour viseter le pays et faire guerre as François
         de ce costé, car li Gascon et Poitevin avoient priiet
     30  et requis au roy d’Engleterre par lettres et par la
         bouche de monsigneur Guiçart d’Angle, que, se il
         estoit si conseilliés que nulz de ses filz ne peuist en
    [35] celle saison faire ce voiage, il leur envoiast le conte
         de Pennebruch que moult amoient et desiroient à
         avoir, car il le sentoient bon chevalier et hardi durement.
         Se dist li rois d’Engleterre au conte de Pennebruch,
      5  presens pluiseurs barons et chevaliers, qui
         là estoient assamblé au conseil: «Jehan, biaus fils,
         je vous ordonne et institue que vous alés en Poito en
         le compagnie de monsigneur Guiçart d’Angle, et
         là serés gouvrenères et souverains de toutes les gens
     10  d’armes que vous y trouverés, dont il y a grant
         fuison, si com je sui enfourmés, et de chiaus ossi que
         vous y menrés.» Li contes de Pennebruch à ceste
         parolle s’engenoulla devant le roy, et dist: «Monsigneur,
         grant mercis de le haute honneur, que vous
     15  me faites. Je serai volentiers ens es parties par de delà
         uns de vos petis mareschaus.» Ensi sus cel estat se
         departi cilz parlemens, et retourna les rois à Windesore,
         et emmena monsigneur Guiçart avoech lui, au
         quel il parloit souvent des besongnes de Poito et de
     20  Ghiane. Messires Guiçars li disoit: «Monsigneur,
         mès que nostre chapitainne et mainbour, li contes
         de Pennebruch, soit arivés par de delà, nous ferons
         bonne guerre et forte. Car encor y trouverons nous
         entre quatre mil et cinc mil lances, qui toutes obeïront
     25  à vous, mais qu’il soient paiiet de leurs gages.»
         Lors respondoit li rois: «Messire Guiçart, messire
         Guiçart, ne vous soussiiés point d’avoir or et argent
         assés pour faire [par delà] bonne guerre, car j’en ay
         assés; et si l’emploie volentiers en tel marcheandise,
     30  puis qu’il me touche et besongne pour l’onneur de
         moy et de mon royaume.»


    [36] § 688. Ensi et de pluiseurs aultres parolles s’esbatoit
         souvent en parlant li rois d’Engleterre au dit
         monsigneur Guichart, que moult amoit et creoit:
         c’estoit bien raisons. Or fu li contes de Pennebruch
      5  tous appareilliés, et li saisons vint et ordenance qu’il
         deubt partir. Si prist congiet au roy qui li donna liement,
         et à tous chiaus qui en se compagnie devoient
         aler, et me samble que messires Othes de Grantson
         d’oultre le Sone y fu ordonnés [et institués] d’aler.
     10  Li contes de Pennebruch n’eut mies adont trop
         grant gent en se compagnie fors ses chevaliers tant
         seulement, sus l’information que li rois avoit de
         monsigneur Guiçart d’Angle, mais il emportoit en
         nobles et en florins tel somme de monnoie que
     15  pour gagier trois mil combatans un an. Si esploitièrent
         tant li dessus dit, apriès le congiet pris dou
         roy, que il vinrent à Hantonne; là sejournèrent il
         quinse jours, en attendant le vent qui leur estoit contraires.
         Au XVIIe jour il eurent vent à volenté, si entrèrent
     20  en leurs vaissiaus, et se partirent dou havene, et
         se commandèrent en le garde et conduit de Diu et
         de saint Gorge, et puis singlèrent devers Poito.

         Li rois Charles de France, qui savoit la grignour
         partie des consaulz d’Engleterre, mies ne sçai par
     25  qui il li estoient revelé, et comment messires Guiçars
         d’Angle et si compagnon estoient alé en Engleterre
         et sus quel estat, pour impetrer au roy qu’il euissent
         un bon mainbour et chapitainne, et ja savoit que li
         contes de Pennebruch y estoit ordenés de venir, et
     30  toute se carge, si s’estoit li dis rois de France avisés
         selonch ce, et avoit secretement mis sus une armée
         de gens d’armes par mer, voires à sa prière et
    [37] requeste, car ces gens estoient au roy Henri de Castille,
         les quels il li avoit envoiiés parmi les alliances et
         confederations qu’il avoient ensamble. Et estoient cil
         Espagnol [de une flote] quarante grosses nefs et
      5  trese barges bien pourveues et breteschies ensi que
         nefs d’Espagne sont; si en estoient patron et souverain
         quatre vaillant homme, Ambrose Boukenègre,
         Cabesse de Vake, dan Ferrant de Pyon et Radigos
         de la Roselle. Si avoient cil Espagnol un grant temps
     10  waucré sus mer, en attendant le retour des Poitevins
         et la venue du conte de Pennebruch; car bien
         savoient que il devoient venir et ariver en Poito, et
         s’estoient mis à l’ancre devant le ville de le Rocelle.
         Or avint ensi que le jour devant la vigile Saint Jehan
     15  Baptiste que on compta l’an mil trois cens settante et
         deus, li contes de Pennebruch et se route deurent
         ariver ou havene de le Rocelle, mès il trouvèrent les
         dessus dis Espagnolz au devant, qui leur calengièrent
         le rivage, et furent moult liet de leur venue. Quant li
     20  Englès et li Poitevin veirent les Espagnolz, et que
         combatre les couvenoit, si se confortèrent en eulz
         meismes, comment qu’il ne fuissent mies bien parti
         tant de gens comme de grans vaissiaus, et s’armèrent
         et ordonnèrent ensi que pour tantost combatre, et
     25  misent leurs arciers au devant d’iaus. Evous les nefs
         espagnoles venans, qui bien estoient pourveues et
         garitées, et dedens grant fuison de gens, d’armes et de
         brigans qui avoient arbalestres et kanons. Et li pluiseur
         tenoient grans barriaus de fier et plommées de
     30  plonch pour tout effondrer: tantost furent approciet
         en demenant grant noise et grant huée. Ces grosses
         nefs d’Espagne prisent le vent d’amont pour prendre
    [38] leur tour sus ces nefs englesces que peu amiroient ne
         prisoient, et puis s’en vinrent atendant à plain voile
         sus yaus. Là eut à che commenchement grant trairie
         des unes as aultres, et s’i portèrent li Englès moult
      5  bien. Là fist li contes de Pennebruch aucuns de ses
         escuiers chevaliers pour honneur, et puis entendirent
         à yaus deffendre et combatre de grant volenté. Là
         eut grant bataille et dure, et li Englès eurent bien à
         quoi entendre, car cil Espagnol qui estoient en leurs
     10  vaissiaus si grans qu’il se moustroient tout deseure
         ces vaissiaus d’Engleterre, et qui tenoient gros barriaus
         de fier et pières, les lançoient et jettoient contreval
         pour effondrer les nefs englesces, et bleçoient
         gens et hommes d’armes malement. Là estoient entre
     15  les chevaliers d’Engleterre et de Poito chevalerie et
         proèce remoustrées très grandement. Li contes de
         Pennebruch se combattoit et requeroit ses ennemis
         moult fierement, et y fist ce jour pluiseurs grans
         apertises d’armes, et ossi fisent messires Othes de
     20  Grantson, messires Guiçars d’Angle, li sires de Puiane
         et tout li aultre chevalier.


         § 689. A ce que je oy recorder chiaus qui furent
         à celle besongne devant le Rocelle, bien moustrèrent
         li Englès et li Poitevin qui là estoient, que il desiroient
     25  moult à conquerre et avoir grant pris d’armes;
         car onques gens ne se tinrent si vaillamment ne
         si bien ne se combatirent, car ils n’estoient qu’un
         petit ens ou regard des Espagnols et en menus vaissiaus,
         et se poet on esmervillier comment tant durèrent;
     30  mès la grant proèce et chevalerie d’yaus les
         confortoit et tenoit en force et en vigheur; et se il
    [39] fuissent ingal de nefs et de vaissiaus, li Espagnol ne
         l’euissent mies eu d’avantage, car il tenoient leurs
         lances acerées, dont il lançoient les horions si grans
         que nulz ne les osoit approcier, se il n’estoit trop
      5  bien armés et paveschiés. Mès li très et jets qui venoit
         d’amont, de pières, de plommées de plonc et de
         barriaus de fier, les grevoit et empechoit durement,
         et navra et bleça des leurs chevaliers et escuiers ce
         premier jour pluiseurs. Bien veoient les gens de le
     10  Rocelle le bataille, mès point ne s’avançoient d’aler
         ne de traire celle part pour conforter leurs gens qui
         si vaillamment se combatoient, ançois les laissoient
         couvenir. En cel estri et en celle rihote furent il
         jusques à le nuit que il se departirent li un de l’autre,
     15  et se misent à l’ancre, mès li Englès perdirent ce
         premier jour deus barges de pourveances, et furent
         tout cil mis à bort qui dedens estoient. Toute celle
         nuit fu messires Jehans de Harpedane, qui pour le
         temps estoit seneschaus de le Rocelle, en grans priières
     20  envers chiaus de le ville, le maieur, sire Jehan
         [Cauderier], et les aultres que il se volsissent armer
         et faire armer le communauté de le ville et entrer
         en barges et en nefs, qui sus le kay estoient pour
         aler aidier et conforter leurs gens, qui tout ce jour
     25  si vaillamment s’estoient combatu. Cil de le Rocelle
         qui nulle volenté n’en avoient, s’escusoient et disoient
         que il avoient à garder leur ville et que ce
         n’estoient mies gens de mer ne combatre ne se saroient
         sus mer ne as Espagnolz; mais se la bataille
     30  estoit sus terre, il iroient volentiers. Si demora la
         cose en cel estat, ne onques ne les peut amener pour
         priière que il peuist faire à ce que il y vosissent aler.

    [40] A ce jour estoient en le Rocelle li sires de Tannai
         Bouton, messires Jakemes de Surgières et messires
         Mauburnis de Linières, qui bien s’aquittèrent de
         priier ossi avoech le dessus dit chiaus de le Rocelle.
      5  Quant cil quatre chevalier veirent que il ne
         poroient riens esploitier, il s’armèrent et fisent armer
         leurs gens, ce qu’il en avoient, ce n’estoit point fuison,
         et entrèrent en quatre barges que il prisent sus
         le kay, et au point dou jour, quant li flos fu revenus,
     10  il se fisent naviier jusques à leurs compagnons, qui
         leur seurent grant gret de leur venue, et disent bien
         au conte de Pennebruch et à monsigneur Guiçart
         que de chiaus de le Rocelle il ne seroient point secouru
         ne conforté, et qu’il se avisassent sur ce. Et cil
     15  qui amender ne le pooient, respondirent que il leur
         couvenoit le merci de Dieu et l’aventure attendre, et
         que un temps venroit que cil de le Rocelle s’en
         repentiroient.


         § 690. Quant ce vint au jour que tous li wèbes fu
     20  revenus et que plains flos estoit, cil Espagnol se
         desancrèrent en demenant grant noise de trompes et de
         trompètes, et se misent en bonne ordenance ensi que
         le jour devant, et arroutèrent toutes leurs grosses
         nefs pouveues et armées moult grandement, et prisent
     25  l’avantage dou vent, pour enclore les nefs des
         Englès qui n’estoient point grant fuison, ens ou regard
         d’yaus. Et estoient li quatre patron qui ci dessus
         sont nommé, tout devant en bonne ordenance.
         Li Englès et Poitevin, qui bien veoient leur couvenant,
     30  se ordenèrent selonch ce, et se recueillièrent
         tout ensamble, et ce que il avoient d’arciers, il les
    [41] misent tout devant. Evous les Espagnos venus à plain
         voile, Ambrose Boukenègre, Cabesse de Vake, dan
         Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, qui les envaïrent,
         et commencièrent la bataille felenesce et
      5  perilleuse. Quant il furent tout assamblé, li Espagnol
         jettèrent grans cros et havès de fier à kainnes, et
         se atachièrent as Englès, par quoi il ne se peuissent
         departir: car il les comptoient ensi que pour yaus.
         Avoech le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart
     10  avoit vint et deus chevaliers de grant volenté
         et de bon hardement, qui vaillamment se combatoient
         de lances et d’espées et d’armeures que il portoient.
         Là furent en cel estat un grant temps lançans et combatans
         l’un à l’autre. Mais li Espagnol avoient trop
     15  grant avantage d’assallir et de yaus targier et deffendre
         envers les Englès; car il estoient en grans vaissiaus
         plus grans et plus fors assés que li Englès.
         Pour quoi il lançoient d’amont barriaus de fier, pières
         et plommées, qui moult travilloient les Englès. En cel
     20  estat et en celle rihote, combatant et deffendant, lançant
         et traiant l’un sus l’autre, furent il jusques à
         l’eure de tierce, ne onques gens sus mer ne prisent si
         grant travail que li Englès et Poitevin fisent, car il
         en y avoit le plus des leurs blechiés dou trait et dou
     25  jet des pières et fondes d’amont, et tant que messires
         Aymeris de Tarste, cilz vaillans chevaliers de Gascongne,
         y fu occis et messires Jehans de Lantonne
         qui estoit chevaliers dou corps dou conte
         de Pennebruch. Au vaissiel dou dit conte estoient
     30  arresté quatre nefs espagnoles, des queles Cabesse
         de Vake et Ferrant de Pyon estoient gouvreneur
         et conduiseur. En ces vaissiaus, ce vous di, avoit
    [42] grant fuison de dure gent, et tant au combatre, au
         traire et au lancier, travillièrent le conte et ses gens
         qu’il entrèrent en leur vaissiel où il eut fait tamainte
         grant apertise d’armes, et là fu pris li dis conte et
      5  tout cil mort et pris, qui estoient en son vaissiel: tout
         premierement de ses chevaliers pris messires Robers
         Tinfors, messires Jehans Courson et messires Jehans
         de Gruières, et mors messires Symons Housagre,
         messires Jehans de Mortain et messires Jehans Touchet.
     10  D’autre part se combatoient li Poitevin, messires
         Guichars d’Angle, li sire de Puiane et li sires
         de Tannai Bouton, et aucun bon chevalier de leur
         route, et en une autre nef messires Othes de Grantson
         à Ambrose Boukenègre et à Radigo de la Roselle:
     15  si avoient plus que leur fais. Et tant que li chevalier
         furent tout pris des Espagnolz, ne onques nulz n’en
         escapa qui ne fu mors ou pris, Englès ne Poitevins,
         et toutes leurs gens ou dangier des Espagnolz de
         prendre ou de l’occire. Mais quant il eurent les signeurs
     20  et il en furent saisit, de puis il ne tuèrent nulz
         des varlès, car li signeur priièrent que on leur laissast
         leurs gens, et qu’il feroient bon pour tous.


         § 691. Qui se trueve en tel parti d’armes que messires
         Guichars d’Angle et li contes de Pennebruc et
     25  leurs gens se trouvèrent devant le Rocelle en ce jour
         dessus nommé, il fault prendre en gré l’aventure, tele
         que Diex et fortune li envoie. Et sachiés que pour ce
         jour, coi que li baron, chevalier et escuier, qui là
         furent mort et pris, le comparassent, li rois d’Engleterre
     30  y perdi plus que nuls, car par celle desconfiture
         se perdi de puis tous li pays, sicom vous orés en avant
    [43] recorder en l’ystore. On me dist que la nef englesce
         où li finance estoit, dont messires Guiçars devoit gagier
         et paiier les saudoiiers en Giane, et tous li avoirs qui
         dedens estoit, fu perie et ne vint à nul pourfit. Tout
      5  ce jour qui fut la vigile Saint Jehan Baptiste, le nuit et
         l’endemain jusques apriès nonne, se tinrent li Espagnol
         à l’ancre devant le Rocelle, en demenant grant
         joie et grant reviel, dont il en cheï trop bien à un
         chevalier de Poito qui s’appelloit messires Jakemes de
     10  Surgières; car il parla si bellement à sen mestre qu’il
         fu quittes parmi trois cens frans qu’il paia là tous
         appareilliés, et vint le jour Saint Jehan [disner] en le
         ville de le Rocelle. Par lui sceut on lors comment la
         besongne avoit alé et li quel estoient mort et pris.
     15  Pluiseur des bourgois de le ville moustroient par
         samblant qu’il en fuissent couroucié, qui tout joiant
         en estoient, car onques n’amèrent naturelment les
         Englès. Quant ce vint apriès nonne ce dit jour Saint
         Jean Baptiste que li flos fu revenus, li Espagnol se
     20  desancrèrent et sachièrent les voiles amont, et se
         departirent en demenant grant noise de trompes
         et de trompètes, de muses et de tabours. Si avoit
         au son de leurs mas grans estramières à manière de
         pennons armoiiés des armes de Castille si grans et
     25  si lons que li coron bien souvent frapoient en l’aigue,
         et estoit grans biautés dou regarder. En cel
         estat se departirent li dessus dit, et prisent leur
         tour de le haute mer pour cheminer vers Galisse.
         En ce [propre] jour que on dist ce jour Saint
     30  Jehan Baptiste au soir, vinrent en le ville de le
         Rocelle grant fuison de gens d’armes Gascon et Englès,
         li quel encores de ceste avenue n’avoient point
    [44] oy parler. Mais bien sçavoient que li Espagnol gisoient
         et avoient geu un temps devant le Rocelle: si venoient
         celle part pour chiaus de le ditte ville reconforter.
         Des quelz gens d’armes estoient chapitainne
      5  messires li captaus de Beus, messires Berars de la
         Lande, messires Pieres de Landuras, messires li soudis
         et messires Bertrans dou Franc Gascon, et des
         Englès, messires Thumas de Persi, messires Richars
         de Pontchardon, messires Guillaumez de Ferintonne,
     10  monsigneur d’Agoriset, monsigneur Bauduin de Fraiville,
         monsigneur Gautier Huet et monsigneur Jehan
         d’Evrues. Quant cil signeur et leurs routes, où bien
         avoit sis cens hommes d’armes, furent venu en le
         Rocelle, on leur fist grant chière de bras, car on
     15  n’en osoit aultre cose faire. Adont furent il enfourmé
         par monsigneur Jakeme de Surgièrez de la bataille
         des Espagnolz, comment elle avoit alé, car il y avoit
         esté, et li quel y estoient mort ne pris. De ces nouvelles
         furent li baron et li chevalier trop durement
     20  couroucié, et se tinrent bien pour infortuné, quant il
         n’i avoient esté, et regretèrent grandement et longement
         le conte de Pennebruch et monsigneur Guichart
         d’Angle, quant il avoient ensi perdu leur saison.
         Si se tinrent en le Rocelle ne sçai quans jours, pour
     25  avoir avis et conseil et comment il se maintenroient
         et quel part il se trairoient. Nous lairons à parler un
         petit d’yaus, et parlerons de Yevain de Galles et
         comment il esploita en celle saison.


         § 692. Cilz Yewains de Galles avoit esté filz à un
     30  prince de Galles, le quel li rois [Edouwars] d’Engleterre
         avoit fait morir, je ne sçai mies par quel raison,
    [45] et saisi la signourie et princeté et donné à son fil
         le prince de Galles. Si estoit cilz Yewains venus en
         France et complains au roy Charle de France des
         injures que li rois d’Engleterre li avoit fait et faisoit
      5  encores, que mort son père et li tolloit son hiretage;
         dont li rois de France l’avoit retenu et ja moult
         avancié et donné en carge et en gouvrenance grant
         fuison de gens d’armes. Encores en cel esté dont je
         parolle presentement, li avoit il delivrés bien trois mil
     10  combatans et envoiiet sus mer pour courir en Engleterre.
         De quoi li dis Yewains s’en estoit bien acquittés
         et loyaument, sicom je vous dirai. Quant il
         eut se carge de gens d’armes, ensi que ci est dit, il
         entra en mer en ses vaissiaus que li rois de France
     15  li avoit fait appareillier et pourveir ou havene de
         Harflues, et se departi et singla à plain voille devers
         Engleterre, et vint prendre terre en l’isle de Grenesée
         à l’encontre de Normendie, dou quel isle Aymons
         Rose, uns escuiers d’onneur dou roy d’Engleterre,
     20  estoit chapitainne. Quant il sceut que li François estoient
         là arrivet, les quelz Yewains de Galles menoit,
         si en eut grant mautalent et se mit tantost au devant,
         et fist son mandement parmi le dit isle, qui n’est mies
         grans, et assambla que de ses gens, que de chiaus dou
     25  dit isle, environ yaus huit cens, et s’en vint sus un
         certain pas combattre bien et hardiement le dit
         Yewain et ses gens, et là eut grant bataille et dure
         et qui longement dura. Finablement li Englès furent
         desconfi, et en y eut mors plus de trois cens sus le
     30  place. Et couvint le dit Aymon fuir, aultrement il
         euist esté mors ou pris, et se sauva à grant meschief,
         et s’en vint bouter en un chastiel qui siet à deus liewes
    [46] de là où la bataille avoit esté, que on appelle Cornet,
         qui est biaus et fors, et l’avoit li dis Aymons [en celle
         saison] fait bien pourveir de tout ce qu’il apertenoit à
         forterèce. Après celle desconfiture, li dis Yewains
      5  chevauça avant, et recueilla ses gens et entendi que
         Aymons s’estoit boutés ou chastiel de Cornet; si se
         traiy tantost celle part et y mist le siège, et l’environna
         de tous costés et y fist pluiseurs assaus. Mais li
         chastiaus est fors, et si estoit bien pourveus de bonne
     10  artellerie; se ne l’avoient mies li François à leur aise.

         Che siège pendant devant Cornet, avint li aventure
         de le prise le conte de Pennebruch et de monsigneur
         Guiçart d’Angle et des aultres devant le Rocelle, sicom
         ci dessus est contenu. De quoi li rois de France,
     15  quant il en oy les nouvelles, fu durement resjoïs, et
         entendi plus fort as besongnes de Poito que onques
         mès. Car il senti que assés legierement, se li Englès
         venoient encores un petit à leur desous, les cités et
         les bonnes villes se retourneroient. Si eut avis et
     20  conseil li dis rois, que en Poito, en Saintonge et en
         Rocellois il envoieroit pour celle raison son connestable
         et toutes gens d’armes, et feroit caudement les
         dessus dis pays guerriier par mer et par terre, entrues
         que li Englès et Poitevin n’avoient nul souverain
     25  chapitainne, car li pays gisoit en grant branle:
         pour coi il envoia ses messages et ses lettres au dit
         Yewain de Galles, qui se tenoit à siège devant Cornet,
         dou quel siège il savoit tout l’estat, et que li chastiaus
         estoit imprendables; et que, tantos ces lettres
     30  veues, il se partesist de là et deffesist son siège et
         entrast en mer en un vaissiel, qui ordonnés pour
         lui estoit, et s’en alast en Espagne devers le roy
    [47] Henri, pour impetrer et avoir barges et gallées et son
         amiral et gens d’armes, et de rechief venist mettre
         le siège par mer devant le Rocelle. Li dis Yewains,
         quant il oy les messages et le mandement dou roy,
      5  si obeï, ce fu raisons, et desfist son siège et donna
         à toutes gens congiet et leur presta navie pour retourner
         à Harflues. Et là endroit il entra en une grosse
         nef qui ordonée li estoit, et prist le chemin d’Espagne.
         Ensi se desfit li siège de Cornet.


     10  § 693. Vous devés savoir que li rois d’Engleterre
         fu moult courouciés, quant il sceut les nouvelles de
         l’armée qu’il envoioit en Poito, qui estoit ruée jus
         des Espagnolz: et ossi furent tout cil qui l’amoient,
         mès amender ne le peurent tant c’à ceste fois. Si imaginèrent
     15  tantost li sage homme d’Engleterre que li
         pays de Poito et de Saintonge se perderoit par cel
         afaire, et le remoustrèrent bien au roy et au duch
         de Lancastre. Si furent un grant temps sus cel estat
         que li contes de Sallebrin, atout cinc cens hommes
     20  d’armes et otant d’arciers, iroit celle part; mès comment
         qu’il fust consilliet et aviset, il n’en fu riens
         fait. Car il vinrent aultres nouvelles et aultres trettiés
         et consauls de Bretagne, qui tous chiaulz empecièrent.
         De quoi li dis rois se repenti de puis,
     25  quant il n’i peut mettre remède. Or avint que li
         Espagnol qui pris avoient le conte de Pennebruch et
         les aultres, dont li livres fait mention, eurent un petit
         de sejour sus mer par vent contraire et detriance
         plus d’un mois. Toutes fois il arrivèrent au port Saint
     30  Andrieu en Galisse, et entrèrent en le ville ensi que à
         heure de miedi; et là amenèrent en un hostel tous
    [48] leurs prisonniers loiiés, enkainnés et embuiés selonch
         leur usage. Aultre courtoisie ne scèvent li Espagnol
         faire, il sont sannable as Alemans.

         Ce propre jour au matin estoient là arivés en sa
      5  nef li dessus dit Yewains [de Galles] et se route, et
         très en cel hostel où dan Ferrant de Pyon et Cabesse
         de Vake avoient amené le conte de Pennebruch et
         ses chevaliers. Si fu dit ensi à Yewain là où il estoit
         en sa cambre: «Sire, venés veoir ces chevaliers d’Engleterre
     10  que nos gens ont pris; il enteront tantost
         cheens.» Yewains qui fu desirans dou veoir, pour
         savoir li quel c’estoient, passa oultre, et encontra en le
         sale de son hostel, à l’issue de sa cambre, le conte
         de Pennebruch. Bien le cogneut comment que il
     15  l’euist petit veu, se li dist en rampronnant: «Contes
         de Pennebruch, venés vous en ce pays, pour moy
         faire hommage de la terre que vous tenés en le princeté
         de Galles, dont je sui hoirs et que vos rois me
         tolt et oste par mauvais conseil.» Li contes de Pennebruch
     20  qui fu tous honteus, car il se veoit et sentoit
         prisonniers en estragne pays, et point ne cognissoit
         cel homme qui parloit son langage, respondi: «Qui
         estes vous, qui m’acueilliés de telz parolles?»--«Je
         sui Yewains, filz au prince Aymon de Galles, que
     25  vostres rois d’Engleterre, fist morir à tort et à pechié,
         et m’a deshireté, et quant je porai par l’ayde de mon
         très chier signeur, le roy de France, je y pourveray
         de remède. Et voeil bien que vous sachiés que, se je
         vous trouvoie en place ne en voie où je me peuisse
     30  combatre à vous, je vous remousteroie le loyauté
         que vous m’avés fait, et ossi li contes de Herfort et
         Edowars li Despensiers. Car par vos pères, avoech
    [49] aultres consilleurs, fu traïs à mort messires mes pères,
         dont il me doit bien desplaire, et l’amenderai quant
         je poray.» Adont salli avant messires Thumas de
         Saint Aubin, qui estoit chevaliers dou conte, et se
      5  hasta de parler, et dist: «Yewain, se vous volés
         dire et maintenir, que en monsigneur ait ne euist
         onques nulle lasqueté quelconques, ne en monsigneur
         son père, ne qu’il vous doie foy ne hommage, metés
         vostre gage avant, vous trouverés qui le levera.»
     10  Dont respondi Yewains, et dist: «Vous estes prisonnier,
         je ne puis avoir nulle honneur de vous appeller.
         Vous n’i estes point à vous, ançois estes à ceulz
         qui vous ont pris, et quant vous serés quittes de vo
         prison, je parlerai plus avant, car la cose ne demorra
     15  pas ensi.» Entre ces parolles, se boutèrent aucun
         chevalier et vaillant homme d’Espagne qui là estoient,
         et les departirent. De puis ne demora mies grant
         temps, que li quatre amiral dessus nommé amenèrent
         les prisonniers devers le cité de Burghes en Espagne,
     20  pour rendre au roy à qui il estoient, qui pour le temps
         se tenoit droit là. Quant li rois Henris sceut que li
         dessus dit venoient et approçoient Burghes, si envoia
         son fil ainné qui s’appelloit Jehan, et le quel on
         nommoit pour le temps l’enfant de Castille, à l’encontre
     25  des dessus dis, et grant fuison de chevaliers et
         d’escuiers pour yaus honnerer; car bien sçavoit li dis
         rois quel cose apertenoit à faire. Et il meismes les
         honnoura de parolle et de fait, quant il furent venu
         jusques à lui. Assés tost en ouvra li rois par ordenance,
     30  et furent espars en divers lieus parmi le
         royaume de Castille.


    [50] § 694. Nous retourrons as besongnes de Poito
         qui pour ce temps ne furent mies petites, et parlerons
         comment li chevalier Gascon et Englès qui, le
         jour Saint Jehan Baptiste, au soir, vinrent en le
      5  Rocelle, perseverèrent, ensi que cil qui moult courouciet
         furent de ce que le jour devant il n’estoient
         venu à le bataille et que il n’avoient trouvé à point
         les Espagnolz. Or eurent il entre yaus conseil et avis
         quel cose il feroient ne où il se trairoient, car ja se
     10  commençoient il à doulter de ceulz de le Rocelle.
         Si ordonnèrent et instituèrent monsigneur Jehan
         d’Evrues à estre seneschal de le Rocelle à trois cens
         armeures de fier, et le garder, et lui tenir ou chastiel
         de le Rocelle. Car tant qu’il en seroient signeur, cil de
     15  le ville ne s’oseroient reveler. Ceste ordenance faite,
         messires li captaus, qui estoit tous gouvrenères et
         chiés de ceste chevaucie, et messires Thumas de Persi,
         messires d’Agorisès, messires Richars de Pontchardon,
         messires li soudis, messires Berars de le Lande,
     20  et li aultre et leurs routes se departirent de le Rocelle
         et pooient estre environ quatre cens lances, et prisent
         le chemin de Subise; car là avoit Bretons qui tenoient
         eglises et petis fors et les avoient fortefiiés.
         Sitost que cil signeur et leurs gens furent là venu,
     25  il les boutèrent hors, et en delivrèrent le ditte marce.

         En ce temps tenoient les camps sus les marces
         d’Ango, d’Auvergne et de Berri, li connestables de
         France, li dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes
         d’Alençon, li daufins d’Auvergne, messires Loeis de
     30  Saussoirre, li sires de Cliçon, li sires de Laval, li
         viscontes de Roem, li sires de Biaumanoir, et grant
         fuison de baronnie de France, et estoient plus de
    [51] trois mil lances. Si chevaucièrent tant cil signeur qui
         se tenoient tout au connestable, que il entrèrent en
         Poito, où il tiroient à venir, et vinrent mettre le
         siège devant un chastiel qui s’appelle Montmorillon.
      5  Sitost que il furent là venu, il l’assallirent vistement
         et radement, et le conquisent de force, et furent mort
         tout cil qui dedens estoient; si le rafreschirent
         d’autres gens. Apriès il vinrent devant Chauvegni,
         qui siet sus le rivière de Cruese, et le assiegièrent et
     10  y furent deus jours. Au tierch, chil de Chauvegni se
         rendirent et furent pris à merchi. En apriès il
         chevaucièrent oultre et vinrent devant Leuzach, où il y
         a ville et chastiel; si se rendirent tantost sans yaus
         faire assallir. Et puis s’en vinrent devant le cité de
     15  Poitiers et jurent une nuit ens es vignes, de quoi cil
         de le cité estoient moult esbahi; et se doubtoient à
         avoir le siège, mès non eurent tant c’à celle fois; car
         il se partirent à l’endemain et se traïsent devant le
         chastiel de Montcontour, dont Jehans Cressuelle et
     20  David Holegrave estoient chapitainne. Et avoient
         desous yaus bien soissante compagnons preus et
         hardis, et qui moult avoient constraint le pays et le
         marce d’Ango et de Tourainne et ossi toutes les
         garnisons françoises; pour quoi li connestables dist
     25  que il n’entenderoit à aultre cose, si l’aroit.


         § 695. Tant esploitièrent li connestables de France,
         li dus de Bourbon, li contes d’Alencon, li sires de
         Cliçon, li viscontes de Rohen, li sires de Laval, li
         sires de Biaumanoir, li sires de Sulli, et tout li baron,
     30  li chevalier et leurs routes, que il vinrent devant
         Montcontour, un très biel chastiel à sis liewes de
    [52] Poitiers. Quant il furent là venu, si l’assegièrent de
         grant façon, et se misent tantost à l’assallir par bonne
         ordenance. Et pour ce que il avoit à l’environ des
         murs grans fossés et parfons, et qu’il ne pooient
      5  approcier les murs de plus priès, à leur aise et
         volenté, il envoiièrent querre et coper par les villains
         dou pays grant fuison de bois et d’arbres, et
         les fisent là amener et aporter à force de harnas et
         de corps et tout reverser ens es fossés, et jetter grant
     10  fuison d’estrain et de terre sus. Et eurent tout ce
         fait en quatre jours, tant que il pooient bien aler
         jusques au dit mur à leur aise. Et puis quant il
         eurent tout fait, si commencièrent à assallir de grant
         volenté et par bon esploit, et chil dou fort à yaus
     15  deffendre, car il leur besongnoit; et eurent un jour
         tout entier l’assaut où il rechurent moult de painne,
         et furent en grant aventure d’estre pris; mès il
         estoient là dedens tant de bonnes gens que ce
         Ve jour il n’eurent garde. Au VIe jour, li connestables
     20  et si Breton se ordenèrent et traïsent avant
         pour assallir plus fort que devant. Et s’en vinrent
         tous paveschiés, portans pilz et haviaus en leurs
         mains, et vinrent jusques as murs. Si commencièrent
         à ferir et à fraper et à traire hors pières et à
     25  pertuisier le dit murage en pluiseurs lieus, et tant
         fisent que li compagnon qui dedens estoient, se commencièrent
         à esbahir; nompourquant il se deffendoient
         si vaillamment que onques gens mieulz. Jehans
         Cressuelle et David Holegrave, qui chapitainne en
     30  estoient, imaginèrent le peril et comment messires
         Bertrans et si Breton les assalloient, et à ce qu’il
         moustroient, point de là ne partiroient, si les aroient,
    [53] et se de force estoient pris, il seroient tout mort, et
         veoient bien que nulz confors ne leur apparoit de
         nul costé; si entrèrent en trettiés pour yaus rendre,
         salve leurs corps et leurs biens. Li connestables qui
      5  ne voloit mies trop fouler ne grever ses gens, ne
         chiaus dou fort trop presser, pour tant que il estoient
         droites gens d’armes, entendi à ces trettiés et les
         laissa passer, parmi tant que il se partirent, salve
         leurs corps; mès nul de leurs biens il n’en portèrent,
     10  fors or et argent, [et les fist conduire jusques à Poitiers.
         Ainsi eut li connestables le chastel de Montcontour];
         si en prist le saisine et le fist remparer, et
         se tint illuec pour lui et ses gens refreschir, car il ne
         pooit encores savoir quel part il se trairoit, ou devant
     15  Poitiers, ou ailleurs.


         § 696. Quant cil de le cité de Poitiers sceurent
         ces nouvelles, que li connestables et li Breton avoient
         repris le chastiel de Montcontour, si furent plus
         esbahi que devant, et envoiièrent tantos leurs messages
     20  devers monsigneur Thumas de Persi, qui estoit
         leurs seneschaus et qui chevauçoit en le route et
         compagnie dou captal. Ançois que li dis messires
         Thumas en oïst nouvelles, messires Jehans d’Evrues,
         qui se tenoit ens ou chastiel de le Rocelle, en fu
     25  enfourmés, et li fu dit comment li connestables de
         France avoit ja jeu devant Poitiers et avisé le lieu.
         Et bien pensoient cil de Poitiers que il aroient le
         siège, et se n’i estoit point leurs seneschaus. Li dis
         seneschaus de le Rocelle, messires Jehans d’Evrues,
     30  ne mist mies ce en noncalloir, mès pour conforter et
         consillier chiaus de Poitiers, se parti de le Rocelle à
    [54] cinquante lances, et ordonna et institua à son departement
         un escuier qui s’appelloit Phelippot Mansiel,
         à estre chapitainne et gardiiens jusques à son retour
         dou dit chastiel de le Rocelle, et puis chevauça
      5  jusques à Poitiers, et s’i bouta, dont cil de le cité li
         sceurent grant gré. Or vinrent ces nouvelles à monsigneur
         Thumas de Persi, qui se tenoit en le route
         dou captal, de par ses bonnes gens de Poitiers qui li
         prioient que il se volsist retraire celle part, car il
     10  supposoient à avoir le siège, et ossi que il volsist
         venir fors assés, car li François estoient durement
         fort sus les camps. Messires Thumas, ces nouvelles
         oyes, les remoustra au captal pour savoir qu’il en
         vorroit dire. Li captaus eut sur ce avis et lui avisé,
     15  il n’eut mies conseil de rompre se chevaucie, mès
         donna congiet au dit monsigneur Thumas de partir
         à cinquante lances et à traire celle part. Dont se
         departi li dis messires Thumas et chevauça tant qu’il
         vint en le cité de Poitiers, où il fu recheus à grant
     20  joie des hommes de le ville qui moult le desiroient,
         et trouva là monsigneur Jehan d’Evrues; si se fisent
         grant feste et grant recueilloite. Tout cel estat et
         ceste ordenance sceut li connestables qui se tenoit
         encores à Montcontour, et comment cil de Poitiers
     25  estoient rafresci de bonnes gens d’armes. A ce dont
         li estoient venues nouvelles dou duch de Berri, qui
         se tenoit atout grant fuison de gens d’armes d’Auvergne,
         de Berri, de Bourgogne et de Limozin, sus
         les marces de Limozin, et voloit mettre le siège
     30  devant Sainte Sivière en Limozin, la quele ville et
         garnison estoit à monsigneur Jehan d’Evrues, et le
         gardoient de par lui messires Guillaumez de Persi,
    [55] Richars Gilles et Richars Holme, atout grant fuison
         de bons compagnons; et avoient courut tout le temps
         sus le pays d’Auvergne et de Limozin et fait y moult
         de damages et de destourbiers, pour quoi li dus de
      5  Berri se voloit traire celle part, et prioit au dit
         connestable que se il pooit nullement, que il volsist venir
         devers lui, pour aler devant le dit fort. Li connestables,
         qui moult imaginatis estoit, regarda que à
         present à lui traire ne ses gens devant Poitiers, il ne
     10  feroit riens; car la chités estoit grandement rafreschie
         de bonnes gens d’armes, et qu’il se trairoit
         devers le duch de Berri. Si se parti de Montcontour
         atout son host, quant il eut ordonné qui garderoit
         le forterèce dessus ditte. Et esploita tant que il vint
     15  devers le dit duch de Berri, qui li sceut grant gré de
         sa venue, et à tous le[s] barons et chevaliers ossi. Là
         eut grant gent d’armes, quant ces deus hos furent
         remis ensamble. Si esploita tant li dis dus de Berri et
         li connestables [en sa compaignie], que il vinrent
     20  devant Sainte Sivière et estoient bien quatre mil
         hommes d’armes. Si assegièrent la garnison et ceulz
         qui dedens estoient, et avoient bien pourpos qu’il
         ne s’en partiroient, si l’aroient. Quant cil signeur
         furent venu devant, il ne sejournèrent mies, mès
     25  commencièrent à assallir par yaus et par leurs gens,
         par grant ordenance; et messires Guillaumes de Persi
         et ses gens à yaus deffendre.

         Ces nouvelles vinrent en le cité de Poitiers à
         monsigneur Jehan d’Evrues, comment li dus de
     30  Berri, li dus de Bourbon, li dauffins d’Auvergne, li
         connestables de France, li sires de Cliçon, li viscontes
         de Roem et bien quatre mil hommes d’armes avoient
    [56] assegiet sa forterèce en Limozin et ses gens dedens;
         si n’en fu mies mains pensieus que devant, et en
         parla à monsigneur Thumas de Persi qui estoit presens
         au raport de ces nouvelles, et dist: «Messire
      5  Thumas, vous estes seneschaus de ce pays, et qui
         avés grant vois et grant poissance; je vous pri que
         vous entendés à vostre cousin et mes gens secourir,
         qui seront pris de force, se on ne les conforte.»
         --«Par ma foy», respondi messires Thumas, «j’en sui
     10  en grant volenté, et pour l’amour de vous, je me
         partirai de ci en vostre compagnie, et nous en irons
         parler à monsigneur le captal qui n’est pas lonch de
         ci, et mettrai grant painne à lui esmouvoir, afin que
         nous alons lever le siège et combatre les François.»
     15  Lors se departirent [de Poitiers] li dessus dit, et
         recommendèrent le cité en le garde dou maiieur de le
         ditte cité, qui s’appelloit Jehans Renaus, un bon et
         loyal homme. Si chevaucièrent tant li dessus dit, que
         il trouvèrent le captal sus les camps qui s’en aloit
     20  devers Saint Jehan l’Angelier. Adont li doi chevalier
         qui là estoient, li remoustrèrent comment li François
         avoient pris Montmorillon dalés Poitiers et ossi le
         fort chastiel de Montcontour, et se tenoient à siège
         devant Sainte Sivière qui estoit à monsigneur Jehan
     25  d’Evrues, à qui on devoit bien aucun grant service.
         Et encores dedens le dit fort estoient enclos et assis
         messires Guillaumes de Persi, Richars Gille et Richars
         Holme, qui ne faisoient mies à perdre. Li captaus
         pensa sus ces parolles un petit, et puis respondi et
     30  dist: «Signeur, quel cose vous semble il bon que
         j’en face?» A ce conseil furent appellé aucun chevalier
         qui là estoient. «Sire», respondirent li dessus dit,
    [57] «il y a grant temps que nous vous avons oy dire
         que vous desirés moult les François à combatre, et
         vous ne les poés trouver mieulz à point; si vous
         traiiés celle part et faites vostre mandement parmi
      5  Poito et Saintonge; encores y a gens assés pour combatre
         les François avoecques le grant volenté que
         nous en avons.»--«Par ma foy», respondi li captaus,
         «et je le voeil. Voirement ai jou ensi dit que
         je les desire à combatre; si les combaterons temprement,
     10  se il plaist à Dieu et à saint Jorge.» Tantos là sus
         les camps li dis captaus envoia lettres et messages par
         devers les barons, chevaliers et escuiers de Poito et
         de Saintonge, qui en leur compagnie n’estoient, et
         leur prioit et enjoindoit estroitement qu’il se presissent
     15  priès de venir au plus efforciement qu’il
         pooient, et leur donnoit place où on le trouveroit.
         Tout baron, chevalier et escuier, as quelz ces nouvelles
         vinrent et qui certefiiet et mandé en furent, se
         partirent sans point d’arrest, et se misent au chemin
     20  pour trouver le dit captal, cescuns au plus estoffeement
         qu’il peut. Là vinrent li sires de Partenay,
         messires Loeis de Harcourt, messires Huges de
         Vivone, messires Parchevaus de Coulongne, messires
         Aymeris de Rochewart, messires Jakemes de Surgières,
     25  messires Joffrois d’Argenton, li sires de Ponsances,
         li sires de Rousseillon, li sires de Crupegnach,
         messires Jehans d’Angle, messires Guillaumez de
         Monttendre et pluiseurs aultre. Et fisent tant qu’il se
         trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent logier, Englès,
     30  Poitevins, Gascons et Saintongiers, en l’abbeye
         de Charros sus les marces du Limozin; si se trouvèrent
         bien nuef cens lanches et cinc cens archiers.


    [58] § 697. Ces nouvelles vinrent en l’ost devant Sainte
         Sivière à monsigneur Bertran et as aultres signeurs
         que li Englès et li Poitevin et tout cil de leur alliance
         approçoient durement et venoient pour lever le siège.
      5  Quant li connestables entendi ce, il n’en fu de riens
         effraés, ains fist armer toutes manières de gens et
         commanda que cescuns traisist avant à l’assaut. A son
         commandement et ordenance ne volt nulz desobeïr,
         quelz sires qu’il fust. Si vinrent François et Breton
     10  devant le forterèce armé et paveschié de bonne
         manière, [et commenchèrent à assaillir de bonne volenté,
         chascuns sires dessous sa bannère] et entre ses
         gens. Si vous di que c’estoit grans biautés dou veoir
         et imaginer ces signeurs de France et le riche arroy
     15  et riche[sse] d’yaus. Car adont à cel assaut, il y eut
         par droit compte quarante et nuef banières et grant
         fusion de pennons. Et là estoient li dis connestables
         et messires Loeis de Saussoire mareschaus, cescuns
         ensi que il devoit estre, qui travilloient moult à esvigurer
     20  leurs gens pour assallir de plus grant [volenté
         et] corage. Là s’avançoient chevalier et escuier de
         toutes nations pour leur honneur accroistre et leurs
         corps avancier, qui y faisoient merveilles d’armes. Car
         li pluiseur passoient tout parmi les fossés qui estoient
     25  plain d’aigue, et s’en venoient les targes sus leurs
         testes jusques au mur. Et en celle apertise pour cose
         que cil d’amont jettoient, point ne reculoient, mès
         aloient toutdis avant. Et là estoient sus les fossés li
         dus de Berri, li dus de Bourbon, li contes d’Alençon, li
     30  dauffins d’Auvergne et les grans signeurs qui amonnestoient
         leurs gens de bien faire et pour la cause des
         signeurs, qui les regardoient, s’avançoient li compagnon
    [59] plus volentiers, et ne ressongnoient mort ne
         peril. Messires Guillaumez de Persi et li doi escuier
         d’onneur qui chapitainne estoient de le forterèce,
         regardèrent comment on les assalloit de grant volenté, et
      5  que cilz assaulz point ne se refroidoit ne cessoit, et que,
         à ensi continuer il ne se poroient tenir, et se ne lor
         apparoit confors de nul costé, si com il supposoient.
         Car se il sceuissent comment leurs gens estoient à
         mains de dis liewes d’yaus, il se fuissent encore reconforté
     10  et à bonne cause. Car bien se fuissent tenu tant
         que il en euissent oy nouvelles, mès point n’en savoient.
         Pour tant entrèrent il en trettiet devers le
         [dit] connestable pour eskiewer plus grant dangier.
         Messires Bertrans qui estoit tous enfourmés que,
     15  dedens le soir, il oroit nouvelles des Englès et des
         Poitevins, car il chevauçoient, entendi à leurs trettiés
         volentiers, et les prist salves leurs vies, et se saisi de
         le forterèce dont il fist grant feste. Apriès tout che,
         il fist toutes ses gens traire sus les camps et mettre en
     20  ordenance de bataille, ensi que pour tantost combattre;
         et leur dist et fist dire: «Signeur, avisés
         vous, car li anemi approcent, et esperons encore
         anuit à estre combatu.» Ensi se tinrent il de puis
         heure de haute tierce que la forterèce fu rendue
     25  jusques au bas vespre tout rengié et ordonné sus les
         camps au dehors de Sainte Sivière, attendans les
         Englès et les Poitevins, dont il cuidoient estre combatu.
         Et voirement l’euissent il esté sans nulle faute;
         mès nouvelles vinrent au captal et à monsigneur
     30  Thumas de Persi et à monsigneur Jehan d’Evrues
         que Sainte Sivière estoit rendue. De ceste avenue
         furent li signeur et li compagnon tout courouciet; si
    [60] disent et jurèrent là li signeur entre yaus que jamès en
         forterèce qui fust en Poito il n’enteroient, si aroient
         combatu les François [et ruet jus].


         § 698. Ce terme pendant et ceste chevaucie faisant,
      5  chil de Poitiers escheïrent en grant discention
         et rebellion l’un contre l’autre. Car li communaulté
         et les eglises et aucun riche homme de le ville se voloient
         tourner françois. Jehans Renaus, qui maires en
         estoit, et tout li officiier dou prince et aucun aultre
     10  grant riche homme ne s’i voloient nullement acorder:
         pour quoi il en furent en tel estri que priès sus le
         combatre. Et mandèrent cil qui le plus grant acord
         avoient secretement devers le connestable que, se il se
         voloit avancier et venir si fors que pour prendre le
     15  saisine de Poitiers, on li renderoit le ville. Quant li
         connestables, qui se tenoit en Limozin, oy ces nouvelles,
         si s’en descouvri au duch de Berri et au duch
         de Bourbon, et leur dist: «Mi signeur, ensi me
         mandent cil de Poitiers. A Dieu le veu, je me trairai
     20  celle part atout trois cens lances, et verai quel cose il
         vorront faire; et vous demorrés sus ce pays et ferés
         frontière as Englès. Se je puis esploitier, il n’i revenront
         jamès à temps.» A ceste ordenance s’acordèrent
         bien li dessus dit signeur. Lors se parti secretement
     25  li dis connestables et prist trois cens lances de
         com[pa]gnons d’eslitte tous bien montés, et ossi il le
         couvenoit; car, sus demi jour et sus une nuit, il avoient
         bien à chevaucier trente liewes, car il ne pooient mies
         aler le droit chemin, qu’il ne fuissent sceu et aperceu.
     30  Si chevauça li dis connestables et se route, à
         grant esploit, par bois, par bruières et par divers
    [61] chemins et par pays inhabitable, et se uns chevaus
         des leurs se recrandesist, il ne l’attendoient point.

         Li maires de le cité de Poitiers, qui soupeçonnoit
         bien tout cel afaire, envoia secretement un message
      5  devers monsigneur Thumas de Persi, son mestre,
         qui estoit en le compagnie dou captal, et li dist li
         varlès, quant il vint à lui: «Sire, mon mestre
         vous segnefie que vous aiiés avis, car il besongne,
         et vous hastés de retourner en Poitiers, car il sont
     10  en grant discention l’un contre l’autre, et se
         voellent les cinc pars de le ville tourner françois, et
         ja en a estet li maires vos varlès en grant peril
         d’estre occis. Encores, ne sçai je se vous y porés venir
         à temps; car mon mestre fait doubte que il
     15  n’aient mandé le seneschal.» Quant li seneschal
         de Poito entendi che, qui bien congnissoit le
         varlet, si fu trop durement esmervilliés, et nompourquant
         il le crei bien de toutes ses parolles, car il
         sentoit assés le corage de chiaus de Poitiers; si recorda
     20  tout ce au captal. Dont dist li captaus:
         «Messires Thumas, vous ne vos partirés pas de
         moy; vous estes li uns des plus grans de nostre
         route ou cilz où j’ay plus grant fiance d’avoir
         bon conseil, mès nous y envoierons.» Respondi
     25  messires Thumas: «Sire, à votre ordenance en
         soit.» Là fu ordonnés messires Jehans d’Angle et
         sevrés des aultres, et li fu dit: «Messire Jehan,
         prendés cent lances des nostres, et chevauciés hasteement
         vers Poitiers, et vous boutés dedens le ville et
     30  ne vous en partés jusques à tant que nous vous remanderons
         sus certainnes ensengnes.» Messires
         Jehans d’Angle obeï tantost; on li delivra sus les
    [62] camps cent lances, qui se dessevrèrent des autres: si
         chevaucièrent quoiteusement devers Poitiers; mès
         onques ne se peurent tant haster que li connestables
         de France ne venist devant et trouva les portes ouvertes,
      5  et le recueillièrent à grant joie et toutes ses
         gens. Ja estoit li dis messires Jehans d’Angle et se
         route à une petite liewe de Poitiers, quant ces nouvelles
         li vinrent, qu’il n’avoit que faire plus avant, se
         il ne se voloit perdre; car li connestables et bien
     10  trois cens lances estoient dedens Poitiers. De ces parolles
         fu moult courrouciés li dis messires Jehans, ce
         fu bien raisons; comment que il ne les peuist amender,
         si tourna sus frain et tout chil ossi qui avoech
         lui estoient. Si retournèrent arrière dont il estoient
     15  parti, et chevaucièrent tant que il trouvèrent le captal
         et monsigneur Thumas et les aultres; si leur compta
         li dis messires Jehans l’aventure, comment elle aloit
         et dou connestable qui s’estoit boutés en Poitiers.


         § 699. Quant li Gascon, li Englès et li Poitevin
     20  qui là estoient tout ensamble d’un acord et d’une
         alliance, entendirent ces nouvelles, si furent plus
         esmervilliet et esbahi que devant, et n’i eut baron
         [ne] chevalier qui ne fust durement pensieus et courouchiés,
         et bien y avoit cause, car il veoient les coses
     25  aler diversement. Si disent li Poitevin pour les Gascons
         et Englès reconforter: «Signeur, sachiés de verité
         que il nous desplaist grandement des coses qui
         ensi vont en ce pays, se conseil ou remede y poions
         mettre. Et regardés entre vous quel cose vous volés
     30  que nous façons, nous le ferons ne ja en nous vous
         ne trouverés nulle lasqueté.»--«Certainnement,
    [63] signeur,» ce respondirent li Englès, «nous vous en
         creons bien, et nous ne sons pas pensieu sur vous ne
         sus vostre estat et afaire, fors sus le infortuneté de
         nous; car toutes les coses nous viennent à rebous.
      5  Si nous fault avoir sur ce avis et conseil comment à
         nostre honneur nous en porons perseverer.» Là regardèrent
         par grant deliberation de conseil et pour
         le milleur, que ce seroit bon que li Poitevin fesissent
         leur route à par yaus, et li Englès le leur, et li Gascons
     10  le leur et se retraisissent en leurs garnisons, et
         quand il vorroient chevaucier et il veroient bien où
         à emploiier leur chevaucie, il le segnefieroient l’un à
         l’autre, et il se trouveroient apparilliet. Ceste ordenance
         fu tenue et se departirent moult amiablement
     15  li un de l’autre, et prisent li dit Poitevin le chemin
         de Touwars, et li Gascon le chemin de Saint Jehan
         l’Angelier, et li Englès le chemin de Niorth. Ensi se
         desrompi ceste chevaucie.

         Li Englès qui chevauçoient tout ensamble, quant
     20  il cuidièrent entrer en le ville de Niorth, on leur cloy
         les portes, et leur disent li villain de le ville que
         point là il n’enteroient et qu’il alaissent d’autre part.
         Or furent li Englès plus courouchié que devant, et
         disent que ceste rebellion contre telz villains ne faisoit
     25  mies à souffrir. Si se appareillièrent tantost et
         misent en ordenance pour assallir et assallirent de
         grant corage; et cil de le ville se deffendirent à leur
         pooir. Là eut grant assaut et dur, et qui se tint une
         longe espasse; mès finablement chil de Niorth ne les
     30  peurent souffrir, car il n’avoient nul gentil homme,
         dont il fuissent conforté et consillié. Et se il se peuissent
         estre tenu jusques au vespre, il euissent esté
    [64] secouru et conforté dou connestable, en quel istance il
         s’estoient clos contre li Englès. Mès li dit Englès le
         assallirent si virtueusement et de si grant volenté que
         de force il rompirent les murs et entrèrent ens et
      5  occirent le plus grant partie des hommes de le ville,
         et puis le coururent et pillièrent toute sans nul deport,
         et se tinrent là jusques à tant qu’il oïrent autres
         nouvelles.


         § 700. Vous avés bien chi dessus oy recorder comment
     10  Yewains de Galles à l’ordenance et commandement
         dou roy de France ala en Espagne parler au roy
         Henri pour impetrer une partie de se navie. Li rois
         Henris ne l’euist jamais refusé ne escondi au roy de
         France, mès fu tous joians quant il peut envoiier. Si
     15  ordonna son mestre amiral dan Radigo de Rous à
         estre patrons, avoech le dessus dit Yewain, de toute
         ceste armée. Si se partirent dou port de Saint Andrieu
         en Galisse, quant la navie fu toute preste à quarante
         grosses nefs, huit galées et trese barges, toutes fretées
     20  et appareillies et cargies de gens d’armes. Si singlèrent
         tant par mer sans avoir empeecement ne vent
         contraire, qu’il arrivèrent devant le ville de le Rocelle,
         où il tendoient à venir et ancrèrent tout par
         devant, et s’i ordonnèrent et establirent par manière
     25  de siège. Cil de le Rocelle, quant il veirent celle grosse
         flotte là des Espagnolz venue, furent durement esbahi;
         car il n’avoient point apris à estre assegié si
         poissamment par mer ne de telz gens. Toutes fois quel
         samblant que toute la saison il euissent moustré as
     30  Englès, il avoient le corage tout bon françois, mès il
         s’en dissimuloient ce qu’il pooient, et se fuissent ja
    [65] trés volentiers tourné françois, se il osassent; mais
         tant que li chastiaus fust en le main des Englès, il ne
         pooient, se il ne se mettoient en aventure d’estre tout
         destruit. Quant cil de le Rocelle veirent que c’estoit
      5  tout acertes que on les avoit assegiés, si y pourveirent
         couvertement de conseil et de remède; car il trettièrent
         secretement devers Yewain de Gallez et dan
         Radigo de Rous trettiés amiables par composition
         tele que il voloient bien estre assegiet, mais il ne devoient
     10  riens fourfaire l’un sus l’autre; si se tinrent en
         tel estat un terme.

         Li connestables de France, qui se tenoit en le cité
         de Poitiers à tout grant fuison de gens d’armes, envoia
         monsigneur Renault, signeur de Pons, en Poito, devant
     15  le chastiel de Subize, qui siet sus le Charente à
         l’emboukure de le mer, et ordonna desous le dessus
         dit bien trois cens lances, dont la plus grant partie
         estoient Breton et Pikart. Et y furent envoiiet doi escuier
         Breton vaillant homme durement, Thiebaus
     20  dou Pont et Alyot de Chalay. Si vinrent ces gens
         d’armes mettre le siège devant le dit chastiel de Subize,
         et le assegièrent à l’un des lés et ne mies partout. Dedens
         le forterèce n’avoit que une seule dame veve
         sans marit, qui s’appelloit la dame de Subize, et pour
     25  se loyauté tenir, elle demoroit Englesce; si estoit là
         aseulée entre ses gens, et ne cuidoit mies avoir le
         siège si soudainnement que elle l’eut. Quant elle vei
         que ce fu acertes et que li sires de Pons et li Breton
         le cuvrioient telement, si envoia devers monsigneur
     30  le captal de Beus qui se tenoit en garnison en le ville
         de Saint Jehan l’Angelier, en lui priant humlement et
         doucement que il volsist entendre à lui conforter;
    [66] car li sires de Pons et Thiebaus dou Pont Breton et
         environ trois cens armeures de fier, l’avoient assegiet
         et le constraindoient durement. Li captaus de Beus,
         comme courtois et vaillans chevaliers, et qui tous
      5  jours fu enclins et en grant volenté de conforter
         dames et damoiselles, en quel parti que elles fuissent,
         ensi que tout noble et gentil homme de sanch doivent
         estre, et sicom il reconforta et aida jadis, et se mist
         en grant peril ou marchiet à Miaus contre les
     10  Jakebonhommes, pour la royne de France qui lors estoit
         ducoise de Normendie, respondi as messages, qui ces
         nouvelles li aportèrent: «Retournés devers la dame
         de Subize, et li dittes de par moy que elle se conforte,
         car je n’entenderai à aultre cose, si l’arai secourue
     15  et levet le siège; et me recommendés à lui
         plus de cent fois.» Li message furent moult liet de
         ceste response, et retournèrent à Subise devers leur
         dame, qui ossi en ot grant joie. Li captaus de Beus ne
         mist mies en noncalloir ceste emprise, mès envoia
     20  tantost devers le capitainne de Saintes, monsigneur
         Guillaume de Ferintonne et manda monsigneur Henri
         Haie, senescal d’Angouloime, monsigneur Renault,
         signeur de Maruel, neveut à monsigneur Raymon,
         et à Niort monsigneur Thumas de Persi, Jehan
     25  Cressuelle et David Holegrave; et à Luzegnan monsigneur
         Petiton de Courton, monsigneur Gautier
         Huet, et monsigneur Meurisse Wis et pluiseurs
         aultres. Et s’assamblèrent tout ces gens d’armes en
         le ville de Saint Jehan. Tout ce couvenant et ceste
     30  ordenance sceut bien par ses espies, qu’il avoit alant
         et venant, Yewains de Galles, qui se tenoit devant le
         Rocelle et ossi le siège dou signeur de Pons qu’il
    [67] avoit mis et tenoit devant Subize. Si imagina li dis
         Yewains, qui fu uns moult apers et vaillans homs
         d’armes, que ceste assamblée dou captal se faisoit
         pour lever le siège et ruer jus le signeur de Pons et
      5  se route. Si s’apensa que il y pourveroit de remède,
         se il pooit. Si pria tous les milleurs hommes d’armes
         de sa navie par election, et les trouva [si] appareilliés
         et obeïssans à sa volenté, et fist son fet secretement
         et eut environ quatre cens armeures de fier;
     10  si les fist tous entrer par ordenance ens es treise barges
         qu’il avoit amenet d’Espagne, et se mist en l’une, et
         puis nagièrent et rimèrent tant li notonnier, que il
         vinrent en l’emboukure de le Charente à l’opposite
         dou chastiel de Subize, sans ce que li sires de Pons
     15  ne la dame de Subize en seuissent riens, et là se tinrent
         tout quoi à l’ancre sus la ditte rivière.


         § 701. Li captaus, qui se tenoit à Saint Jehan l’Angelier
         et qui avoit fait son mandement de quatre
         cens hommes, et de plus fu enfourmés ains son departement
     20  que li sires de Pons en toute somme n’avoit
         devant Subise non plus de cent lances, si crut ceste
         information trop legierement, dont il en fu decheus
         et renvoia le droite moitié de ses gens pour garder
         leurs forterèces, et se parti de Saint Jehan atout
     25  deus cens lances, tous des milleurs à son avis. Et
         chevauça tant ce jour que sus le nuit il vint assés
         priès de l’ost as François, qui riens ne savoient de sa
         venue, et descendi en un bosket et fist toutes ses gens
         descendre: si restraindirent leurs armeures et rechenglèrent
     30  leurs chevaus, et puis montèrent sans faire
         nul effroi. Et chevaucièrent tout quoiement tant que
    [68] il vinrent ou logeis dou signeur de Pons et des
         Bretons, qui se tenoient tout asseguret, et ja estoit
         moult tart. Evous monsigneur le captal et se route,
         qui entrent sans dire mot ne faire trop grant noise
      5  en ces logeis, et commencent à ruer par terre tentes
         et trés et foelliès et à abatre gens, occire et decoper
         et à prendre. Là furent pris li sires de Pons, Thiebaus
         dou Pont, Alyos de Chalay et tout chil qui là
         estoient mort ou pris. Et en furent li Englès si mestre
     10  et si signeur, que tout fu leur pour ceste heure.
         Yewains de Galles qui estoit à l’autre part à l’encontre
         de celle host oultre le rivière derrière le dit
         chastiel, tous pourveus et avisés quel cose il devoit
         faire et qui bien savoit le venue dou dit captal, avoit
     15  pris terre et toutes ses gens ossi, qui bien estoient
         quatre cens combatans. Et là estoient messires
         Jakemes de Montmore et Morelès, ses frères. Et portoient
         ces gens d’armes grant fuison de fallos et de
         tortis tous alumés, et s’en vinrent par derrière les
     20  logeis, où cil Englès se tenoient, qui cuidoient avoir
         tout fait et tenoient leurs prisonniers dalés yaus ensi
         que pour tous assegurés. Evous le dit Yewain et se
         route, qui estoit forte et espesse et en grant volenté
         de bien faire le besongne, et entrent en ces logeis,
     25  les espées toutes nues, et commencent à escriier leurs
         cris et à occire et decoper gens d’armes et ruer par
         terre et prendre et fiancier prisonniers et à delivrer
         chiaus qui pris estoient. Que vous feroi je lonch
         compte? Là fu pris li captaus de Beus d’un escuier
     30  de Pikardie, qui s’appelloit Pières Danviller, apert
         homme d’armes durement desous le pennon Yewain.
         Là furent telement espars et ruet par terre li Englès
    [69] que il ne se peurent ravoir ne desfendre, et furent
         tout li prisonnier françois rescous. Li sires de Pons
         premierement, qui en fu très ewireus et au quel li
         aventure fu plus belle qu’à nulz des aultres; car se li
      5  Englès l’euissent tenu jamais, il n’euist veu sa delivrance.
         Là furent pris messires Henris Haie, messires
         Meurisses Wis et pluiseur aultre chevalier et escuier,
         et ossi li seneschaus de Poito, messires Thumas de
         Persi; et le prist uns prestres de Galles, chapellains
     10  dou dit Yewain, qui s’appelloit messires David House.
         Là furent priès que tout pris et mort, et se sauvèrent
         à grant meschief messires Gautiers Huès, messires
         Guillaumes de Ferrintonne et messires Petiton de
         Courton et Jehan Cressuelle, qui afuirent vers le forterèce
     15  par une estragne voie, ensi que uns varlès les
         mena, qui savoit le couvine de laiens, les entrées et
         les issues. Si furent recueilliet de la dame de Subise
         par une fausse porte, et leur jetta on une plance par
         où il entrèrent en leur forterèce. Si recordèrent à la
     20  ditte dame de Subise leur aventure et comment il
         leur estoit mesavenu par povre soing. De ces nouvelles
         fu la dame toute desconfortée, et vei bien que
         rendre le couvenoit et venir en l’obeïssance dou roy
         de France.


     25  § 702. Ceste nuit fu tantost passée, car c’estoit en
         temps d’esté, ou mois d’aoust, mais pour ce que il
         faisoit noir et brun, la lune estoit en decours. Si se
         tinrent li François et cil de leur costé tout liet et
         grandement reconforté, et bien y avoit cause; car il
     30  leur estoit avenu une très belle aventure que pris le
         captal de Beus, le plus renommé chevalier de toute
    [70] Gascongne et que li François redoubtoient le plus
         pour ses hautainnes emprises. De ceste avenue et
         achievement eut Yewains de Galles grant grasce.
         Quant ce vint à l’endemain dont la besongne avoit
      5  estet le nuit, li dis Yewains et cil qui prisonniers
         avoient, les fisent mener pour tous perilz eschiewer en
         leur aultre navie devant le Rocelle, car envis les
         euissent perdus; et puis s’en vinrent rengié et ordonné
         devant le chastiel de Subise. Et mandèrent en leur
     10  navie encores grant fuison de Genevois et arbalestriers;
         si fisent grant samblant d’assallir la forterèce,
         et s’en misent en bon arroi. La dame de Subise qui
         veoit tout son confort mort et pris, dont moult li
         anoioit, demanda conseil as chevaliers, qui là dedens
     15  estoient retrait à sauveté, monsigneur Gautier Huet,
         et monsigneur Guillaume de Ferrintonne et monsigneur
         Petiton de Courton. Li chevalier li respondirent:
         «Dame, nous savons bien que à le longe vous
         ne vous poés tenir; et nous sommes cheens enclos;
     20  si n’en poons partir fors par le dangier des François.
         Nous traitterons devers yaus que nous partirons
         sauvement sus le conduit le signeur de Pons;
         et vous demorrés en l’obeïssance dou roy de France.»
         La dame respondi: «Diex y ait part, puis que il
     25  ne poet estre autrement.» Adont li troi chevalier
         dessus nommet envoiièrent un hiraut des leurs hors
         dou chastiel parler à Yewain de Galles et au signeur
         de Pons, qui estoient tout appareilliet et leurs gens
         pour assallir. Li dessus dit entendirent à ces trettiés
     30  volentiers et eurent grasce de partir tout li Englès
         qui dedens le fort estoient et de retraire par saufconduit
         là où mieus leur plaisoit, fust en Poito ou
    [71] en Saintonge; si se partirent sans plus attendre.
         Et la dame de Subize, ses chastiaus et toute sa terre,
         demora en l’obeïssance dou roy de France. Et li
         dis Yewains [de Galles] se retray en se navie devant
      5  le Rocelle qu’il tenoit pour assegie, quoi que compositions
         fust entre li et chiaus de le ville, que
         point ne devoient grever l’un l’autre. Et tint toutdis
         monsigneur le captal dalés lui, ne point n’avoit volenté
         d’envoiier en France devers le roy jusques à
     10  tant qu’il oroit aultres nouvelles.


         § 703. Vous devés savoir que se li rois d’Engleterre
         et li Englès furent courouciet de le prise le
         captal de Beus, li rois de France et li François en
         furent moult resjoy et en tinrent leur guerre à plus
     15  belle, et à plus foible le poissance des Englès. Tantost
         apriès ceste avenue, li sires de Pons, li sires de Cliçon,
         li viscontes de Roem, li sires de Laval, li sires de
         Biaumanoir, Thiebaus dou Pont, Alyot de Calay et
         une grande route de Bretons et de Poitevins d’une
     20  alliance, qui bien estoient cinc cens hommes d’armes,
         chevaucièrent caudement par devers Saint Jehan
         l’Angelier, dont li captaus avoit estet chapitainne,
         et esploitièrent tant que il vinrent devant et fisent
         grant samblant de l’assallir. Cil de Saint Jehan furent
     25  tout esbahi de leur venue, car il n’avoient nul gentil
         homme, qui les consillast, et si veoient leur chapitainne
         pris, et le plus grant partie des Englès; et ne
         leur apparoit confors de nul costé. Si se rendirent et
         ouvrirent leurs portes as dessus dis, parmi tant que
     30  on ne leur devoit nul mal faire. De ce leur tint on
         bien couvent. Et il jurèrent foy et seurté et toute
    [72] obeïssance de ce jour en avant à tenir au roy de
         France. Quant il eurent ce fait, il s’en partirent et
         chevaucièrent ossi caudement par devers le cité d’Angouloime,
         qui est belle et forte, et y apent uns biaus
      5  chastiaus; mais il avoient perdu leur seneschal, monsigneur
         Henri Haie, et n’estoit là dedens de le partie
         des Englès, qui les consillast ne confortast. Si furent
         si esbahi, quant li sires de Cliçon et li sires de Pons et
         li dessus dit approcièrent leur cité, que il n’eurent
     10  nulle volenté d’yaus tenir, et entrèrent en trettiés
         devers les dis François; et les aida à faire li sires de
         Pons, pour tant qu’il y avoit plus grant fiance que
         ens es Bretons. Si jurèrent feaulté et obeïssance au
         roy de France; et entrèrent li Breton dedens le ditte
     15  cité, et là se rafreschirent par un jour, et l’endemain
         s’en partirent; si chevaucièrent viers Taillebourch,
         sus le rivière de Charente, qui se tourna françoise
         ossi. Et puis chevaucièrent devers le cité de Saintes
         en Poito, où messires Guillaumez de Ferrintonne,
     20  seneschaus de Saintonge, estoit retrais, li quelz dist
         qu’il ne se renderoit mies si legierement, et fist clore
         la cité et toutes manières de gens aler à leurs deffenses,
         fust envis ou volenté. Quant li Breton veirent
         ce, si se ordonnèrent et apparillièrent de grant
     25  manière et commencièrent à assallir la ditte cité de
         Saintes, et cil dedens à yaus deffendre par le conseil
         dou dit monsigneur Guillaume et de ses gens, qui
         pooient estre environ soissante armeures de fier. Et
         y eut un jour tout entier grant assaut, mès riens n’i
     30  perdirent. Si se retraisent au soir li Breton tout las
         et travilliet en manechant durement chiaus de le ville,
         et leur disent au partir: «Folle gent, vous vos tenés
    [73] et cloés contre nous, et si ne poés durer que nous
         ne vous aions. Et quant vous serés pris de force,
         vostre ville sera toute courue et reubée et arse, et
         serés tout mort sans merci.» Ces parolles entendirent
      5  bien aucun homme de le ville, si les notèrent
         grandement et les segnefiièrent à l’evesque dou lieu,
         qui en fist grant compte, et leur dist: «Se il avient
         ensi que li Breton vous prommettent, vous n’en arés
         mies mains: par le oppinion de monsigneur Guillaume
     10  porions nous estre tout perdu sans nul recouvrier.»
         Lors demandèrent cil de le cité à l’evesque
         conseil, comment il poroient ouvrer pour le mieulz
         sus cel estat. Li evesques leur dist, qui desiroit à estre
         françois: «Prendés monsigneur Guillaume de Ferrintonne
     15  et les plus notables de conseil, et les mettés
         en prison, ou dittes que vous les occirés, se il ne
         s’acordent à rendre le cité.» Ensi que li dis evesques
         le consilla, fu fait. De nuit cil de Saintes prisent de
         force leur senescal à son hostel et huit de ses escuiers,
     20  et leur disent: «Signeur, nous ne nos sentons mies
         fort assés pour nous tenir contre le poissance de ces
         Bretons, car encores doient il i estre de matin
         rafreschi de nouvelles gens de par le connestable
         qui se tient à Poitiers. Si volons que vous rendés
     25  ceste cité ançois que nous y recevons plus grant
         damage, ou briefment nous vous occirons.» Messires
         Guillaumes et si compagnon veirent bien que deffence
         n’i valoit riens; si leur dist: «Signeur, je vous lairai
         couvenir, puis que ensi est que vous avés volenté
     30  de vous rendre, mès mettés nous hors de vostres
         trettiés, si ferés courtoisie et vous en sarons gré»; et
         chil respondirent: «Volentiers.»


    [74] § 704. Quant ce vint l’endemain au matin, li sires
         de Cliçon, li sires de Pons, li viscontes de Rohem, et
         li baron qui là estoient fisent sonner leurs trompètes
         pour assallir et armer et appareillier toutes gens et
      5  traire avant et mettre en ordenance d’assaut. Evous
         autres nouvelles qui leur vinrent envoiies de par
         chiaus de Saintes. A ces trettiés entendirent li signeur
         de l’ost pour tant que ce leur sambloit honneurs de
         conquerre une tele cité que Saintes est, et mettre en
     10  l’obeïssance dou roy de France, sans travillier ni blechier
         leurs gens, qui leur estoit grans pourfis. Et ossi
         il tiroient toutdis à chevaucier avant. Si furent cil
         trettié oy, retenu et acordé; et se departirent messires
         Guillaumes de Ferintonne et ses gens sauvement
     15  sus le conduit le signeur de Pons, qui fist les
         dis Englès conduire jusques en le cité de Bourdiaus.
         Ensi eurent li François la bonne cité de Saintes, et
         en prisent le feauté et l’ommage; et jurèrent li homme
         de le ville à estre bon et loyal françois de ce jour en
     20  avant. Et puis s’en partirent, quant il s’i furent rafreschi
         trois jours, et chevaucièrent devant Pons, qui
         se tenoit encores englesce, quoi que li sires fust françois,
         et en estoit chapitainne messires Aymenions de
         Bourch.

     25  Mais quant chil de le ville se veirent ensi enclos de
         tous lés des François, et que cil de Poitiers, de Saintes
         et de Saint Jehan l’Angelier s’estoient rendu et tourné
         françois et que li dit Englès perdoient tous les jours,
         et que li captaus estoit pris, par le quel toutes recouvrances
     30  se peuissent estre faites, il n’eurent nulle
         volenté d’yaus tenir; mais se rendirent par composition
         que tout chil qui le opinion des Englès voloient
    [75] [tenir et] soustenir, se pooient partir sans damage et
         sans peril, et avoient conduit jusques à Bourdiaus.
         Si se parti sus cel estat messires Aymenions, qui
         l’avoit gardée plus d’an et demi, et avoech lui toute
      5  se route, et se traist à Bourdiaus, [et li sire de Pons
         entra] en sa ville, où il fut recheus à grant joie. Et
         là fist on grans dons et biaus presens, afin que il leur
         pardonnast son mautalent, car il avoit dit et juret
         en devant que il en feroit plus de soissante de ses
     10  gens meismes trenchier les testes; et pour celle
         doubte s’estoient il tenu si longement. Mais anchois
         que il y peuist entrer ne que il vosissent ouvrir leurs
         portes, il leur quitta et pardonna tout à le priière
         dou signeur de Cliçon et des barons, qui estoient
     15  en se compagnie. Or parlerons nous de chiaus de le
         Rocelle.


         § 705. Chil de le Rocelle estoient en trettiés couvers
         et secrés devers Yewain de Galles, qui les avoit
         assegiés par mer, sicom chi dessus vous avés oy, et
     20  ossi devers le connestable de France qui se tenoit à
         Poitiers, mès il n’en osoient nulz descouvrir; car
         encores estoit li chastiaus en le possession des Englès,
         et sans le chastiel il ne s’osassent nullement
         tourner françois. Quant messires Jehans d’Evrues, sicom
     25  chi dessus est recordé, s’en parti pour conforter
         de tous poins chiaus de Poitiers, il y establi un
         escuier à garde, qui s’appelloit Phelippot Mansiel, qui
         n’estoit mies trop soutieulz; et demorèrent avoech
         lui environ soissante compagnons. En ce temps avoit
     30  en le ville de le Rocelle un maieur durement agu et
         soubtil en toutes ses coses et bon François de corage,
    [76] sicom il le moustra. Car quant il vei que poins fu,
         il ouvra de sa soutilleté, et ja s’en estoit descouvers à
         pluiseurs bourgois de le ville, qui estoient tout de
         son acord. Bien sçavoit li dis maires, qui s’appelloit
      5  sire Jehan [Cauderier], que cilz Phelippos, qui estoit
         gardiiens dou chastiel, comment qu’il fust bons
         homs d’armes, n’estoit mies trop soubtieulz ne perchevans
         sus nul malisce; si le pria un jour de disner
         dalés lui, et aucuns bourgois de le ville. Chilz Phelippos
     10  qui n’i pensoit que tout bien, li acorda et y
         vint. Anchois que on s’assesist au disner, sire Jehans
         [Cauderier], qui estoit tous pourveus de son fait et
         qui enfourmé en avoit ses compagnons, dist à Phelippot:
         «Chastelains, j’ay recheu de puis hier unes
     15  lettres de par nostre chier signeur le roy d’Engleterre,
         qui bien vous touchent.»--«Et queles sont
         elles?» dist cilz. Respondi li maires: «Je les vous
         mousterai et ferai lire en vostre presence, car c’est
         bien raisons.» Adont ala il en un coffre et prist une
     20  lettre toute ouverte, anchiennement faite, seelée dou
         grant seel le roy Edowart d’Engleterre, qui de riens
         ne touchoit à son fait; mais il li fist touchier par
         grant sens, et dist à Phelippot: «Vés le chi.» Lors
         li moustra le seel au quel cilz s’apaisa moult bien, car
     25  assés le recogneut; mais il ne savoit lire: pour tant
         fu il decheus. Sire Jehans [Cauderier] appella un
         clerch que il avoit tout pourveu et avisé de son fait,
         et dist: «Lisiés nous ceste lettre.» Li clers le prist
         et lisi ce que point n’estoit en le lettre, et parloit en
     30  lisant que li rois d’Engleterre commandoit au maieur
         [de le Rochelle] que il fesist faire leur moustre de
         tous hommes armés demorans en le Rocelle, et l’en
    [77] rescrisist le nombre par le porteur de ces lettres, car
         il le voloit savoir, et ossi de chiaus dou chastiel; car
         il esperoit temprement à là venir et arriver. Quant
         ces parolles furent toutes dittes, ensi que on list une
      5  lettre, li maires appella ledit Phelippot, et li dist:
         «Chastellain, vous oés bien que li rois, vos sires, me
         mande et commande: siques de par lui, je vous
         commande que demain vous fachiés vostre moustre
         de vos compagnons en le place devant le chastiel. Et
     10  tantost apriès la vostre, je ferai la mienne, par quoi
         vous le verés ossi, si vaurra trop mieulz, et en ceste
         meisme place. Si en rescrirons l’un par l’autre la
         verité à nostre très chier signeur le roy d’Engleterre.
         Et aussi se il besongne argent à vos compagnons, je
     15  crois bien oïl, tantost le moustre faite, je vous en
         presterai, par quoi vous les paierés lor gages, car li
         rois d’Engleterre, nos sires, le m’a mandé ensi en
         une lettre close, que je les paie sus mon offisce.»
         Phelippes qui adjoustoit en toutes ces parolles grant
     20  loyauté, li dist: «Sires maires, de par Dieu, puis que
         c’est à demain que je doy faire ma moustre, je le
         ferai volentiers, et li compagnon en aront grant joie,
         pour tant qu’il seront paiiet; car il desirent à avoir
         argent.» Adont laissièrent il les parolles [sur tel estat]
     25  et alèrent disner, et furent tout aise. Apriès disner
         cilz Phelippos se retray ens ou chastiel de le Rocelle,
         et compta à ses compagnons tout ce que vous avés
         oy et leur dist: «Signeur, faites bonne chière, car
         demain tantos apriès vo moustre, vous serés paiiet de
     30  vos gages; car li rois l’a ensi mandé et ordené au
         maieur de ceste ville, et j’en ay veu les lettres.» Li
         saudoiier qui desiroient à avoir argent, car on leur
    [78] devoit de trois mois ou plus, respondirent: «Vechi
         riches nouvelles.» Si commencièrent à fourbir leurs
         bachinès, à roler leurs cotes de fier et à esclarchir
         leurs espées ou armeures teles qu’il les avoient. Ce
      5  soir se pourvei tout secretement sire Jehans [Cauderier]
         et enfourma le plus grant partie de chiaus
         de le Rocelle, que il sentoit de son acord, et leur
         donna ordenance pour l’endemain, à savoir comment
         il se maintenroient.

     10  Assés priès dou chastiel de le Rocelle et sus le
         place où ceste moustre se devoit faire, avoit vieses
         maisons où nulz ne demoroit. Si dist li maires que
         là dedens on feroit une embusche que quatre cens
         hommes armés, tous les plus aidables de le ville, et
     15  quant cil dou chastiel seroient hors issu, il se metteroient
         ent[re] le chastel et yaus et les encloroient;
         ensi seroient il attrapé, ne il ne veoient mies que
         par aultre voie il les peuist avoir. Cilz consaulz fu
         tenus, et cil nommé et esleu en le ville qui devoient
     20  estre en l’embusche, et y alèrent tout secretement
         très le nuit tout armé de piet en cap, et yaus enfourmé
         quel cose il feroient. Quant ce vint au matin
         apriès soleil levant, li maires de le Rocelle et li juret
         et chil de l’offisce tant seulement, se traisent tout desarmé
     25  par couvreture pour plus legierement attraire
         chiaus dou chastiel avant. Et se vinrent sus le place
         où li moustre se devoit faire, et estoient monté cescuns
         sus bons gros ronchins pour tantost partir, quant
         la meslée se commenceroit. Li chastellains si tost que
     30  il vei apparoir le maieur et les jurés, il hasta ses
         compagnons, et dist: «Alons! alons! là jus en le place
         on nous attent!» Lors se departirent dou chastiel
    [79] tout li compagnon sans nulle souspeçon, qui moustrer
         se voloient et qui argent attendoient. Et ne demorèrent
         dedens le chastiel fors que varlet et meschines,
         et vuidièrent le porte et [le] laissièrent toute ample
      5  ouverte, pour ce que il y cuidoient tantost retraire, et
         s’en vinrent sus le place yaus remoustrer au maiieur
         et as jurés qui là estampoient. Quant il furent tout en
         un mont, li maires, pour yaus ensonniier, les mist en
         parolles, et disoit à l’un et puis à l’autre: «Encores
     10  n’avés vous pas tout vostre harnas, pour prendre
         plains gages, il le vous fault amender.» Et chil
         disoient: «Sire, volentiers.» Ensi en genglant et en
         bourdant, il les tint tant que li embusche sailli hors
         armé si bien que riens n’i falloit, et se boutèrent
     15  tantost entre le chastiel et yaus, et se saisirent de le
         porte. Quant li saudoiier veirent ce, si cogneurent bien
         qu’il estoient trahi et decheu: si furent durement
         esbahi et à bonne cause. A ces cops se parti li maires
         et tout li aultre, et laissièrent leurs gens couvenir,
     20  qui tantost furent mestre de ces saudoiiers qui se
         laissièrent bellement prendre, car il veirent bien que
         deffense n’y valoit riens. Là les fisent li Rocellois tous
         un à un desarmer sus le place, et les menèrent en
         prisons en le ville en divers lieus, en tours et en
     25  portes de le ville: dou plus n’estoient que yaus doi
         ensamble.

         Assés tost apriès ce, vint li maires tous armés sus
         le place, et plus de mil homes en se compagnie. Si se
         traist incontinent devers le chastiel qui en l’eure li
     30  fu rendus; car il n’i avoit dedens fors menue gent,
         mechines et varlès, en qui n’avoit nulle deffense;
         mès furent tout joiant, quant il se peurent rendre, et
    [80] on les laissa en pais. Ensi fu reconquis li chastiaus
         de le Rocelle.


         § 706. Quant li dus de Berri et li dus de Bourbon
         et ossi li dus de Bourgongne, qui s’estoient tenu
      5  moult longhement sur le[s] marches d’Auvergne et
         de Limozin, à plus de deus mil lanches, entendirent
         ces nouvelles, que chil de le Rocelle avoient bouté
         hors les Englès de leur chastiel et le tenoient pour
         leur, si s’avisèrent que il se trairoient celle part pour
     10  veoir et savoir quel cose il vorroient faire. Si se
         departirent de le marche où il s’estoient tenu, et
         chevaucièrent devers Poito le droit chemin pour venir
         à Poitiers par devers le connestable. Si trouvèrent
         une ville en leur chemin en Poito c’on dist Saint
     15  Maxiien, qui se tenoit englesce, car li chastiaus qui
         siet au dehors de le ville estoit en le gouvrenance
         d’Englès. Sitos que chil signeur et leurs routes furent
         venu devant le ville, chil de Saint Maxiien se rendirent,
         salves leurs corps et leurs biens, mès li chastiaus
     20  ne se volt rendre. Dont le fisent assallir li dit
         signeur moult efforciement, et là eut un jour tout
         entier grant assaut, et ne peut ce jour estre pris. A
         l’endemain de rechief, il vinrent assallir si efforchiement
         et de si grant volenté, qu’il le prisent, et furent
     25  tout chil mort qui dedens estoient; puis chevaucièrent
         li signeur oultre, quant il eurent ordonné gens
         de par yaus pour garder le ville, et vinrent devant
         Melle, et le prisent et le misent en l’obeïssance dou
         roy de France, et puis vinrent devant le chastiel de
     30  Sevray. Chil de Sivray se tinrent deus jours, et puis
         se rendirent, salve leurs corps et leurs biens. Ensi li
    [81] signeur, en venant devers le chité de Poitiers, conqueroient
         villes et chastiaus, et ne laissoient riens
         derrière yaus, qui ne demorast en l’obeïssance dou
         roy de France; et tant cheminèrent qu’il vinrent à
      5  Poitiers où il furent recheu à grant joie dou connestable
         et de ses gens et de chiaus de le cité.


         § 707. Quant li troi duch dessus nommé furent
         venu à Poitiers et toutes leurs routes, qui se logièrent
         là où environ sus le plat pays pour estre mieulz à
     10  leur aise, li duc de Berri eut conseil qu’il envoieroit
         devers chiaus de le Rocelle pour sçavoir quel cose
         il vorroient dire et faire, car encores se tenoient il si
         clos que nulz n’entroit ne issoit en leur ville. Si y
         envoia li dis dus certains hommes et messages pour
     15  trettier et savoir mieulz leur entente. Li message de
         par le duch de Berri et le connestable furent bellement
         recheu, et respondu qu’il envoieroient devers
         le roy de France; et se li rois leur voloit acorder
         che qu’il demandoient, il demorroient bon François.
     20  Mais il prioient au duch de Berri et au connestable
         que il ne se volsissent mie avanchier ne leurs gens,
         pour yaus porter nul damage ne nul contraire, jusques
         adont qu’il aroient mieus causé. Che fu tout che que
         li message raportèrent. Cheste response plaisi [assés]
     25  bien as dessus dis le duch de Berri et le connestable,
         mès ils se tinrent tout quoi à Poitiers et sus le
         Marche, sans riens fourfaire as Rocellois; et Yewains
         de Galles par mer ossi les tenoit pour assegiés, comment
         qu’il ne leur fesist nul contraire.

     30  Or vous dirai de l’estat des Rocellois et sus quel
         point et article il se fondèrent et perseverèrent. Tout
    [82] premierement il envoiièrent douse de leurs bourgois
         des plus souffissans et des plus notables à Paris
         devers le roy de France, sus bon saufconduit que il
         eurent dou roy alant et venant, anchois que il se
      5  partesissent de le Rocelle. Li rois qui les desiroit à
         avoir pour amis et pour ses obeïssans, les rechut
         liement et oy volentiers toutes leurs requestes, qui
         furent celes que je vous dirai. Cil de le Rocelle voloient
         tout premierement, anchois que il se mesissent
     10  en l’obeïssance dou roy, que li chastiaus de
         le Rocelle fust abatus. En apriès il voloient que li
         rois de France pour tous jours mès, ilz et ses hoirs, les
         tenist comme de son droit demainne de le couronne
         de France, ne jamais n’en fuissent eslongié pour
     15  pais, pour accord, pour mariage ne pour alliance
         quelconques il euist au roy d’Engleterre ne à autre
         signeur. Tierchement il voloient que li rois de France
         fesist là forgier florins et monnoie d’otel pris et
         aloy, sans nulle exception, que on forgoit à Paris.
     20  Quartement il voloient que nulz rois de France, si
         hoir ne si successeur, ne peuissent mettre ne assir
         sus yaus ne sus leurs masniers taille ne sousside,
         gabelle, ayde ne imposition nulle ne fouage ne cose
         qui le ressemblast, se il ne l’acordoient ou donnoient
     25  de grasce. Quintement il voloient et requeroient que
         li rois les fesist absorre et dispenser de leurs fois et
         sieremens qu’il avoient juret et prommis au roy
         d’Engleterre, la quele cose estoit uns grans prejudisces
         à l’ame, et s’en sentoient grandement cargié
     30  en conscience. Pour tant il voloient que li rois à ses
         despens leur impetrast du Saint Père le pape absolution
         et dispensation de tous ces fourfais.

    [83] Quant li rois de France oy leurs articles et leurs
         requestes, si leur en respondi moult doucement qu’il
         en aroit avis. Sur ce, li dis rois s’en conseilla par
         pluiseurs fois as plus sages de son royaume, et tint
      5  là dalés lui moult longement chiaus de le Rocelle,
         mès finablement de toutes leurs demandes il n’en
         peut riens rabatre, et couvint que il leur acordast
         toutes, seelast, cancelast et confremast pour tenir à
         perpetuité. Et se partirent dou roy de France [bien
     10  content], chartré, burlé et seelé tout ensi comme il
         le veurent avoir et deviser, car li rois de France les
         desiroit moult à avoir en se obeïssance, et recommendoit
         le Rocelle pour le plus notable ville que il
         euist par delà Paris. Et encores à leur departement,
     15  leur donna il grans dons et biaus jeuiaus et riches
         presens pour reporter à leurs femmes. Dont se partirent
         dou roy et de Paris li Rocellois, et se misent
         au retour.


         § 708. Or retournèrent li bourgois de le Rocelle
     20  en leur ville, qui avoient sejourné, tant à Paris que
         sus leur chemin, bien deus mois. Si moustrèrent à
         chiaus qui là les avoient envoiiés et à le communauté
         de le ville, quel cose il avoient esploitié et impetré,
         sans nulle exeption, toutes leurs demandes. De ce
     25  eurent il grant joie, et [se] contentèrent grandement
         bien dou roi et de son conseil. Ne demora de puis
         mies trois jours que il misent ouvriers en oevre et
         fisent abatre leur chastiel et mettre rés à rés de le
         terre, ne onques n’i demora pière sus aultre, et
     30  l’assamblèrent là en le place en un mont. De puis en
         fisent il ouvrer as necessités de le ville et paver
    [84] aucunes rues qui en devant en avoient grant mestier.
         Quant il eurent ensi fait, il mandèrent au duc de
         Berri que il venist là, se il li plaisoit, et que on le
         recheveroit volentiers au nom dou roy de Franche, et
      5  feroient tout che qu’il devoient faire. Li dus de Berri
         y envoia monsigneur Bertran de Claikin, qui avoit
         de prendre le possession procuration du roy de
         France. Lors se parti de Poitiers à cent lances li dis
         connestables, à l’ordenance dou duch de Berri, et
     10  chevauça tant qu’il vint en le ville de le Rocelle, où il
         fu recheus à grant joie, et moustra de quoi procuration
         dou roy, son signeur. Si prist le foy et l’ommage
         des hommes de le ville, et y sejourna trois
         jours, et li furent faites toutes droitures, ensi comme
     15  proprement au roy, et y rechut grans dons et biaus
         presens. Et ossi il en donna fuison as dames et as
         damoiselles, et, quant il eut assés revelé et jeué, il se
         parti de le Rocelle, et retourna arrière à Poitiers.

         Ne demora gaires de temps puissedi que li rois de
     20  France envoia ses messages devers Yewain de Galles,
         en lui mandant et segnefiant que il le veroit volentiers,
         et son prisonnier le captal de Beus. Encore ordonna
         li rois en ce voiage, que li amiraus dou vaillant
         roy Henri de Chastille, dan Radigho de Rous, se partesist
     25  o toute sa navie et retournast en Espagne, car
         pour celle saison il ne le voloit plus ensonniier. Ensi
         se desfist li armée de mer, et retournèrent li Espagnol,
         et furent, ains leur departement, tout sech
         paiiet de leurs gages, tant et si bien que il se contentèrent
     30  grandement dou roy de France et de son
         paiement. Et Yewains de Galles, au commandement
         et ordenance dou roy, prist le chemin de Paris, et là
    [85] amena le captal de Beus, dont li rois eut grant joie,
         et le quel bien cognissoit, car il l’avoit vu aultrefois:
         se li fist grant chière et lie, et le tint en prison courtoise,
         et li fist prommettre et offrir grans dons et grans
      5  hiretages et grans pourfis, pour li rattraire à sen amour
         par quoi il se fust retournés françois; mès li captaus
         n’i volt onques entendre, mais bien disoit as barons
         et as chevaliers de France, qui le visetoient et qui de
         chou l’aparloient, que il se ranceneroit volentiers
     10  si grandement que cinc ou sis fois plus que sa revenue
         par an ne li valoit, mès li rois n’avoit point
         conseil de ce faire. Si demora la cose en cel estat, et
         fu de premiers mis ou chastiel dou Louvre, et là
         gardés bien songneusement; et le visetoient souvent
     15  li baron et li chevalier de France.

         Or revenrons nous as besognes de Poito, qui ne sont
         mies encores toutes furnies.


         § 709. Quant li connestables de France eut pris
         le saisine et possession de le bonne ville de le Rocelle,
     20  et il se fu retrais à Poitiers, si eurent conseil li
         signeur que il se partiroient de là et venroient
         devant aucuns chastiaus qui estoient en le marche
         de le Rocelle, par quoi la ville, se il se partoient dou
         pays, demorroit en plus segur estat. Car encores
     25  estoient englès Marant, Surgières [et] Fontenay le
         Conte, et couroient tous les jours chil de ces garnisons
         jusques as portes de le Rocelle, et leur faisoient
         moult de destourbiers. Si se partirent de Poitiers en
         grant arroi li dus de Berri, li dus de Bourgongne, li
     30  dus de Bourbon, li daufins d’Auvergne, li sires de
         Sulli, li connestables de France, li mareschaus de
    [86] France et bien deus mil lances, et s’en vinrent premierement
         devant le chastiel de Benon. Si en estoit
         chapitainne de par le captal uns escuiers d’onneur
         de le conté de Fois, qui s’appelloit Guillonès de Paus,
      5  et uns chevaliers de Naples, qui s’appelloit messires
         Jakes, doi appert homme d’armes malement. Et
         avoient là dedens avoech yaus des bons compagnons,
         qui ne furent mies trop effraé, quant chil signeur
         et li connestables les eurent assegiés, mès se confortèrent
     10  en ce que bien lor sambloit qu’il estoient pourveu
         assés de vivres et d’arteillerie. Si furent assali
         pluiseurs fois, mès trop bien se deffendirent de deus
         ou de trois assaus à che commenchement qu’il eurent.
         Assés priès de là siet li garnison de Surgières,
     15  où il avoit bien soissante lances d’Englès, tous bons
         compagnons et droite gent d’armes. Si s’avisèrent
         un jour que de nuit il venroient resvillier l’ost des
         François, et s’enventurroient se il pooient riens conquerir.
         Si se partirent de leur fort, quant il fu tout
     20  avespri, et chevaucièrent devers Benon, et se boutèrent
         environ mienuit en l’ost et chevaucièrent si
         avant qu’il vinrent sus le logeis dou connestable, et
         là s’arrestèrent. Si commenchièrent à abatre et à decoper
         et blechier gens qui de ce ne se donnoient
     25  garde. Si en y eut moult de navrés et de mal appareilliés;
         et par especial, ou logeis dou connestable,
         fu occis uns siens escuiers d’onneur, que il amoit oultre
         l’ensengne. Li hos s’estourmi, on s’arma tantost.
         Chil se retraisent, quant il veirent que poins fu et
     30  qu’il eurent fait leur emprise, et retournèrent sans damage
         en leur garnison. Quant li connestables sceut
         le verité de son escuier que tant amoit, que il estoit
    [87] mors, si fu telement courouchiés que plus ne peut,
         et jura que de là jamais ne partiroit, si aroit pris le
         chastiel de Benon, et seroient sans merchi tout chil
         mort, qui dedens estoient. A l’endemain, quant il
      5  eut fait entierer son escuier, il commanda toutes ses
         gens à armer et traire avant à l’assaut, et, pour mieulz
         esploitier, il meisme s’arma et y ala. Là eut grant
         assaut et dur et bien continué; et telement s’i esprouvèrent
         Breton et aultres gens, que li chastiaus de
     10  Benon fu pris et conquis de forche, et tout chil qui
         dedens estoient, mort et occis, sans prendre nullui
         à merchi.


         § 710. Apriès che que li connestables de France
         eut faite sen entente dou chastiel de Benon et de tous
     15  ceulz qui dedens estoient, il donna conseil de traire
         devant le chastiel de Marant à quatre liewes de le
         Rocelle. Dou chastiel de Marant estoit chapitainne
         uns Alemans qui s’appelloit Wisebare, hardi homme
         durement, et avoit avoech lui grant fuison d’Alemans.
     20  Mais, quant il veirent que cil signeur de France venoient
         si efforciement et que riens ne se tenoit devant
         yaus, et que chil de le Rocelle s’estoient tourné franchois,
         et que li connestables avoit tous mis à mort
         chiaus dou chastiel de Benon, si furent si effraé que
     25  il n’eurent nulle volenté d’yaus tenir; mès se rendirent,
         et le forterèce, et se tournèrent tout françois,
         et le jurèrent à estre bon de ce jour en avant, en le
         main dou signeur de Pons, que li connestables y
         envoia pour trettiier et pour prendre le saisine et
     30  possession, mès il y misent une condicion tant que
         on leur vorroit paiier de leurs gages, ensi que li Englès
    [88] les avoient paiiés bien et courtoisement, et, se
         on en estoit en defaute, il se pooient partir sans
         nulle reproce et traire quel part qu’il voloient: on
         leur eut ensi en couvent. Si demorèrent sus cel estat
      5  comme en devant, pour tenir et garder le forterèche,
         et puis passèrent li signeur oultre, et vinrent
         devant le chastiel de Surgières. Quant il furent là
         parvenu, il le trouvèrent tout vuit et tout ouvert;
         car chil qui l’avoient gardé toute le saison, pour le
     10  doubtance dou connestable, s’en estoient parti et
         bouté en aultres forterèces en Poito. Si entrèrent
         li François dedens le chastiel de Surgières, et le
         rafreschirent de nouvelles gens, et puis chevaucièrent
         devant Fontenay le Conte, où la femme à monsigneur
     15  Jehan de Harpedane se tenoit, et avoech lui
         pluiseurs bons compagnons, qui ne furent à che
         commenchement noient effraé de tenir le forterèce
         contre les François.


         § 711. Quant li dus de Berri et li aultre duch et
     20  leurs routes et li connestables de France furent venu
         devant Fontenai le Conte en Poito, si assegièrent le
         ville et le chastiel par bonne ordenance, et chiaus
         qui dedens estoient; et puis ordonnèrent enghin et
         manière comment il les poroient conquerre. Si y
     25  fisent pluiseurs assaus, le terme qu’il y sisent; mais
         il ne l’avoient mies d’avantage, car il trouvoient
         chiaus de le garnison appers et legiers et bien ordonnés
         pour yaus deffendre. Si y eut là devant le
         ville de Fontenay pluiseurs assaus, escarmuces et
     30  grans apertises d’armes et moult de gens blechiés.
         Car priès [que] tous les jours y avoit aucun fais
    [89] d’armes, et par deus ou par trois estours. Si ne pooit
         remanoir que il n’en y euist [des mors et] des blechiés;
         et vous di que, se chil de Fontenai sentesissent
         ne euissent esperance que il peuissent estre
      5  conforté dedens trois ne quatre mois, de qui que
         ce fust par mer ou par terre, il se fuissent assés tenu,
         car il avoient pourveances à grant fuison, et si estoient
         en forte place. Mais, quant il imaginoient le
         peril que il estoient là enclos et que de jour en jour
     10  on leur prommetoit que, se de force pris estoient, il
         seroient [tout] mort sans merchi, et se ne leur apparoit
         confors de nul costé, il s’avisèrent et entendirent
         as trettiés dou connestable, qui furent tel qu’il se
         pooient partir, se il voloient, et porter ent tout le
     15  leur, et seroient conduit jusques en le ville de
         Touwars, où tout li chevalier de Poito englès pour le
         temps se tenoient et s’estoient là recueilliet. Cilz trettiés
         passa et fu tenus, et se partirent cil de Fontenay
         qui englès estoient, et en menèrent leur dame avoech
     20  euls, et se retraisent sus le conduit dou connestable
         en le ville de Touwars, où il furent recueilliet. Ensi
         eurent li François Fontenai le Conte, le ville et le
         chastiel, et y ordonnèrent un chevalier à chapitainne,
         et vint lances desous lui, qui s’appelloit
     25  messires Renaulz de Lazi, et puis retournèrent devers
         le cité de Poitiers, et esploitièrent tant qu’il y vinrent,
         [et y furent receu à grant joye.]


         § 712. Quant cil signeur de France furent retret
         à Poitiers et rafreschi quatre jours, yaus et leurs chevaus,
     30  il eurent conseil qu’il s’en partiroient et s’en
         iroient devant Touwars où tout li chevalier de Poito
    [90] se tenoient, chil qui soustenoient l’opinion dou roy
         d’Engleterre, et bien y avoit cent, uns c’autres, et
         metteroient là le siège et ne s’en partiroient, si en
         aroient une fin, ou il seroient tout françois, ou il
      5  demorroient tout englès. Si se partirent en grant
         arroi et bien ordené de le cité de Poitiers, et estoient
         bien trois mil lances, chevaliers et escuiers, et
         quatre mil pavais parmi les Genevois. Si cheminèrent
         tant ces gens d’armes qu’il vinrent devant Touwars,
     10  où il tendoient à venir. Si y establirent et ordonnèrent
         tantost leur siège grant et biel, tout à l’environ
         de le ville et dou chastiel, car bien estoient gens
         pour ce faire, et n’i laissoient nullui entrer ne issir,
         ne point n’assalloient; car bien savoient que par
     15  assaut jamais ne les aroient, car là dedens avoit trop
         de bonnes gens d’armes, mais il disoient que là tant
         seroient que il les affameroient, se li rois d’Engleterre,
         de se poissance, ou si enfant ne venoient lever
         leur siège. Quant li baron et li chevalier qui là
     20  dedens enclos estoient, telz que messires Loeis de
         Harcourt, li sires de Partenai, li sires de Cors, messires
         Hughes de Vivone, messires Aymeris de Rochewart,
         messires Perchevaus de Coulongne, messires
         Renaulz de Touwars, li sires de Roussellon, messires
     25  Guillaumez de Crupegnach, messires Joffrois d’Argenton,
         messires Jakes de Surgières, messires Jehans
         d’Angle, messires Guillaumez de Monttendre, messires
         Mauburnis de Linières et pluiseurs aultres que
         je ne puis mies tous nommer, perchurent le manière,
     30  et imaginèrent l’arroy et l’ordenance des François,
         comment il estoient là trait et se fortefioient et
         monteplioient tous les jours, si eurent sur ce avis et
    [91] conseil; car bien veoient que cil signeur qui assegié
         les avoient, ne partiroient point, si en aroient leur
         entente ou en partie. Si dist messires Perchevaus
         de Coulongne, qui fu uns sages et imaginatis chevaliers
      5  et bien enlangagiés, un jour qu’il estoient tout
         ensamble en une cambre pour avoir conseil sus leurs
         besongnes: «Signeur, signeur, com plus gielle, plus
         destraint. A ce pourpos, vous savés que nous avons
         tenu nostre loyauté devers le roi d’Engleterre tant
     10  que nous avons pout, et que par droit il nous en doit
         savoir gré, car en son service et pour son hiretage
         aidier à garder et deffendre, nous avons emploiiet
         et aventuré nos corps sans nulle faintise et mis toute
         nostre chavance au par daarrain. Nous sommes chi
     15  enclos, et n’en poons partir ne issir fors par dangier,
         et sur ce j’ai moult imaginé et estudiié comment
         nous ferons et comment de chi à nostre honneur
         nous isterons, car partir nous en fault, et, se vous le
         volés oïr, je le vous dirai, salve tous jours le milleur
     20  conseil.» Li chevalier qui là estoient, respondirent:
         «Oïl, sire, nous le volons oïr.» Lors dist messires
         Perchevaus: «Il ne poet estre que li rois d’Engleterre
         pour qui nous sommes en ce parti, ne soit
         enfourmés en quel dangier chil François nous
     25  tiennent, et comment tous les jours ses hiretages se
         pert. Se il le voet laissier perdre, nous ne li poons
         garder ne sauver, car nous ne sommes mies si fort
         de nous meismes que pour resister et estriver contre
         le poissance dou roy de France; car encores nous
     30  veons en ce pays que cités, villes, forterèces et chastiaus,
         avoech prelas, barons et chevaliers, dames et
         communautés, se tournent tous les jours françois, et
    [92] nous font guerre, la quele cose nous ne poons longement
         souffrir ne soustenir: pour quoi je conseille
         que nous entrons en trettiés devers ces signeurs
         de France qui chi nous ont assegiés, et prendons
      5  unes triuwes à durer deus ou trois mois. En celle
         triewe durant, et au plus tost que nous poons,
         segnefions tout plainnement nostre estat à nostre
         signeur le roy d’Engleterre et le dangier où nous
         sommes et comment ses pays se piert, et impetrons
     10  en celle triewe devers ces signeurs de France que,
         se li rois d’Engleterre ou li uns de ses enfans poeent
         venir, ou tout ensamble, si fort devant ceste ville,
         dedens un terme expresse que nous y assignerons
         par l’acord et ordenance de nous et d’yaus, que
     15  pour combatre yaus et leur poissance et lever le
         siège, nous demorrons englès à tous jours mès; et se
         li contraires est, nous serons bon François de ce
         jour en avant. Or respondés se il vous samble que
         jou aie bien parlé.» Il respondirent tout d’une vois:
     20  «Oïl, ce est la voie la plus prochainne par la quele
         nous en poons voirement à nostre honneur et gardant
         nostre loyauté issir.»

         A ce conseil et pourpos n’i eut plus riens replikié,
         mès fu tenus et affremés, et en usèrent en avant par
     25  l’avis et conseil dou dessus dit monsigneur Percheval,
         et entrèrent en trettiés devers le duch de Berri et le
         connestable de Franche. Chil trettiet entre yaus
         durèrent plus de quinse jours, car li dessus dit
         signeur, qui devant Touwars se tenoient, n’en voloient
     30  riens faire sans le sceu dou roy de France. Tant
         fu alé de l’un à l’autre et parlementé, que chil de
         Thouwars et li chevalier de Poito qui dedens estoient,
    [93] et ossi chil qui devant seoient, demorèrent en segur
         estat parmi unes triuwes qui furent là prises, durans
         jusques au jour Saint Mikiel prochain venant, et, se
         dedens ce jour li rois d’Engleterre où li uns de ses
      5  filz, ou tout ensamble, pooient venir si fort en Poito
         que pour tenir le place devant Touwars contre les
         François, il demorroient, yaus et leurs terres, englès
         à tousjours mès, et, se c’estoit que li rois d’Engleterre,
         ou li uns de ses filz, ne tenoient le journée, tout chil
     10  baron et chevalier poitevin, qui dedens Touwars
         enclos estoient, devenoient [franchois], et metteroient
         yaus et leurs terres en l’obeïssance dou roy de France.
         Ceste cose sambla grandement raisonnable à tous
         ceulz qui en oïrent parler. Nequedent, comment que
     15  les triewes durassent et que il fuissent en segur estat
         dedens [la dite ville de Thouwart et ossi ou siège des
         dis signeurs de France], ne se deffist mie pour ce
         li sièges, mès [tous les jours que Dieux amenoit se
         renforchoit, car par bonne deliberation et conseil,
     20  comme on doibt entendre et presupposer], y envoioit
         tous les jours li rois de France gens tous à
         esliçon des milleurs de son royaume, pour aidier à
         garder se journée contre le roy d’Engleterre, ensi
         que ordonné estoit et que devise se portoit.


     25  § 713. Au plus tos que li baron et li chevalier, qui
         dedens Touwars assegiet estoient, peurent, il envoiièrent
         en Engleterre certains messages et lettres moult
         doulces et moult sentans sus l’estat dou pays, et dou
         dangier où il estoient, et que pour Dieu et par pité
     30  li rois y volsist pourveir de remède, car en lui en
         touchoit plus qu’à tout le monde. Quant li rois
    [94] d’Engleterre oy ces nouvelles, et comment si chevalier de
         Poito li segnefioient, si dist que, se il plaisoit à Dieu,
         il iroit personelment et seroit à le journée devant
         Touwars et y menroit tous ses enfans. Proprement li
      5  princes de Galles, ses filz, comment qu’il ne fust mies
         bien hetiés, dist que il iroit, et deuist demorer ens
         ou voiage. Adont fist li rois d’Engleterre un très grant
         et très especial mandement de tous chevaliers et escuiers
         parmi son royaume et hors de son royaume,
     10  et le fist à savoir ou royaume d’Escoce, et eut bien
         de purs Escos trois cens lances, et se hasta li dis rois
         dou plus qu’il peut. Et li cheï adont si bien que
         toute le saison on avoit fait pourveances sus mer
         pour son fil le duch de Lancastre, qui devoit passer
     15  le mer et ariver à Calais, siques ces pourveances
         furent contournées en l’armée dou roy, et li voiages
         dou duch de Lancastre brisiés et retardés. Onques
         li rois d’Engleterre, pour ariver en Normendie ne
         en Bretagne, ne nulle part, n’eut tant de bonnes gens
     20  d’armes, ne tel fuison d’arciers qu’il eut là. Ançois
         que li rois partesist d’Engleterre, il ordonna, present
         tous les pers de son royaume, prelas, contes, barons
         et chevaliers et consaulz des cités et bonnes villes,
         que, se il moroit ne devioit en ce voiage, il voloit
     25  que Richars, filz au prince de Galles, son fil, fust
         rois et successères de lui et de tout le royaume
         d’Engleterre, et que li dus de Lancastre, ses filz ne si
         troi aultre fil, messires Jehans, messires Aymons ne
         messires Thumas, n’i peuissent clamer droit, et tout
     30  che leur fist li rois, leurs pères, jurer solennelment
         et avoir en couvent à tenir fermement devant tous
         le[s] prelas, contes et barons, à ce especialment
    [95] appellés. Quant toutes ces coses furent [ordonnées et]
         faites, il se parti de Londres, et si troi fil; et ja la
         plus grant partie de ses gens estoient devant, qui
         l’attendoient à Hantonne ou là environ, où il devoient
      5  monter en mer et où toute leur navie et leur
         pourveance estoit. Si entrèrent li rois, si enfant et
         toutes leurs gens, en leurs vaissiaus, ensi comme ordené
         estoient. Quant il veirent que poins fu, et se
         desancrèrent dou dit havene et commencièrent à
     10  singler et à tourner devers le Rocelle. En celle flote
         avoit bien quatre cens vaissiaus, uns c’autres, quatre
         mil hommes d’armes et dis mil archiers.

         Or vous dirai que il avint de celle navie et dou
         voiage dou roy qui tiroit pour venir en Poito. Il
     15  n’euist cure où il euist pris terre, [ou en Poitou], ou en
         Bourdelois: tout li estoit un, mès que il fust oultre le
         mer. Li rois, si enfant et leur grosse navie, waucrèrent
         et furent sus le mer le terme de nuef sepmainnes
         par faute de vent, ou contraire ou aultrement,
     20  que onques ne peurent prendre terre en Poito,
         en Saintonge, en Rocellois ne sus les marches voisines,
         dont trop couroucié [et esmerveilliet] estoient.
         Si singlèrent il de vent de quartier et de tous vens
         pour leur voiage avancier, mais il reculoient otant
     25  sus un jour que il aloient en trois. En ce dangier furent
         il tant que li jours Saint Mikiel espira, et que li
         rois vei et cogneut bien que il ne poroit tenir sa
         journée devant Touwars pour conforter ses gens. Si
         eut conseil, quant il eut ensi travilliet sus mer, que
     30  je vous di, de retourner arrière en Engleterre, et que
         il comptast Poito à perdu pour celle saison. Adont
         dist li rois d’Engleterre de coer couroucié, quant il se
    [96] mist au retour: «Diex nous aye, et Saint Jorge! il n’i
         eut onques mès en France si mescheant roy comme
         cilz à present est, et se n’i eut onques roy qui tant
         me donnast à faire comme il fait.» Ensi et sus cel
      5  estat, sans riens faire, retourna li dis rois en Engleterre,
         si enfant et toutes leurs gens. Et, si tost comme
         il furent retourné, li vens fu si bons et si courtois sus
         mer et si propisces pour faire un tel voiage que il
         avoient empris, que deus cens nefs, d’un voille,
     10  marcheans d’Engleterre, de Galles et d’Escoce, arivèrent
         ou havene de Bourdiaus sus le Garonne, qui
         là aloient as vins. Dont on dist et recorda en pluiseurs
         lieus en ce temps que Diex y fu pour le roy de
         France.


     15  § 714. Si en sçavoit messires Thumas de Felleton,
         qui estoit seneschaus de Bourdiaus, le journée
         expresse pour yaus rendre as François, que li baron
         et li chevalier, qui dedens Touwars se tenoient,
         avoient [pris], et ossi que li rois d’Engleterre, ses sires,
     20  en estoit segnefiiés. Si le manda et segnefia, et avoit
         mandet et segnefiié certainnement et seurement à
         tous les barons de Gascongne qui pour englès se
         tenoient, tant que par son pourcach et pour yaus
         acquitter, li sires de Duras, li sires de Rosem, li sires
     25  de Mouchident, li sires de Longuerem, li sires de
         Condon, messires Bernardès de Labreth, sires de
         Geronde, li sires de Pommiers, messires Helyes de
         Poumiers, li sires de Chaumont, li sires de Montferrant,
         messires Pières de Landuras, messires Petiton
     30  de Courton et pluiseur aultre, yaulz et leurs gens,
         cescuns au plus qu’il en pooient avoir, estoient venu
    [97] à Bourdiaus. Et parti de là li dis seneschaus en leur
         compagnie, et ossi li seneschaus des Landes; et
         avoient tant chevaucié qu’il estoient entré en Poito
         et venu à Niorth, et là trouvèrent il les chevaliers
      5  englès, monsigneur d’Aghoriset, monsigneur Jehan
         d’Evrues, monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur
         Hue de Cavrelée, monsigneur Robert Mitton,
         monsigneur Martin l’Escot, monsigneur Bauduin de
         Fraiville, monsigneur Thumas Balastre, monsigneur
     10  Jehan Trivet, Jehan Cressuelle, David Holegrave et
         des aultres qui tout s’estoient là recueilliet, et ossi
         monsigneur Aymeri de Rochewart, monsigneur Joffroi
         d’Argenton, monsigneur Mauburni de Linières et
         [monsigneur] Guillaumes de Monttendre, qui s’estoient
     15  parti de Touwars et dou trettié des aultres signeurs
         de Poito et retrait à Niorth avoech les Englès.
         Quant il se trouvèrent tout ensamble, si furent plus
         de douse cens lances, et approchièrent Touwars, et
         se misent sus les camps sitos que il veirent que la
     20  journée estoit inspirée, et que dou roy d’Engleterre
         on n’ooit nulles nouvelles.

         Vous devés sçavoir que, pour tenir se journée à
         l’ordenance dou connestable dessus ditte, li rois de
         France avoit là envoiiet toute la fleur de son royaume,
     25  car il avoit entendu veritablement que li rois d’Engleterre
         et si enfant y seroient au plus fort comme il
         poroient. Si voloit ossi que ses gens y fuissent si fort
         que pour tenir honnourablement leur journée: pour
         quoi avoech le dit connestable estoient si doi frère, li
     30  dus de Berri et li dus de Bourgongne, moult estoffeement
         de chevaliers et d’escuiers, et ossi li dus de Bourbon,
         li contes d’Alençon, messires Robers d’Alençon,
    [98] ses frères, li daufins d’Auvergne, li contes de Boulongne,
         li sires de Sulli, li sires de Craan et tant de
         haus signeurs et de barons que uns detris seroit de
         nommer; car là estoit li fleurs de gens d’armes de
      5  toute Bretagne, de Normendie, de Bourgongne, d’Auvergne,
         de Berri, de Tourainne, de Blois, d’Ango,
         de Limozin et du Mainne, et encores grant fuison
         d’estragniers, d’Alemans, de Thiois, de Flamens et
         de Haynuiers, et estoient bien quinse mil hommes
     10  d’armes et trente mil d’autres gens. Nonobstant leur
         force et leur poissance, il furent moult resjoy quant
         il sceurent et veirent que li jours Saint Mikiel estoit
         passés et inspirés, et li rois d’Engleterre ne aucuns
         de ses enfans n’estoient point comparut pour lever le
     15  siège. Si segnefiièrent ossi tantost ces nouvelles au roy
         de France, qui en fu moult resjoïs, quant sans peril
         ne bataille, mès par sages trettiés, il couvenoit que
         cil de Poito et leurs terres fuissent en se obeïssance.


         § 715. Li Gascon et li Englès, qui estoient à Niorth,
     20  et là venu et amassé, et se trouvoient bien douse cens
         lances de bonnes gens, et savoient tous les trettiés
         des barons et chevaliers de Poito, qui en Touwars
         se tenoient, car notefiiet especialement leur estoit,
         veirent que li jours estoit passés qu’il se devoient
     25  rendre, se il n’estoient conforté, et que li rois
         d’Engleterre ne aucuns de ses enfans n’estoient encores
         point trait avant, dont on euist oy ne eu nulles nouvelles,
         dont il estoient moult courouchié. Si eurent
         conseil entre yaus, comment il poroient perseverer et
     30  trouver voie d’onneur que cil Poitevin, qui oblegiet
         s’estoient enviers les François, demorassent toutdis
    [99] de leur partie, car moult les amoient dalés yaus. Si
         eurent sus ces besongnes [en le ville de Niorth] grans
         consaulz ensamble. Finablement, yaus aviset et consilliet,
         il segnefiièrent, par lettres seelées, envoiies par
      5  un hiraut, leur entente as Poitevins, qui en Touwars
         se tenoient. Se devisoient et disoient ces lettres avoecques
         salus et amistés, que, comme ensi fust que à
         leur avis pour le milleur il s’estoient composé enviers
         les François, par foy et sierement, de yaus mettre en
     10  l’obeïssance dou roy de France [et de devenir tous
         Franchois], se dedens le jour de le Saint Mikiel il
         n’estoient conforté dou roy d’Engleterre, leur chier
         signeur, ou aucun de ses enfans personelment, or
         veoient que la defaute y estoit, et supposoient que
     15  c’estoit par fortune de mer, et non aultrement. Toutes
         fois il estoient là trait et venu à Niorth, à quatre
         liewes priès d’yaus, et se trouvoient bien douse cens
         lances, ou plus de bonnes gens d’estoffe. Si offroient
         que, se il voloient issir de Touwars et prendre journée
     20  de bataille pour combatre les François, il enventuroient
         leurs corps avoecques l’iretage de leur signeur
         le roy d’Engleterre.

         Ces lettres furent entre les Poitevins volentiers oyes
         et veues, et en sceurent li pluiseur grant gré as Gascons
     25  et as Englès, qui ensi leur segnefioient, et se
         conseillièrent sur cestes grandement et longement,
         mès, yaus conseillié, tout consideré et bien imaginé
         leur afaire et les trettiés les quels il avoient jurés à
         tenir as François, il ne pooient veoir ne trouver par
     30  nulle voie de droit, que il fesissent aultre cose que
         d’yaus rendre, puis que li rois d’Engleterre ou li uns
         de ses filz ne seroit à le bataille que li Gascon voloient
   [100] avoir personelement. En ce conseil et parlement
         avoit grant vois li sires de Partenay, et volt, tele fois
         fu, que on acceptast le journée des Gascons, et y
         moustroit voie de droit et de raison assés par deus
      5  conditions. La première estoit que il savoient de verité,
         et ce estoit tout notore, que li rois d’Engleterre,
         leurs sires, et si enfant et la grigneur partie de leur
         poissance estoient sus mer, et que fortune leur avoit
         estet si contraire que il n’avoient pout ne pooient
     10  ariver ne prendre terre en Poito, dont il devoient
         bien estre escusé, car outre pooir n’e[s]t riens. La
         seconde raison estoit que, quoique il euissent juré et
         seelé as François, il ne pooient l’iretage dou roy
         d’Engleterre donner, anulliier ne alliier aucunement
     15  as François, sans son gré. Ces parolles et raisons
         proposées dou dit baron de Partenay estoient
         bien specifiies et examinées en ce conseil, mès tantost
         on y remetoit aultres raisons qui toutes les afoiblissoient.
         Dont il avint que li sires de Partenay issi
     20  un jour dou parlement et dist au partir que il demorroit
         englès, et s’en revint à son hostel. Mais li sires
         de Puiane et li sires de Tannai Bouton le vinrent, de
         puis qu’il fu refroidiés, requerre, et l’en menèrent de
         rechief où tous li consaulz estoit. Là li fu tant dit et
     25  remoustré, dont de l’un, puis de l’autre, que finablement
         il s’acorda à tous leurs trettiés, et s’escusèrent
         moult bellement et moult sagement par lettres enviers
         les barons et les chevaliers gascons et englès, qui à
         Niorth se tenoient, et qui leur response attendoient.
     30  Si les raporta li hiraus, et envoiièrent avoecques
         leurs lettres seelées le copie dou trettié, ensi que il
         devoient tenir as François, pour mieulz coulourer
   [101] leur escusance. Quant Englès et Gascon veirent qu’il
         n’en aroient aultre cose, si furent moult couroucié,
         mais pour ce ne se departirent il mies si tretost de
         Niorth, ançois se tinrent il là bien un mois pour savoir
      5  encor plus plainnement comment il se maintenroient.
         Tantost apriès ce parlement parti et finé, qui
         fu en le ville de Touwars, li baron et li chevalier de
         Poito qui là estoient, mandèrent au duch de Berri,
         au duch de Bourgongne, au duch de Bourbon et au
     10  connestable de France, qu’il estoient tout appareilliet
         de tenir ce que juré et seelé avoient. De ces nouvelles
         furent li signeur de France tout joiant, et chevaucièrent
         en le ville de Touwars à grant joie, et se
         misent, yaus et leurs terres, en l’obeïssance dou roy
     15  de France.


         § 716. Ensi se tournèrent tout chil de Poito, ou
         en partie, françois, et demorèrent en pais, et encores
         se tenoient englès avoec Niorth, et se tinrent toute le
         saison, Cisech, Mortagne sus mer, Mortemer, Luzegnon,
     20  Chastiel Acart, la Roche sur Ion, Gensay, la
         tour de la Broe, Merspin et Dieunée. Quant cil signeur
         de France eurent fait leur emprise et pris le
         possession de le ville de Touwars, li dus de Berri, li
         dus de Bourgongne, li dus de Bourbon et la grigneur
     25  partie des haus barons de France se departirent et
         retournèrent en France, et li connestables s’en vint
         à Poitiers.

         A ce departement li sires de Cliçon s’en vint mettre
         le siège devant Mortagne sus mer o toute sa carge de
     30  gens d’armes, et se loga par devant, et leur prommist
         que jamais de là ne partiroit, si les aroit, se trop
   [102] grant infortuneté ne li couroit sus. De la garnison de
         Mortagne estoit chapitains uns escuiers d’Engleterre,
         qui s’appelloit Jakes Clerch, qui frichement et vassaument
         se deffendoit, quant cil Breton l’assalloient.
      5  Quant li dis escuiers vei que c’estoit acertes et que
         li sires de Cliçon ne le lairoit point, si les aroit conquis,
         et sentoit que sa forterèce n’estoit pas bien pourveue
         pour tenir contre un lonch siège, et savoit encor
         tous ces chevaliers de Gascongne et les Englès à
     10  Niorth, il s’avisa que il leur segnefieroit. Si leur segnefia
         secretement par un varlet, qu’il mist de nuit
         hors de sa forterèce, tout l’estat en partie dou signeur
         de Cliçon et le sien ossi. Chil baron et chil
         chevalier gascon et englès furent moult resjoy de ces
     15  nouvelles, et disent qu’il n’en vorroient pas tenir quarante
         mil frans, tant desiroient il le signeur de Cliçon
         à trouver sus tel parti. Si s’armèrent et montèrent as
         chevaus, et issirent de Niorth bien cinc cens lances,
         et chevaucièrent couvertement devers Mortagne. Li
     20  sires de Cliçon, comme sages et bons guerriiers, n’estoit
         mies à aprendre d’avoir espies sus le pays pour
         savoir le couvenant de ses ennemis, et encores quant
         il les sentoit en le ville de Niorth; et ce li vint trop
         grandement à point, car il euist estet pris à mains,
     25  ja n’en euist on failli, se ce n’euist esté uns de ses
         espies qui estoit partis de Niorth avoech les Englès
         et les Gascons, et qui ja sçavoit quel chemin il tenoient.
         Mais cilz espies qui cognissoit le pays, les
         adevança et trota tant à piet que il vint devant Mortagne;
     30  si trouva le signeur de Cliçon seant au souper
         dalés ses chevaliers. Se li dist en grant quoité: «Or
         tost, sires de Cliçon, montés à cheval et vous partés
   [103] de chi et vous sauvés; car vechi plus de cinc cens
         lances, englès et gascons, qui tantost seront sur vous
         et qui fort vous manachent, et dient qu’il ne vous
         vorroient mies ja avoir pris pour le deduit qu’il
      5  aront dou prendre.» Quant li sires de Cliçon oy ces
         nouvelles, si crut bien son espie, car jamais en vain
         ne li euist dit ces nouvelles. Si dist: «As chevaus!»
         et bouta la table oultre où il seoit. Ses chevaus li
         fu tantost appareilliés, et ossi furent tout li aultre,
     10  car il avoient de pourveance les sielles mises. Si
         monta li sires de Cliçon, et montèrent ses gens sans
         arroi et sans ordenance ne attendre l’un l’autre, et
         n’eurent mies li varlet loisir de tourser ne de recueillier
         tentes ne trés, ne cose nulle qui fust à yaus,
     15  fors entente d’yaus fuir et d’yaus sauver. Et prisent
         le chemin de Poitiers, et tant fist li sires de Cliçon
         qu’il y vint et la plus grant partie de ses gens. Si recorda
         au connestable de France comment il lor estoit
         avenu.


     20  § 717. Quant cil chevalier englès et gascons furent
         parvenu jusques devant Mortagne et yaus bouté ens
         es logeis le signeur de Cliçon, et point ne l’i trouvèrent,
         si furent durement couroucié. Si demorèrent
         là celle nuit et se tinrent tout aise dou bien
     25  des François, et l’endemain il fisent tout le demorant,
         tentes et trés, tourser et amener à Niorth, et
         les aultres pourveances, vins, chars, sel et farine,
         mener ens ou chastiel de Mortagne, dont il furent
         bien rafreschi. Si retournèrent li dessus dit Englès et
     30  Gascon en le ville de Niorth.

         De puis ne demora gaires de temps que li baron de
   [104] Gascongne et li chevalier qui là estoient, eurent conseil
         de retourner vers Bourdiaus; car bien pensoient
         que cel ivier on ne guerrieroit plus en Poito, fors que
         par garnisons. Si ordonnèrent leurs besongnes, et
      5  toursèrent et montèrent as chevaus et se partirent.
         Si s’adrechièrent parmi la terre le signeur de Partenai
         et l’ardirent toute, excepté les forterèces, et
         fisent tant par leurs journées que il vinrent à Bourdiaus,
         et li englès chevalier demorèrent à Niorth.
     10  Si en estoient chapitainnes [uns chevaliers englès
         nommés] messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès
         et Jehans Cresuelle. De le Roche sur Ion estoit
         chapitainne uns chevaliers englès qui s’appelloit
         messires Robers, dis Grenake; de Luzegnon, messires
     15  Thumas de Saint Quentin; et de Mortemer, la
         dame de Mortemer et ses gens; et de Gensay, uns escuiers
         englès, qui s’appelloit Jakes Taillour; et de Cisek,
         messires Robers Miton et messires Martins l’Escot.
         Si vous di que chil de ces garnisons chevauçoient
     20  dont d’un lés, puis de l’autre, et ne sejournoient
         onques. Et tenoient toutes aultres forterèces françoises
         en grant guerre, et herioient amerement le
         plat pays et le rançonnoient telement que apriès yaus
         il n’i couvenoit nullui envoiier. De tout ce estoit bien
     25  enfourmés li connestables de France, qui se tenoit à
         Poitiers et s’i tint tout cel ivier sans partir; mais il disoit
         bien que à l’esté il feroit remettre avant as Englès
         tout che que il pilloient et prendoient sus le pays.

         Or parlerons nous un petit des besongnes de
     30  Bretagne.


         § 718. Li dus de Bretagne, messires Jehans de
   [105] Montfort, estoit durement coureciés en coer des
         contraires que li François faisoient as Englès, [et volentiers
         euist conforté les dis Englès], se il peuist et
         osast; mès li rois de France, qui sages et soubtis fu
      5  là où sa plaisance s’enclinoit, et qui bellement savoit
         gens attraire et tenir à amour où ses pourfis estoit,
         avoit mis en ce un trop grant remède. Car il avoit
         tant fait, que tout li prelat de Bretagne, li baron, li
         chevalier, les cités et les bonnes villes estoient de son
     10  acord, excepté messires Robers Canolles; mais cilz
         estoit dou conseil et de l’acort dou duch, et disoit
         bien que pour perdre tout che qu’il tenoit en Bretagne,
         il ne relenquiroit ja le roy d’Engleterre ne ses
         enfans, qu’il ne fust appareilliés en leur service.
     15  Cilz dus qui appelloit le roy d’Engleterre son père,
         car il avoit eu sa fille en mariage, recordoit moult
         souvent en soi meismes les biaus services que li rois
         d’Engleterre li avoit fais, car ja n’euist estet dus de
         Bretagne, se li confors et ayde dou roy d’Engleterre
     20  et de ses gens ne l’i euissent mis. Si en parla pluiseurs
         fois as barons et as chevaliers de Bretagne en
         remoustrant l’injure que li rois de France faisoit au
         roy d’Engleterre, la quelle ne faisoit mies à consentir.
         Et cuidoit par ses parolles coulourées attraire ses
     25  gens pour faire partie avoecques lui contre les François,
         mès jamais ne les y euist amenés; car il estoient
         trop fort enrachiné en l’amour dou roy de France et
         dou connestable qui estoit leurs voisins. Et tant en
         parla as uns et as aultres que ses gens s’en commencièrent
     30  à doubter. Si se gardèrent les cités, li chastiel
         et les bonnes villes plus priès que devant, et fisent
         grans gais. Quant li dus vei ce, il se doubta ossi de
   [106] ses gens, que de fait, par le information et requeste
         dou roy de France il ne li fesissent aucun contraire.
         Si segnefia tout son estat au roy d’Engleterre, et li
         pria que il li volsist envoiier gens, par quoi il fust
      5  soubdainnement aidiés, se il besongnoit.

         Li rois d’Engleterre, qui veoit bien que li dus
         l’amoit et que ceste rancune que ses gens li moustroient,
         nasçoit pour l’amour de lui, ne li euist
         jamais refuset, mais ordonna le signeur de Nuefville,
     10  à quatre cens hommes d’armes et otant d’arciers,
         pour aler en Bretagne et prendre terre à Saint Mahieu
         de Fine Posterne, et là li tant tenir que li oroit aultres
         nouvelles. Li sires de Nuefville obeï; sa carge de
         gens d’armes et d’arciers li fu appareillie et delivrée.
     15  Si monta en mer ou havene de Hantonne, et tournèrent
         li maronnier vers Bretagne, li quel singlèrent tant
         par l’ayde dou vent, que il arrivèrent ou havene de
         Saint Mahiu et entrèrent en le ville; car li dus avoit
         là de ses chevaliers tous pourveus, monsigneur Jehan
     20  de Lagnigai et aultres, qui li fisent voie. Quant li
         sires de Nuefville et se route eurent pris terre, et il
         furent entré courtoisement en le ville de Saint Mahieu,
         il disent as bonnes gens de le ville, qu’il ne s’esfreassent
         de riens; car il n’estoient mies là venu pour
     25  yaus porter contraire ne damage, mais les en garderoient
         et deffenderoient, se il besongnoit et voloient
         bien paiier tout ce qu’il prenderoient. Ces nouvelles
         rapaisièrent assés chiaus de le ville.

         Or s’espardirent et semèrent les parolles par mi la
     30  ducé de Bretagne, que li dus avoit mandé en Engleterre
         confort, et estoient arrivet en le ville de Saint
         Mahieu plus de mil hommes d’armes, de quoi tous li
   [107] pays fu grandement esmeus et en grigneur souspeçon
         que devant. Et s’assamblèrent li prelat, li baron, li
         chevalier et li consaulz des cités et des bonnes villes
         de Bretagne, et s’en vinrent au duch, et li remoustrèrent
      5  vivement et plainnement que il n’avoit que
         faire, se paisieulement voloit demorer ou pays, de
         estre englès couvertement ne pourvuement, et, se il
         le voloit estre, il le leur desist; car tantost il en
         ordonneroient. Li dus, qui vei adont ses gens durement esmeus
     10  et courouciés sur lui, respondi si sagement et
         si bellement, que cette assamblée se departi par paix.
         Mais pour ce ne partirent mies li Englès de le ville
         de Saint Mahieu, ançois s’i tinrent toute le saison.
         Si demorèrent les coses en cel estat; li dus en gait et
     15  en soupeçon [de ses gens], et ses gens de lui.


         § 719. Quant la douce saison d’esté fu revenue et
         qu’il fait bon hostoiier et logier as camps, messires
         Bertrans de Claiekin, connestables de France, qui
         tout cel yvier s’estoit tenus à Poitiers et avoit durement
     20  manechiet les Englès, pour tant que leurs garnisons,
         qu’il tenoient encores en Poito, avoient trop
         fort cel yvier guerriiet et travilliet les gens et le pays,
         si ordonna toutes ses besongnes de point et d’eure,
         ensi que bien le savoit faire, tout son charoi et son
     25  grant arroi, et rassambla tous les compagnons d’environ
         lui, des quelz il esperoit à estre aidiés et servis,
         et se parti de le bonne cité de Poitiers à bien quinse
         cens combatans, la grigneur partie tous Bretons, et
         s’en vint mettre le siège devant le ville et le chastiel
     30  de Chisek, dont messires Robers Mitton et messires
         Martins Scot estoient chapitain. Avoech monsigneur
   [108] Bertran estoient de chevaliers bretons, messires Robers
         de Biaumanoir, messires Alains et messires Jehans
         de Biaumanoir, messires Ernaulz Limozins, messires
         Joffrois Ricon, messires Yewains de Lakonet, messires
      5  Joffrois de Quaremel, Thiebaus dou Pont, Alains
         de Saint Pol et Alyos de Calay et pluiseur aultre bon
         homme(s) d’armes. Quant il furent tout venu devant
         Cisek, il environnèrent le ville selonch leur quantité,
         et fisent bon palis derrière yaus, par quoi soudainement
     10  de nuit ou de jour on ne le peuist porter
         contraire ne damage. Et se tinrent là dedens pour
         tous assegurés et confortés que jamais n’en partiroient
         sans avoir le forterèce, et y fisent et y livrèrent
         pluiseurs assaus.

     15  Li compagnon, qui dedens estoient, se deffendirent
         vassaument, tant que à che commencement riens n’i
         perdirent. Toutes fois, pour estre conforté et lever le
         dit siège, car il sentoient bien que à le longe il ne se
         poroient tenir, si eurent conseil dou segnefiier [leur
     20  estat] à monsigneur Jehan d’Evrues et as compagnons
         qui se tenoient à Niorth. Si fisent de nuit partir un
         de leurs varlès, qui aporta une lettre à Niorth, et
         y fu tantos acourus, car il n’i a que quatre liewes.
         Messires Jehans d’Evrues et li compagnon lisirent
     25  celle lettre et veirent comment messires Robers Mitton
         et messires Martins l’Escot leur prioient que il les
         vosissent aidier à dessegier de ces François, et leur
         segnefioient l’estat et l’ordenance dou connestable si
         avant qu’il le savoient, dont il se dechurent et leurs
     30  gens ossi, car il acertefioient par leurs lettres et par
         le parolle dou message que messires Bertrans n’avoit
         devant Chisek non plus de cinc cens combatans.

   [109] Quant messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorissès
         et Cressuelle sceurent ces nouvelles, si affremèrent
         que il iroient celle part lever le siège et conforter
         leurs compagnons, car moult y estoient tenu. Si
      5  mandèrent tantost chiaus de le garnison de Luzegnon
         et de Gensay, qui leur estoient moult prochain. Cil
         vinrent à ce que il avoient de gens, leur garnison
         gardée, et si s’assamblèrent à Niorth. Là estoient
         avoec les dessus dis messires Aymeris de Rochewart
     10  et messires Joffrois d’Argenton, David Holegrave et
         Richars Holme. Si se partirent de Niorth tout appareillié
         et bien monté, et furent compté à l’issir hors
         de le porte set cens et trois tiestes armées et bien
         trois cens pillars bretons et poitevins. Si s’en alèrent
     15  tout le pas, sans yaus fourhaster, par devers Chisech,
         et tant s’esploitièrent que il vinrent assés priès, et se
         misent au dehors d’un petit bois.

         Ces nouvelles vinrent ou logeis dou connestable de
         France, que li Englès estoient là venu et arresté dalés
     20  le bois pour yaus combatre. Tantost tout quoiement
         li connestables fist toutes ses gens armer et tenir en
         leurs logeis, sans yaus amoustrer, et tout ensamble.
         Et cuida de premiers que li Englès deuissent de saut
         venir jusques à leurs logeis pour yaus combatre, mais
     25  il n’en fisent riens, dont il furent mal conseilliet, car,
         se baudement il fuissent venu, ensi qu’il chevauçoient,
         et yaus frapé en ces logeis, li pluiseur supposent que il
         euissent desconfi le connestable et ses gens, avoech
         che que cil de le garnison de Chisek fuissent salli
     30  hors, ensi qu’il fisent.

         Quant messires Robers Mitton et messires Martins
         l’Escot veirent apparant les banières et les pennons
   [110] de leurs compagnons, si furent tout resjoy, et disent:
         «Or tos, armons nous, et nous partons de chi, car
         nos gens viennent combattre nos ennemis: s’est raisons
         que nous soions à le bataille.» Tantost furent
      5  armé tout li compagnon de Cisek et se trouvèrent
         tout ensamble, et estoient bien soissante armeures de
         fier. Si fisent avaler le pont et ouvrir le porte [et se
         mirent tout hors, et clore la porte] et relever le pont
         apriès yaus. Quant li François en veirent l’ordenance,
     10  qui se tenoient armé et tout quoi en leurs logeis, si
         disent: «Veci chiaus dou chastiel qui sont issu et
         nous viennent combatre.» Là dist li connestables:
         «Laissiés les traire avant, il ne nous poeent grever;
         il cuident que leurs gens doient venir pour nous
     15  combatre tantos, mais je n’en voi nul apparant.
         Nous desconfirons chiaus qui viennent: si arons
         mains à faire.» Ensi que il se devisoient, evous les
         deus chevaliers englès et leur route, tout à piet en
         bonne ordenance, qui viennent les lances devant
     20  yaus, et escriant en fuiant: «Saint Jorge! Ghiane!»
         et se fièrent en ces François: ossi il furent moult
         bien recueilliet. Là eut bonne escarmuce et dure, et
         fait tammaint biau fait d’armes; car cil Englès qui
         n’estoient que un petit, se combatoient sagement, et
     25  detrioient toutdis, en yaus combatant, ce qu’il
         pooient; car il cuidoient que leurs gens deuissent
         venir, mais non fisent, de quoi il ne peurent porter
         le grant fuison des François, et furent de premiers
         chil là tout desconfi, mort et pris. Onques nulz des
     30  leurs ne rentra ou chastiel, et puis se recueillièrent li
         François tout ensamble.


   [111] § 720. Ensi furent pris messires Robers Mitton
         et messires Martins l’Escot et leurs gens de premiers,
         sans ce que li Englès, qui sus les camps
         estoient, en seuissent riens. Or vous dirai comment
      5  il avint de ceste besongne. Messires Jehans d’Evrues
         et messires d’Aghorisès et li aultre regardèrent que il
         y avoit là bien entre yaus trois cens pillars bretons et
         poitevins que il tenoient de leurs gens. Si les voloient
         emploiier, et leur disent: «Entre vous, compagnon,
     10  vous en irés escarmucier ces François pour yaus
         attraire de leurs logeis, et si tretost que vous arés
         assamblé à yaus, nous venrons sus ele en frapant, et
         les metterons jus.» Il couvint ces compagnons obeïr,
         puis que les chapitainnes le voloient, mais il ne venoit
     15  mies à aucuns à biel. Quant il se furent dessevré des
         gens d’armes, il approcièrent le logeis des François,
         et vinrent baudement jusques bien priès de là. Li
         connestables et ses gens, qui se tenoient dedens
         leurs palis, se tinrent tout quoi, et sentirent tantost
     20  que li Englès les avoient là envoiiés pour yaus attraire.
         Si vinrent aucun de ces Bretons des gens le
         connestable jusques as barrières de leurs palis pour
         veoir quelz gens c’estoient. Si parlementèrent à yaus,
         et trouvèrent que c’estoient tout Poitevin et Breton
     25  et gens rassamblés; si leur disent li Breton de par le
         connestable: «Vous estes bien mescheans gens, qui
         vous volés faire occire et decoper pour ces Englès,
         qui vous ont tant de maulz fais. Sachiés que, se
         nous venons au dessus de vous, nulz n’en sera pris à
     30  merci.» Cil pillart entendirent ce que les gens le
         connestable leur disoient; si commencièrent à murmurer
         ensamble, et estoient de coer la grigneur
   [112] partie tout françois, si disent entre yaus: «Il dient
         voir. Encores appert bien qu’il font peu de compte
         de nous, quant ensi il nous envoient chi devant
         pour combatre et escarmuchier et commenchier la
      5  bataille, qui ne sons qu’une puignie de povres gens,
         qui riens ne durrons à ces François; il vault trop
         mieulz que nous nos tournons devers nostre nation,
         que nous demorons englès.» Il furent tantost tout de
         cel accort et tinrent ceste oppinion, et parlementèrent
     10  as Bretons, en disant: «Issiés hors hardiement; nous
         vous prommetons loyaument que nous serons des
         vostres, et nous combaterons avoecques vous, [à ces
         parolles le vous disons], à ces Englès.» Les gens le
         connestable respondirent: «Et quel quantité
     15  d’hommes d’armes sont il, chil Englès?» Li pillart
         leur disent: «Il ne sont en tout compte que environ
         set cens.» Toutes ces parolles et ces devises furent
         remoustrées au connestable, qui en eut grant joie, et
         dist en riant: «Chil là sont nostre; or tost à l’endroit
     20  de nous, soions tous nos palis, et puis issons
         baudement sus yaus; si les combatons. Chil pillart
         sont bonnes gens, qui nous ont dit la verité de lor
         ordenance. Nous ferons deus batailles sus elle, dont
         vous, messires Alain de Biaumanoir, gouvrenerés
     25  l’une, et messires Joffrois de Quaremiel l’autre. En
         cascune [ara] trois cens combatans, et je m’en irai
         assambler de front à yaus.» Chil doy chevalier respondirent
         qu’il estoient tout prest d’obeïr, et prist
         cascuns sa carge toute tele qu’il le devoit avoir; mais
     30  tout premierement il soiièrent leurs palis rés à rés de
         le terre. Et, quant ce fu fait et leurs batailles ordenées
         ensi qu’il devoient faire, il boutèrent soudainnement
   [113] oultre leurs palis et se misent as camps,
         banières et pennons devant yaus ventelant au vent,
         en yaus tenant tout serré, et encontrèrent premierement
         ces pillars bretons et poitevins, qui ja avoient
      5  fait leur marchiet et se tournèrent avoech yaus, et
         puis s’en vinrent combatre ces Englès, qui tout s’estoient
         mis ensamble quant il perchurent le banière
         dou connestable issir hors et les Bretons ossi; et
         cogneurent tantost qu’il y avoit trahison de leurs
     10  pillars et qu’il estoient torné françois. Nequedent
         pour ce il ne se tinrent mies à desconfi, mès moustrèrent
         grant chière et bon samblant de combatre
         leurs anemis. Ensi se commença la bataille desous
         Chisech des Bretons et des Englès, et tout à piet,
     15  qui fu grande et drue et bien maintenue. Et vint de
         premiers li connestables de France assambler à yaus
         de grant volenté. Là eut grant estecheis et grant
         bouteis de lances et pluiseurs grans apertises d’armes
         faites; car, au voir dire, li Englès, ens ou regart des
     20  Franchois, n’estoient qu’un petit: si se combatoient
         si vaillamment que merveilles seroit à recorder, et
         se prendoient priès de bien faire pour desconfire
         leurs ennemis. Là crioient li Breton lor cri: «Nostre
         Da[me]! Claiekin!» et li Englès: «Saint Jorge!
     25  Ghiane!» Là furent très bon chevalier dou costé des
         Englès, messires Jehans d’Evrues, messires d’Aghorisès,
         messires Joffrois d’Argenton et messires Aymeris
         de Rochewart, et se combatirent vaillamment, et y
         fisent pluiseurs grans apertises d’armes. Ossi fisent
     30  Jehans Cressuelle, Richars Holme et Davis Holegrave;
         et de le partie des François, premierement messires
         Bertrans de Claiekin, messires Alains et messires Jehans
   [114] de Biaumanoir qui se tenoit sus une ele, et messires
         Joffrois de Quaremiel sus l’autre, et reconfortoient
         grandement leurs gens à l’endroit où il les veoien[t]
         branler, et ce rafreschi, ce jour la bataille durant, par
      5  pluiseurs fois les Bretons, car on vei bien l’eure
         qu’il furent rebouté et reculé et en grant peril de
         tout estre desconfi. De leur costé se combatirent
         encores moult vassaument messires Joffrois Richou,
         messires Yewains de Lakouet, Thiebaus dou Pont,
     10  Selevestre Bude, Alains de Saint Pol et Alyos de Calay.
         Chil Breton se portèrent si bien pour celle journée,
         et si vassaument combatirent leurs ennemis que la
         place leur demora, et obtinrent la besongne, et furent
         li Englès tout mort ou pris, qui là estoient venu de
     15  Niorth, ne onques nulz n’en retourna ne escapa. Si
         furent pris de leur costet tout li chevalier et escuier
         de nom, et eurent ce jour li Breton plus de trois
         cens prisonniers, que de puis il rançonnèrent bien et
         chier, et si conquissent tout lor harnois où il eurent
     20  grant butin.


         § 721. Apriès celle desconfiture qui fu au dehors
         de Chisek faite de monsigneur Bertran de Claiekin
         et des Bretons sus les Englès, se parperdi tous li pays
         de Poito pour le roy d’Engleterre, sicom vous orés
     25  ensievant. Tout premierement il entrèrent en le ville
         de Chisech, où il n’i eut nulle deffense, car li homme
         de le ville ne se fuissent jamais tenu ou cas que il
         avoient perdu leurs chapitainnes, et puis se saisirent
         li François dou chastiel, car il n’i avoit que varlès,
     30  qui li rendirent tantost, salve leurs vies.

         Che fait, incontinent et caudement il s’en chevauchièrent
   [115] par devers Niorth et en menèrent la grigneur
         partie de leurs prisonniers [avec iaux]. Si ne
         trouvèrent en le ville fors les hommes qui estoient
         bon François, se il osassent, et rendirent tantost le
      5  ville et se misent en l’obeïssance dou roy de France.
         Si se reposèrent là li Breton et li François et rafreschirent
         quatre jours. Entrues vint li dus de Berri à
         grant gens d’armes d’Auvergne et de Berri, en le cité
         de Poitiers: si fu grandement resjoïs quant il sceut
     10  que leurs gens avoient obtenu le place et le journée
         devant Chisech, et desconfi les Englès, qui tout y
         avoient esté mort ou pris.

         Quant li Breton se furent rafreschi en le ville de
         Niorth l’espasse de quatre jours, il s’en partirent et
     15  chevauchièrent vers Luzegnon. Si trouvèrent le
         chastiel tout vuit, car chil qui demoret y estoient de
         par monsigneur Robert Grenake, qui estoit pris devant
         Chisek, s’en estoient parti sitost qu’il sceurent
         comment la besongne avoit alé. Si se saisirent li
     20  François dou biau chastiel de Luzegnon, et y ordonna
         li connestables chastellain et gens d’armes
         pour le garder, et puis chevauça oultre à toute son
         host par devers Chastiel Acart, où la dame de Plainmartin,
         femme à monsigneur Guichart d’Angle, se
     25  tenoit, car la forterèce estoit sienne.


         § 722. Quant la dessus nommée dame entendi
         que li connestables de France venoit là efforciement
         pour lui faire guerre, si envoia un hiraut devers lui,
         en priant que sus assegurances elle peuist venir parler
     30  a lui. Li connestables li acorda, et raporta le saufconduit
         li hiraus. La dame vint jusques à lui, et le
   [116] trouva logiet sus les camps: se li pria que elle peuist
         avoir tant de grasce que d’aler jusques à Poitiers
         parler au duch de Berri. Encores li acorda li connestables
         pour l’amour de son mari, monsigneur Guichart;
      5  et donna toute assegurance à lui et à sa terre
         jusques à son retour, et fist tourner ses gens d’autre
         part par devers Mortemer.

         Tant s’esploita la dame de Plainmartin, que elle
         vint en le cité de Poitiers, où elle trouva le duch de
     10  Berri: si eut accès de parler à lui, car li dus le rechut
         moult doucement, ensi que bien le sceut faire.
         La dame se volt mettre en genoulz devant lui, mais
         il ne le volt mies consentir, ançois le volt oïr parler
         tout en son estant. La dame commença sa parolle, et
     15  dist ensi: «Monsigneur, vous savés que je sui une
         seule femme à point de fait ne de deffense, et veve
         de vif mari, s’il plaist à Dieu; car mon signeur, messires
         Guichars, gist prisonniers en Espagne, ens es
         dangiers dou roy Henri. Si vous vorroie priier en
     20  humilité que vous me feissiés celle grasce que, tant
         que mon signeur sera prisonniers en Espagne, mi
         chastiel et ma terre, mon corps et [mes biens, avec]
         mes gens, puissent demorer en pais, par mi tant que
         nous ne ferons point de guerre, et on ne nous en
     25  fera point ossi.» A la priière de la dame volt entendre
         et descendre à celle fois li dus de Berri, et li
         acorda legierement. Car, quoi que ses maris, messires
         Guichars, fust bons Englès, se n’estoit il point trop
         hays des François; et fist delivrer tantos à la dame
     30  lettres selonch sa requeste d’assegurances, de quoi
         elle fu grandement reconfortée, et les envoia, de puis
         qu’elle fu retournée à Chastiel Achart, quoiteusement
   [117] par devers le connestable, qui bien et volentiers y
         obeï.

         Si vinrent li Breton de celle empainte devant
         Mortemer, où la dame de Mortemer estoit, qui se
      5  rendi tantos, pour plus grant peril eskiewer, et se
         mist en l’obeïssance dou roy de France, et toute sa
         terre ossi avoech le chastiel de Dieunée.


         § 723. En celle saison ne demorèrent en Poito
         plus de garnisons englesces que Mortagne sus mer,
     10  Merspin et la tour de la Broe, [que tout ne fussent
         franchoises]. Voirs est que la Roce sur Ion se tenoit
         encores, mès c’est sus les marces d’Ango et dou ressort
         d’Ango.

         En ce temps s’en vinrent mettre le siège li baron
     15  de Normendie et aucun de Bretagne devant Becheriel,
         et là eut bien dis mil hommes, qui s’i tinrent
         toute le saison et plus d’un an, car il y avoit dedens
         englès chevaliers et escuiers, qui trop bien en pensoient.
         Par devant Becheriel furent fait pluiseurs
     20  grans apertises d’armes, et priès que tous les jours y
         avenoit aucunes coses. Là estoient des Normans li
         mareschaus de Blainville, li sires de Riville, li sires
         d’Estouteville, li sires de Graville, li sires de Clères,
         li sires de Hanbiie, li sires de Frauville, li sires
     25  d’Ainneval; et de Bretagne, li sires de Lyon, li sires de
         Dignant, li sires de Rays, li sires de Rieus, li sires de
         Quintin, li sires d’Avaugour et li sires d’Ansenis et
         pluiseur aultre baron, chevalier et escuier des basses
         marces, qui tout s’i tenoient [pour leur corps avanchier
     30  et pour l’amour l’un de l’autre, et pour delivrer
         le pays des Englès].

   [118] Or parlerons nous dou connestable de France
         comment il persevera. Quant il eut priès que tout
         Poito raquitté et par tout mis gens d’armes et garnisons,
         il s’en retourna à Poitiers devers les dus qui là
      5  estoient, le duch de Berri, le duch de Bourgongne et
         le duch de Bourbon; si fu li bien venus entre yaus et
         à bonne cause, car il avoit en celle saison grandement
         bien esploitié pour yaus. Si eurent conseil chil signeur
         et li connestables de retourner en France et
     10  de venir veoir le roy Charle, et donnèrent congiet à
         la plus grant partie de leurs gens d’armes de raler
         cescun sus son lieu et en sa garnison jusques adont
         qu’il oroit aultres nouvelles. Si se departirent ces
         gens d’armes, et s’en vinrent une partie des Normans
     15  et des Bretons devant Becheriel au siège que
         on y tenoit. Dou chastiel et de le garnison de Becheriel
         estoient chapitainne doi chevalier d’Engleterre,
         apert homme d’armes malement. Si les nommoit on
         messires Jehans Appert et messires Jehans de Cornuaille.
     20  Un petit plus bas en Constentin se tenoit
         englesce Saint Salveur le Visconte. Si en estoit chapitains,
         de par monsigneur Alain de Bouqueselle à qui
         la garnison estoit et au quel li rois d’Engleterre l’avoit
         donnet apriès le mort monsigneur Jehan Chandos,
     25  [messires Thumas de Quatreton]. Avoech Quatreton,
         qui estoit appert homme d’armes et hardis durement,
         s’estoient mis et bouté et venu pour querre les armes
         hors de Poito, où il avoient tout perdu, messires
         Thomas Trivès, messires Jehans de Bourch, messires
     30  Phelippes Pikourde et li troi frère de Maulevrier. Et
         s’estoient tout par compagnie là aresté pour garnir
         et garder la forterèce et la ville de Saint Salveur,
   [119] pour l’amour de monsigneur Alain; car li Normant
         le maneçoient durement, et disoient que il revenroient
         par là, mais que il euissent acompli leur entente
         de Becheriel.

      5  Or retournèrent li troi duch dessus nommé, li connestables
         de France, li sires de Cliçon et chil baron
         de Bretagne en France devers le roy; si le trouvèrent
         à Paris, et le duch d’Ango dalés lui. Si se fisent
         grans recognissances, et s’eslargi li rois de quanqu’il
     10  peut faire pour l’amour de ses frères et dou connestable,
         et tint cour ouverte deus ou trois jours, et
         donna grans dons et biaus jeuiaus là où il les sentoit
         bien emploiiés.

         En ce temps estoient en trettié de pais ou de
     15  guerre li rois de France et li rois de Navare, et le
         pourcaçoient, par l’avis et conseil de aucuns sages et
         vaillans hommes dou royaume de France, li contes
         de Salebruce et messires Guillaumes des Dormans, et
         me samble que li rois de Navare, qui se tenoit à
     20  Chierebourch, fu adont si consilliés que legierement il
         s’acorda à le pais envers son serourge, le roy de
         France, et vint li connestables de France en Normendie
         droit à Kem, pour confremer celle pais et
         amener le roy de Navare en France. Si fu ens ou
     25  chastiel de Kem de tous poins la pais confremée et
         jurée à tenir à tous jours mès. Et vint li rois de Navare
         en France à Paris; mais li dus d’Ango, qui onques
         ne le peut amer, s’en estoit partis et venus esbatre
         en Vermendois, et veoir et viseter sa terre de Guise
     30  en Tierasse, car point ne voloit parler au roy [Charle]
         de Navare. Non obstant ce, li rois de France li fist
         grant chière et bon samblant, et le tint tout aise dalés
   [120] lui plus de douse jours, et li donna des biaus dons
         et des riches jeuiaus et à ses gens ossi pour plus
         grant conjunction d’amours. Et li pria que il li vosist
         laissier deus biaus filz que il avoit, qui estoient si neveut,
      5  Charle et Pière. Si seroient dalés son fil le
         dauffin et Charle de Labreth, car aussi estoient il auques
         d’un eage. Li rois de Navare, qui prendoit
         grant plaisance en l’amour que ses serourges, li rois de
         France, li moustroit et faisoit, li acorda à ses deus filz
     10  demorer dalés lui, dont puis se repenti, sicom vous
         orés avant recorder en l’istore.


         § 724. Quant li rois de Navare eut sejourné assés
         dalés le roy de France, tant que bon li eut samblé,
         et que li dis rois de France li eut fait si bonne chière
     15  que merveilles, et l’eut menet au bois de Vicennes, où
         il faisoit faire le plus bel ouvrage dou monde, d’un
         chastiel, de tours et de haus murs, il prist congiet, et
         se parti de Paris, et chevauça vers Montpellier, et
         fist tant qu’il y parvint, où il fu recheus à grant joie,
     20  car la ville de Montpellier et toute la baronnie pour
         ce temps estoit sienne.

         Nous nos soufferons un petit à parler dou roy
         de Navare tant qu’à celle fois, et parlerons d’autres
         incidenses qui escheïrent en France. En ce
     25  temps et en celle meisme saison trespassa de ce
         siècle li rois David d’Escoce en une abbeye dalés
         Haindebourch en Escoce. Si fu ensepelis en une
         aultre abbeye assés priès de là, que on appelle Donfremelin,
         dalés le roy Robert, son père. Après ce roy
     30  fu rois d’Escoce li rois Robers, uns siens neveus, qui
         en devant en estoit seneschaus. Cilz [rois] Robers estoit
   [121]  uns lasques chevaliers, mais il avoit jusques à
         onse biaus filz, tous bons hom[me]s d’armes, et ossi
         il voloit user par conseil des besongnes d’Escoce, et
         tint en très grant chierté tous chiaus que li rois, ses
      5  oncles, avoit enhays, monsigneur Guillaume, conte
         de Duglas, monsigneur Archebaut, son cousin, et
         tout leur linage, car che sont loyal chevalier, et n’estoit
         mies se entention que ja il se composast as Englès.
         Mais en ce temps estoient triewes entre les Escos
     10  et les Englès, qui avoient à durer encores quatre
         ans. Si les tenoient bien li chevalier et li escuier de
         l’un pays et de l’autre, mais ce ne faisoient mies li
         villain qui se trouvoient ens es foires et marchiés sus
         les frontières, ançois se batoient et navroient et souvent
     15  occioient, et pilloient vaches, bues, pors, brebis
         et moutons. Si toloit li plus fors au plus foible, et
         quant les plaintes en venoient as rois et à leurs consaulz,
         et que il s’en assambloient et mettoient sus
         marce de pays, et li Englès se plaindoient des Escos,
     20  car par especial par yaus venoient les incidenses, et
         que il disoient que il avoient rompu leur seelé et
         brisiet triewes, qui leur estoit grans blasmes et prejudisces,
         il s’escusoient et respondoient qu’il ne
         pooient brisier triewes, par celle condition, se banières
     25  et pennons de signeurs n’i estoient, pour debat
         de meschans gens enivrés en foires et en marchiés,
         et pour pillage de biestail triewes ne se rompoient
         mies. Si demoroient les coses en cel estat:
         qui plus y avoit mis, plus y avoit perdu.


     30  § 725. Bien estoit li rois d’Engleterre enfourmés
         que il avoit perdu tout son pays de Poito, de Saintonge
   [122] et de le Rocelle, et que li François estoient
         grandement fort sur le mer de galées, de barges et
         de gros vaissiaus, des quelz estoient chapitain avoech
         Yewain de Galles et dan Radigho de Rous, le maistre
      5  amiral et patron dou roy Henri d’Espagne, li contes
         de Nerbonne, messires Jehans de Rais et messires
         Jehans de Viane, et tenoient bien sus mer ces gens
         sis vint gros vaissiaus sans leur pourveances, cargiés
         de gens d’armes, de bidaus et de Genevois. Et estoit
     10  li rois d’Engleterre enfourmés que ces gens waucroient
         sus les bendes d’Engleterre pour entrer en
         son pays, et faire, là où il prenderoient terre, un
         grant fait. Si ordonna li rois le conte de Sallebrin,
         monsigneur Guillaume de Nuefville et monsigneur
     15  Phelippe de Courtenay à estre chapitainne de deus
         mil hommes d’armes et otant d’arciers, et fisent leurs
         pourveances en Cornuaille, et là montèrent il en
         mer. Si singlèrent devers Bretagne, car ailleurs ne
         pooient il arriver pour faire guerre qui leur vausist,
     20  ne pour emploiier leur saison. Et ossi il voloient savoir
         l’entention dou duch et des barons de Bretagne,
         se il se tenroient françois ou englès. Si eurent si bon
         vent que de une flote il arrivèrent à Saint Malo de
         l’Ille en Bretagne, et trouvèrent ou havene set gros
     25  vaissiaus espagnolz de marcheans d’Espagne, cargiés
         d’avoir, qui là gisoient à l’ancre. Si les ardirent li Englès,
         et tout l’avoir qui dedens estoit, et misent à
         mort tous les Espagnos qu’il y trouvèrent, et entrèrent
         en le ville de Saint Malo et s’i logièrent de fait.
     30  Le[s] gens de le ville n’en furent mies signeur, et
         commenchièrent li Englès à courir là environ et à
         faire guerre et à prendre vivres.

   [123] Ces nouvelles s’espardirent tantost sus le pays, qui
         en fu durement esmeus et en plus grant souspeçon
         que devant sus leur duch et sus monsigneur Robert
         Canolle, et disent generalment que il avoient mandés
      5  les Englès et là fait venir et ariver, et que ce ne faisoit
         mies à consentir. Et puis que li dus moustroit
         clerement que il voloit estre englès et point [ne tenoit]
         l’ordenance de son pays, il estoit tenus de perdre
         sa terre. Si se cloïrent cités, villes et chastiaus, et
     10  fist cascuns bon gait et bonne garde, ensi que pour lui.

         Pour le temps de lors se tenoit li dus de Bretagne
         ens ou chastiel de Vennes, de quoi chil de le cité et
         dou bourch n’estoient mies bien asseguret. Et messires
         Robers Canolles se tenoit en son chastiel de Derval,
     15  et le faisoit grandement et grossement pourveir
         de toutes choses de vivres et d’arteillerie et remparer
         de tous poins, car bien imaginoit que li pays
         seroit en guerre et que ses chastiaus aroit à faire. Et
         quant il eut tout ce fait, il le recarga à un sien cousin
     20  chevalier, qui s’appelloit messires Hues Broe, et
         le laissa bien pourveu de toutes coses, et puis se
         traist ou chastiel et en le ville de Brest, où li sires
         de Nuefville, d’Engleterre, à toute sa carge de gens
         d’armes, qui arrivet estoient l’anée devant à Saint
     25  Mahieu de Fine Posterne, ensi que vous savés, estoit.
         Si vint messires Robers Canolles dalés lui pour
         avoir plus [grant] confort d’aide et de conseil, et ossi
         Brest est uns des plus fors chastiaus dou monde.


         § 726. Ces nouvelles et les plaintes des barons et
     30  des chevaliers de la duché de Bretagne vinrent à Paris
         devers le roy de France, et li fu remoustré comment
   [124] li dus avoit mandé grant confort en Engleterre
         pour mettre les Englès en leur pays, ce que jamais ne
         consentiroient, car ils sont et voellent domorer bon
         et loyal François; et estoit sceu et tout cler que il voloit
      5  ses forterèces et ses chastiaus garnir et pourveir
         d’Englès. Li rois leur demanda quel cose en estoit
         bonne à faire; il respondirent que il mesist sus une
         [grosse et grant] carge de gens d’armes, et les envoiast
         en Bretagne, et se hastast dou plus tost que il peuist,
     10  ançois que li Englès y fuissent de noient plus fort, et
         presissent chil que il y envoieroit, le saisine et possession
         de toutes cités, villes et chastiaus; car li dus
         avoit fourfait sa terre. Ces parolles et ces offres des
         barons et des chevaliers de Bretagne plaisirent grandement
     15  au roy, et dist que c’estoient loyaus gens et
         bonnes, et que il demorroit dalés yaus. Si ordonna
         son connestable, monsigneur Bertran, à traire de celle
         part à tel carge de gens d’armes que il vorroit prendre
         et avoir, sans nulle exception, car il mettoit tout
     20  en sa main. Li connestables obeï à l’ordenance dou
         roy, ce fu raisons, et se hasta de faire celle armée et
         chevaucie, car il touchoit, et s’en vint en le cité de
         Angiers; si fist là son amas de gens d’armes. Si estoient
         avoecques li li dus de Bourbon, li contes
     25  d’Alençon, li contes du Perce, li daufins d’Auvergne,
         li contes de Boulongne, li contes de Ventadour,
         [li contes de Vendosme], li sires de Cliçon, li viscontes
         de Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de
         Rocefort et tout li baron de Bretagne. Si se trouvèrent
     30  bien quatre mil lances, chevaliers et escuiers, et
         bien dis mil d’autres gens. Si chevauchièrent devers
         Bretagne.

   [125] Ces nouvelles vinrent au duch de Bretagne qui se
         tenoit encor à Vennes, comment François et Breton
         venoient sur lui pour prendre et pour saisir de
         force sa terre et son corps ossi, et estoient bien
      5  quinse mil armeures de fier, et de toutes ces gens
         d’armes estoient conduiseur et gouvreneur li connestables
         et li dus de Bourbon. Avoech tout che, il
         avoient d’acord tout le pays, cités, villes et chastiaus.
         Si se doubta li dus grandement de soi meismes que il
     10  ne fust pris et atrapés. Si se departi de Vennes et s’en
         vint au cha[stiel] d’Auroy, à quatre liewes d’iluech, et
         y sejourna sis jours tant seulement, et ne trouva mies
         en son conseil que il y demorast plus, que on ne mesist
         le siège devant lui. Et toutefois il ne savoit en
     15  Bretagne plus nulle ville où il s’osast enclore. Si laissa
         là une partie de ses gens et la ducoise, sa femme, en
         le garde d’un sien chevalier, qui s’appelloit monsigneur
         Jehan Augustin, et puis chevauça oultre vers
         Saint Mahieu de Fine Posterne. Quant il fu venus
     20  jusques à là, il cuida entrer en le ville, mais il se
         cloïrent contre lui, et disent que point n’i enteroit.
         Quant il vei ce, si se doubta encores plus que devant,
         et prist le chemin de Konke sus le mer, et là entra il
         en un vaissiel, et ses gens, et singla vers Engleterre.
     25  Si arriva en Cornuaille. De puis il chevauça tant que
         il vint à Windesore, où li rois se tenoit, qui li fist
         grant chière quant il le vei, car il l’appelloit son biau
         fil. Li dus adont li recorda tout l’estat de Bretagne et
         comment la besongne y aloit, et que pour l’amour de
     30  lui il avoit perdu son pays, et l’avoient tout si
         homme relenqui, excepté messires Robers Canolles.
         Lors li respondi li rois, et li dist: «Biaus filz, ne
   [126] vous doubtés que vous n’aiiés tousjours assés, car ja
         [je] ne ferai pais ne acord à mon adversaire de France
         ne as François, que vous ne doiiés estre ossi avant
         ou trettié que je serai, et demorrés dus de Bretagne,
      5  malgré tous vos nuisans.» Chilz reconfors plaisi
         grandement au duch de Bretagne. Si demora dalés le
         roy et le duch de Lancastre et les barons d’Engleterre,
         qui li fisent grant solas et grant confort.

         O[r] parlerons de monsigneur Bertran de Claiekin
     10  et des barons de France, comment il entrèrent en
         Bretagne efforciement, et se misent en possession des
         villes et des chastiaus, et obeïrent tout à lui, non à
         monseigneur Robert Canolles, qui estoit demorés bail,
         quant li dus se departi.


     15  § 727. Li connestables qui avoit le commission dou
         roy de France de prendre et de saisir tout le pays de
         Bretagne, y entra efforciement à plus de quinse mil
         armeures de fier et tous à chevaus, et ne prist mies
         premierement le chemin de Nantes, mais celui de le
     20  bonne cité de Rennes et de le Bretagne bretonnant,
         pour tant que il estoient et ont esté toutdis plus favourable
         au duch de Bretagne, que li François appelloient
         le conte de Montfort, que li douce Bretagne.
         Quant li bourgois sentirent venant sur yaus le connestable
     25  et les François si efforciement, si n’eurent
         mies conseil d’yaus clore, mès se ouvrirent, et [les]
         recueillièrent doucement, et se misent tantost en
         l’obeïssance dou roy de France. Li dis connestables
         en prist les fois et les hommages et les sieremens
     30  que il se tenroient estable, et puis passa oultre et
         s’en vint jusques à le bonne ville de Dignant. Chil
   [127] de Dignant fisent otel, et puis chevaucièrent jusques
         à le cité de Vennes, qui se ouvrirent ossi tantos, et se
         misent en l’ordenance dou connestable, et puis s’i
         rafreschirent li Breton et li François quatre jours. A
      5  leur [departement], il prisent le chemin dou Suseniot,
         un moult biau chastiel et maison de deduit pour le
         duch. Là y avoit aucuns Englès qui le gardoient de
         par le duch, li quel ne se veurent mies si tost rendre,
         mais se cloïrent et moustrèrent grant deffense.

     10  Quant li connestables fu venus jusques à là, et il
         vei le condition et manière des Englès qui dedens
         estoient, si dist qu’il ne s’en partiroit mies ensi. Si
         se loga et fist toutes ses gens logier, et, entrues que
         li varlet logoient, traire avant à l’assaut les gens
     15  d’armes, qui riens n’i conquisent ne gaegnièrent ce
         premier assaut, fors horions. Si se retraisent au soir
         à leurs logeis et se aisièrent de ce qu’il eurent. A
         l’endemain il assallirent encores; n’i fisent il riens,
         et les couvint là estre quatre jours, ançois que il
     20  peuissent conquerre le chastiel. Finablement il fu
         conquis et pris de force, et tout chil mort, qui
         dedens estoient: onques piés n’en escapa; et donna
         li dis connestables le chastiel dou Suseniot à un
         sien escuier, bon homme d’armes, qui s’appelloit
     25  Yewains de Mailli. Puis se deslogièrent li François
         et chevaucièrent devers Jugon, une bonne ville et
         bon chastiel, qui se rendirent tantost et se misent
         en l’obeïssance dou roy de France, et puis Ghoy la
         Forest, et puis la Roce d’Euriant, Plaremiel, Chastiel
     30  Josselin, Phauet, Ghingant, Saint Mahieu de
         Fine Posterne et pluiseurs villes de là environ, Garlande,
         Camperlé et Campercorrentin.

   [128] Quant li contes de Sallebrin et messires Guillaumes
         de Nuefville et messires Phelippes de Courtenay
         et li Englès, qui se tenoient à Saint Malo de
         l’Ille, entendirent que li connestables et li sires de
      5  Cliçon et li baron de France et de Bretagne estoient
         entré en Bretagne si efforciement qu’il y prendoient
         cités, villes et chastiaus, et que tous li pays se tournoit
         viers yaus, et se sentoient encores sus mer la grosse
         navie d’Espagne et les François, si eurent conseil
     10  que il se trairoient viers Brest: là seroient il, yaus et
         leur navie, en plus grant segur, car li havenes de Brest
         gist en bonne garde, et ossi il y trouveroient de leurs
         compagnons le signeur de Nuefville et monsigneur
         Robert Canolles, qui là se tenoient sus le confort de
     15  le forte place. Si aroient milleur conseil tout l’un pour
         l’autre. Si cargièrent leurs vaissiaus et entrèrent ens,
         et se departirent de Saint Malo de l’Ille, je ne vi
         onques mieulz à point, car il euissent esté à l’endemain
         assegié. A leur departement il fustèrent et
     20  robèrent toute le ville de Saint Malo, et puis singlèrent
         tant que il vinrent à Hainbon. Là furent il
         un jour, et puis rentrèrent en mer et s’en alèrent
         tout singlant devant Brest, et tant fisent qu’il y parvinrent:
         si y furent recheu à grant joie, et misent
     25  toute leur navie ou havene de Brest. Si se logièrent
         li signeur ou chastiel, et toutes leurs gens en le ville
         ou en leur navie. Et li connestables de France s’en
         vint à toutes ses routes jusques à Saint Malo de
         l’Ille. Si fu moult courechiés, quant il sceut que li
     30  Englès s’en estoient parti, car il venoit là sus cel
         entente et espoir d’yaus combatre ou assegier. Si
         prist le saisine de le ville et les fois et sieremens, et
   [129] y ordonna gens de par lui, et puis chevauça o son
         grant hoost devers le chastiel et le ville de Hainbon,
         où il avoit environ sis vint Englès, qui le tenoient,
         et les y avoit laissiés li contes de Sallebrin, quant il
      5  y fu, n’avoit point sis jours. Si en estoit chapitains
         uns escuiers englès, qui s’appelloit Thommelin
         Wisk.


         § 728. Tant chevauça li connestables et toute se
         route où bien avoit vint mil combatans, que il
     10  vinrent devant le ville de Hainbon. Si trouvèrent les
         portes closes et toutes gens appareilliés, ensi que
         pour yaus deffendre. Li connestables ce premier jour
         se loga et fist logier toutes gens, et à l’endemain au
         matin, à heure de soleil levant, sonner les trompètes
     15  d’assaut, et quant il furent tout armé, traire
         celle part et yaus mettre en ordenance pour assallir.
         Et ensi fisent cil de Hainbon. Englès et Breton, qui
         dedens estoient, s’appareillièrent tantost pour yaus
         deffendre. Bien sçavoit li dis connestables que de
     20  force, ou cas que tout chil, qui dedens Hainbon se
         logoient, se vorroient mettre à deffense, jamais ne
         les aroient, mès il y trouva un trop grant avantage,
         je vous dirai comment. Au commencement de l’assaut,
         il s’en vint jusques as barrières, le quasse
     25  d’achier en le tieste tant seulement, et dist ensi à
         chiaus de le ville de Hainbon, en faisant signe de le
         main: «A Dieu le veu! homme de la ville, qui là
         dedens estes, nous vous arons encor anuit, et enterons
         en le ville de Hainbon, se li solaus y poet entrer;
     30  mais sachiés que, se il en y a nulz de vous qui
         s’amoustre pour mettre à deffense, nous li ferons
   [130] sans deport trencier la tieste et tout le demorant de
         la ville, homme[s], femmes et enfans, pour l’amour
         de celi.» Ceste parolle effrea si les hommes [bretons]
         de le ville de Hainbon, que il n’i eut onques puissedi
      5  homme, qui se osast amoustrer ne apparoir
         pour mettre à deffense; ançois se traisent tout
         ensamble, et disent as Englès: «Signeur, nous
         n’avons mies entention de nous tenir contre le connestable
         ne les signeurs de Bretagne; nous sommes
     10  cheens un petit de povres gens, qui ne poons vivre
         sans le dangier dou pays. Toutesfois nous vous
         ferons tant d’onneur, car vous estes tout bon compagnon,
         que de nous n’arés vous garde; vous n’en
         serés ne grevé ne conforté, et sur ce aiiés avis.»

     15  Quant la chapitainne et li Englès oïrent ces nouvelles,
         si ne leur furent mies trop plaisans, et se
         traisent ensamble et consillièrent. Tout consideré et
         imaginé ou cas que il ne seroient conforté de chiaus
         de Hainbon, il n’estoient mies gens pour yaus tenir
     20  contre une tele host que li connestables de France
         avoit là devant yaus. Si eurent conseil que il tretteroient
         un accort as François, que il renderoient le
         ville et on les lairoit partir, salve leurs vies et le
         leur. Si envoiièrent un hiraut devers le connestable,
     25  qui remoustra toutes ces besongnes, qui raporta un
         saufconduit que li capitains de Hainbon et quatre
         des siens pooi[en]t bien segurement aler en l’ost pour
         oïr et savoir plus plainnement quel cose il voloient
         dire. Sus celle sauvegarde, Thommelins Wisk et
     30  quatre de ses compagnons vinrent devant les barrières
         parler as signeurs de l’ost. Là se porta trettiés
         et compositions, que tout li Englès qui dedens Hainbon
   [131] estoient, et tout li Breton ossi qui l’opinion dou
         conte de Montfort tenoient, se pooient segurement
         partir yaus et le leur, et traire dedens Brest, et non
         aultre part. Ensi eut li connestables de France par
      5  sens, nen par grant fait, le ville et le chastiel de
         Hainbon, dont il ne volsist pas tenir cent mil frans,
         et s’en partirent li Englès sus bon conduit, et en
         portèrent tout le leur, et vinrent en Brest.


         § 729. Apriès le conquès de la ville et dou chastiel
     10  de Hainbon, li connestables ne li signeur qui
         avoech lui estoient, n’eurent mies conseil de traire
         devant Brest, car bien savoient qu’il perderoient lor
         painne; mais se avisèrent que il se retrairoient tout
         bellement devers le bonne cité de Nantes en costiant
     15  le rivière de Loire, et en conquerant et mettant en
         leur subjection et ordenance encores aucunes villes
         et chastiaus qui là estoient. Si laissièrent deus chevaliers
         bretons à chapitainnes en le ville de Hainbon
         et grant gent d’armes, et puis s’en partirent. Si
     20  prisent le chemin de Nantes, selonch la rivière de
         Loire, et misent tout le pays en leur obeïssance,
         que il trouvèrent, ne onques nulz n’i fu rebelles;
         car, se il l’euissent trouvé, la commission dou connestable
         donnée dou roy de France estoit tele que il
     25  voloit que sans merci tout rebelle fuissent puni à
         mort.

         En ce temps faisoit li dus d’Ango un grant mandement
         pour venir mettre le siège devant le Roce
         sur Ion, que li Englès tenoient, la quele garnison
     30  siet sus les marces d’Ango. Ossi li Englès, qui dedens
         Brest estoient, eurent conseil et avis que il se
   [132] retrairoient en mer, puis que li connestables de
         France et li François les eslongoient, et s’en iroient
         reposer et rafreschir viers Gredo et viers Garlande.
         Et, se li navie dou roy de France passoit, ou des
      5  Espagnolz, où il se peuissent emploiier, il se combateroient,
         car ossi les pourveances de Brest commençoient
         à amenrir, car il estoient trop de gens.
         Si recargièrent la ditte forterèce à monsigneur Robert
         Canolles, et rentrèrent en leur navie, et ne menoient
     10  avoecques yaus nulz chevaus. Avoecques le gentil
         conte de Sallebrin estoient d’Engleterre li sires de
         Luzi, li sires de Nuefville, [messires Guillaumes de
         Nuefville], ses frères, li sires de Multonne, li sires
         de Filwatier, messires Bruians de Stapletonne,
     15  messires Richars de Pontchardon, messires Jehans
         d’Evrues, messires Thumas le Despensier et pluiseur
         aultre baron, chevalier et escuier. Trop s’estoient chil
         dit signeur repenti, yaus tenu à Saint Malo et à Brest,
         de che que il n’avoient amené leurs chevaus avoec
     20  yaus, car, se eu les euissent, il disoient bien que il
         euissent chevaucié sus le pays et contre les François.

         Tant s’esploitièrent li connestables de France et
         chil signeur de France et de Bretagne qui avoecques
         lui estoient, en prendant leur tour et en revenant
     25  devers Nantes, que il vinrent devant Derval, qui se
         tenoit hiretages de monsigneur Robert Canolle; si
         l’avoient en garde messires Hues Broe et messires
         Reniers, ses frères. Si tost que li connestables et chil
         baron de France et de Bretagne furent là venu, il
     30  misent le siège environneement et fisent grans bastides
         de tous lés pour [mieuls] constraindre chiaus
         de le forterèce.

   [133] En ce temps s’avala li dus d’Ango atout grant
         gent d’armes de Poito, d’Ango et du Mainne, et s’en
         vint mettre le siège devant la Roce sur Ion, et là
         avoit bien mil lances, chevaliers et escuiers, et
      5  quatre mil d’autres gens, et se partirent dou connestable
         de France par le mandement dou duch d’Ango,
         et vinrent devant le Roche sur Ion tenir le siège
         messires Jehans de Buel, messires Guillaumez des
         Bordes, messires Loeis de Saint Juliien et Charuelz,
     10  bretons, et leurs routes. Et devés savoir que en celle
         saison toutes les guerres et le gens d’armes de
         France, de quel marce que il fuissent, se traioient en
         Bretagne; car il n’avoient que faire d’autre part, et
         ossi li rois de France les y envoioit tous les jours.

     15  Quant les nouvelles veritables furent sceues en l’ost
         dou connestable de France, que li contes de Sallebrin
         et tout li Englès, qui en Brest estoient, quant
         il furent devant Hainbon, estoient parti et retret en
         mer, si en furent moult joiant et en tinrent leur
     20  guerre à plus belle, et s’avisèrent que il envoieroient
         une partie de leurs gens devant Brest et metteroient
         là le siège, car il estoient fort assés pour ce faire, et
         encloroient monsigneur Robert Canolles dedens Brest
         telement, que il n’en poroit issir pour venir conforter
     25  ne consillier ses gens, qui en sa forterèce de Derval
         estoient. Si tretos que il eurent ce imaginé, il tinrent
         ce conseil à bon, et se departirent dou siège de
         Derval li sires de Clichon, li viscontes de Rohem, li
         sires de Lyon, li sires de Biaumanoir, li sires de
     30  Raiys, li sires de Rieus, li sires d’Avangor, li sires de
         Malatrait, li sires dou Pont, li sires de Rocefort et
         bien mil lances de bonnes gens d’armes, et s’en
   [134] vinrent mettre le siège devant Brest et enclore
         monsigneur Robert Canolle dedens, par si bonne
         [et si sage] ordenance que uns oizelès par terre
         n’en fust point issus, qu’il n’euist esté veus. Ensi tinrent
      5  les gens le roy de France en celle saison quatre
         sièges en France, en Bretagne et en Normendie: li
         Normant devant Becheriel, li Breton devant Brest et
         Derval, et li Poitevin et li Angevin devant la Roce sur
         Ion.


     10  § 730. Ce siège pendant devant Derval, y furent
         faites pluiseurs assaus, escarmuces et paletis, et priès
         que tous les jours y avenoient aucun fait d’armes.
         Quant messires Hues Broe et ses frères, qui chapitainne
         en estoient, veirent le manière et ordenance
     15  dou connestable et de ces signeurs de France, qui là
         estoient grandement et estofeement, et qui moult les
         appressoient, et se ne leur apparoit confors de nul
         costet ne point de leur estat ne pooient segnefiier à
         leur cousin monsigneur Robert Canolles, et avoient
     20  entendu que li dus d’Ango estoit avalés moult priès
         de là, qui trop fort les maneçoit, si eurent conseil
         que il tretteroient un respit et se metteroient en
         composition devers le connestable, que, se dedens
         quarante jours il n’estoient secouru et conforté de
     25  gens fors assés pour lever le siège, il renderoient la
         forterèce au connestable. Si envoiièrent sus assegurances
         parlementer ces trettiés en l’ost au dit connestable.
         Li connestables en respondi que riens n’en
         feroit sans le sceu dou duch d’Ango. Encores vorrent
     30  bien chil de Derval attendre la response dou dit
         duch; si fu segnefiiés au duch tous li dis trettiés,
   [135] ensi que il se devoit porter, mais que il l’acordast.
         Li dus n’en volt de riens aler au contraire, mès en
         rescrisi au connestable que ou nom de Dieu il le acceptast
         ou cas que cil de Derval, pour tenir ce marchiet,
      5  liveroient bons plèges. Sus cel estat furent il
         quatre jours que il n’en voloient nuls livrer fors leur
         seelé, mès li connestables disoit que, sans bons hostages,
         chevaliers et escuiers, ils ne donroient nulle
         souffrance. Finablement messires Hues Broe et ses
     10  frères veirent et cogneurent bien que il ne fineroient
         aultrement, se il ne livroient plèges. Si livrèrent
         deus chevaliers et deus escuiers, qui furent tantost
         envoiiet à le Roce sur Ion devers le duch d’Ango,
         et fu ceste composition faite par ordenance tele, que
     15  chil de Derval ne pooient ne devoient nullui recueillier
         en leur forterèce, qui ne fust fors assés pour
         lever le siège. Pour ce ne se desfist mies li principaus
         sièges de Derval, mès y laissa li connestables
         plus de quatre mil combatans de Bretagne, de Limozin,
     20  d’Auvergne et de Bourgongne, et puis atout cinc
         cens lances, il chevauça vers le cité de Nantes, car
         encor n’i avoit il point esté.


         § 731. Quant li connestables de France fu venus
         jusques à Nantes, si trouva les portes de le cité closes
     25  et une partie des bourgois venu au devant de lui et
         yaus mis entre les portes et les barrières, et n’i avoit
         ouvert tant seulement que les postis. Là parlementèrent
         li homme de Nantes moult longement au connestable,
         et veurent veoir sa commission, et le fisent
     30  lire. Quant il l’eurent oy, li connestables leur demanda
         qu’il leur en sambloit, et se elle estoit point
   [136] bonne. Il respondirent qu’il le tenoient bien à bonne,
         et le voloient bien recevoir comme commissaire dou
         roy de France, et jurer que il seroient toutdis et
         demorroient bon François, et ne lairoient Englès nul
      5  entrer en le cité, qui ne fust plus fors d’yaus, mais ja
         il ne relenquiroient lor naturel signeur, qui tenoit
         leurs fois et leurs hommages pour cose que il euist
         encores fait, sauf tant que à main armée, ne homme
         qui fust avoecques lui, se il venoit jusques à là, il
     10  ne soufferoient entrer en leurs portes, et, se il venoit
         à acord devers le roy de France, il voloient estre
         quittes de toutes obligations que faites aroient presentement
         au connestable. Messires Bertrans, qui en
         tout ce ne veoit fors que toute loyauté, leur respondi
     15  que il ne le voloit autrement, et que, se li dus de
         Bretagne vosist estre bons François et amis au roy de
         France et à son pays, il y fust demorés en pais. Et
         quant il se vorra recognoistre, il ara grasce de nostre
         très chier et redoubté signeur le roy, [mais tant que
     20  il tiengne ceste oppinion, il ne levera de Bretaigne
         nuls des pourfis]. Ensi entra li connestables de France
         en le cité de Nantes, et y sejourna huit jours, et en
         prist le saisine et possession, mais il n’i fist riens de
         nouviel. Au IXe jour, il s’en parti et s’en vint demorer
     25  en un village dalés Nantes, en un moult biau manoir,
         qui est au duch, seant sus le rivière de Loire.
         Si ooit tous les jours nouvelles des sièges qui se tenoient
         en Bretagne, et ossi dou duch d’Ango, qui
         seoit devant Roce sur Ion, et dou roy de France, qui
     30  moult l’amoit pour tant qu’il entendoit si parfaitement
         à ses besongnes.


   [137] § 732. Vous avés bien chi dessus oy parler et
         recorder dou duc de Bretagne, comment il se departi
         de son pays et s’en ala en Engleterre requerre
         ayde et confort dou roy, en quel nom il avoit perdu
      5  tout son pays. Bien sçavoit cilz dus que les besongnes
         pour lui en son pays se portoient assés petitement.
         Si esploita tant devers le roy, que li rois ordonna son
         fil le duch de Lancastre à passer mer atout deus mil
         armeures de fier et quatre mil arciers, et de ces gens
     10  d’armes seroient conduiseur et gouvreneur ses filz et
         li dus de Bretagne, et devoient arriver ou havene de
         Calais, pour passer parmi Pikardie, et avoient entention,
         se li temps ne leur estoit contraires, que il se
         metteroient entre Loire et Sainne et s’en iroient rafreschir
     15  en Normendie et en Bretagne, et conforteroient
         les forterèces qui se tenoient englesces, Becheriel,
         Saint Salveur, Brest et Derval, et combateroient
         le[s] François où que ce fust, se contre yaus se voloient
         mettre ne ahatir de combatre. Dont, pour
     20  faire et furnir ce voiage, li rois d’Engleterre ordonna
         à faire toute la saison un ossi grant et ossi estoffé
         appareil que en grant temps on euist point veu en
         Engleterre pour passer le mer, tant que de belles et
         grosses pourveances et de grant fuison de charroi,
     25  qui porteroient parmi le royaume de France tout ce
         qu’il lor seroit de necessité, et par especial moulins à
         le main pour mieurre bled et aultres grains, se il trouvoient
         les moulins perdus et brisiés, et fours pour
         cuire, et toute ordenance de guerre pour avoir appareillié
     30  sans dangier. Et me fu dit que bien trois ans
         en devant, li Englès avoient esté sus ce voiage, comment
         que point ne fuissent passet. Et cuida li dus de
   [138] Lancastre passer la mer l’anée que la bataille fu à
         Jullers dou duch de Braibant contre le duch de Jullers
         et monsigneur Edouwart de Guerles. Car si doy
         cousin de Jullers et de Guerles li avoient offert
      5  tel confort que douse cent lances, chevaliers et escuiers,
         et que pour courir parmi le royaume de
         France jusques ens es portes de Paris. Mais la mort
         de monsigneur Edouwart de Guerles et l’ensonniement
         que li dus de Jullers eut pour ceste besongne,
     10  et le mort et le prise des bons chevaliers, qui furent
         d’une part et d’autre, retardèrent ce voiage qui point
         ne se fist à la première entente dou roy d’Engleterre
         et dou duch de Lancastre. Nequedent, toutdis de puis,
         li dus de Lancastre et li consaulz dou roy d’Engleterre
     15  avoient entendu [à] appareillier les pourveances
         si grandes et si belles, que merveilles seroit à penser.
         Et mandoit li rois d’Engleterre par tout gens, là où
         il les pensoit à avoir par leurs deniers paiier, en
         Flandres, en Braibant, en Haynau et en Alemagne,
     20  et eut li dus de Lancastre [de purs Escos] bien trois
         cens lances. Si venoient à Calais li estragnier qui
         mandé et priiet estoient dou roy, et là se tenoient
         attendant le passage des deus dus de Lancastre et de
         Bretagne, et là leur estoient paiiet et delivret tout leur
     25  gage pour sis mois. Si passèrent tout bellement l’un
         apriès l’autre de Douvres à Calais les pourveances des
         dus et des barons d’Engleterre. Si ne furent mies ces
         coses si tost achievées.

         Entrues se hastèrent les guerres de Bretagne, car li
     30  rois de France estoit tous certefiiés que li Englès en
         celle saison efforciement passeroient en France. Si
         faisoit ossi pourveir en Pikardie cités, villes et chastiaus
   [139] très grossement, car bien savoit que li Englès
         prenderoient leur chemin par là. Et fist commander
         sus le plat pays que cascuns, dedens un terme qui mis
         y fu, euist retret le sien ens es forterèces, sus à estre
      5  abandonné tout ce que on trouveroit.

         Encores se tenoit li sièges dou duch d’Ango
         devant le Roce sur Ion, mais il estoit si lontains
         de tous confors que il veoient bien que longement
         il ne se pooient tenir. Dont il avint que messires
     10  Robers Grenake, uns chevaliers englès, qui chapitainne
         en estoit, se mist en composition devers
         les gens le duch d’Ango, car li dis dus se tenoit à
         Angiers. Et fu la composition tele que, se dedens un
         mois il n’estoient secouru de gens fors assés pour
     15  lever le siège, il renderoient la ville et le chastiel, et
         s’en partiroient, salve le leur et leurs corps, et leur
         donroit on conduit jusques à Bourdiaus. Cilz termes
         inspira; nulz ne vint pour conforter le chastiel de le
         Roce sur Ion; si le rendirent li compagnon qui le
     20  tenoient, as gens le duch d’Ango, et s’en partirent
         messires Robers Grenake et li sien, et passèrent oultre,
         et furent conduit jusques bien priès de Bourdiaus,
         ensi que couvens portoit. Si furent chil de
         Poito et d’Ango et du Mainne durement liet et resjoy
     25  dou reconquès de la Roce sur Ion.


         § 733. En ce temps avint en Bretagne que li sires
         de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de Rocefort
         et li sires de Biaumanoir se departirent dou
         siège de Brest une matinée, atout cinc cens lances,
     30  et chevaucièrent tant que il vinrent à Konke, une petite
         forterèce sus mer, de la quele messires Jehans
   [140] de la Ghingay, uns chevaliers englès et de l’ostel le
         duch de Bretagne, estoit chapitains, et avoit avoecques
         lui pluiseurs compagnons, qui se misent tantost
         en ordenance de deffense quant il veirent les
      5  Bretons. Là eut ce jour grant assaut et dur, et pluiseurs
         hommes navrés et blechiés et mors d’un lés et
         de l’autre. Finablement li Breton assallirent si vassaument,
         et si bien s’i esprouvèrent, que de force
         il conquisent la ville de Konke, [et y furent tout
     10  mors li Englès qui là estoient, excepté le chapitainne
         et sis hommes d’armes qu’il retinrent pour prisonniers.
         Si remparèrent les Bretons le ville de Konke]
         et le rafreschirent de nouvelles gens à leur entente,
         et puis s’en partirent; si en menèrent leurs prisonniers,
     15  et retournèrent au siège de Brest.


         § 734. Entrues que ceste chevaucie se fist dou
         signeur de Cliçon et des dessus dis à Konke, et que
         leur host fu un petit esclarcie de gens à l’un des
         costés dou siège de Brest, se bouta une espie dou
     20  soir en le ville de Brest, qui venoit droit de Derval,
         et qui là estoit envoiiés parler à monsigneur Robert
         Canolle, de par ses cousins monsigneur Hue Broe et
         son frère, li quelz dist et compta au dit monsigneur
         Robert Canolles toute la besongne de son biau chastiel
     25  de Derval, comment il en aloit. Quant messires
         Robers oy ces nouvelles, si n’en fu mies mains pensieus,
         et eut pluiseurs imaginations en lui sur trois
         ou quatre jours, comment il s’en poroit chevir; car
         de perdre si nicement son biau chastiel de Derval,
     30  que tant amoit et qui tant li avoit cousté, ce li seroit
         trop dur, et toutesfois il n’i pooit veoir tour ne
   [141] adrèce que il ne le perdesist, se il n’i mettoit aultre
         remède. Si avisa que il tretteroit devers ces signeurs
         de France et de Bretagne, que il metteroit Brest en
         composition que, se dedens un mois il n’estoient
      5  secouru, aidié et conforté de gens fors assés pour
         combatre le connestable et se poissance, il renderoient
         Brest as François. Quant cil trettié furent
         entamé de premiers et parlementé, onques li sires de
         Cliçon, ne li baron qui au siège estoient, n’en vorrent
     10  riens faire sans le sceu dou connestable. Mais
         il donroient bien un chevalier et deus escuiers des
         gens monsigneur Robert conduit que, sus assegurances,
         il alaissent parler au dit connestable, qui se
         tenoit dalés Nantes.

     15  Ceste response et ordenance plaisi bien au dit
         monsigneur Robert Canolles, et y envoia un chevalier
         des siens et deus escuiers, qui vinrent sans peril,
         sus bon conduit, parlementer au dit connestable et
         proposer ces trettiés. Li connestables de France fu
     20  adont si bien consilliés que dou rechevoir ces trettiés
         et chiaus de Brest en composition, mais que de tenir
         leur journée et leur marchié il delivrassent bons
         ostages, aultrement non. Sus tel estat retournèrent
         chil de Brest, et comptèrent au dit monsigneur
     25  Robert tout ce que vous [avés] oy. Messires Robers,
         qui tiroit à mander le conte de Sallebrin et les barons
         d’Engleterre qui estoient sus mer en se compagnie,
         li quel, il n’en faisoit mies doubte, quant il leur aroit
         segnefiiet tout l’estat, venroient à celle journée, et
     30  qui grant desir avoit ossi de venir en son chastiel de
         Derval, se acorda à celle composition, et livra bons
         ostages et souffissans, tant que li connestables et li
   [142] Breton s’en tinrent pour content, et se desfist li
         sièges de Brest; et se retraisent toutes [ces] gens
         d’armes sus le pays devers Nantes, en attendant les
         journées qui devoient estre de Derval et de Brest;
      5  car aultrement li connestables ne donnoit nullui
         congiet, se il n’estoit especialment escrips et mandés
         dou roy de France.

         Si tretost que messires Robers Canolles peut, il se
         departi de Brest et s’en vint bouter en son chastiel
     10  de Derval, de quoi si cousin furent moult resjoy de
         sa venue. Quant li connestables et li sires de Cliçon
         sceurent ces nouvelles que il s’estoit là boutés, si
         n’en furent mies mains pensieu, car il sentoient monsigneur
         Robert soubtil et cauteleus, si ne savoient
     15  comment il se vorroit maintenir de le composition
         que ses gens avoient fait. Et encores de rechief il
         se contentoient mal sus monsigneur Hue Broe et sen
         frère, de ce que il l’avoient recheu, car, par le
         teneur de leur trettié et dou seelé de leur composition,
     20  il ne pooient ne devoient nullui rechevoir ne
         recueillier en leur forterèce, se il n’estoient fort
         assés pour combatre les François.


         § 735. Avant que messires Robers Canolles se
         departesist de Brest, il escripsi unes lettres et seela.
     25  En ces lettres estoit contenus tous li estas de Brest,
         et comment la journée estoit prise et acceptée des
         François pour yaus combatre, u de rendre le chastiel
         de Brest, la quele cose il feroit moult envis, se
         amender le pooit. Quant il eut tout ce fait, il carga
     30  la lettre à un chevalier des siens, et li dist: «Entrés
         en une barge, et nagiés viers Garlande. Je croi que
   [143] là environ vous trouverés le conte de Sallebrin et
         nos gens: se li donnés ces lettres, et li contés de
         bouche comment la cose va.» Li chevaliers avoit
         respondu qu’il est[oit] tous près, et ja estoit partis
      5  de Brest, et tant avoit nagiet que il avoit trouvet le
         conte de Sallebrin et toute sa navie, où bien avoit
         sis vint vaissiaus d’une flote, sans les barges et les
         hokebos; se li moustra ces lettres de monsigneur
         Robert, et li compta avoech che tout le fait ensi que
     10  il aloit et qu’empris estoit. Quant li contes de Sallebrin
         fu enfourmés de che, si dist que il seroit à le
         journée, se il plaisoit à Dieu, et devant encores. Si
         ne fist nul lontain sejour, mais se desancra, et toute
         sa navie, et s’adreça pour venir à Brest. [Et tant
     15  s’esploita par le confort de Dieu et du vent, que il vint
         assés près de Brest]; et ancrèrent ou havene de Brest,
         et puis avisèrent place et terre qui n’estoit mies trop
         lonch de leur navie, où il se misent et ordenèrent
         par batailles bien et faiticement, et se trouvèrent
     20  bien deus mil combatans et otant d’arciers. Si disent
         entre yaus que il estoient fort assés pour attendre le
         connestable et se poissance, et yaus combatre.

         Ensi se tenoient là li Englès, qui moustroient que
         il voloient tenir leur journée, et tous les soirs
     25  retournoient en leur navie. Quant il eurent là esté
         environ sis jours, et il veirent que nulz ne venoit,
         il prisent un hiraut et l’enfourmèrent de che que il
         voloient qu’il desist, et qu’il chevauçast viers le
         connestable et les François, qui se tenoient en le
     30  marce de Nantes. Li hiraus se departi de l’ost des
         Englès et tant s’esploita que il vint devers le connestable
         et le signeur de Cliçon; se fist son message bien
   [144] et à point, et dist ensi: «Mi signeur, li contes de
         Sallebrin et si compagnon m’envoient devers vous
         et vous segnefient que il leur est venu à cognissance
         que une journée est prise devant Brest de monsigneur
      5  Robert Canolle et de vous, et ordenance de
         bataille; sachiés que il sont venu jusques à là et vous
         attendent tout prest pour combatre et de delivrer
         leurs hostages et le chastiel de Brest.» A ceste
         parolle respondi li connestables, et n’i mist point
     10  trop longement, et dist: «Hiraus, vous retournerés
         devers vos mestres et leur dirés de par nous qu’il
         viegnent et traient avant; nous les combaterons bien
         et volentiers.» Li hiraus respondi que volentiers
         leur diroit ensi. Si se parti et monta à cheval, et esploita
     15  tant que il revint en l’ost de se[s] mestres et
         leur fist ceste response.

         Li contes de Salebrin pensa sus ceste parolle, et
         puis se conseilla à ses compagnons, car là estoient
         sis ou set baron de grant prudense, li sires de Luzi,
     20  li sires de Nuefville, messires Phelippes de Courtenay,
         messires Bruians de Stapletonne et les aultres.
         Si se porta consaulz entre yaus que li hiraus retourneroit
         vers les François et leur diroit de par yaus
         que c’estoient gens de mer qui n’avoient point leur
     25  chevaus. Si n’estoit mies cose deue ne raisonnable
         que il alaissent plus avant à piet, mais, se il lor
         voloient envoiier leurs chevaus, il trairoient vers
         yaus volentiers, et, se il ne voloient faire l’une
         pareçon ne l’autre, il renvoiassent leurs ostages, [car]
     30  il y estoient tenu.

         Li hiraus se parti de rechief de ses mestres et
         chevauça tant que il vint devers le connestable, qui
   [145] tantost le recogneut et qui li demanda de ses maistres
         quels nouvelles: «Sire, se vous mandent ensi par
         moy mi signeur et mestre, et dient que ce sont gent
         de mer qui n’ont nulz de leurs chevaus et qui mies
      5  ne sont uset d’aler trop lonch à piet: si venés vers
         yaus, ou envoiiés leur vos chevaus, et il venront
         droit chi, et, se ce ne volés faire, si leur renvoiiés
         leurs hostages, car il dient que en avant vous n’avés
         nulle cause dou tenir.» Quant li connestables oy
     10  ceste parolle, si en respondi tantost, et dist: «Hiraus,
         nostre cheval nous besongnent, ce n’est pas tant que
         à yaus requeste raisonnable, et puis que il ne voelent
         traire avant et qu’il s’escusent que ce sont gent de
         mer, nous ne sommes pas ne ossi ne sont il ou lieu
     15  ne en le place où la journée fu trettie et pourparlée;
         si leur dirés, quant vous retournerés vers yaus, que
         nous leur ferons tant d’avantage que nous irons là
         sus le place et ou propre lieu, et là viegnent, ensi
         qu’il voelent, et il seront combatu.»

     20  Sus ceste response se departi li hiraus, et s’en revint
         à Brest devers ses mestres et leur fist relation de
         toutes les parolles que vous avés oyes, et sur ce il
         eurent avis et conseil. Depuis ne demoura gaires de
         temps que li connestables, li dus de Bourbon, li
     25  contes d’Alençon, li sires de Cliçon, li sires de Laval
         et tout chil baron de France et de Bretagne, où bien
         avoit quatre mil lances et quinse mil d’autres gens,
         s’en vinrent à une journée priès de Brest où li Englès
         estoient, et là s’arrestèrent et logièrent en moult fort
     30  lieu, et puis le segnefiièrent as Englès comment il
         estoient là venu et sus le lieu droitement, ce disoient,
         où li trettiés de chiaus de Brest avoit esté acordés,
   [146] et leur mandoient que, se li venoient là, il seroient
         combatu, et, se ce ne faisoient, il avoient perdu
         leurs hostages.

         Quant li contes de Sallebrin et si compagnon
      5  entendirent ces nouvelles, si veirent bien que li
         François y aloient soutieuement et qu’il n’avoient
         nulle volenté d’yaus combatre. Si leur segnefiièrent
         par leur hiraut, avoech le hiraut françois qui ces
         parolles avoit aportées, que, se il voloient traire
     10  encores avant les deus pars de le voie, il se travilleroient
         bien tant que tout à piet il iroient la tierce
         part, et, se il ne voloient faire ceste pareçon, il
         venissent à piet le moitié dou chemin, et il iroient
         l’autre, et, se l’une ne l’autre ne voloient faire, il
     15  renvoiassent leurs hostages, car il n’avoient nulle
         cause dou detenir, mais avoient par droit d’armes
         bien fait leur devoir, et estoient en volenté dou faire
         et tenir leur journée.


         § 736. Ensi alant et venant se demenèrent ces
     20  coses et se degastèrent; ne pour pareçon que li
         Englès peuissent ne sceuissent faire, li François ne
         veurent traire plus avant que vous avés oy. Quant li
         Englès veirent ce, si rafreschirent le chastiel de Brest
         de bonnes gens d’armes, de pourveances et d’arteillerie,
     25  et puis entrèrent en leur navie et se desancrèrent,
         et prisent le mer par devers Saint Mahieu
         de Fine Posterne; car devant Derval ne pooient il
         nullement venir à toute lor navie, et à piet ossi il n’i
         fuissent jamais alé. Avoech tout ce, messires Robers
     30  Canolles, qui dedens Derval se tenoit, leur avoit
         escript que en riens il ne se travillassent pour lui et
   [147] qu’il se cheviroit bien tous seulz contre les François.

         En ce propre jour et priès sus une heure que li
         Englès partirent et rentrèrent en leurs vaissiaus, se
         departirent ossi li Breton et li François dou lieu où
      5  il s’estoient arresté, et en menèrent les hostages de
         Brest. Ensi se desrompi ceste assamblée, et s’en
         vinrent li connestables et ses gens devant Derval
         pour tenir leur journée. Mais messires Robers Canolles
         leur manda bien que il n’avoient là que faire
     10  de sejourner pour cose que il deuissent avoir son
         chastiel, ne il ne s’i avoient que faire d’attendre pour
         trettié ne composition nulle qui faite en fust, car
         nulle n’en tenroit, et le raison qu’il y mettoit, il
         disoit que ses gens ne pooient faire nul trettié sans
     15  son sceu, et ce que fait en avoi[en]t estoit de nulle
         vaille. Ces paroles esmervilloient bien le connestable,
         le signeur de Cliçon et les barons de France et de
         Bretagne, et disoient li plus sage et li plus usé
         d’armes que la cose ne pooit estre ne demorer ensi,
     20  et que li trettiés que messires Hues Broe et ses frères
         avoient fais, estoient bon. Si segnefiièrent tout cel
         estat au duch d’Ango, qui se tenoit à Angiers, et la
         cautele que messires Robers Canolles y avoit trouvé.
         Adont li dessus nommés dus se departi d’Angiers à
     25  tout grant gent d’armes, et ne cessa de chevaucier si
         fu venus devant Derval.


         § 737. Nous nos soufferons un petit à parler, car
         la matère le requiert, dou duch d’Ango et dou siège
         de Derval, et parlerons de monsigneur de Lancastre
     30  et dou duch de Bretagne, qui estoient arivet à Calais
         à trois mil hommes d’armes et sis mil arciers et
   [148] bien deus mil d’autres gens. En celle route avoit largement
         de purs Escos bien trois cens lances, qui
         servoient le roy d’Engleterre pour ses deniers. De
         toutes ces gens d’armes et de l’host estoit connestables
      5  messires Edouwars, li sires Despensiers, uns
         des grans barons de toute Engleterre, friche, gentil
         et vaillant chevalier et grant chapitainne de gent
         d’armes, et l’avoit li rois d’Engleterre pourveu de cel
         offisce; et estoient marescal de l’host li contes de
     10  Warvich et li contes de Sufforch. Là estoient des barons
         d’Engleterre li contes de Stafort, li sires de
         Persi, li sires de Ros, li sires de Basset, li sires
         Latimiers, li sires de Boursier, li sires de la Poule, li
         sires de Maune, li sires de Gobehem, filz au gentil
     15  signeur dont ceste hystore chi en devant fait bien
         mention, messires Loeis de Cliffort, li sires de Ware,
         messires Hues de Cavrelée, messires Gautiers Hues,
         messires Guillaumez de Biaucamp, filz au conte de
         Warvich, messires Guillaumes Helmen, messires
     20  Mahieus de Gournay, messires Thumas Fouke, li
         sires de Walles, li sires de Willebi, messires li Chanonnes
         de Robertsart et pluiseurs aultres bons chevaliers
         que je ne puis mies tous nommer. Encores y
         estoient des capitainnes messires Jehans de Montagut,
     25  messires Richars de Pontchardon, messires Symons
         Burlé et messires Gautiers d’Evrues.

         En ce temps estoit chapitains de le ville de Calais
         messires Nicole Tamwore, et de Ghines, messires
         Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de Gommegnies.
     30  Quant li dus de Lancastre et li dus de Bretagne
         et chil signeur, et leurs gens, se furent rafreschi en le
         ville de Calais, et toute leur ordenance fu preste, et
   [149] leurs charois cargiés, et leurs chevaus fierés, il se
         partirent un merkedi au matin, banières desploiies,
         et passèrent devant Ghines et Arde, et ossi devant le
         chastiel de le Montoire, que Hondecourte, uns chevaliers
      5  de Pikardie, gardoit; mais li Englès ne s’i arrestèrent
         onques pour assallir, ançois passèrent oultre et
         s’en vinrent logier sus celle belle rivière qui keurt à
         Hoske. Là se tinrent il une nuit, et comprendoit
         leur host tout jusques à Bavelinghehen et jusques à
     10  l’abbeye de Likes. Quant ce vint au matin, il se departirent,
         et puis se misent au chemin, et chevaucièrent
         au dehors de Saint Omer.

         En le ville de Saint Omer estoit li viscontes de
         Miaus atout grant fuison de gens d’armes. Bien vinrent
     15  courir aucun Englès et une compagnie d’Escos
         jusques as barrières, mais riens n’i fourfisent ne jamais
         n’euissent fait, anchois en reportèrent leur cheval
         des saiettes et des viretons des arbalestriers. Si
         s’en vinrent li Englès logier celle seconde journée sus
     20  les mons de Horfaut, et à l’autre jour passèrent il
         devant Tieruane, où li sires de Saintpi et li sires de
         Brimeu et messires Lyonniaus d’Arainnes et li sires de
         Pois, et bien deus cens lances de François estoient.
         Si passèrent li Englès oultre sans riens fourfaire, et
     25  chevauçoient li Englès en trois batailles moult ordonneement,
         et n’aloient le jour non plus de trois ou de
         quatre liewes, et se logoient de haute nonne, et tous
         les soirs se retrouvoient ensamble, et point ne se
         desfouchoient, mais attendoient moult courtoisement
     30  l’un l’autre. La première bataille estoit des mareschaus,
         la seconde des deus dus, dou duch de Lancastre
         et dou duch de Bretagne; et puis cheminoit
   [150] tous li charois qui portoit [et menoit] toutes leurs
         pourveances, et puis l’arrieregarde faisoit li connestables.
         Et se joindoient toutes ces batailles ensamble,
         ne nulle ne se desfoucoit ne issoit de son pas; ne ossi
      5  nuls chevaliers ne escuiers, tant fust appers ne bons
         homs d’armes, n’osast courir ne faire issue de ses
         compagnons, se il ne li fust commandé ou acordé
         des chapitainnes de se route et par especial des
         marescaus.

     10  Si tretost que li rois de France sceut que chil doi
         duch et leurs gens estoient entré en son pays et
         chevauçoient, il envoia caudement en Bretagne apriès
         le connestable et le signeur de Cliçon et les bons
         chevaliers et escuiers qui là se tenoient, que il s’en
     15  retournassent en France, car il les voloit grandement
         ensonniier. Et par especial li rois remandoit le signeur
         de Cliçon, le viscomte de Rohem, monsigneur
         Jehan de Buel, messire Guillaume des Bordes et
         monsigneur Loeis de Saint Juliien et aucuns chevaliers
     20  et escuiers [bretons], ables et legiers et bien travillans;
         car il voloit faire poursievir les Englès. Et si
         voloit bien li dis rois que messires Bertrans, ses
         connestables, et li dus de Bourbon et li contes d’Alençon
         demoraissent encores dalés son frère le duc
     25  d’Ango, tant que aucune fins se fust approcie de
         chiaus de Derval.

         Or avint entrues que cil qui mandé estoient dou
         roy, misent le temps et les jours de retourner de Bretagne
         en France, et d’avoir leur establissement et leur
     30  ordenance savoir où cascuns devoit aler, emploiièrent
         aussi leur temps grandement li dus de Lancastre
         et li dus de Bretagne et leurs gens d’entrer en France
   [151] et de courir le pays sis liewes de large à deus eles de
         leur host pour plus largement trouver vivres et pourveances,
         car il n’en prendoient nulles des leurs, mès
         qu’il en peuissent recouvrer des nouvelles où que
      5  fust.


         § 738. Ensi passoient li Englès le pays, et furent
         devant Aire, et escarmucièrent as barrières, et puis
         retournèrent amont devers le conté de Saint Pol en
         chevauçant en Artois. Si ardirent une partie dou
     10  pays le jone conte de Saint Pol, et furent devant le
         ville de Dourlens, et y livrèrent grant assaut, et se
         misent li dit Englès en grant painne pour le conquerre
         et pour l’avoir, car il le sentoient riche de
         l’avoir dou pays qui là estoit retrais et aportés, et si
     15  n’estoit pas, ce leur sambloit, tenable à tant de bonnes
         gens d’armes qu’il estoient. On voelt bien dire et
         maintenir que il l’euissent eu et conquis de force, se
         n’euissent esté li gentil homme dou pays, qui là dedens
         estoient retrait et qui avoient oy dire que il
     20  aroient l’assaut. Si passèrent li Englès oultre quant il
         eurent là fait leur emprise, et chevaucièrent viers la
         cité d’Arras, et vinrent li doy duch, as quels tout li
         demorant obeïssoient, logier et s’arrestèrent en l’abbeye
         dou Mont Saint Eloy, à deus liewes petites de le
     25  cité d’Arras. Là se reposèrent il et rafreschirent un
         jour et deus nuis, et puis chevaucièrent oultre en
         prendant le chemin de le rivière de Somme, et fisent
         tant que il vinrent à Bray sus Somme. Là s’arrestèrent
         il et misent en ordenance pour assallir, et l’approcièrent
     30  toutes gens, et y eut moult grant assaut, et
         là fu li Chanonnes de Robertsart bons chevaliers, et
   [152] fist, en joustant à une porte as gens d’armes qui là
         estoient, pluiseurs apertises d’armes. Et euist esté
         pris et retenus uns siens escuiers, qui s’appelloit
         Esporon, se il n’euist esté, car il fu abatus entre piés
      5  à l’entrée de le porte, et le tiroient ens li François
         qui là estoient. Mais li dis Chanonnes, en joustant
         de son glave et montés sus son coursier, recula tous
         chiaus qui là estoient et rebouta en le ville, et en
         abati ne sçai cinc ou sis.

     10  En le ville de Bray sur Somme avoit adont grant
         garnison de chevaliers et d’escuiers de là environ, et
         tout s’i estoient retrait, car bien sçavoient que c’estoit
         li passages des Englès, ne onques ne passèrent en
         France, que il ne tenissent che chemin. Toutesfois il
     15  ne conquisent riens adont à Bray.

         Si prisent leur retour vers Saint Quentin, et entrèrent
         en ce biau et ce plain pays de Vermendois. Se
         fremissoient toutes gens devant yaus, et rançonnoient
         villes et pays à non ardoir et à vivres, et cheminoient
     20  si petites journées que trois ou quatre liewes le jour.
         De Saint Quentin estoit chapitains messires Guillaumes
         des Bordes, et là le trouva li sires de Bousies,
         qui s’en aloit à Ribeumont pour aidier à garder la
         forterèce, car il y avoit part de par sa femme, la
     25  fille au signeur de Cin: se li pria que il li volsist delivrer
         dis arbalestriers. Messires Guillaumes le fist volentiers.
         Si issirent hors de le ville à le porte [que on
         ouvry et] qui oevre vers Laon, et n’eurent point cheminet
         deus liewes, quant il trouvèrent monsigneur
     30  Jehan de Buel qui s’en aloit à Laon pour estre chapitains
         de le cité; là l’envoioit li dis rois de France. Si
         se fisent grans recognissances chil chevalier, quant il
   [153] se trouvèrent, et parlementèrent sus les camps ensamble,
         et entendi messires Jehans de Buel que li Englès
         devoient passer ce jour dalés Ribeumont; si dist
         que il iroit là avoech le signeur de Bousies. Si
      5  chevaucièrent encores avant. Sicomme il estoient à
         demi liewe petite de Ribeumont, il trouvèrent les
         mainnies et le harnas et charoy de monsigneur Hue
         de Cavrelée. Si ferirent tantost à yaus en escriant
         leurs cris, et les ruèrent jus et en occirent la grignour
     10  partie, et en menèrent le harnas dedens le ville de
         Ribeumont. Là trouvèrent il le signeur de Chin, qui
         tantost estoit venus par une aultre porte, et bien
         soissante lances avoecques lui. Si se fisent grant samblant,
         quant il se trouvèrent. Là estoit messires
     15  Jehans des Fosseus, li sires de Soize, li sires de Clari et
         pluiseur chevalier et escuier de celle marce et de sus
         le rivière d’Oize, et tout s’estoient trait à Ribeumont,
         car il avoient entendu que li Englès devoient passer
         par là.


     20  § 739. Ensi que cil chevalier et escuier de Pikardie
         se tenoient là sus le [païs et le] place et devant leurs
         hosteuls en le ville de Ribeumont, nouvelles leur
         viennent de le gaite dou chastiel, que une route
         d’Englès approçoient, où bien pooient estre environ
     25  cent bachinet, et y avoit quatre pennons. Si tretost
         que chil chevalier et escuier sceurent ce, il montèrent
         as chevaus et prisent leurs targes et leurs lances,
         et fisent ouvrir la porte et la barrière, et s’en vinrent
         au cours des esporons en une gaskière nouvellement
     30  arée dou binoir, où chil Englès estoient arresté. Là
         vinrent chil François à chevauçant, le banière le
   [154] signeur de Chin tout devant et trois ou quatre pennons
         qu’il avoient tous desvolepés, en escriant leurs
         cris, et se plantèrent en ces Englès, qui s’ouvrirent
         tout, quant li François vinrent, et les laissièrent passer
      5  tout oultre, et puis se remisent ensamble de
         bonne façon. Si commença la bataille de deus cens
         hommes ou environ, forte et dure et bien combatue,
         et y eut fait pluiseurs grans apertises d’armes
         d’un lés et de l’autre. Là estoit li sires de Chin, qui
     10  s’appelloit messires Gilles, uns fors et durs chevaliers
         et bons homs d’armes, qui mies ne s’espargnoit,
         et tenoit une mace à manière d’une plommée, dont
         il servoit ces Englès les horions si grans sus leurs bachinès,
         que cilz estoit moult fors et moult durs que
     15  il ne ruoit par terre. Ossi li plus fors de l’estour estoit
         tous sur lui, et y prist et rechut tamaint pesant horion,
         et fu abatus ce jour entre piés; mès uns siens filz
         bastars li fist un grant service, car il le releva et
         mist par deus fois à cheval. Finablement li François
     20  obtinrent le place, et furent li Englès qui là estoient
         tout mort ou pris; petit s’en sauvèrent. Et rentrèrent
         li chevalier et li escuier dedens Ribeumont, et là
         amenèrent leurs prisonniers. Ce fu environ heure de
         remontière, et tantost à heure de vespres, li doi duch
     25  et leur grandes routes furent tout rengiet devant
         Ribeumont. Si estoient moult couroucié li Englès de
         ce que on avoit combatu leurs compagnons, mors et
         pris, et point n’i avoient esté. A l’endemain au matin
         il passèrent oultre sans plus riens faire, et prisent le
     30  chemin de Laon. Quant cil de Ribeumont veirent
         qu’il passoient oultre et que point n’aroient d’assaut,
         si vuidièrent par une porte, et chevaucièrent à le
   [155] couverte, hors dou chemin des Englès, messires
         Jehans de Buel et se route, et messires Gerars de
         Lore et li sires de Soize et pluiseur compagnon de le
         marce qui, au rencontre desous Ribeumont avoient
      5  esté, et fisent tant que il vinrent sus le mont de Laon,
         où il furent receus à grant joie.


         § 740. Li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et
         leurs routes s’en vinrent logier à Vaus desous Laon,
         et s’i tinrent trois jours et s’i rafreschirent, yaus et
     10  leurs chevaus, car il trouvèrent le marche grasse et
         plainne de tous vivres, car il estoit en temps de vendenges,
         et si rançonnoient le pays et gros villages à
         non ardoir, parmi vins et sas de pain et bues et moutons,
         que on leur aportoit et amenoit en leur host.
     15  A ce que li Englès moustroient, il ne desiroient aultre
         cose que il peuissent avoir la bataille; mais li rois
         de France, qui doubtoit les fortunes, ne s’i voloit
         nullement assentir ne acorder que ses gens se combatissent:
         se les faisoit il costiier et [le plus qu’on
     20  pouoit] heriier de cinc cens ou de sis cens lances,
         qui tenoient les Englès si cours et en tel doubte que
         il ne s’osoient desfoukier. En le cité et sus le mont
         de Laon avoit bien trois cens lances de Bretons et de
         François, qui veoient les Englès desous yaus à Vaus;
     25  mais onques de soir, de nuit ne de matin, ne les
         resvillièrent. Si se deslogièrent li duch et leurs gens,
         et prisent le chemin de Soissons, car il s[ie]voient
         toutdis les rivières et le plus cras pays. Li sires de
         Clichon, li sires de Laval, li viscontes de Rohem, li
     30  viscontes de Miaus, messires Raoulz de Couci, messires
         Raoulz de Rainneval, messires Jehans de Viane,
   [156] messires Jehans de Buel, messires Guillaumes des Bordes,
         li sires d’Antoing, li sires de Hangest et bien quatre
         cens lances de bonnes gens les poursievoient toutdis
         sus costière, ensi qu’il aloient, et chevauçoient, tel
      5  fois estoit, sus ele si priès l’un de l’autre que il se
         fuissent bien trouvé et rencontré, se il volsissent, et
         parloient à le fois l’un à l’autre. Dont il avint que
         messires Henris de Persi, uns des grans barons d’Engleterre,
         chevauçoit les camps avoecques se route,
     10  et messires Guillaumes des Bordes et messires Jehans
         de Buel faisoient une aultre route, et tenoit cascuns
         son chemin sans point issir dou froais. Là dist messires
         Henris de Persi, qui chevauçoit un biau coursier,
         en regardant sus senestre, à monsigneur Aymeri
     15  de Namur, fil au conte: «Il fait biau voler: que ne
         volés vous, quant vous avés eles?»--«Sire de Persi,
         sire de Persi, dist messires Aymeris, qui un petit issi
         de son conroy en fretillant son coursier, vous dittes
         voir; li volz est biaus à vous et, se j’en ere creus,
     20  nous voleriens jusques à là.»--«Par Dieu, Aymeri,
         je t’en croy bien; or esmues tes compagnons au
         voler: si y ara bon gibier.» Ensi en bourdant, chevauça
         li sires de Persi une espasse de temps, costiant
         les François, et li plus prochains de lui à qui il parloit,
     25  c’estoit messires Aymeris, li bastars de Namur,
         un moult friche et gentil chevalier et bon homme
         d’armes. Trop souvent le jour se fuissent trouvet
         François et Englès, et rencontré sus les camps, se il
         volsissent, mais et li un et li aultre chevauçoient sagement.
     30  Si fu en ce voiage la terre dou signeur de
         Couci toute deportée, ne on n’i fourfist onques riens,
         car li gentilz sires de Couci estoit hors dou pays et se
   [157] dissimuloit de ceste guerre pour la cause de sa
         femme, ma dame Ysabiel, fille au» roy d’Engleterre. Si
         estoit escusés de l’une partie et de l’autre.


         § 741. En ce voiage et en le marce de Soissons,
      5  assés priès d’un village que on dist Ouci, mescheï il
         trop grandement à l’un des bons chevaliers de toute
         la route dou duch de Lancastre et qui le plus s’estoit
         trouvés en devant en grosses besongnes d’armes
         et durs rencontres, monsigneur Gautier Huet. Car
     10  une nuit il avoit fait le gait en lor host, siques sus le
         jour, ensi qu’il est d’usage, il s’estoit retrais en son
         logeis et se desarmoit pour un petit reposer. Ce propre
         matin, messires Jehans de Viane, messires Jehans
         de Buel, li viscontes de Miaus et bien sis vint lances
     15  de François vinrent escarmucier l’ost à l’un des lés
         où li gais avoit esté, ensi comme en rifflant oultre
         sans arrester. Messires Gautier Hues oy ces nouvelles,
         ensi que on li ostoit ses cauces d’achier, et
         estoit ja demi desarmés. Il eut si grant quoite, et si
     20  fretilleusement monta à cheval, qu’il n’estoit vestis
         que de une sengle cote de fier, et n’eut mies loisir
         de prendre ses plates; mès, la targe au col et la
         lance ou poing, s’en vint en cel estat à l’escarmuce.
         Evous un chevalier de France qui s’appelloit messires
     25  Jehans del Mans, hardi et vaillant chevalier,
         durement armés de toutes pièces, bien fort monté,
         le targe au col et la lance ou poing, qui avise monsigneur
         Gautier Huet, et broche cheval des esporons,
         et s’en vient sur lui et le fiert de son glave si roidement
     30  que les armeures que il avoit, ce n’estoient
         mies gramment, ne li vallirent onques riens, mais li
   [158] fist passer son glave tout oultre le corps et l’abati là à
         terre navré à mort. Quant ses gens veirent ce, si
         furent trop desconfi, et, à ce que je oy dire, son pennon
         le sievoit tout envolepé, mais onques ne fu desvolepés.
      5  Là eurent li François celle matinée pour
         yaus et des bons prisonniers, et s’en partirent sans
         damage. Trop furent li doi duch, [li baron et li chevalier
         d’Engleterre] couroucié de la mort à monsigneur
         Gautier Huet; mais amender ne le peurent
     10  tant que à ceste fois. Si chevaucièrent de puis
         mieulz ensamble et plus sagement, en cheminant
         vers la cité de Rains et sus la rivière de Marne.


         § 742. Nous retourrons à parler dou duch d’Ango
         et dou connestable de France, qui se tenoient en ce
     15  temps devant Derval en Bretagne, et de monsigneur
         Robert Canolles, et vous compterons comment ne par
         quele cause cilz sièges se desfist. Li dus d’Ango, li
         dus de Bourbon, li connestables de France et tout li
         signeur qui là estoient, tenoient le chastiel de Derval
     20  à avoir acquis pour yaus par deus raisons. La première
         estoit que messires Hues Broe et ses frères
         avoient juret et seelet et prommis, et de ce livret
         ostages, chevaliers et escuiers, que il ne devoient ne
         pooient nullui recueillier en leur forterèce, qui ne
     25  fust ossi fors comme il estoi[en]t. La seconde raison
         estoit que dedens quarante jours il devoient rendre
         le chastiel de Derval as signeurs de France, se li Englès
         ne venoient là en le place si fors que pour yaus
         combatre et lever le siège, des queles coses il estoient
     30  tout en deffaute. Messires Robers Canolles s’escusoit
         et mettoit toutdis avant que ses gens ne pooient faire
   [159] nulz trettiés sans son accord, et que tout li trettiet
         qu’il avoient fait, estoient de nulle vaille; ne de lui
         on ne pooit estraire aultre response. Et mandoit bien
         [au duch d’Ango et] au connestable que il n’avoient
      5  que faire de là sejourner pour son chastiel, car ja,
         tant qu’il viveroit, n’en seroi[en]t en saisine. Li dus
         d’Ango de ces responces estoit tous merancolieus. Si
         s’avisa une fois que il asseeroit monsigneur Robert
         par une aultre voie, et li manda bien acertes que, se
     10  il ne li rendoit le chastiel, ensi que drois et raisons
         le voloient, il fust tous seurs qu’il feroit mourir ses
         ostages. Messires Robers li remanda, ensi que bien
         estoit en se poissance, de faire ensi tout ce qu’il
         disoit, mais il fust segurs que, se il les faisoit morir,
     15  il avoit laiens en son chastiel des bons chevaliers
         françois prisonniers, des quelz il pooit avoir grans
         raençons, mais il les feroit morir ossi.

         Ceste response prist li dus d’Ango en si grant despit
         que, sans point d’attente, il manda les ostages
     20  qui issu de Derval estoient, deus chevaliers et deus
         escuiers, bien gentilz hommes, et les fist mener dou
         plus priès dou chastiel qu’il peut, et là furent decolé;
         ne pour priière ne pour parolle que aucun baron
         de l’host peuissent ne sceuissent faire, il n’en furent
     25  point deporté. Quant messires Robers Canolles, qui
         estoit amont as fenestres de son chastiel, vei ce, si fu
         ensi que tous foursenés, et fist incontinent une longe
         table lancier hors des fenestres, et là amener trois
         chevaliers et un escuier, que il tenoit prisonniers,
     30  dont il avoit refusé dis mil frans: si les fist monter
         sus celle table l’un apriès l’autre, et par un ribaut
         coper les tiestes et reverser ens es fossés les corps
   [160] d’un lés et les tiestes d’autre. De quoi vraiement,
         tout considéré, ce fu grans pités que, pour l’oppinion
         d’yaus deus, huit gentil homme furent ensi mort. Et
         depuis en furent moult courechiet et li une partie et
      5  li aultre.


         § 743. Assés tost apriès celle herredie et ce cruel
         fait acompli, de quoi toutes manières de bonnes gens,
         qui parler en oïrent, eurent pité et compassion, li
         signeur se partirent, et se desfist li sièges de devant
     10  Derval, et se traisent devers France toutes manières
         de gens d’armes avoecques le duch d’Ango et le connestable,
         car il avoient entendu que li dus de Lancastre
         et li dus Jehans de Bretagne y chevauçoient
         efforciement et estoient ja sus le rivière de Marne.
     15  Si esploitièrent tant les chapitainnes que il vinrent
         à Paris devers le roy, qui les rechut à grant
         joie; et fu par especial durement resjoïs de la venue
         dou connestable, car il avoit en lui très grant
         fiance.

     20  En ce temps estoit retournés à Paris li sires de Cliçon,
         car li rois l’avoit mandé pour avoir colation devant
         lui, present ses frères, qui tout troi estoient venu
         à Paris et le connestable, sus l’estat des Englès, et se
         on les combateroit ou non; car pluiseur baron et
     25  chevalier dou royaume de France et consaulz des
         bonnes villes murmuroient l’un à l’autre et disoient en
         puble que c’estoit grans inconveniens et grans vitupères
         pour les nobles dou royaume de France, où tant
         [a de] baron, chevalier et escuier dont la poissance
     30  est si renommée, quant il laissoient ensi passer les
         Englès à leur [aise], et point n’estoient combatu, et
   [161] que de ce blasme il estoient vituperé par tout le
         monde.


         § 744. Quant tout chil signeur li plus especial
         dou conseil le roy furent assamblé, il se misent en
      5  une cambre, et là ouvri li rois sa parolle sus l’estat
         dessus dit, et pria moult douchement que il en fust
         loyaument consilliés, et volt oïr de cascun l’entente
         au tour et quele raison il y mettoit dou combatre
         ou non combatre. Premierement li connestables en
     10  fu requis dou dire et demandés que il en vosist dire
         à son avis le milleur qui en estoit à faire, pour tant
         que il avoit estet le plus en grosses besongnes et
         petites arrestées contre les Englès. Moult longement
         s’escusa et n’en voloit respondre, si aroient si signeur
     15  qui là estoient, parlé: li dus d’Ango, li dus de
         Berri, li dus de Bourgongne et li contes d’Alençon.
         Non obstant ses escusances, il fu tant pressés que il
         le couvint parler. Si parla par l’amendement d’yaus
         tous, ensi que bien sceut dire ou commencement de
     20  son langage, et dist au roy: «Sire, tout chil qui
         parollent des Englès combatre, ne regardent mies le
         peril où il en poeent venir, non que je die nullement
         que il ne soient combatu, mais je voeil que
         ce soit à nostre avantage, ensi que bien le scevent
     25  prendre, quant il leur touche; et l’ont pluiseurs fois
         eu à Creci, à Poitiers, en Gascongne, en Bretagne,
         en Bourgongne, en France, en Pikardie et en Normendie,
         les queles victores ont trop grandement
         adamagié vostre royaume et les nobles qui y sont;
     30  et les ont tant enorgueillis que il ne prisent ne
         amirent nulle nation fors la leur, par les grans raençons
   [162] que il en ont pris et eus, de quoi il sont enrichi
         et enhardi. Et veci mon compagnon le signeur de
         Cliçon, qui plus naturelment en poroit parler que je
         ne face, car il a esté avoech yaus nourris d’enfance:
      5  si cognoist trop mieulz les conditions et leurs
         manières que nulz de nous. Si li pri, et ce soit vostre
         plaisir, chiers sires, que il me voeille aidier à parfurnir
         ma parolle.» Adont regarda li rois de France
         sus le signeur de Cliçon, et li pria droitement en
     10  en grant amour, pour mieulz complaire à monsigneur
         Bertran, que il en vosist dire sen entente. Li
         sires de Cliçon ne fu mies esbahis de parler, et
         dist que il le feroit volentiers, et porta grant couleur
         au connestable, en disant que il consilloit bien le
     15  roy et moult loyaument, et tantost i mist raison
         pour quoi: «A Dieu le veu, mi signeur, Englès sont
         si grant d’eulz meismes et ont eu tant de belles journées,
         que il leur est avis que il ne poeent perdre;
         et en bataille ce sont les plus confortées gens dou
     20  monde; car, com plus voient grant effusion de
         sanch, soit des leurs ou de leurs ennemis, tant sont
         il plus chaut et plus arresté de combatre, et dient
         que ja ceste fortune ne morra tant que leurs rois
         vive, sique, tout consideré, de mon petit advis, je ne
     25  conseille pas que on les combate, se il ne sont pris
         à meschief, ensi que on doit prendre son ennemi.
         Je regarde que les besongnes dou royaume de France
         sont maintenant en grant estat, et que ce que li Englès
         y ont tenu par soutieuement guerriier, il l’ont
     30  perdu. Dont, chiers sires, se vous avés eu boin conseil
         et creu, si le creés encores.»--«Par ma foy,
         dist li rois, sires de Cliçon, je n’en pense ja à issir,
   [163] ne à mettre ma chevalerie et mon royaume en peril
         d’estre perdu pour un pan de plat pays, et de chi
         en avant je vous recarge avoech mon connestable
         tout le fais de mon royaume, car vostre opinion me
      5  samble bonne. Et vous, qu’en dittes, mon frere
         d’Ango?»--«Par ma foy, respondi li dus d’Ango,
         qui vous consilleroit autrement, il ne le feroit pas
         loyaument. Nous guerrierons tous jours les Englès,
         ensi que nous avons commenchié; quant il nous
     10  cuideront trouver en l’une partie dou royaume, nous
         serons à l’autre, et leur torrons tous jours à nostre
         avantage ce petit que il y tiennent. Je pense si bien
         à esploitier parmi l’ayde de ces deus compagnons
         que je voi là, que ens es marches d’Aquitainnes et
     15  de le Haute Gascogne dedens brief terme on pora
         bien compter ce qu’il y tenront, à peu de cose.»
         De ces parolles fu li rois tous resjoïs, et demorèrent
         sus cel estat à non combatre les Englès, fors par
         le manière que il y ont devisé.

     20  Apriès ce conseil, se departirent dou roy et de
         Paris li connestables, messires Oliviers et bien cinc
         cens lances, et chevaucièrent vers Troies, car li Englès
         aloient che chemin, et avoient passé et rapassé
         à leur aise la rivière de Marne; et quant il trouvoient
     25  un pont desfait sur quelque rivière que fust,
         il avoient avoecques yaus ouvriers et carpentiers,
         qui tantost en avoient un ouvré et carpenté, mès
         que il euissent le bois, et oïl on lor amenoit devant
         yaus, car il avoient gens de tous offices amenés
     30  avoech yaus d’Engleterre. Si furent li doi duch et
         leurs routes devant le ville de Vertus et devant Espernay,
         et rançonnèrent à vivres tout che pays de là
   [164] environ, et trouvèrent grant pillage et grant pourfit
         sus celle bielle rivière de Marne, dont il estoient tout
         signeur et mestre, car nulz ne leur aloit au devant.
         Si montèrent tout contremont vers Chaalons en Campagne,
      5  mais point ne l’approcièrent de trop priès,
         et prisent le chemin de Troies. En le cité de Troies
         estoient ja venu li dus de Bourgongne, li dus de
         Bourbon, li connestables, li sires de Cliçon et leurs
         routes, où bien avoient douse cens lances. Si se tenoient
     10  là en garnison, en attendant les Englès, qui
         ardoient et destruisoient tout le pays d’environ.


         § 745. En ce temps se fist la delivrance dou conte
         [Jehan] de Pennebruch, qui estoit ens es dangiers et
         en le prison dou roy Henri de Castille, li quels fu pris
     15  sus mer devant le Rocelle, ensi que vous avés oy
         recorder, et la quele delivrance se fist par le moiien
         tel que je vous dirai. Messires Bertrans de Claiekin,
         connestables de France, tenoit une terre en Chastille
         dou don le roy Henri, en recompensant les biaus
     20  services qu’il li avoit fais, la quele terre est appelée
         Surie et valoit par an au dit connestable bien dis
         mil frans, siques il fu trettiet que messires Bertrans
         rendi au roy Henri la ditte terre de Surie pour le
         corps dou conte de Pennebruch; et li contes se
     25  rançonna envers le connestable à sis vint mil frans
         et paiier tout à une fois; et en finèrent li Lombart
         de Bruges. Or furent chil trettié et chil marchié
         trop sagement fait et demené des gens le dit conte,
         ensi qu’il apparu: vous orés comment. Il ne devoient
     30  riens paiier, si aroient les gens le connestable remis
         le corps dou conte sain et sauf, sans nul peril, en le
   [165] ville de Calais. Si se departi li dis contes sus cel
         estat d’Espagne, et passa parmi Navare et entra ou
         royaume de France, et chevauça avoech ses gens
         tout parmi, sus le conduit dou connestable. Si avint
      5  que, en chevauçant et cheminant, une très grant
         maladie le prist, mès toutdis aloit avant, et le couvenoit
         porter en littière. Tant ala, et [si] la maladie
         le demena que il le couvint arester et alitter en le
         cité d’Arras, et là morut. Ensi perdi messires Bertrans
     10  son prisonnier et sa raençon, et li hoir dou
         conte et si plège en furent quitte.

         En ce temps se refist uns aultres trettiés et pareçons
         de terre et d’un prisonnier, ce gentil chevalier,
         monsigneur Guichart d’Angle, entre le roy Henri
     15  dessus nommé et monsigneur Olivier de Mauni,
         neveu dou connestable de France. Li rois d’Espagne
         avoit donné au dit monsigneur Olivier une terre en
         Castille, que on appelloit Grette, qui bien valoit
         quatre mil frans par an. Cilz messires Oliviers estoit
     20  à marier; si avisa en France un moult hault et biel
         mariage pour lui, en Pikardie, de la fille au signeur
         de Roie, de qui li pères estoit prisonniers et en grans
         dangiers en Engleterre devers le roy. Messires Oliviers
         fist trettier devers le linage dou signeur de Roie
     25  comment il poroit avoir sa fille. On li respondi que,
         se il pooit tant faire par moiiens, que il delivrast le
         signeur de Roie, il aroit la fille qui estoit taillie de
         tenir trois mil frans par an de revenue, car li pères
         estoit mais uns vieus chevaliers. Adont messires
     30  Oliviers de Mauni esploita sus cel estat et mist gens
         en oevre, et fu demandé au roy d’Engleterre le quel
         des prisonniers qui estoient en Espagne il avoit plus
   [166] chier à donner et veoir sa delivrance, pour le baron
         de Roie, ou monsigneur Guichart d’Angle, ou monsigneur
         Othe de Grantson. Li rois d’Engleterre respondi
         que il s’enclinoit plus à monsigneur Guichart
      5  d’Angle que à monsigneur Othe. Quant on sceut sen
         intention, messires Oliviers de Mauni fist trettier
         devers le roy Henri, et rendi celle terre de Grette que
         il tenoit, pour monsigneur Guichart et Guillaume,
         son neveu. Et tantost se fist li escanges dou baron
         de Roie pour ces deus. Si revint li sires de Roie en
     10  France, et messires Oliviers de Mauni espousa sa
         fille, et puis tint toute la terre le signeur de Roie, car
         il ne vesqui mies puis longement. Et messires Guichars
         et ses neveus furent delivré, et ralèrent en Engleterre,
         où il furent liement receu; et retint li rois de
     15  son conseil et dalés lui monsigneur Guichart, li quelz
         renonça à tout ce que il tenoit en Poito, et remanda
         sa femme et ses enfans et les fist passer mer et venir
         en Engleterre. Avoech la renontiation il remercia
         grandement le duch de Berri de ce que il avoit tenu
     20  sa femme et sa terre en pais, le temps qu’il avoit esté
         prisonniers en Castille.


         § 746. En ce temps s’avisa li papes Grigores XI{ez}
         qui se tenoit en Avignon, par le promotion d’aucuns
     25  cardinaulz, que il envoieroit deus prelas, souffisans
         hommes et bons clers, en legation en France pour
         trettier pais, acord ou respit entre les parties de
         France et d’Engleterre. Si furent esleu et ordonné li
         archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras
     30  de faire ce voiage, li quel tantost se departirent d’Avignon
         en grant arroi, et chevaucièrent par mi France,
   [167] et esploitièrent tant qu’il vinrent à Paris où benignement
         il furent recheu dou roy de France et dou
         duch d’Ango. Si leur remoustrèrent sus quel estat il
         estoient parti d’Avignon, et là envoiiet dou pape et
      5  dou Saint Collège. Li rois et li dus d’Ango entendirent
         à leurs parolles volentiers et consentirent
         assés que il chevauçassent vers les Englès, le duch
         de Lancastre et le duch de Bretagne, par quoi il
         sceuissent de leur entente aucune cose; et leur fu dit
     10  encore que à Troies en Champaigne, il trouveroient
         le connestable et le signeur de Cliçon, qui estoient
         recargié dou fait des guerre[s], et as quelz il en apertenoit
         à parler.

         Adont cil doi legal de rechief montèrent à cheval,
     15  [et toutes leurs routes], et chevaucièrent viers Troies.
         Si esploitièrent tant qu’il y parvinrent, et là trouvèrent
         le duch de Bourgongne, le duch de Bourbon, le
         connestable et fuison de grans signeurs, des quelz il
         furent li bien venu, et remoustrèrent as deus, au
     20  connestable et au signeur de Cliçon, pour quoi il estoient
         là venu et qui les y avoit envoiiés. Chi[l] doi
         signeur respondirent que dou tout à yaus n’en apertenoit
         mies, et que otant en touchoit il as Englès de
         leur partie, comme il faisoit à yaus, mais volentiers,
     25  puis que il plaisoit au roy de France et que nos
         Sains Pères le mandoit, il y entenderoient. Ensi se
         tinrent li doi legal en le cité de Troies trois jours,
         tant que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne et
         li Englès furent venu devant Troies, et là se logièrent
     30  sus celle rivière de Sainne bien et faiticement. Et
         vinrent li doi marescal escarmucier as barrières as
         gens d’armes qui là estoient, et courir devant les
   [168] portes; et à le porte de Bourgongne revint li connestables,
         li sires Despensiers, faire ossi sen envaye, et
         descendi à piet devant les barrières, et vint main à
         main combatre as chevaliers qui là estoient; et y fu
      5  li sires Despensiers très bons chevaliers, et y fist
         pluiseurs apertises d’armes. Entrues que li doy duch
         estoient là arresté et qu’il laissoient leurs gens couvenir
         d’escarmucier et de courir le pays d’environ
         Troies, issirent li doi legal, et vinrent en leurs tentes
     10  remoustrer as dus, le duch de Lancastre et le duc de
         Bretagne, pour quoi il estoient là venu et qui les y
         avoit envoiiés. Et commenchièrent si courtoisement
         à entamer leurs trettiés, que li langages en plaisoit
         grandement as dessus dis, comment qu’il n’en peuissent
     15  riens faire et que à yaus riens n’en apertenoit,
         et je vous dirai la raison pour quoi.


         § 747. Li rois d’Engleterre et ses consaulz ont
         toutdis eu cel usage, et encor le tiennent que, quant
         il ont envoiiet et mis hors gens d’armes de leur pays
     20  pour entrer en France principaument, on les rechargoit
         as chapitainnes, fuissent enfant dou roy, cousin
         ou baron d’Engleterre ou d’aultre pays, puis que
         ensonniier les voloient d’un si grant fais que livrer
         gens d’armes et archiers pour faire leur voiage, et ches
     25  chapitainnes, quelz qu’il fuissent, il traioient à part à
         conseil, et leur faisoient solennelment jurer trois coses,
         et font encores, les quelz sieremens, sus estre deshonnouré,
         il n’oseroient enfraindre. [Le premier], c’est
         que le voiage qui leur est cargiés, il le trairont à
     30  chief à leur loyal pooir; secondement que cose qu’il
         aient à faire ne secré que on leur ait dit, il ne
   [169] reveleront à homme dou monde fors à yaus meismes;
         tiercement, que il se maintenront si bellement et si
         quoiement, qu’il ne feront rumeur nulle, entre
         yaus quelconques, siques, à ce pourpos li doy duch
      5  dessus nommé, qui chapitainne et gouvreneur estoient
         de toutes ces gens d’armes, et qui, au partir
         d’Engleterre, avoient juret ensi que li aultre font et
         ont fait dou temps passet, et qui sçavoient bien où
         il estoient cargiet d’aler, ne pooient respondre à ces
     10  trettiés que chil doy legal proposoient, li archevesques
         de Ravane et li evesques de Carpentras, fors
         couvertement, ne point en leur poissance n’estoit,
         jusques à tant qu’il euissent trait à chief leur emprise,
         de donner ne de accepter triewes ne respit, ne
     15  d’entendre à nulle pais quelconques. Ossi il n’en estoient
         mies en volenté, mais se dissimuloient envers
         les legaus moult sagement, et toutdis aloient avant
         sus le royaume, et ardoient villes, maisons et petis
         fors, et pilloient et rançonnoient gens, abbeyes et
     20  pays; ne onques, pour trettiet qui proposet y fuissent,
         leur voiage faisant, il ne s’en desrieulèrent de
         riens, mais chevauchièrent toutdis en bonne ordenance
         et en bon arroi par mi le royaume de France.
         Ossi il estoient sagement poursivi dou connestable
     25  de France, dou signeur de Cliçon, dou visconte de
         Rohem, dou visconte de Miaus et de plus de mil
         lances, chevaliers et escuiers, tous à election, des
         milleurs dou royaume de France et les plus soubtilz
         de guerre, qui les tenoient si cours qu’il ne s’osoient
     30  desfouchier; car, se li baron de France et de Bretagne
         y euissent point veu de leur avantage au combattre
         ou par trop esparsement logier ou chevaucier,
   [170] il ne les euissent ja en riens espargniés pour cose
         que li legal fuissent là, qui toutdis aloient de l’un à
         l’autre, pour veoir se il trouveroient nul moiien; mès
         nennil, car onques gens n’alèrent mieulz ensamble
      5  qu’il fisent, ne par plus sage ordenance.


         § 748. Ensi chevaucièrent li dus de Lancastre et li
         dus de Bretagne parmi le royaume de France et menèrent
         leurs gens, ne onques ne trouvèrent à qui
         parler par manière de bataille; si ne demandoient il
     10  aultre cose; et envoioient souvent leurs hiraus devers
         les signeurs qui les poursievoient, en requerant
         bataille et en donnant et faisant pluiseurs pareçons,
         mès onques li François n’en veurent riens accepter,
         ne election ne pareçon, que li Englès leur
     15  feissent, ne peut venir à effect. Mais il les costioient
         une heure à diestre, l’autre à seniestre, ensi que les
         rivières s’adonnoient; et se logoient priès que tous
         les soirs ens es fors et en es bonnes villes, où il se
         tenoient tout aise, et li Englès as camps, qui eurent
     20  pluiseurs disettes de vivres et en l’ivier des grans
         froidures; car en Limozin, en Roerge et en Aginois
         il trouvèrent moult povre pays, et n’i avoit si grant
         ne si joli de leur route qui dedens cinc jours ou sis
         mengassent point de pain. Bien souvent ce leur avint
     25  de puis qu’il furent entré en Auvergne; car il estoient
         poursievi, sus le fin de leur chevaucie, de plus de
         trois mil lances; si n’osoient aler fourer, fors tout
         ensamble. Toutes fois en che meschief, il passèrent
         toutes les rivières qui sont courans oultre le Sainne
     30  jusques à Bourdiaus, le Loire, Aillier, le Dourdonne
         et Garone et pluiseurs aultres grosses rivières qui
   [171] descendent des montagnes en Auvergne. Mais de
         leur charoi, qui en voelt oïr nouvelles, je le vous
         dirai: il n’en peurent pas la tierche part remettre en
         le cité de Bourdiaus, tant par les chevaus qui leur
      5  faillirent, que pour les destrois des montagnes où il
         ne pooient passer. Et si leur morurent pluiseur chevalier
         et escuier des froidures et des povretés qu’il prisent
         en l’ivier sus le chemin, car il fu li Noëlz passés
         ançois que il rentrassent en le cité de Bourdiaus, et
     10  en y eut encores des bons chevaliers, qui y conchurent
         des maladies, de quoi il morurent de puis, et
         par especial li connestables de lor ost, li sires Despensiers,
         qui fu moult plains et moult regretés de
         tous ses amis, car che fu uns gentilz coers et vaillans
     15  chevaliers, larges et courtois: Diex li face bonne
         merchi!


         § 749. Ensi fu traitte ceste grant chevaucie à chief,
         et rentra ossi en le cité de Thoulouse auques en ce
         temps li dus d’Ango et li connestables de France avoecques
     20  lui. Dont se departirent toutes gens d’armes,
         mais li dus d’Ango à leur departement disoit à chiés
         des signeurs, que tantost à le Paske il retournaissent
         devers lui, car il voloit faire se chevaucie moult grande
         et moult estoffée, ossi bien que li dus de Lancastre avoit
     25  fait la sienne en le Haute Gascongne, et tout li avoient
         en couvent que il feroient ce qu’il li plairoit. Si se tinrent
         li doi legal dalés lui et dalés le connestable, qui
         souvent aloient de l’un à l’autre en istance de ce que
     30  volentiers il euissent amenet ces parties à ce que
         acors [ou respis] se fust pris entre les François et les
         Englès, et n’avoient point trouvet, en devant ce que
   [172] il fust venus à Bourdiaus, le duch de Lancastre en si
         bon parti pour y entendre, qu’il le trouvèrent. Mais
         de premiers, quant li legal vinrent devers lui à Bourdiaus,
         il s’escusa moult bellement que il n’i pooit
      5  encores entendre, ne donner response où on se peuist
         en riens confiier, jusques à tant que il aroit tout l’estat
         segnefiiet à son signeur de père. Si ne furent mies
         ces coses si tost faites; mais tout l’ivier et le quaresme
         et jusques au may, li dus d’Ango fist faire ses pourveances
     10  grandes et grosses, et dist que il voloit aler
         en le Haute Gascongne veoir aucuns rebelles à lui qui
         estoient des arrierefiés de Gascongne et qui ne voloient
         obeïr au roy de France; ossi n’avoient il fait
         au prince de Galles. Et fu li princes, dou temps qu’il
     15  se tenoit en Acquitainnes, trop de fois temptés pour
         faire à ces signeurs de le Haute Gascongne guerre,
         et l’euist fait, la saison que il ala en Espagne, se li
         voiages ne li euist brisiet; et de puis de plus en plus
         il eut tant à faire que il n’i peut entendre. Et voloit
     20  li contes de Fois ses gens porter et tenir frans, et
         disoit que li drois en apertenoit à lui, non au roy de
         France ne au roy d’Engleterre.


         § 750. Tantost apriès Paskes revinrent devers le
         duch d’Ango toutes manières de gens d’armes de
     25  France, de Bourgongne, de Bretagne, d’Ango, de
         Poito et du Mainne, et estoit li mandemens dou duch
         assignés en le ville et en le cité de Pieregorch. Si vinrent
         là tout cil qui mandé et escript en furent, et
         par especial il y eut bien mil lances de purs Bretons.
     30  Quant il furent tout assamblé, il se trouvèrent dis
         mil hommes d’armes et trente mil de piet sans les
   [173] Genevois arbalestriers, où il avoit bien mil et cinc
         cens. Là estoient avoech le duch li connestables de
         France, li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li
         sires de Laval, li sires de Biaumanoir, messires Jehans
      5  d’Ermignac, li contes de Pieregorch, li contes de
         Commignes, li sires de Labreth, li viscontes de Quarmaing,
         li contes de Laille, li dauffins d’Auvergne, li
         sires de la Barde, messires Bertrans de Taride et tant
         de grans signeurs que jamais ne les aroie tous nommés.
     10  Et quant il se departirent de Pieregorch, il chevaucièrent
         en grant arroi et poissant, et trambloient
         toutes gens devant yaus, et disoit on communement
         par toute Gascongne, que li dus d’Ango aloit mettre
         le siège devant Baione. Si vinrent tout premierement
     15  devant une ville que on claime Saint Silvier: si
         en est uns abbes sires. Si s’arrestèrent par devant li
         dus d’Ango et toutes ses gens, et fisent grant samblant
         de l’assallir et de drechier engiens, car il en menoient
         fuison avoecques yaus. Li abbes de Saint Silvier, qui
     20  estoit uns moult sages homs, s’umelia grandement
         devers le duch d’Ango et le connestable, et remoustra
         moult sagement que c’estoit uns homs d’eglise qui
         n’estoit mies tailliés ne en volenté de gherriier, et
         que il n’estoient pas singulierement là venu pour
     25  lui, mès pour aultres signeurs qui estoient plus grant
         de lui. Si leur prioit que il volsissent chevaucier oultre
         et laissier sa terre en composition, et que il feroit
         volentiers tout ensi que li aultre. Li dus d’Ango et li
         connestables et leurs consaulz regardèrent qu’il disoit
     30  assés: si le fisent obligier selonch sa parolle et livrer
         bons ostages que on envoia à Pieregorch, et jurer que,
         se li aultre se mettoient en l’obeïssance dou roy de
   [174] France, ilz s’i metteroit ossi. Par ensi demora il en
         souffrance, et toute sa terre.

         Puis chevaucièrent ces gens d’armes noblement et
         richement montés et en grant arroi, et esploitièrent
      5  tant que il vinrent devant une cité qui s’appelle
         Lourde, de la quele uns chevaliers estoit chapitains
         de par le conte de Fois, qui s’appelloit messires Pières
         Ernaulz de Berne. Là s’arrestèrent toutes ces gens
         d’armes et l’assegièrent fortement et estroitement,
     10  et y furent plus de quinse jours, et fisent drecier leurs
         engiens par devant, qui onniement jettoient et qui
         chiaus dedens moult travilloient. Trop volentiers se
         fuissent rendu les gens de Lourde, mais li chevaliers
         ne le voloit consentir, et disoit qu’il estoient fort
     15  assés pour yaus tenir, mais finablement non furent,
         car la cités fu assallie si très fort et par si grant
         ordenance que elle fu prise et conquise, et entrèrent ens
         toutes gens d’armes et aultres. Si fu li dis chevaliers
         mors, car onques ne se volt rendre, et trop vaillamment
     20  se deffendi. Si fu la cités de Lourde toute
         courue et pillie, et y eut mors grant fuison des bonhommes
         et pris à raençon.


         § 751. Apriès le conquès et destruction de la cité
         de Lourde, chevaucièrent ces gens d’armes et leurs
     25  routes oultre, et entrèrent en la terre le visconte de
         Chastielbon; si fu toute courue, arse et destruite, car
         li François estoient moult grant fuison; et puis entrèrent
         en la terre dou signeur de Chastiel Nuef: si
         fu toute courue ossi sans point espargnier. Puis
     30  chevaucièrent amont vers Berne, et entrèrent en le
         terre le signeur de l’Escut, et vinrent devant une
   [175] ville et un fort chastiel que on dist Saut, dont messires
         Guillonès de Paus, de le conté de Fois, estoit
         chapitains, apert homme d’armes durement. Si s’arrestèrent
         là li François, et y misent le siège, et y furent
      5  moult longement, et pluiseurs grans assaus y
         fisent et livrèrent.

         Li contes de Fois, qui estoit en son pays, regarda
         que cilz pays de ses arrierefiés se perdoit, et bien
         savoit que il en devoit hommage au roy de France
     10  ou au roy d’Engleterre, mais il n’estoit mies encores
         discerné au quel des deus ce devoit estre. Si eut avis
         et conseil de trettier devers le duch d’Ango et son
         conseil, et priier que il vosist mettre ces coses en
         souffrance et ces terres en composition, parmi tant que
     15  cilz qui seroit li plus fors dedens le moiiene d’aoust
         devant Montsach en Gascogne, ou li rois de France
         ou li rois d’Engleterre ou personnes de par yaus, à
         celui il recongnisteroit hommage et obeïssance, et
         feroit recognoistre tous chiaus de ces terres en debat,
     20  et pour ce intimer et acomplir en cause de plus
         grant seurté, il livreroit bons plèges, sis chevaliers
         et sis escuiers. Li dus d’Ango fu adont si consilliés
         que il entendi à ces trettiés et les accepta, et retourna
         arrière à Pieregorch, mais il ne donna à nulz de ses
     25  gens d’armes congiet, ançois les tenoit sus le pays,
         pour tant que il voloit estre fors à le journée qui assignée
         estoit devant Montsach. A ces trettiés faire dou
         costé le conte de Fois rendirent grant painne li abbes
         de Saint Silvier et li sires de Marsen. Tout ce sceurent
     30  bien li dus de Lancastre et li dus de Bretagne,
         qui se tenoient à Bourdiaus, et ja estoient retourné
         une partie de leurs gens en Engleterre.

   [176] Li archevesques de Ravane et li evesques de Carpentras,
         qui legal estoient, travilloient fort que uns
         respis fust pris et acordés entre le duch d’Ango et le
         duch de Lancastre, et esploitièrent tant que li dus de
      5  Lancastre envoia quatre de ses chevaliers à Pieregorch,
         pour parler au duc d’Ango et au connestable et à leur
         conseil. Chil chevalier furent li sires d’Aubeterre, li
         Chanonnes de Robertsart, messires Guillaumes Helmen
         et messires Thumas Douville. Si furent chil quatre
     10  chevalier recheu, avoech les trettieurs dou duch
         d’Ango, moult douchement, et rendoit li connestables
         de France [grant painne] à che que unes triewes fuissent
         prises entre ces parties. Tant fu parlementé,
         pourtrettié et alé de l’un à l’autre, que unes triewes
     15  furent prises à durer jusques au daarrain jour d’aoust,
         et cuidièrent adont li Englès, dont il furent decheu,
         que la journée de Montsach deuist estre enclose en
         le triewe.


         § 752. Quant ceste triewe fu acordée par l’ayde et
     20  pourcach des legaus dessus nommés, li dus de Lancastre
         et li dus de Bretagne s’ordonnèrent à partir et
         retourner en Engleterre, car il avoient ja esté priès
         d’un an hors, et ossi toutes leurs gens le desiroient.
         Et se tiroit li dus de Bretagne que il peuist avoir une
     25  armée à par lui pour ariver en Bretagne et conforter
         aucunes forterèces qui se tenoient en son non, et
         lever le siège de Becheriel; car moult desiroit à oïr
         nouvelles de sa femme, que il avoit laissiet ou chastiel
         d’Auroy en le garde de monsigneur Jehan Augustin,
     30  siques ces coses aidièrent moult à ce que li dus
         de Lancastre se parti. Si institua et ordonna, à son
   [177] departement, à estre grans seneschaus de Bourdiaus
         et de Bourdelois, monsigneur Thumas de Felleton,
         et pria et requist as barons [de] Gascongne, qui pour
         li se tenoient, que il vosissent obeïr à lui comme à
      5  son lieutenant, et telement et si diligamment consillier
         que il n’i euissent point de blasme, ne ils point de
         damage. Il li eurent tout en couvent de bonne volenté,
         et sus cel estat se departi, et toute sa route,
         et s’en retournèrent en Engleterre. De ce departement
     10  ne furent mies courouchié li dus d’Ango, li
         connestables ne li signeur de France, qui à Pieregorch
         se tenoient; car leur intention de le journée de
         Montsach en fu grandement embellie.

         Or parl[er]ons un petit dou siège de Becheriel, qui
     15  s’estoit tenus un an et plus, sans chiaus de le garnison
         estre noient rafreschi ne aidié; car il estoient si
         priès gardé de tous costés que riens ne lor pooit venir,
         et se ne lor apparoit confors de nulle partie. Quant
         il veirent que leurs pourveances commençoient ja à
     20  afoiblir et que longement ne pooient demorer en cel
         estat, il s’avisèrent qu’il tretteroient un respit devers
         ces signeurs de France et de Normendie, qui là tenoient
         le siège, que, se il n’estoient conforté de gens
         fors assés pour combatre les François dedens le jour
     25  de le Toussains, il renderoient le forterèce. Si envoiièrent
         un hiraut promouvoir ce trettié. Li mareschaus
         de Blainville et li signeur qui là estoient, respondirent
         à ce commenchement que nuls [traictiés]
         n’apertenoit à yaus à donner ne à oïr, sans le sceu
     30  dou roy de France, mais volentiers il envoieroient
         devers lui et li segnefieroient tout cel estat. Li hiraus
         raporta ceste response as chapitainnes de Becheriel,
   [178] monsigneur Jehan Appert et monsigneur Jehan de
         Cornuaille: si leur plaisi bien ceste response et ossi
         que il envoiassent hasteement devers le roy de France.
         Finablement il y envoiièrent, et rescrisi li rois à ses
      5  mareschaus, monsigneur Loeis de Sausoirre et monsigneur
         de Blainville, et les barons qui là estoient,
         que de toutes compositions il en fesissent à leur
         ordenance, et qu’il les tenoit et tenroit à bonnes.
         Dont fu perseverés li trettiés devant pourparlés et
     10  acordés, et donnés respis à chiaus dedens, et chil
         dedens à chiaus dehors, à durer jusques à le Toussains.
         Et, se là en dedens li un[s] des filz le roy d’Engleterre
         ou li dus de Bretagne ne venoient si fort que
         pour lever le siège, il devoient rendre le chastiel de
     15  Becheriel as François, et de che livroient il bons
         ostages, chevaliers et escuiers, tant que li signeur de
         France et de Normendie, qui là se tenoient, s’en
         contentèrent bien. Ensi demora li chastiaus de Becheriel
         en composition, et segnefiièrent tout leur
     20  estat li doi chevalier qui dedens estoient, au plus
         tost qu’il peurent, au roy d’Engleterre et au duch de
         Bretagne, et ossi as contes et as barons d’Engleterre.
         Si sambla as Englès que il avoient journée [encores]
         assés: si le misent en noncaloir, excepté li dus de
     25  Bretagne, à qui il touchoit plus que à nul des aultres,
         car li chastiaus se rendoit de lui et de son
         hiretage.


         § 753. Or revenons à le journée de Montsach. Voirs
         est que quant la moiienne d’aoust deubt approchier,
     30  li dus d’Ango s’en vint devant le ville de Montsach,
         et là se loga et fist logier ses gens par grande et
   [179] bonne ordenance, et avoit en devant priiés et mandés
         gens de tous costés, chevalier[s] et escuiers, efforciement.
         Avoech tout che li rois de France y envoia
         grant gent d’armes, et me fu recordé que trois jours
      5  devant la moiienne d’aoust et trois jours apriès, il y
         eut bien quinse mil hommes d’armes, chevaliers et
         escuiers, et bien trente mil d’autres gens. Nulz ne se
         comparut, car il n’i avoit nul grant chief ou pays,
         excepté monsigneur Thumas de Felleton, qui fu trop
     10  grandement esmervilliés de celle journée, et le debati
         longement et par pluiseurs raisons. Et vint en l’ost,
         quant la moiienne d’aoust fu passée et la journée inspirée,
         parler moult aviseement au duch d’Ango et au
         connestable sus assegurances, et leur remoustra bien
     15  et sagement que li dus de Lancastre et li dus de Bretagne
         avoient donné le respit par mi che que la journée
         de Montsach devoit estre ens enclose, mès on li
         prouva tout le contraire; car, à verité dire, il y eut
         trop peu parlé pour les Englès, car li trettiés de le
     20  composition ne faisoit point de mention de Montsach.
         Si couvint monsigneur Thumas de Felleton,
         volsist ou non, retourner à Bourdiaus et souffrir [ceste
         cose] à laiier passer. Ensi vint en ce temps de ces
         arrierefiés. Li contes de Fois entra ou service et en
     25  l’obeïssance dou roy de France, et tout li baron et li
         prelat, qui dedens estoient; et en prist li dus d’Ango
         les fois et les hommages; et quant il s’en senti bien
         au dessus, il renvoia les ostages qu’il tenoit en Pieregorch
         au conte de Fois, et puis s’en retourna à Toulouse,
     30  quant il eut pris le saisine et possession de le
         ville et dou chastiel de Montsach, que moult recommenda
         en coer, et le fist de puis remparer et rapareillier,
   [180] et dist que de Montsach il feroit sa cambre et
         son gardecorps.


         § 754. Tantost apriès le revenue de Montsach à
         Thoulouse, et que li dus d’Ango et li baron, qui
      5  avoecques lui estoient, s’i furent un petit reposet et
         rafreschi, li dis dus d’Ango remist une aultre chevaucie
         sus de ces propres gens qu’il avoit tenu toute le
         saison, et dist qu’il vorroit chevaucier vers le Riole et
         vers Auberoce, car là estoit encores uns grans pays à
     10  reconquerre, qui ne desiroit aultre cose. Si se departi
         de Thoulouse le XVIIe jour de septembre, l’an de
         grasce mil trois cens settante et quatre, ossi estoffeement
         ou plus que quant il fu en le Haute Gascongne,
         et estoient avoecques lui par manière de service li
     15  abbes de Saint Silvier, li viscontes de Chastielbon, li
         sires de Chastiel Nuef, li sires de l’Escut et li sires de
         Marsen, et fisent tant par leurs journées qu’il vinrent
         devant le Riole. Tous li pays trambloit devant. Chil de
         le Riole, qui ne desiroient aultre cose qu’il fuissent
     20  françois, se ouvrirent tantost et se misent en l’obeïssance
         dou roy de France. Ossi fisent cil de Langon,
         de Saint Malkaire, de Condon, de Saint Basille, de
         Prudaire, de Mautlyon, de Dion et de Sebillach, et
         bien quarante villes fremées que fors chastiaus, qui
     25  à point de fait se tournèrent, et la daarrainne ville ce
         fu Auberoce; ne riens ne se tenoit ne duroit en celle
         saison devant les François, et legière cose estoit à
         faire, car il desiroient à yaus rendre, et se ne leur
         aloit nuls au devant.

     30  En ce temps que ces chevaucies se faisoient, estoient
         en le marche de Pikardie revenu li doi trettieur legal
   [181] et se tenoient à Saint Omer, et avoient leur messages
         alans et venans en Engleterre devers le roi et son
         conseil, et ossi à Paris devers le roy de France, pour
         impetrer un bon respit, et en ce respit durant c’estoit
      5  leur entention qu’il metteroient toutes parties en
         acord. Et, à ce que j’entendi adont, il estoient volentiers
         oy dou roy d’Engleterre et de son conseil, car
         il veoient que par toutes les metes et limitations [où]
         il tenoient terres, villes, chastiaus et pays se perdoient
     10  à peu de fait pour yaus, et se n’i savoient [comment]
         donner conseil ne comment remediier. Et par especial
         trop fort desplaisoit au roy d’Engleterre en
         coer de che que li dus de Bretagne avoit ensi et à
         petite ocquison perdu son hiretage pour l’amour
     15  de lui. Si travillièrent tant chil doi legal que li rois
         d’Engleterre acorda que ses filz li dus de Lancastre
         paseroit mer et venroit à Calais pour oïr et savoir
         plainnement quel cose li François voloient dire. Ossi
         li rois de France acorda et seela que ses frères, li dus
     20  d’Ango, venroit contre lui à Saint Omer, et par le
         moiien des discrètes et venerables personnes l’archevesque
         de Ravane et l’evesque de Carpentras, il se
         lairoient gouvrener et consillier, siques, si tretost que
         li dus d’Ango et li baron de France et de Bretagne
     25  eurent achievé ceste daarrainne chevaucie devant
         ditte, il furent quoiteusement remandé dou roy de
         France et escript que tantost et sans delay il retournaissent
         en France, et qu’il avoit accordé son frère
         à estre contre celle Toussains à Saint Omer, car li dus
     30  de Lancastre devoit estre à Calais; et ossi il touchoit
         grandement as barons de Bretagne pour le fait de
         Becheriel. Li dus d’Ango, li connestables, li sires de
   [182] Cliçon et li aultre se departirent de Roerge au plus
         tost qu’il peurent, les lettres dou roy veues et oyes,
         sans tourner à Thoulouse, et donnèrent congiet toutes
         manières de gens d’armes de lontainnes marces,
      5  et ne retint avoecques lui li dus fors les Bretons; si
         s’en retourna en France, où il fu grandement festés
         et conjoys, et toute sa compagnie, dou roy et de
         tout son conseil.


         § 755. En ce temps estoient les marces de Pikardie
     10  trop bien garnies de bonnes gens d’armes, car messires
         Hues de Chastillon, mestres des arbalestriers,
         qui nouvellement estoit retournés d’Engleterre, se tenoit
         en garnison à Abbeville atout grant fuison de
         gens d’armes et tous bons compagnons, et desiroit
     15  grandement [de soy contrevengier] pour ses contraires
         et desplaisirs que on li avoit fais en Engleterre
         nouvellement; car, ensi que dit est en ceste hystore,
         il fu pris au dehors d’Abbeville par embusche de monsigneur
         Nicole de Louvaing qui ne le voloit mettre
     20  a finance, mais il trouva voie et tour par le pourcach
         de ma dame sa femme, comment il fu delivrés
         par l’ayde d’un maronnier de l’Escluse en Flandres,
         qui se mist en l’aventure de li aler querre en le marce
         de Northombreland, et fist tant toutes fois qu’il le ramena
     25  en Flandres. Je m’en passerai assés briefment,
         car la matère en seroit trop longe à demener. Mais,
         quant il fu revenus, on li rendi son office, ensi que
         devant, de estre nommés monsigneur le Mestre. Si
         se tenoit en le bonne ville d’Abbeville, et chevauçoit
     30  à le fois ens et hors, ensi que le mieulz li plaisoit.
         De Dieppe sus mer estoit chapitainne messires
   [183] Henris des Isles, uns moult appers chevaliers; de Boulongne,
         messires Jehans de Lonchvillers; de Moustruel,
         messires Guillaumes de Nielle; de Rue, li chastellains
         de Biauvais; et toutes ces garnisons de là
      5  environ françoises estoient très bien pourveues de
         bones gens d’armes, et bien besongnoit, car li Englès
         estoient ossi fort sus [le marce]. Pour ce temps estoit
         chapitains de Calais messires Jehans de Burlé, et ses
         lieutenans, messires Gautiers d’Evrues; de Ghines
     10  messires Jehans de Harleston, et d’Arde, li sires de
         Gommegnies.

         Or avint que messires Gautiers d’Evrues, messires
         Jehans de Harleston et li sires de Gommegnies furent
         en parlement et en conseil ensamble de chevaucier,
     15  et l’acordèrent l’un à l’autre, et fisent leur assamblée
         et leur amas dedens le bastide d’Arde, et s’en
         partirent au point dou jour bien largement huit vint
         lances, et chevaucièrent viers Boulongne. Che propre
         jour au matin, estoit partis de Boulogne messires
     20  Jehans de Lonchvillers à soissante lances, et avoit
         chevauciet viers Calais pour trouver aucune aventure.
         Ensi que tout le pas il s’en retournoit, et pooit estre
         environt deus liewes priès de Boulongne, il encontra
         sus son chemin le signeur de Gommegnies et se route.
     25  Sitos que li Englès les perchurent, il furent moult
         resjoy, et escriièrent leur cri, et ferirent chevaus des
         esporons, et se boutèrent entre yaus, et les espardirent
         et en ruèrent jus jusques à quatorse qu’il retinrent
         pour prisonniers. Li aultre se sauvèrent par leurs
     30  bons coursiers et par l’avantage qu’il prisent, et rentrèrent
         tout à point en le ville de Boulongne. Si furent
         il cachiet jusques as barrières. Apriès celle cache,
   [184] li Englès se recueillièrent et se misent au chemin pour
         revenir vers Arde, par une adrèce que on dist ens ou
         pays l’Eveline et tout droit devers Alekine, un biau
         vert chemin.

      5  Ce propre jour avoit fait sa moustre messires Hues
         de Chastillon, que on dist monsigneur le Mestre; et
         avoit avoecques lui toutes ces chapitainnes de là
         environ, et estoient bien quatre cens lances. Li jones
         contes de Saint Pol, messires Galerans, estoit nouvellement
     10  revenus de sa terre de Loerainne, et
         n’avoit mies à Saint Pol sejourné trois jours, quant
         par devotion il s’estoit partis pour aler en pelerinage
         à Nostre Dame de Boulongne. Si oy [dire] sus son
         chemin que monsigneur le Mestre et chil François
     15  chevauçoient; se li vint en avis que ce li seroit
         blasmes et virgongne, puis que il savoit leurs gens
         sus le pays qui chevauçoient, se il ne [se] mettoit en
         leur compagnie, et n’i volt trouver nulle excusance,
         ensi que uns jones chevaliers qui se desire à avancier
     20  et qui quiert les armes. Et s’en vint ce propre jour
         au matin avoech monsigneur [Hue] de Chasteillon et
         les aultres compagnons, qui furent tout resjoy de sa
         venue. Si chevaucièrent liement ensamble celle matinée
         viers Arde, qui riens ne savoient des Englès
     25  ne li Englès d’yaus, et cuidoient li François que li
         Englès fuissent en Arde, et vinrent jusques à là. Et
         fisent leur moustre et leur coursée devant les barrières;
         et, quant il eurent là esté une espasse, il s’en
         retournèrent et prisent le chemin devers Likes et devers
     30  Tournehen.


         § 756. Si tretost que li François se furent parti de
   [185] devant Arde et mis au retour en chevauçant moult
         bellement, uns Englès issi de le ville d’Arde et se mist
         à voie couvertement à l’aventure, pour savoir se jamais
         il trouveroit leurs gens pour recorder ces riches
      5  novelles. Et tant ala et tant vint de lonch et de travers,
         que sus son chemin d’aventure il trouva le signeur
         de Gommegnies, monsigneur Gautier d’Evrues
         et monsigneur Jehan de Harleston. Si s’arresta à euls
         et yaus à lui, et leur [compta] comment li François
     10  chevauçoient et avoient fait leur moustre devant Arde.
         «Et quel chemin tiennent il?» dist li chevaliers.--«Par
         ma foi, mi signeur, il prisent le chemin pour
         aler vers Likes; car encores, depuis que je me fui
         partis, je les ay veus sus le mont de Tournehen, et
     15  croi qu’il ne sont pas lonch de chi. Tirés sus destre
         en costiant Likes et Tournehen, je espoir que vous
         les trouverés, car il chevaucent tout le pas.» Adont
         recueillièrent cil troi chevalier toutes leurs gens et
         remisent ensamble, et chevaucièrent tout le pas, le
     20  banière dou signeur de Gommegnies tout devant et
         les deux pennons des deus aultres chevaliers dalés.

         Ensi que li François eurent passé Tournehen, et
         qu’il tiroient à aler viers Likes, il oïrent nouvelles de
         chiaus dou pays et furent segnefiiet que li Englès
     25  chevauçoient et estoient hors d’Arde. Si en furent
         trop malement joiant, et disent qu’il ne demandoient
         ne queroient aultre cose, et faisoient trop durement
         grant enqueste où il en poroient oïr nouvelles, car il
         faisoient doubte que il ne les perdesissent; et furent
     30  sus un estat une espasse, que il se departiroient en
         deus chevaucies pour yaus trouver plus prestement,
         et puis brisièrent ce pourpos et disent, tout consideret,
   [186] que il valoit mieulz que il chevauçassent tout
         ensamble. Si chevaucièrent tout ensamble baudement,
         barrières et pennons ventelant, car il faisoit
         bel et joli, et trop estoit courouciés li contes de Saint
      5  Pol qu’il n’avoit là tout son arroi et especialment sa
         banière, car il l’euist boutée hors, et fretilloit telement
         de joie, qu’il sambloit qu’il n’i deuist ja à
         temps venir. Et passèrent oultre l’abbeye de Likes et
         prisent droitement le chemin que li Englès tenoient.
     10  Si vinrent à un bosket deseure Likes, et là s’arrestèrent
         et rechainglèrent leurs chevaus, et fisent en che
         dit bosket une embusche de trois cens lances, des
         quelz messires Hues de Chastillon estoit chiés, et fu
         ordonnés li contes de Saint Pol à courir, et cent
     15  lances, chevaliers et escuiers, avoecques lui. Assés
         priès de là, au lonch d’une haie, estoient descendu
         li Englès, et avoient rechenglé leurs chevaus, et fu
         ordonnés messires Jehans de Harleston à courir à
         tout quinse lances pour ouvrir l’embusche des François;
     20  et se parti avoecques se route, et l’avoient li
         sires de Gommegnies et messires Gautiers d’Evrues,
         au departement, bien avisé que, se il venoit sus les
         coureurs des François, que il se fesist cachier, et de
         che se tenoit il tous enfourmés. Ensi chevauça messires
     25  Jehans de Harleston et vint sus le conte de Saint
         Pol et se route qui estoient tout bien monté. Sitos
         que li Englès furent venu jusques à yaus, il fisent leur
         moustre, et tantost se misent au retour pour revenir
         à leurs compagnons, qui les attendoient au lonch de
     30  le haie en très bonne ordenance [et tout à piet], leurs
         archiers pardevant yaus. Quant li contes de Saint
         Pol les vei fuir, il fu un petit trop aigres d’yaus
   [187] poursievir, et feri cheval des esporons, la lance ou poing,
         et dist: «Avant, avant! il ne nous poeent escaper.»
         Lors veissiés desrouter ces François et mettre en
         cache apriès ces Englès, et les cachièrent jusques au
      5  pas de le haie. Quant li Englès furent là venu, il
         s’arrestèrent, et ossi fisent li contes de Saint Pol et se
         route, car il furent recueilliet de ces gens d’armes et
         de ces archiers, qui commenchièrent à traire saiettes
         à effort et à navrer chevaus et abatre chevaliers et
     10  escuiers. Là eut un petit de bon estour, mais tantost
         il fu passés; car li contes de Saint Pol ne chil qui
         avoecques lui estoient, n’eurent point de durée à ces
         Englès. Si fu li dis contes pris d’un escuier de la
         ducé de Guerles, et en celle route li sires de Pois, li
     15  sires de Clari, messires Guillaumes de Nielle, messires
         Charles de Chastillon, messires Lyonniaus d’Arainnes,
         li sires de Cipoi, chastellain de Biauvais, messires
         Henris des Isles, et Jehans, ses frères, messires Gauwiné[s]
         de Bailluel et plus de soissante bons prisonniers,
     20  chevaliers et escuiers.


         § 757. Droitement sus le point de celle desconfiture,
         evous venir à frapant monsigneur Hue de Chastillon
         et se banière, et estoient bien trois cens lances,
         et chevauchièrent jusques au pas de le haie, où li
     25  autre s’estoient combatu, et encor en y avoit qui se
         combatoient. Quant li sires de Chastillon vei le
         manière que li contes de Saint Pol et se route estoient
         ruet jus, si n’eut mies desir ne volenté d’arrester,
         mais feri cheval des esporons, et se parti, et se banière.
     30  Li aultre, par droit d’armes, n’eurent point de
         blasme se il le sievirent, quant c’estoit leurs sires et
   [188] leurs chapitains. Ensi se departirent là trois cens
         hommes tous bien montés et tailliés, se li hardemens
         fust en yaus, de faire une bonne besongne et de
         reskeure le journée, et le jone conte de Saint Pol, au
      5  quel ceste aventure fu moult dure, et à tous les bons
         chevaliers et escuiers qui avoecques lui furent pris.

         Sachiés bien que au commenchement, quant li
         Englès veirent venir sus yaus celle grosse route, tous
         bien montés et appareilliés de faire un grant fait, il
     10  ne furent mies bien à segur de leurs prisonniers ne
         d’yaus meismes; mais, quant il les veirent partir et
         moustrer les talons, il furent grandement reconforté
         et n’eurent nulle volenté adont de cachier chiaus qui
         fuioient, mais montèrent as chevaus et fisent monter
     15  leurs prisonniers, et tantost fu nuis. Si retournèrent
         ce soir en le garnison d’Arde, et se tinrent tout aise
         et tout joiant de che qu’il eurent. Che propre soir
         après souper, acata li sires de Gommegnies le conte
         de Saint Pol à son mestre qui pris l’avoit, et l’en fist
     20  fin de dis mil frans. Ensi fu li contes de Saint Pol
         prisonniers au signeur de Gommegnies. A l’endemain,
         cascuns des chapitainnes retourna où il devoit
         aler, messires Jehans de Harleston à Ghines, et messires
         Gautiers d’Evrues à Calais, et leurs gens, et en
     25  menèrent leurs prisonniers et tout leur butin.

         Ces nouvelles s’espardirent jusques en Engleterre,
         et vinrent au roy, et li fu dit que ses chevaliers, li
         sires de Gommegnies, avoit eu sus un jour rencontre
         et bataille as François, et si bien s’i estoit portés que
     30  ilz et si compagnon avoient desconfi les François, et
         tenoit le conte de Saint Pol à prisonnier. De ces
         nouvelles fu grandement resjoïs li rois d’Engleterre
   [189] et tint ce fait à grant proèche, et manda par ses
         lettres et par un sien escuier au signeur de Gommegnies,
         que il le venist veoir en Engleterre et li amenast
         son prisonnier. Li sires de Gommegnies obéï,
      5  che fu raisons, et recarga Arde à ses compagnons,
         et puis s’en parti, le conte de Saint Pol en se compagnie.
         Si vinrent à Calais, et là se tinrent tant
         qu’il eurent vent pour passer oultre, et, quant il
         l’eurent, il entrèrent en un passagier. Si arrivèrent,
     10  ce propre jour qu’il montèrent, à Douvres. De puis
         esploitièrent il tant qu’il vinrent à Windesore, où li
         rois se tenoit, qui rechut le signeur de Gommegnies
         en grant chierté. Tantos li sires de Gommegnies,
         quant il li eut fait la reverense, ensi que on doit faire
     15  à un roy, li presenta et li donna le conte de Saint Pol,
         pour tant qu’il sentoit bien que li rois le desiroit à
         avoir pour deus raisons. Li une estoit que li rois n’avoit
         point amet son signeur de père le conte Gui,
         pour tant que sans congiet il s’estoit partis d’Engleterre
     20  et que très grant painne avoit mis à la guerre
         renouveler; l’autre, que il en pensoit bien à ravoir
         ce vaillant chevalier et ce grant chapitainne de gens
         d’armes monsigneur le captal de Beus, qui gisoit en
         prison en le tour dou Temple à Paris, ens es dangiers
     25  dou roy de France. Si remercia li rois liement
         le signeur de Gommegnies de ce don et de ce present,
         et li fist tantost delivrer vint mil frans. Ensi
         demora li jones contes de Saint Pol en prison courtoise
         devers le roy d’Engleterre, recreus sus sa foy
     30  d’aler et de venir par mi le chastiel de Windesore et
         non issir de le porte sans le congiet de ses gardes; et
         li sires de Gommegnies retourna à Arde entre ses
   [190] compagnons. Si paia bien aise de l’argent le roy
         d’Engleterre l’escuier de Guerles, qui pris avoit le
         signeur de Lini, conte de Saint Pol.


         § 758. Tantost apriès ceste aventure, furent les
      5  triewes prises et acordées entre le roy de France et
         le roy d’Engleterre, et ne s’estendoient, à ce premier,
         fors tant seulement entre Calais et le rivière
         de Somme, et furent ensi prises et données par avis
         pour les signeurs de France chevaucier segurement
     10  en le marce, où li parlement devoient estre, car toute
         celle saison il n’en tinrent nulles ens es lointaines
         marces, et par especial en Bretagne et en Normendie.
         Si vint li dus d’Ango à Saint Omer en grant arroy, et
         cil doy legal trettieur avoecques lui, et n’i vint mies
     15  si simplement qu’il n’euist en se compagnie plus de
         mil lances de Bretons, dont li connestables de France,
         li sires de Cliçon, li viscontes de Rohem, li sires de
         Laval, li sires de Biaumanoir et li sires de Rocefort
         estoient chief. Si se tenoient ces gens d’armes pour
     20  les embusches ou plat pays environ Bailluel et le
         Crois en Flandres, et prendoient leurs sauls et leurs
         gages, et paioient tout ce qu’il prendoient, sans riens
         grever le pays, mais il se tenoient là en celle instance
         qu’il ne s’asseuroient mies trop parfaitement en es
     25  Englès.

         En ce temps se mist li sièges devant Saint Salveur
         le Visconte en Normendie, et li mist premierement
         par mer messires Jehans de Viane, amiraus de mer.
         En se compagnie estoient li sires de Rays et Yewains
     30  de Galles, et la navie [du roy] dan Henri de Castille: si
         en estoit amiraus dan Radigho de Rous, de Louwars.

   [191] Li dus d’Ango, quant il deubt venir à Saint Omer,
         manda en Haynau son biau cousin monsigneur Gui
         de Blois pour lui acompagnier, li quels y vint moult
         estoffeement, quatre chevaliers en se compagnie,
      5  dont li dus d’Ango li sceut grant gré, quant il le
         trouva si honnourable et si appareillié, car il ne l’avoit
         priiet qu’à trese chevaus, et il y vint à trente.
         Ossi li dus de Lancastre vint à Calais, et là se tint
         un temps, et eut grant merveille pour quoi tant de
     10  gent d’armes de Bretons se tenoient en le marce de
         Saint Omer. On li dist que li dus d’Ango, ses cousins,
         ne s’asseuroit point bien en lui, et qu’il n’i avoit
         aultre visce. De quoi li dus de Lancastre en crolla
         le tieste, et dist: «Se il le fait pour ce, il n’est mies
     15  bien consilliés; car en pais doit estre paix, et en
         guerre guerre.» Si commenchièrent à aler de l’un à
         l’autre li doi trettieur et à mettre raisons et pareçons
         avant, et à entamer matère de paix ou de respit, et
         toutdis aloit li saisons aval.

     20  Or vint li termes qu’il couvenoit chiaus de Becheriel
         rendre ou estre conforté, siques, si tretost que li
         jours deubt approcier, li rois de France escrisi devers
         le connestable et le signeur de Cliçon, et leur
         manda que il se presissent priès pour iestre à le journée,
     25  si en vaurroit la besongne mieulz. Et ossi il voloit
         que ses gens y fuissent si fort que, se li Englès y
         venoient, qui de poissance vosissent lever le siège,
         on les peuist combatre. Si tretost que cil doi signeur
         furent segnefiiet [de l’entention] dou roy de France,
     30  il le remoustrèrent au duc d’Ango, et li dus d’Ango
         leur acorda de partir, et une quantité de leurs gens,
         et les aultres demorer. Si se partirent, et esploitièrent
   [192] tant par leurs journées qu’il vinrent au siège de Becheriel,
         où toutes gens d’armes s’arivoient, par l’ordenance
         dou roy de France, de Bourgongne, d’Auvergne,
         de Poito, de Saintonge, de Berri, de Campagne,
      5  de Pikardie, de Bretagne et ossi de Normendie,
         et eut là, au jour que li compositions devoit
         clore, devant Becheriel plus de dis mil lanches, chevaliers
         et escuiers, et y vinrent li François si efforciement,
         pour tant que on disoit que li dus de Bretagne
     10  et li contes de Sallebrin estoient sus mer à bien
         dis mil hommes parmi les archiers; mès on n’en vei
         onques nul apparant. De quoi chil de Becheriel furent
         moult couroucié, quant si longhement que plus
         de quinse mois s’estoient tenu et si vaillamment, et
     15  si n’estoient aultrement conforté. Toutes fois il leur
         couvint faire et tenir che marchié, puis que juré et
         couvenencié l’avoient, et que à ce il s’estoient oblegié
         et livré bons ostages. Si rendirent et delivrèrent
         au connestable de France la ditte forterèce de Becheriel,
     20  qui est belle et grande et de bonne garde, et
         s’en partirent messires Jehans Appers et messires
         Jehans de Cornuaille et leurs gens, et en portèrent
         ce qui leur estoit. Tout ce pooient il faire par le trettié
         de le composition, et s’en vinrent sus le conduit
     25  dou connestable à Saint Salveur le Visconte, et là se
         boutèrent. Si recordèrent as compagnons de laiens
         comment il avoient finet as François.


         § 759. Si tretost que li connestables de France et
         li sires de Cliçon et li doi mareschal de France, qui
     30  là estoient, eurent pris la saisine et possession de
         Becheriel, caudement il s’en vinrent mettre le siège
   [193] devant Saint Salveur le Visconte. Ensi furent la ville
         et li chastiaus de Saint Salveur le Visconte assegiet
         par mer et par terre. Si fisent tantost chil baron de
         Bretagne et de Normendie, qui là estoient, lever et
      5  drechier grans mangonniaus et grans engiens devant
         le forterèce, qui nuit et jour jettoient grans pières et
         grans mangonniaus as tours, as garittes et as crestiaus
         de le ville et dou chastiel, qui durement cuvrioient
         et travilloient. Et bien souvent sus le jour li chevalier
     10  et li escuier de l’ost s’en alèrent escarmucier as
         barrières à chiaus de dedens, et li compagnon de le
         garnison ossi s’esprouvoient à yaus. Si en y avoit
         souvent par telz fais d’armes des mors, des navrés
         et des blechiés. Quatreton, uns hardis et appers homs
     15  d’armes, qui chapitains en estoit de par monsigneur
         Alain de Bouqueselle, estoit durement curieus et
         songneus d’entendre à le forterèce, car trop euist esté
         courouciés, se par sa negligense il euissent recheu
         damage ne encombrier. Avoecques lui estoient et
     20  avoient esté toute la saison messires Thumas Trivés,
         messires Jehans de Bourch et messires Phelippes
         Picourde et li troi frère de Maulevrier, qui ossi en
         tous estas en faisoient bien leur devoir; et se y estoient
         de rechief revenu messires Jehans Appers et
     25  messires Jehans de Cornuaille et li compagnon qui
         parti estoient de Becheriel. Si se confortoient l’un
         par l’autre, et leur sambloit qu’il estoient fort assés
         pour yaus tenir un grant temps, et pensoient que li
         dus de Bretagne par mer les venroit rafreschir et
     30  combatre les François, ou à tout le mains li dus de
         Lancastre, qui estoit à Calais, les metteroit en son
         trettié de triewes ou de respit, par quoi li François
   [194] ne seroient mies signeur d’une si belle forterèce
         que Saint Salveur est. Ensi en considerant ces coses
         à leur pourfit, se tenoient vaillamment li compagnon
         qui dedens estoient, et se donnoient dou bon temps,
      5  car il avoient vins et pourveances assés. La cose del
         monde qui plus les grevoit, c’estoit li grant enghien
         de l’ost, qui continuelment, nuit et jour, jettoient,
         car li grosses pières de fais leur desrompoient et
         effondroient les combles et les tois des tours. Ensi se
     10  tinrent il tout cel ivier, et li dus d’Ango à Saint
         Omer, et li dus de Lancastre à Calais.


         § 760. Tant alèrent de l’un à l’autre, amoienant
         les besongnes, li doi prelat et legal dessus nommet,
         que il approcièrent ces trettiés, et que li doi duch
     15  d’Angho et de Lancastre s’acordèrent à ce que d’yaus
         comparoir à Bruges l’un devant l’autre, car au voir
         dire, li trettieur aloient à trop grant painne de Saint
         Omer à Calais et de Calais à Saint Omer. Et quant il
         avoient tout alé et tout venu, se ne faisoient il riens;
     20  car, sus trois ou quatre journées que il mettoient tant
         en alant et retournant qu’en parlant as parties, se
         muoient [bien] nouvel conseil.

         Quant li dus de Lancastre se deut partir de Calais,
         li dus de Bretagne, qui s’estoit là tout le temps tenus
     25  avoecques lui, prist congiet et retourna en Engleterre
         et raporta nouvelles des trettiés au roy et sus
         quel estat il estoient. A ce retour qu’il fist, il esploita
         si bien au roy d’Engleterre, parmi les bons moiiens
         qu’il eut, monsigneur Alain de Bouqu[es]elle, cambrelent
     30  dou roy, que li rois li [acorda et] delivra deus
         mil hommes d’armes et quatre mil archiers, et par
   [195] especial en se compagnie, pour mieulz esploitier de
         ses besongnes, monsigneur Aymon, son fil, conte de
         Cantbruge, monsigneur le conte de le Marce, monsigneur
         Thumas de Hollande, qui de puis fu conte de
      5  Kent en Engleterre, ainsnet fil de la princesse, le signeur
         Despensier, qui pas n’estoit encores mors,
         mais il morut au retour de ce voiage, le signeur de
         Manne, messires Hughe de Hastinghes, monsigneur
         Bruiant de Stapletonne, monsigneur Symon Burlé,
     10  monsigneur Richart de Pontchardon, monsigneur
         Thumas Tinfort, le signeur de Basset, monsigneur
         Nicole Stammore, monsigneur Thumas de Grantson,
         et pluiseurs aultres. Si fisent leurs pourveances à
         Hantonne et là montèrent en mer; et quant il se partirent,
     15  il avoient entention que de venir combatre
         sus mer le navie dou roy de France, qui gisoit devant
         Saint Salveur, mais il eurent vent contraire qui
         les bouta en Bretagne: si prisent terre devant Saint
         Mahieu de Fine Posterne. Si tost que il furent hors
     20  de leurs vaissiaus, il se traisent devers le chastiel qui
         siet au dehors de la ville: si l’assallirent fortement
         et diversement, et le conquisent de force, et furent
         mort tout chil qui dedens estoient. Adont se rendi la
         ville de Saint Mahieu au duch de Bretagne. Si entrèrent
     25  li Englès dedens le ville de Saint Mahieu: si y
         attraisent leurs pourveances là dedens et s’i
         rafreschirent.

         Or vinrent ces nouvelles au connestable de France,
         au signeur de Cliçon et as barons de France et de
     30  Normendie et de Bretagne, qui devant Saint Salveur
         se tenoient, que li dus de Bretagne efforciement estoit
         arivés à Saint Mahieu et avoit ja pris le ville et
   [196] le chastiel. Si eurent conseil entre yaus comment il
         s’en poroient chevir. Dont fu regardé pour le milleur
         et segur estat que on envoieroit, contre yaus faire
         frontière, trois cens ou quatre cens lances, qui les
      5  ensonnieroient, et herieroient leurs coureurs, se il
         s’abandonnoient de trop avant chevaucier ou pays,
         et toutdis tenroient il le siège devant Saint Salveur,
         et ne s’en partiroient, ensi qu’en pourpos l’avoient,
         si l’aroient conquis. Adont furent ordonné principaument
     10  quatre baron de Bretagne, li sires de Cliçon,
         li viscontes de Roem, li sires de Laval et li
         sires de Biaumanoir, à frontière faire contre les Englès.
         Si s’en vinrent à Lambale, et là se tinrent.

         Li dus de Bretagne, li contes de Cantbruge, li
     15  contes de le Marce, li sires Despensiers et li baron
         [et li chevalier] d’Engleterre, qui estoient arrivet à
         Saint Mahieu de Fine Posterne, ne sejournèrent
         gaires en le ville de puis que elle fu rendue, mais s’en
         vinrent devant Saint Pol de Lyon, et là s’arrestèrent.
     20  Si l’assallirent fortement et le prisent de force;
         si fu toute courue et essillie, et de là il s’en vinrent
         devan[t] Saint Brieu de Vaus, une ville malement
         forte, et l’assegièrent et avoient grant entention dou
         prendre, car il misent mineurs en oevre, qui s’ahatirent
     25  que dedens quinse jours il esploiteroient si bien,
         qu’il feroient reverser un tel pan dou mur, que sans
         dangier il enteroient bien en le ville.


         § 761. Quant li Englès, qui dedens Saint Salveur
         estoient, entendirent que li dus de Bretagne et li
     30  contes de Cantbruge et grant fuison de signeurs
         d’Engleterre, estoient efforciement arrivet en Bretagne,
   [197] si en furent moult joiant; car il en cuidièrent grandement
         mieulz valoir et que par yaus fust cilz sièges
         levés. Si s’avisèrent, car il leur besongnoit, qu’il
         tretteroient devers ces signeurs de France, à fin que
      5  il euissent un respit un mois ou cinc sepmainnes, et,
         se là en dedens il n’estoient conforté, il renderoient
         le ville et le chastiel de Saint Salveur. Au voir dire,
         il ne pooient en avant; car il estoient si travilliet et
         cuvriiet des engiens qui nuit et jour jettoient, qu’il
     10  n’osoient aler parmi la ville ne le chastiel, mais se
         tenoient ens es tours. Et avint une fois que Quatreton,
         le chapitainne, gisoit en une tour sus un lit, car
         il estoit moult dehetiés: si entra une pière d’engien
         en celle tour par une trelle de fier que elle rompi.
     15  Et fu adont avis proprement à Quatreton que li tonnoires
         fust descendus laiens, et ne fu mies assegurés
         de sa vie; car celle pière d’engien qui estoit ronde,
         pour le fort tret que on li donna, carola tout autour
         [de le tour] par dedens, et quant elle cheï, elle effondra
     20  le planchier et entra en une autre estage, ensi
         que Quatreton recorda de puis à ses compagnons,
         siques, pour yaus oster de ce dangier, fust par pais
         ou par bataille, entre yaus il se consillièrent pour le
         millieur que il tretteroient unes triewes. Si le fisent
     25  et envoièrent par un hiraut querre un saufconduit
         au connestable que il peuissent segurement venir parlementer
         en l’ost: on leur acorda, et le reporta li
         hiraus tout seelé. Dont vinrent en l’ost [traictier]
         messires Thumas Trivès et messires Jehans de Bourch
     30  au connestable et au duch de Bourbon, qui là estoient.
         Si esploitièrent si bien que uns respis lor fu acordés
         par tel manière, que se dedens la close Paske il
   [198] n’estoient conforté dou duc de Bretagne personelment,
         il rend[er]oient la forterèce, et c’estoit environ le
         miquaresme, et ce terme pendant, on ne leur devoit
         faire point de guerre, et ossi il n’en feroient point; et
      5  se defaute estoit que dou duch de Bretagne il ne fuissent
         conforté et secouru dedens le jour qui expresseement
         y estoit mis, il liv[re]roient presentement bons
         hostages pour rendre la forterèce. Ensi demora Saint
         Salveur en composition, et li doi duch d’Angho et de
     10  Lancastre et leurs consauls estoient à Bruges, qui savoient
         et qui ooient tous les jours nouvelles de Bretagne
         et de Normendie; et par especial li dus d’Ango
         les avoit plus fresches que n’euist ses cousins, li dus
         de Lancastre: si s’avisoit selonch ce. Là estoient li
     15  doi legal moiien pour toutes parties, qui portoient
         tous les jours de l’un à l’autre ces trettiés; et quant
         on estoit sus voie d’acord, Bretagne et Espagne desrompoient
         tout. Je vous diray pour quoi et comment
         li dus de Lancastre ne se voloit nullement assentir à
     20  trettié de paix ne à composition nulle, se li dus de
         Bretagne ne ravoit tout entirement la ducé de Bretagne,
         ce que li rois de France avoit applikiet à l’iretage
         de France et au demainne par l’acort de tous
         les barons, les prelas, les cités et les bonnes villes de
     25  Bretagne. Or regardés se ce n’estoit point fort à oster,
         Chastille, que on entent Espagne, quant li rois de
         France voloit que tout outreement elle demorast au
         roy Henri, dont li dus de Lancastre se tenoit hoirs
         de par ma dame se femme, qui avoit estet fille au roy
     30  dan Pietre et dont li dessus dis dus s’escrisoit sires
         et rois, et des armes il s’esquarteloit. Et avoit li rois
         de France juré solennelment que jamès pais ne feroit
   [199] au roy d’Engleterre, que li rois Henris de Chastille ne
         fust ossi avant en le pais comme il seroit. D’autre
         part, li rois d’Engleterre avoit ensi juré au duch de
         Bretagne, quel trettié qu’il fesist au roy de France,
      5  il reseroit en son hiretage de Bretagne, siques ces
         coses estoient fortes à desrompre et à brisier. Mès li
         doi legal, qui sage et avisé estoient et bien enlangagié
         et volentiers oy de toutes les parties par leur attemprée
         promotion, et qui consideroient bien toutes ces
     10  coses, disoient que, se il plaisoit à Nostre Signeur, il
         trouveroient bien entre ces ordenances aucun moiien
         par quoi il se departiroient par acord.

         Or revenrons nous au fait de Bretagne et as guerres,
         qui y estoient fortes et dures.


     15  § 762. Vous devés savoir, comment que Saint
         Salveur le Visconte et li Englès, qui dedens estoient,
         se fuissent mis sus certains articles de composition,
         li connestables de France et li baron de Bretagne et
         de Normendie, qui à siège avoient là esté tout l’ivier,
     20  ne se deslogièrent mies pour ce, mais s’i ordonnèrent
         et establirent plus fort assés que devant, et segnefiièrent
         tout leur estat au roy de France en remoustrant
         sus quel parti il gisoient et comment li dus
         de Bretagne, que il appelloient Jehan de Montfort,
     25  estoit [arrivés] efforciement ou pays, et pooient bien
         estre Englès dis mil combatans, et esperoient que
         il les venroient combatre pour reskeurre le ville et
         le chastiel de Saint Salveur. Li rois de France, qui
         ne voloit mies que ses gens fuissent entrepris, ne que
     30  il receuissent, par faute de poissance, blasme ne
         villonnie avoech grant damage, manda et escrisi par
   [200] tout là où il pensoit à recouvrer de droite fleur de
         gens d’armes, en Flandres, en Braibant, [en Haynnau],
         en Hesbain, en le ducé de Guerles, en Bar, en
         Loerainne, en Bourgongne et en Champagne, que
      5  tout fuissent au plus estoffeement qu’il pooient à
         celle journée devant Saint Salveur le Visconte en
         Constentin. Tout baron, chevalier et escuier et gens
         d’armes, qui mandé ou priiet en estoient, obeïrent
         et s’appareillièrent dou plus tost qu’il peurent, et se
     10  misent à voie et à chemin par devers Normendie,
         pour estre à celle journée.

         Ce terme pendant et ces coses faisans, toutdis
         parlementoient li doi duc d’Ango et de Lancastre à
         Bruges, et ossi leurs consaulz. Et ossi, d’autre part,
     15  li sièges se tenoit grans et fors dou duch de Bretagne
         et dou conte de Cantbruge et des barons et des
         chevaliers d’Engleterre devant Saint Brieu de Vaus.
         Entrues que il estoient là à siège et qu’il esperoient
         fort à conquerre la ville par le fait de leurs mineurs
     20  qui ouvroient en leur mine, li quel s’estoient ahati
         qu’il leur renderoient le ville dedens quinse jours,
         nouvelles leur vinrent de chiaus de Saint Salveur en
         remoustrant comment de lonch temps il avoient esté
         assegié et le dangier que il avoient souffiert, de quoi
     25  sus le fiance de leur confort il s’estoient mis en
         composition; et couvenoit le ville et le chastiel rendre
         as François, se, dedens la close Paske qu’il attendoient,
         li sièges n’estoit levés; et pour ce tenir et
         acomplir, il avoient livré bons ostages. Li dus de
     30  Bretagne, li contes de Campbruge, li contes de le
         Marce, li sires Despensiers et li baron qui là estoient,
         eurent bien mestier d’avoir avis et conseil de ceste
   [201] cose et comment à leur honneur il en useroient. Si
         eurent sur ce avis et pluiseurs imaginations. Li aucun
         disoient que ce seroit bon que on alast les François
         combatre, et li autre disoient le contraire, car plus
      5  honnourable [et proufitable] leur estoit de tenir leur
         siège devant Saint Brieu de Vaus, puis que si avant
         l’avoient mené qu’il le devoient dedens sis jours
         avoir, que soudainn[em]ent yaus partir [de là] et faire
         une nouvelle emprise, et que encores, apriès le conquès
     10  de Saint Brieu de Vaus, tout à temps po[r]oient
         il retourner à Saint Salveur. Tant fu cils pourpos demenés
         et debatus que finablement, tout consideré
         et d’une sieute, il s’acordèrent à tenir le siège devant
         Saint Brieu de Vaus, et leur sambla le plus
     15  pourfitable.


         § 763. Messires Jehans d’Evrues, comme hardis
         et entreprendans chevaliers et bons homs d’armes de
         le partie des Englès, estoit pour ce temps en l’isle de
         Camperlé, et avoit toute celle saison fait sa route à
     20  par lui et fortefiiet une motte à deus liewes priès de
         le ville de Camperlé, que on appelloit ou pays le
         Nouviel Fort. Et avoit li dis messires Jehans d’Evrues,
         parmi l’ayde de ses gens et le retour et mansion de
         ce Nouviel Fort, où il tenoit assés bonne garnison,
     25  telement travilliet et heriiet et guerriiet le pays, que
         nuls n’osoit aler de ville à autre; ne on ne parloit
         d’autre cose en toute celle marce ne en l’isle de
         Camperlé, que de ce Nouvel Fort; et proprement li
         enfant en Bretagne et les jones fillettes en avoient
     30  fait une cançon que on y chantoit tout communement.
         Se disoit la cançons ensi:

   [202]     Gardés vous dou Nouviau Fort,
             Vous qui alés ces alues;
             Car laiens prent son deport
             Messires Jehans d’Evrues.

      5      Il a gens trop bien d’acort,
             Car bon leur est viés et nues;
             N’espargnent foible ne fort;
             Tantost aront plains les crues
             De le Mote Marciot
     10      D’autre avoir que de viés oes;
             Et puis menront à bon port
             Lor pillage et leur conquès.

             Gardés vous dou Nouviau Fort,
             Vous qui alés ces alues;
     15      Car laiens prent son deport
             Messires Jehans d’Evrues.

             Cliçon, Rohem, Rocefort,
             Biaumanoir, Laval, entrues
             Que li dus à Saint Brieu dort,
     20      Chevauchiés les frans alues.
             Fleurs de Bretagne, oultre bort
             Estre renommée sues,
             Et maintenant on te mort,
             Dont c’est pités et grans duelz.

     25      Gardés vous dou Nouviau Fort,
             Vous qui alés ces alues;
             Car laiens prent son deport
             Messires Jehans d’Evrues.

             Remoustre là ton effort,
     30      Se conquerir tu les poes;
             Tu renderas maint sourcot
             A nos mères, se tu voes.
             En ce pays ont à tort
             Pris moutons, pors et cras bues;
   [203]     Or paieront leur escot
             A ce cop, se tu t’esmues.

             Gardés vous dou Nouviau Fort,
             Vous qui alés ces alues;
      5      Car laiens prent son deport
             Messires Jehans d’Evrues.

         Ensi estoit messires Jehans d’Evrues par sa chevalerie
         criés et renommés ou pays, et tant se montepliièrent
         ces canchons, que elles vinrent en le cognissance
     10  de ces signeurs de Bretagne, qui se tenoient
         à Lambale. Si commencièrent à penser sus et
         à dire: «A Dieu le veu! li enfant nous aprenderont
         à guerriier. Voirement n’est chou pas chose bien
         seans que nous savons nos ennemis si priès de nous,
     15  qui ont toute celle saison robet et pilliet le pays, et
         si ne les alons point veoir? Il nous couvient chevaucier
         viers ce Nouviau Fort, et tant faire que nous
         l’aions et messire Jehan d’Evrues dedens: il ne nous
         poet nullement escaper, qu’il ne soit nostres, et nous
     20  rendera compte de tout son pillage.»

         Adont s’esmurent chil signeur et leurs gens une
         partie, et une partie en laissièrent en Lambale pour
         le garder, et chevaucièrent environ deus cens lances
         viers le Nouviau Fort, et fisent tant qu’il y vinrent.
     25  Si s’arrestèrent par devant et l’environnèrent de
         tous lés, afin que nuls n’en peuist issir, et se misent
         tantos en ordenance pour assallir, et messires Jehans
         d’Evrues et ses gens en bon arroi pour yaus deffendre.
         Là eut par trois jours grant assaut, et des
     30  bleciés d’une part et d’autre, et telement l’avoient
         empris li sires de Cliçon et chil baron de Bretagne,
   [204] que de là ne partiroient, si aroient conquis ce Nouviau
         Fort et chiaus qui dedens estoient. Il n’en euissent
         jamais falli que voirement ne l’euissent il eu,
         car li Nouviaus Fors n’estoit mies tels que pour tenir
      5  à le longe contre telz gens d’armes, et l’euissent eu
         très le premier jour, se n’euist esté leur bonne et
         aperte deffense et la bonne arteillerie qui dedens
         estoit, et dont il l’avoient pourveue.


         § 764. Entrues que cil baron de Bretagne estoient
     10  devant ce Nouviau Fort, assés priès de Camperlé, et
         qu’il herioient et appressoient durement monsigneur
         Jehan d’Evrues, trois nouvelles en un moment vinrent
         au duch de Bretagne, au conte de Campbruge,
         au conte de le Marce et as barons d’Engleterre, qui
     15  devant Saint Brieu de Vaus estoient. Les premières
         furent teles que leur mineur avoient perdu leur mine
         et que il leur en couvenoit refaire une nouvelle,
         se on voloit avoir le ville par mine, la quele cose leur
         fu trop grandement desplaisans, et en estoient tout
     20  pesant et merancolieus, quant Chandos, li hiraus,
         leur aporta les secondes nouvelles, qui venoit tout
         droit de Bruges et dou duch de Lancastre. S’envoioit
         par ses lettres closes au duch de Bretagne, à son frère
         de Cantbruge et au conte de le Marce le manière et
     25  l’ordenance dou trettié et sus quel estat il estoient
         entre lui et le duch d’Ango, quant li dis Chandos
         parti de Bruges. La tierce nouvelle fu, qui tous les
         resvilla, comment li sires de Cliçon, li viscontes de
         Rohem, li sires de Biaumanoir, li sires de Laval et
     30  li sires de Rocefort avoient enclos et assegiet monsigneur
         Jehan d’Evrues en son Nouviel Fort, et le faisoient
   [205] assallir telement et si fortement qu’il estoit
         en peril d’estre pris et en grant aventure.

         Quant li dus de Bretagne oy ce, si dist: «Or tost
         as chevaus! chevauçons quoiteusement celle part.
      5  J’aroie ja plus chier la prise de ces cinc chevaliers
         que de ville ne de cité qui soit en Bretagne: che
         sont chil, avoech messire Bertran de Claiekin, qui
         m’ont plus fait à souffrir et les quels je desir plus à
         tenir. Nous ne les poons avoir plus aisiement que ens
     10  ou parti où il sont, et nous attenderons là, je n’en
         fai mies doubte, mais que nous nos hastons; car il
         desirent à avoir le chevalier messire Jehan d’Evrues,
         qui vault bien que on le sekeure et oste de dangier.»
         A ces parolles evous ces signeurs tantos armés et
     15  montés et une partie de leurs gens, et se partent,
         cescuns qui mieus mieulz, sans attendre l’un l’autre;
         et escuier et varlès commencièrent à tourser et à
         sievir leurs mestres. Ensi soudainnement se desfist li
         sièges de Saint Brieu de Vaus.


     20  § 765. Certes li dus de Bretagne, [li contes de
         Cantbruge], li contes de le Marce, li sires Despensiers
         et [chil baron et] chil chevalier d’Engleterre
         avoient si grant haste et tel desir de venir devant ce
         Nouviau Fort pour trouver leurs ennemis, qu’il ne
     25  fisent tout le chemin que reslaissier, et que leur coursier
         estoient tout mouilliet de sueur. Mais onques ne
         se peurent ne sceurent tant haster, que li sires de
         Cliçon et li baron de Bretagne, qui devant le Nouviau
         Fort estoient, ne fuissent segnefiiet de ces nouvelles,
     30  et leur fu dit ensi: «Or tos, signeur, montés sus
         vos chevaus et vous sauvés: autrement vous serés
   [206] pris à mains, car vechi le duch de Bretagne, le conte
         de Campbruge et toutes leurs gens qui viennent.»
         Quant cil signeur oïrent ces nouvelles, si furent
         moult esbahi et à bonne cause. Or eurent il d’avantage
      5  tant que leur cheval estoient ensellé; car, se il
         ne le fuissent, il ne l’euissent point esté à temps, tant
         estoient il et furent hasté. Et si tretos qu’il furent
         monté, et qu’il se partoient, il regardèrent derrière
         yaus et veirent le grosse route et espesse dou duch
     10  de Bretagne, qui venoient les grans galos. Adont
         sceurent bien cheval qu’esporon valoient en le route
         le signeur de Cliçon, car, quanques il pooient brochier,
         il brochoient le chemin de Camperlé, et li dus
         de Bretagne et se route apriès. Che aida moult au
     15  signeur de Cliçon et à se compagnie, et leur fist grant
         avantage que leur cheval estoient fresch et chil dou
         duch de Bretagne travilliet: aultrement il euissent
         esté rataint sur le chemin.

         Li sires de Cliçon et ses gens trouvèrent les portes
     20  de Camperlé toutes ouvertes; si leur vint grandement
         à point, et entrèrent ens, et à fait qu’il entroient,
         il descendoient et prendoient leurs lances, et
         s’ordonnoient as barrières pour deffendre et attendre
         leurs compagnons, mais li plus lontains n’estoit mies
     25  le trait d’un arch lonch. Si furent tout recueillié, et
         se sauvèrent par grant aventure, et levèrent les pons
         et cloïrent les barrières et les portes de Camperlé.
         Evous le duch de Bretagne, le conte de Campbruge
         et les barons et les chevaliers d’Engleterre tous
     30  venus, qui font leur course et leur moustre devant
         les barrières, et, ensi que il venoient, il s’arrestoient
         et descendoient de leurs chevaus, qui estoient tout
   [207] blanch de sueur. Là voloit li dus de Bretagne que
         tantos on les assallist, mais il li fu dit: «Sire, il
         vault trop mieuls que nous nos logons et regardons
         par quele ordenance nous les assaurrons, que nous
      5  nos hastons avoecques le traveil que nous avons. Il
         sont enclos; il ne vous poeent nullement escaper, se
         il n’en volent en l’air. Camperlé n’est pas si forte
         contre vostre host que vous ne le doiiés avoir.»
         Adont se logièrent toutes manières de gens, et se
     10  misent en bonne ordenance tout autour de le ville;
         car, quant il furent tout venu, il se trouvèrent gens
         assés pour ce faire. Ensi fu messires Jehans d’Evrues
         delivrés de grant peril et de grant dangier, et ses
         nouviaus fors ossi.


     15  § 766. Ce premier jour entendirent li Englès à
         yaus logier bien et faiticement, et disoient li signeur
         que il ne vosissent estre autre part que là, tant avoient
         grant plaisance en ce que il sentoient les barons de
         Bretagne, que le plus desiroient à tenir enclos dedens
     20  Camperlé. Si se tinrent ce premier jour tout aise, et
         la nuit ossi, et fisent bon gait. A l’endemain environ
         soleil levant, il se misent en ordenance pour assallir,
         et se traisent tout devant Camperlé.

         Bien savoient li sires de Cliçon et li aultre qu’il
     25  seroient assalli et que on leur feroit dou pis que on
         poroit. Si estoient yaus et leurs gens ossi ordonné
         selonch ce et mis en bon couvenant; car il estoient
         bien gens, puis qu’il avoient un peu d’avantage, qui
         n’estoient mies legier à desconfire. Là ot ce jour jusques
     30  à haute nonne fort assaut et dur, et n’i avoit
         homme ne femme en le ville de Camperlé, qui ne
   [208] fust ensonniiés d’aucune cose faire, ou de porter
         pières et dessoler les pavemens ou d’emplir pos
         plains de cauch ou d’aporter à boire as compagnons
         qui se deffendoient et qui de sueur estoient tout
      5  moulliet. En cel estat furent il jusques en le nuit par
         trois ou par quatre assaus, et en y avoit de chiaus de
         l’host, en assallant, aucuns bleciés et navrés. A l’endemain,
         on refist tout otel, et assallirent li Englès ce
         secont jour jusques à le nuit. Li sires de Cliçon et li
     10  baron qui là estoient et qui en ce dangier se veoient,
         et qui en sus de tous confors se sentoient, n’estoient
         mies à lor aise. Si regardèrent que trop mieulz leur
         valoit à yaus rendre et paiier raençons, que attendre
         l’aventure d’estre pris, car bien cognissoient que longement
     15  ne se pooient tenir en cel estat. Si faisoient
         doubte que, se il estoient pris de force, trop grant
         meschiés ne lor avenist, car par especial il se sentoient
         fort hay dou duch, pour tant que il li avoient
         esté trop contraire. Si envoiièrent devers le duch de
     20  Bretagne un hiraut qui bien remoustra leur entente
         avoech lettres de creance qu’il portoit. Li dus à leur
         offres ne volt onques entendre, mais [en] respondi
         tantost, et dist: «Hiraus, retournés et leur dittes de
         par mi, que je n’en prenderai ja nul [à merci], se il
     25  ne se rendent simplement.» Dont dist li hiraus, je
         ne sçai se il en estoit cargiés [de parler] si avant, je
         croi bien que oïl: «Chiers sires, ce seroit grans durtés,
         se pour loyaument servir leur signeur il se mettoient
         en tel dangier.»--«Leur signeur! respondi
     30  li dus de Bretagne, il n’ont aultre signeur que moy,
         et, se je les tieng, ensi que j’ai bien esperance que je
         le ferai, je leur remousterai que je sui leurs sires,
   [209] siques, hiraus, retournés, vous n’en porterés aultre
         cose de moy.» Li hiraus retourna et fist sa response
         à ses signeurs tout ensi, ne plus ne mains, que vous
         avez oy.

      5  De ces nouvelles ne furent mies li sires de Cliçon
         ne li aultre bien resjoï, car tantost il reurent l’assaut
         à l’[end]emain, et leur couvint raler à leur labeur
         ensi que devant, et ensi qu’il faut gent d’armes qui
         sont en dur parti; car très le premier jour euissent
     10  il esté pris et conquis, se très vassaument il ne se
         fuissent deffendu. Finablement il regardèrent qu’il ne
         se pooient tenir, que dedens cinc ou sis jours [de
         force] il ne fuissent pris, et encores ne sçavoient
         il se on les minoit ou non: c’estoit une cose qui
     15  bien faisoit à ressongnier pour yaus. Si eurent un
         aultre conseil de trettié, lequel il misent avant et
         envoiièrent devers le duch de Bretagne, que, se dedens
         quinse jours il n’estoient secouru et conforté
         par quelconques manière que ce fust, il se renderoient
     20  simplement en le volenté dou duch. Quant
         li dus de Bretagne oy ces trettiés, se li furent plus
         plaisans assés que li aultre, et s’en conseilla au conte
         de Campbruge et as barons d’Engleterre qui là estoient.
         En ce conseil il y eut pluiseurs parolles retournées,
     25  et regardoient [trop] fort, en imaginant les
         aventures, de quel part confors leur poroit venir.
         Mais nullement il ne li savoient veoir ne trouver, se
         ce n’estoit dou costé de Saint Salveur le Visconte, où
         li connestables de France et li François estoient
     30  efforciement. De ce faisoient il la grigneur doubte, et
         pour un tant il s’assentirent à ce trettié, mais il ne
         veurent donner que huit jours de souffrance: encores
   [210] ne le faisoient il mies volontiers, et furent tout joiant
         li sires de Cliçon et si compagnon, quant il les peurent
         avoir.


         § 767. Ensi demorèrent chil cinc baron de Bretagne
      5  en souffrance, et la ville de Camperlé ossi, et
         toutdis se tenoit li sièges. Si devés bien croire et savoir
         qu’il n’estoient mies à leur aise, quant il se sentoient
         en tel dangier que en le volenté de leurs ennemis,
         et par especial dou duch qui les haïoit à mort et
     10  qui bien disoit que ja n’en prenderoit nulle raençon.
         De leur fortune et de leur aventure se doubtoit
         bien li rois de France, et avoit cinc ou sis coureurs
         à cheval, nuit et jour alans et venans de Paris en
         Bretagne et de Bretagne à Paris, et qui dou jour à
     15  l’endemain raportoient nouvelles de cent ou de
         quatre vins liewes lonch, par les chevaus dont il se
         rafreskissoient de ville en ville; et en tel manière il
         avoit aultres messagiers, qui ensi s’esploitoient de
         Bruges à Paris et de Paris à Bruges, par quoi tous les
     20  jours il savoit les trettiés qui là se faisoient. Si tretost
         qu’il sceut l’avenue de Camperlé, il se hasta d’envoiier
         devers son frère le duch d’Ango, et li manda
         estroitement, à quel meschief que ce fust, il fesist
         clore ces trettiés et presist triewes as Englès pour
     25  toutes les metes et limitations de France, et li segnefia
         la cause pour quoi. Tantost li dus d’Ango, qui avoit
         les legaus en le main, mist main à l’uevre et acorda
         unes triewes sus quel estat il estoient, à durer jusques
         au premier jour de may l’an mil trois cens settante et
     30  sis, et eurent en couvent li doi duch de retourner à
         le Toussains à Bruges, et devoit li dus de Lancastre
   [211] amener avoecques lui le duch de Bretagne, et li dus
         d’Ango prommetoit que il seroit pour lui en tous
         estas, et le metteroit à accort de la ducé de Bretagne
         envers son frère le roy de France.

      5  Tantost la chartre de le triewe fu escripte, grossée
         et seelée, et dou duch de Lancastre à deus de ses
         chevaliers delivrée, les quelz on appelloit l’un monsigneur
         Nicole Carnessuelle et l’autre monsigneur
         Gautier Oursewich. Li dus d’Ango, pour haster la
     10  besongne et pour ces deus chevaliers moustrer le
         chemin, prist deus des sergans d’armes de son frère
         le roy, et leur dist: «Hastés vous, et faites haster ces
         chevaliers, et renouvelés vous de chevaus par tout où
         vous venés, et ne cessés nuit ne jour, tant que vous
     15  aiiés trouvé le duch de Bretagne.» Avoech tout che,
         il en pria et fist priier par les legaus les deus chevaliers
         especialment, et ossi [leurs sires] li dus de Lancastre
         leur recarga. Si esploitièrent tant et si vighereusement
         que sus cinc jours il furent de Bruges
     20  devant Camperlé, et trouvèrent le duch de Bretagne,
         qui jeuoit as eschès au conte de Campbruge dedens
         son pavillon. Si s’agenoullièrent devant lui et devant
         le conte, et les saluèrent en englès.

         Li doi chevalier furent li très bien venu de ces signeurs
     25  pour tant qu’il venoient de leur frère le duch
         de Lancastre, et demandèrent des nouvelles. Tantost
         messires Nicoles Carnessuelle mist avant la chartre
         de le triewe, où li commission estoit enexée, et commandoit
         li dus de Lancastre, qui plain pooir et auctorité
     30  avoit ou lieu dou roy d’Engleterre, son père,
         que, en quel estat qu’il fuissent, il se partesissent
         tantos et sans delay. Or regardés se ceste cose vint
   [212] bien à point pour les barons de Bretagne, qui estoient
         enclos en tel dangier en Camperlé, qui n’avoient
         mais c’un jour de respit. Onques cose ne cheï si bien
         à gens qu’il leur en cheï.

      5  Vous devés savoir que li dus de Bretagne fu estragnement
         courouciés, quant il oy ces nouvelles, et
         crolla la tieste et ne parla en grant temps, et le premier
         parler qu’il dist, ce fu: «Maudite soit li heure,
         quant onques je m’acordai à donner triewe à mes
     10  ennemis!» Ensi se deffist li sièges de Camperlé, vosist
         ou non li dus de Bretagne, par le vertu de le chartre
         de le triewe et de le commission dou duch de Lancastre.
         Si se deslogièrent tantost tout courouchié, et
         se retraisent vers Saint Mahieu de Fine Posterne, où
     15  toute leur navie estoit. Quant li sires de Cliçon, li
         viscontes de Rohem, li sires de Laval et li aultre [qui
         en Camperlé estoient], veirent ce departement et
         sceurent par quele condition, car li dus d’Ango leur
         en envoia lettres, si furent trop grandement resjoy;
     20  car au matin la compagnie volsist avoir paiiet deus
         cens mil frans, et il fuissent à Paris.


         § 768. Ensi se desrompi ceste armée dou duch de
         Bretagne, faite en Bretagne, et retournèrent li contes
     25  de Campbruge, li contes de le Marce, li sires Despensiers
         et tout li Englès en Engleterre, et li dis dus
         s’en vint au chastiel d’Auroy, où la ducoise sa femme
         estoit, qu’il desiroit moult à veoir, car il ne l’avoit
         veu, plus d’un an avoit. Si se tint là un terme dalés
         lui, et regarda à ses besongnes, et fist tout à loisir ses
     30  ordenances, et puis s’en retourna en Engleterre et
         en mena sa femme avoecques lui. Ossi li dus de Lancastre
   [213] retourna à Calais et de là en Engleterre, sus
         l’entente que de revenir à Bruges à le Toussains qui
         venoit. D’autre part ossi li dus d’Ango s’en vint à
         Saint Omer, et se tint là toute le saison, se ce ne
      5  fu un petit qu’il s’en vint esbatre à Guise en Tierasse,
         où ma dame sa femme estoit, ensi que sus son hyretage,
         et puis retourna tantost à Saint Omer, et li doi
         legal tretteur se tinrent à Bruges.

         Or revenons à chiaus de Saint Salveur, qui estoient
     10  mis en composition devers le connestable de France.
         Li Englès, quant il se partirent de Bretagne, il cuidièrent
         que cilz sièges se deuist ossi bien lever, que
         il s’estoient levé de devant Camperlé; mais non fist.
         Ançois y eut au jour, qui estimés y estoit, plus de
     15  dis mil lances, chevaliers et escuiers. Quatreton,
         messires Thumas Trivés, messires Jehans de Bourch
         et li compagnon qui dedens estoient, à leur pooir
         debatirent assés la journée, car il avoient oy parler
         de le triewe. Si se voloient ens enclore ossi, mais li
     20  François ne l’entendoient grain ensi; ançois disoient
         que la première couvenance passoit la daarraine ordenance,
         et qu’il avoient mis ou trettié de leur composition
         que, se li dus de Bretagne proprement ne venoit
         lever le siège, il se devoient rendre et mettre leur
     25  garnison en le volenté dou connestable. «Encores
         est li dus ou pays, ce disoient li François; pour
         quoi ne trest il avant? Nous sommes tout pourveu et
         appareillié de l’attendre et dou combatre, et vous
         demandons par vostre serement, se vous li avés point
     30  segnefiiet. Il disoient bien: «Oïl.»--«Et pourquoi
         dont ne trait il avant?» Il respondoient: «Il
         maintient, et ossi font nos gens, que nous sommes
   [214] ou trettiet de le triewe.» Li François disoient qu’il
         n’en estoit riens, et les avisa li connestables en tant,
         se il ne rendoient la forterèce ensi que oblegié
         estoient, tout premierement il feroient morir leurs
      5  hostages, et puis les constrainderoient d’assaus plus
         que il n’euissent onques fait. Bien estoit en leur poissance
         dou conquerre; et quant par force il seroient
         conquis, il fuissent tout certain que on n’en prenderoit
         jamais nul à merci, que tout ne fuissent mort.
     10  Ces parolles esbahirent Quatreton et les compagnons,
         et eurent conseil sur ce et regardèrent, tout consideré,
         que confors ne leur apparoit de nul costé, et
         ne voloient mies perdre leurs hostages, siques finablement
         il se rendirent, et s’en partirent sauvement
     15  et emportèrent tout le leur, et reurent leurs hostages,
         ce fu raisons. Si entrèrent en une nef et misent tout
         leur harnas en une aultre, et puis singlèrent vers
         Engleterre, et li connestables de France prist le saisine
         de Saint Salveur le Visconte, ou nom dou roy
     20  de France. Adont se departirent toutes gens d’armes,
         et se retraist cascuns en son lieu, li duch, li conte, li
         baron et li chevalier; et les compagnes fisent leurs
         routes à par yaus, qui se retraisent en Bretagne et
         sus le rivière de Loire. Là les envoia li rois de France
     25  reposer jusques à tant que il oroit autres nouvelles.


         § 769. Ces gens de compagnes qui avoient apris à
         pillier et à rober et qui ne s’en savoient abstenir,
         fisent en celle saison trop de mauls ens ou royaume
         de France, tant que les plaintes en vinrent au roy.
     30  Li rois, qui volentiers euist adrechiet son peuple et
         qui grant compassion en avoit, car trop li touchoit
   [215] la destruction de son royaume, n’en savoit que faire.
         Or fu adont regardé en France que li sires de Couci,
         qui ja avoit demoret hors sis ans ou environ, et qui
         estoit uns friches et gentils chevaliers de grant providense
      5  et de grant sens, seroit remandés; car on li
         avoit oy dire pluiseurs fois que il clamoit à avoir
         grant droit à la ducé d’Osterice par la succession de
         sa dame de mère, qui soer germainne avoit esté dou
         duch darrainnement trespassé, et cils qui pour le
     10  temps possessoit de la ducé d’Osterice, n’estoit que
         cousins germains plus lontains assés de droit linage
         que li sires de Couci ne fust. Si fu proposé au conseil
         dou roy de France que li sires de Couci s’aideroit
         bien de ces compagnes, et en feroit son fait [en Osterice],
     15  et en deliveroit le royaume de France.

         Adont fu remandés li gentilz sires de Couci, messires
         Engherans, qui s’estoit tenus en Lombardie un
         grant temps et de puis sus la terre dou patrimonne,
         et fait guerre pour la cause de l’Eglise as signeurs de
     20  Melans et as autres, ossi as Florentins et as Pisains,
         et si vaillamment s’i estoit portés que il en avoit
         [grandement] le grasce et le renommée dou Saint
         Père le pape Gregore XIe. Quant il fu revenus en
         France premierement devers le roy, on li fist grant
     25  feste, et le vei li rois moult volentiers, et li demanda
         des nouvelles: il l’en dist assés. De puis revint li
         sires de Couci en sa terre, et trouva ma dame sa
         femme, la fille dou roy d’Engleterre, à Saint Goubain.
         Si se fisent grans recognissances ensamble, ce
     30  fu raisons, car il ne s’estoient veu de grant temps.
         Ensi petit à petit se racointa li sires de Couci en
         France, et se tint dalés le roy qui le vei moult volentiers.
   [216] Adont li fu demandé couvertement dou signeur
         de la Rivière et Nicolas le Mercier, qui estoient
         [instruit] quanques li rois pooit faire, se il se vorroit
         point cargier ne ensonnier de ces Bretons et des
      5  compagnes pour mener en Osterice. Il respondi que
         il en aroit avis; si s’en consilla à ses amis et le plus
         en soi meismes. Si en respondi sen entente que volentiers
         s’en ensonnieroit, mais que li rois y vosist
         mettre aucune cose dou sien et li prester ossi aucune
     10  finance pour paiier leurs menus frès et pour acquerre
         amis et les passages tant en Bourgongne, comme en
         Aussai, et sus le rivière dou Rin, par où il les couvenoit
         passer et aler, se il voloient entrer en Osterice.
         Li rois de France n’avoit cure quel marchié il fesist,
     15  mais que il veist son royaume delivré de ces compagnes:
         se li acorda toute sa demande, et fina pour
         lui devers les compagnes, et leur delivra grant argent
         mal emploiiet, ensi que vous orés recorder temprement;
         car onques gens ne s’acquittèrent pis envers
     20  signeur, qu’il s’acquittèrent devers monsigneur de
         Couci. Il prisent son or et son argent, et se ne li
         fisent nul service.


         § 770. Environ le Saint Michiel, l’an mil trois cens
         settante et cinc, se departirent ces compagnes et ces
     25  gens d’armes, Bretons et aultres de toutes nations,
         dou royaume de France, et passèrent parmi Loerainne,
         où il fisent moult de destourbiers et de damages,
         et pillièrent pluiseurs villes et chastiaus et
         fuison dou plat pays, et eurent de l’or et de l’argent
     30  à leur entente de chiaus de Mès en Lorrainne. Quant
         chil d’Ausay, qui se tenoient pour le duch de
   [217] Lussembourch et de Braibant, en veirent le manière, si
         se doubtèrent de ces males gens, que il ne leur feissent
         à souffrir, et se cloïrent, et mandèrent li baron
         d’Ausay au signeur de Couci et as barons de Bourgongne
      5  qui avoecques lui estoient, le signeur de
         Vregi et aultres, que point ne passeroient parmi leur
         pays ou cas qu’il se vorroient ensi maintenir. Li sires
         de Couci mist son conseil ensamble, car il avoit là
         grant fuison de bonne chevalerie de France, monsigneur
     10  Raoul de Couci, son oncle, le visconte de
         Miaus, [le signeur de Roye, monsigneur Raoul de
         Raineval], le signeur de Hangest, messire Hue de
         Roussi et fuison d’autres, siques, yaus consilliet, il
         regardèrent que li signeur et li pays d’Ausay avoient
     15  droit. Si priièrent moult doucement as chapitains des
         compagnes et as Bretons et Bourghegnons, que il
         vosissent courtoisement passer et faire passer leurs
         gens parmi Ausay, par quoi li pays leur fust ouvers,
         et qu’il peuissent faire leur fait et leur emprise. Il
     20  l’eurent tout en couvent volentiers, mais de puis il
         n’en tinrent riens. Toutes fois, au passer et à l’entrer
         en Aussai, il furent assés courtois.

         Or parlerons des parlemens qui furent assignet à
         Bruges. Il est verités que à le Toussains, li dus de
     25  Lancastre et li dus de Bretagne, pour le partie dou
         roy d’Engleterre, y vinrent moult estoffeement et en
         grant arroy. Ossi fisent li dus d’Ango et li dus de
         Bourgongne, et remoustroit cascuns de ces signeurs
         sa grandeur et sa poissance.

     30  Si fist li dus de Bourgongne en ce temps une très
         grande feste de jouste, en le ville de Gand en Flandres,
         de cinquante chevaliers et de cinquante escuiers de
   [218] dedens. Et furent à celle jouste grant fuison de haus
         signeurs et de nobles dames, tant pour honnourer
         le duch de Bourgongne que pour veoir l’estat des
         dus qui là estoient: le duch d’Ango, le duch de Lancastre
      5  et le duch de Bretagne. Si y furent li dus de
         Braibant et ma dame sa femme, et li dus Aubers et
         sa femme, et la ducoise de Bourgongne. Si furent ces
         joustes bien festées et dansées, et par quatre jours
         joustées; et tint adont là li contes de Flandres grant
     10  estat et poissant, en honnourant et exauchant la
         feste de son fil et de sa fille, et en remoustrant sa
         rikèce et sa poissance [à ces signeurs estraingniers de
         Franche], d’Engleterre et d’Alemagne. Quant ces
         joustes furent passées et li signeur retrait, si retournèrent
     15  à Bruges li dus d’Ango, li dus de Bourgongne
         et leurs consaulz d’Engleterre. Ossi fisent li dus de
         Lancastre, li dus de Bretagne et li consaulz d’Engleterre
         et li doi legal trettieur. Si se commencièrent à
         entamer et à proposer parlement et trettiet, et li doi
     20  legal à aler de l’un à l’autre, qui portoient ces parolles,
         qui peu venoient à effet; car cescuns se tenoit si fiers
         et si grans, que raisons n’i pooit descendre. Li rois
         d’Engleterre demandoit coses impossibles pour lui,
         ce que li François n’euissent jamais fait: toutes les
     25  terres que li rois de France ou ses gens avoient conquis
         sur lui, et tout l’argent qui estoit à paiier quant
         la devant ditte pais fu brisie, et delivré le captal [de
         Bues] hors de prison. D’autre part li rois de France
         voloit avoir la ville, et le chastiel de Calais, abatue,
     30  quel trettié qu’il fesist, et de cel argent tout l’opposite;
         mais toute la somme entièrement que li rois ses
         pères et ils avoient d’argent paiiet, il voloit ravoir, ce
   [219] que li rois d’Engleterre n’euist jamais fait, l’argent
         rendu ne Calais abatue. Si furent grant temps sus cel
         estat, et li legal aloient proporsionnant et à leur
         pooir amoienant ces demandes, mès elles s’approçoient
      5  trop mal. Se furent les parties, tant de France
         comme d’Engleterre, un grant temps en Flandres,
         et fui adont ensi enfourmés que finablement Bretagne
         et Espagne rompirent tous les trettiés. Si furent
         les triewes ralongies jusques au premier jour d’avril
     10  mil trois cens settante et sis, et se departirent de
         Bruges tout cil duch: li un s’en alèrent en Engleterre,
         et li aultre en France, et li legaulx demorèrent à Bruges;
         mais cascune de ces parties devoient à le Toussains
         renvoiier gens pour yaus, qui aroient plain pooir et
     15  auctorité, otel comme li doi roy aroient, se il y
         estoient personelment, de faire pais et acord ou de
         donner triewes.


         § 771. Or revenons au signeur de Couci, qui
         estoit en Aussai, et avoit deffiiet le duch d’Osterice
     20  et tous ses aidans, et li cuidoit faire une grant
         guerre, et moult s’en doubtoient li Ostrisien. Nequedent,
         comme très vaillans gens d’armes et que bon
         guerrieur qu’il sont et soutil, il alèrent et obviièrent
         grandement à l’encontre de ces besongnes, car,
     25  quant il sentirent le signeur de Couci et ses gens et
         ces compagnes approcier, euls meismes ardirent et
         destruisirent au devant d’yaus bien trois journées
         de pays.

         Quant cil Breton et ces compagnes furent oultre
     30  Aussai et sus le rivière de Rin, et il deurent approcier
         les montagnes qui departent Aussai et Osterice, et il
   [220] veirent un povre pays et trouvèrent tout ars et desrobé,
         non pas pays de tel ordenance comme il est
         sus le rivière de Marne et de Loire, et ne trouvèrent
         que genestes et broussis, et que plus aloient avant et
      5  plus trouvoient povre pays ars et desrobé d’yaus
         meismes, et il avoient apris ces biaus vignobles et
         ce gras pays de France, de Berri et de Bretagne, et
         ne savoient que donner leurs chevaus, si furent
         tout esbahi. Si s’arrestèrent sus le rivière de Rin ensamble
     10  les compagnes, et eurent parlement les chapitainnes
         des Bretons et li Bourghegnon ensamble,
         pour savoir comment il se maintenroient. «Et comment,
         disent il, est tel cose la ducé d’Osterice? Li
         sires de Couci nous avoit donné à entendre que c’estoit
     15  li uns des gras pays dou monde, et nous le trouvons
         le plus povre: il nous a decheu laidement. Se
         nous estions delà celle rivière de Rin, jamais ne le
         porions rapasser, que nous ne fuissions tout mort et
         pris et en le volenté de nos ennemis les Alemans,
     20  qui sont gens sans pité. Retournons, retournons en
         France; ce sont mieulz nos marces. Mal dehait ait
         qui ja ira plus avant!» Ensi furent il d’acord d’yaus
         logier, et se logièrent tout contreval le Rin, et fisent
         le signeur de Couci logier tout en mi yaus, li quelz
     25  tantos, quant il vei ceste ordenance, se commença à
         doubter qu’il n’i euist trahison. Se leur dist moult
         doucement: «Signeur, vous avés pris mon or et
         mon argent, dont je sui grandement endebtés, et
         l’argent dou roy de France, et vous estes oblegié par
     30  foy et par sierement que de vous acquitter loyaument
         en ce voiage: si vous en acquittés. Aultrement, je sui
         li plus deshonnourés homs dou monde.»--«Sires
   [221] de Couci, respondirent à ce premiers les chapitainnes
         des compagnes et li Bourghegnon, la rivière
         de Rin est encores moult grosse ne on ne le poet
         passer à gué sans navire. Nous sejournerons chi:
      5  entrues venra li biaus temps. Nous ne savons les chemins
         en ce pays. Passés devant, nous vous sievrons.
         On ne met mies gens d’armes ensi hors d’un bon
         pays, que mis nous avés. Vous nous disiés et affiiés
         que Osterice est uns des bons et des gras pays dou
     10  monde, et nous trouvons tout le contraire.»--«Par
         ma foy, respondi li sires de Couci, c’est mont,
         mais ce n’est mies chi à l’entrée. Par delà ceste rivière,
         et oultre ces montaignes que nous veons, trouverons
         nous le bon pays.»--«Or passés dont devant,
     15  et nous vous sievrons.» Ce fu toute la plus courtoise
         response que il peut à celle heure avoir d’yaus,
         mais se logièrent, et le signeur de Couci en mi yaus,
         et par tel manière que, se il s’en vosist adont estre
         partis, il ne peuist, tant estoit il priès gettiés. De la
     20  quel cose il avoit grant doubte, et ossi avoient tout
         li Pikart, li Englès, li Haynuier et li François, des
         quelz il y avoit bien trois cens lances.

         Or vinrent nouvelles en l’ost que li dus d’Osterice
         se voloit acorder et composer au signeur de Couci,
     25  et li voloit donner une belle terre, qui vault bien
         vint mil frans par an, que on claime la conté de
         Fuiret. Voirement en furent ils aucuns trettiés; mès il
         ne continuèrent point, car ce sambloient au signeur
         de Couci et à son conseil trop petites offres.


     30  § 772. Quant li sires de Couchi vey que ces gens
         que il avoit là amenés, ne vorroient aler plus avant,
   [222] et que il ne li faisoient que respondre à le traverse,
         si fu durement merancolieus, et s’avisa de soi
         meismes, comme sages et imaginatis chevaliers, que
         ces compagnes le poroient deshonnourer, car, se de
      5  force il le prendoient, il le poroient delivrer au duc
         d’Osterice et vendre pour la cause de leurs gages, car
         voirement demandoient il argent sus le temps à
         venir, se on voloit que il alaissent plus avant. Et, se
         ensi estoit que il le delivraissent par celle manière as
     10  Alemans, jamais il ne s’en veroit delivrés. Si eut
         conseil secret à aucuns de ses amis, à trop de gens ne
         fu ce mies, que il s’embleroit d’yaus et se metteroit
         au retour. Tout ensi comme il le pensa et imagina,
         il le fist, et se parti de nuit en abit descogneu, et
     15  chevauça lui troisime tant seulement. Toutes manières
         de gens d’armes et de Bretons et ses gens ossi, excepté
         cinc ou sis, cuidoient que il fust encores en ses logeis,
         et il estoit ja eslongiés et hors de tous perilz
         bien deus journées, et ne tenoit nul droit chemin,
     20  mais il fist tant qu’il s’en revint en France. Si fu
         durement li rois de France esmervilliés; ossi furent
         li dus d’Ango, li dus de Berri, li dus de Bourgongne
         et moult d’autres signeurs, quant il le veirent [en ce
         parti] revenu, et il le cuidoient en Osterice: ce leur
     25  sambla uns drois fantosmes. Et li demandèrent de
         ses besongnes comment il en aloit, et dou duch d’Osterice
         son cousin quel chière il li avoit fait. Li sires
         de Couci ne fu mies esbahis de remoustrer son afaire,
         car il estoit richement enlangagiés et [avoit] escusance
     30  veritable. Si cogneut au roy et à ces dus toute
         [le] verité, et leur compta de point en point l’estat des
         compagnes et comment il s’estoient maintenu et quel
   [223] cose il avoient respondu, et tant fist, et de voir, que
         il demora sus son droit, et les compagnes en leur
         blasme. Et se tint en France dalés le roi et ses frères,
         et tantost apriès Paskes il eut congiet dou roy de
      5  France d’aler jeuer en Engleterre et de mener y sa
         femme la fille dou roy d’Engleterre, et eut adonques
         [aucuns] trettiés secrés entre lui et le roy de France,
         qui ne furent mies sitost ouvert. Et fu adont regardé
         en France des plus sages que c’estoit uns sires de
     10  grant prudense, bien tailliés de trettiier pais et acord
         entre les deus rois, et que on n’avoit en lui veu fors
         que toute loyauté. Se li fu dit: «Sires de Couci,
         c’est li entention dou roy et de son conseil que vous
         demorés dalés nous en France; si nous aiderés à consillier
     15  et à trettier devers ces Englès, et encores vous
         prions nous, que en ce voiage que vous ferés, couvertement
         et sagement, ensi que bien le sarés faire, vous
         substanciiés dou roy d’Engleterre et de son conseil
         sus quel estat on poroit trouver paix ne acord entre
     20  yaus et nous.» Li sires de Couci eut ensi en couvent;
         si se appareilla dou plus tost qu’il peut, et
         parti de France, et ma dame sa femme et tout leur
         arroy. Si esploitièrent tant que il vinrent en
         Engleterre.


     25  § 773. Or parlons de ces compagnons qui se tinrent
         pour trop decheu, quant il sceurent que li sires
         de Couchi leur estoit escapés et retournés en France.
         Si disoient li aucun que il avoit bien fait, et li aultre
         disoient que il s’estoit fais et portés grant blasme. Si
     30  se misent au retour et revinrent en France, en ce bon
         pays qu’il n’appelloient mies Osterice, mais leur
   [224] cambre. Quant li sires de Couci eut esté une espasse
         en Engleterre dalès le roy son [grant] signeur, qui li
         fist bonne chière et à sa fille ossi, et il eut viseté le
         prince de Galles, son frère, qui gisoit malades à
      5  Londres, et estoit en mains de surgiiens et de medecins,
         et ossi viseté ses aultres frères le duch Jehan
         de Lancastre et ma dame sa femme, le conte de
         Campbruge et monsigneur Thumas le mainsnet, et le
         jone Richart, fil dou prince, qui estoit en le garde et
     10  doctrine de ce gentil et vaillant chevalier monsigneur
         Guichart d’Angle, il prist congiet à tous et à toutes,
         et laissa là sa mainsnée fille la damoiselle de Couci
         et sa femme, et puis s’en retourna en France.

         En ce temps paia li rois Edouwars d’Engleterre as
     15  barons et as chevaliers de son pays son jubilé, car il
         avoit esté cinquante ans rois. Mais ançois fu trespassés
         messires Edowars ses ainsnés filz, princes de
         Galles et d’Aquittaines, la fleur de toute chevalerie
         dou monde en ce temps et qui le plus avoit esté fortunés
     20  en grans fais d’armes et acompli de belles
         besongnes. Si trespassa li vaillans homs et gentilz
         princes de Galles ens ou palais de Wesmoustier dehors
         la cité de Londres. Si fu moult plains et regretés,
         et sa bonne chevalerie moult regretée, et eut li gentilz
     25  princes à son trespas la plus belle recognissance
         à Dieu et la plus ferme creance et repentance, que
         on vei onques grant signeur avoir. Ce fu le jour de
         le Trinité, en l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
         cens settante et sis. Et pour plus autentiquement et
     30  reveramment faire la besongne, et que bien avoit
         dou temps passé conquis par sa bonne chevalerie
         que on li fesist toute l’onneur et reverense que on
   [225] poroit, il fu embausumés et mis en un vaissiel de
         plonch et là tous ensepelis, excepté le viaire, et ensi
         gardés jusques à le Saint Michiel, que tout li prelat,
         conte, baron et chevalier d’Engleterre furent à son
      5  obsèque à Wesmoustier.


         § 774. Sitos que li rois de France fu segnefiiés de
         la mort de son cousin le prince, il li fist faire son
         obsèque moult reveramment en la Sainte Capelle dou
         palais, et y furent si troi frère et grant fuison de
     10  prelas, de barons et de chevaliers dou royaume de
         France; et dist bien li rois de France et afrema que
         li princes de Galles avoit regné poissamment et
         vassaument.

         Or vint li Toussains, que li rois d’Engleterre envoia
     15  as parlemens à Bruges, ensi que ordenance se
         portoit, monsigneur Jehan de Montagut, le signeur
         de Gobehem, l’evesque de Halfort et le doiien de
         Saint Pol de Londres; et li rois de France, le conte
         de Salebruce, le signeur de Chastillon et monsigneur
     20  Phillebert de l’Espinace; et toutdis estoient là li doi
         legal trettieur. Si se tinrent chil signeur et chil trettieur
         tout le temps à Bruges, et peu esploitièrent, car
         toutes leurs coses tournoient à noient; car li Englès
         demandoient, et li François ossi.

     25  En ce temps estoit li dus de Bretagne en Flandres
         dalés son cousin le conte Loeis de Flandres, le quel
         il trouvoit assés traittable et amiable, mès point ne
         s’ensonnioit de ces trettiés.

         Environ le quaremiel se fist uns secrés treti[é]s entre
     30  ces François et ces Englès, et deurent li Englès leurs
         trettiés porter en Engleterre, et li François en France,
   [226] cascuns devers son signeur le roy, et devoient retourner,
         ou aultre commis que li roy renvoieroient,
         à Moustruel sus mer; et sus cel estat furent les triewes
         ralongies jusques au premier jour de may. Si en alèrent
      5  li Englès en Engleterre, et li François [revinrent]
         en France, et raportèrent leurs trettiés, et recordèrent
         sus quel estat il estoient parti l’un de l’autre.
         Si furent envoiiet à Moustruel sus mer, dou costé des
         François, li sires de Couci, li sires de le Rivière, messires
     10  Nicolas Brake et Nicolas le Mercier, et dou
         costé des Englès, messires Guichars d’Angle, messires
         Richars Sturi et Joffrois Cauchiés. Et parlementèrent
         cil signeur et ces parties grant temps sus le
         mariage dou jone Richart, fil dou prince, et de ma
     15  demoiselle Marie, fille dou roy de France, et revinrent
         arrière en Engleterre, et raportèrent leurs trettiés,
         et ossi li François en France, et furent les triewes
         ralongies un mois.


         § 775. Nous avons oubliiet à recorder comment
     20  li rois d’Engleterre, le jour de le Nativité Nostre Seigneur,
         l’an dessus dit, tint en son palais, à Wesmoustier,
         une grant feste et solennele, et y furent,
         par mandement et commandement dou roy, tout li
         prelat, [li duc], li conte, li baron et li chevalier
     25  d’Engleterre. Et là fu eslevés Richars, li filz dou prince, et
         le fist li rois porter devant lui, et le ravesti, present
         tous les dessus dis, de l’iretage et royaume d’Engleterre
         à tenir apriès son dechès, et l’assist dalés lui, et
         fist jurer tous prelas, contes, barons et chevaliers et
     30  officiiers des cités et des bonnes villes des pors et
         des passages d’Engleterre, que il le tenroient à signeur
   [227] et à roy. Apriès ce, li vaillans rois encheï en une
         foiblèce, de la quele il morut en l’anée, ensi que vous
         orés [recorder] temprement. Mais nous perseverrons
         de ces parlemens et de ces trettiés, qui ne vinrent à
      5  nul pourfit.


         § 776. A ces parlemens et secrés trettiés qui furent
         assigné en le ville de Moustruel, furent envoiiet
         de par le roy de France li sires de Couci et messires
         Guillaumes des Dormans, canceliers de France: si s’en
     10  vinrent tenir à Moustruel. De le partie des Englès
         furent renvoiiet à Calais li contes de Sallebrin, messires
         Guichars d’Angle, li evesques de Halfort et li
         evesques de Saint David, cancelier d’Engleterre. Et
         estoient là li trettieur qui aloient de l’un à l’autre, et
     15  qui portoient les trettiés, li archevesques de Ravane
         et li evesques de Carpentras. Et furent toutdis leur
         parlement et leur trettié sus le mariage devant dit,
         et offroient li François, avoecques leur dame, fille
         dou roy de France, douse cités ou royaume de
     20  France, c’est à entendre en la ducé d’Aquittaines, mais
         il voloient avoir Calais abatue. Si se desrompirent
         cil parlement et cil trettié, sans riens faire, car onques
         pour cose que cil trettieur seuissent dire, priier ne
         remoustrer, ces parties ne se veurent ou osèrent onques
     25  assegurer sus certainne place, entre la ville de Moustruel
         et Calais, pour yaus comparoir l’un devant
         l’autre. Si demorèrent les coses ensi, et ne furent les
         triewes plus ralongies, mais la guerre renouvelée, et
         retournèrent li François en France.

     30  Quant li dus de Bretagne vei ce, qui se tenoit à
         Bruges dalés son cousin le conte de Flandres, et li
   [228] legal furent là retourné, qui disent qu’il ne pooient
         riens faire, si escrisi devers le conte de Sallebrin et
         monsigneur Guichart d’Angle, qui estoient à Calais,
         que à tel jour, atout gens d’armes et arciers, il fuissent
      5  contre lui, car il s’en voloit raler en Engleterre,
         et il se doubtoit des embusces sus les frontières de
         Flandres et d’Artois, siques li dessus dit, li contes de
         Sallebrin et messires Guichars d’Angle, se departirent
         de Calais à cent hommes d’armes et deus cens archiers,
     10  et vinrent requerre bien avant en Flandres
         le duch de Bretagne, et le ramenèrent sauvement à
         Calais.


         § 777. Quant Nostre Saint Père le pape Grégoire
         XIe senti et entendi que la pais entre le roy de
     15  France et le roy d’Engleterre ne se pooit trouver
         pour moiien ne pour trettié que on sceuist ne peuist
         mettre avant, se li fu une cose moult desplaisans, et
         dist à ses frères les cardinaus que il se voloit partir
         d’Avignon et qu’il se ordonnaissent, car il voloit aler
     20  tenir son siège à Romme. Li cardinal ne furent mies
         trop resjoy de ces nouvelles et li debatirent ce qu’il
         peurent par pluiseurs voies raisonnables, et li
         remoustrèrent bien que, se il aloit là, il metteroit
         l’Eglise en grant tourble. Non obstant toutes parolles,
     25  il dist que il avoit ce de veu et qu’il iroit, comment
         que ce fust. Si se ordonna et les constraindi au partir
         avoecques lui; toutes fois, quant il veirent qu’il n’en
         aroient aultre cose, il se misent avoecques lui et
         montèrent en mer à Marseille, et singlèrent tant qu’il
     30  vinrent à Genuenes. Là se rafreskirent, et puis entrèrent
         de rekief en leurs galées, et esploitièrent tant
   [229] par leurs journées qu’il vinrent à Romme. Si furent
         li Rommain grandement resjoy de leur venue, et
         tous li pays de Rommagne. Par celle motion que li
         dessus dis papes fist, avinrent depuis grans tourbles
      5  en l’Eglise, sicom vous orés recorder cha apriès,
         mais que ceste hystore dure jusques à là.


         § 778. Toute celle saison que cil trettié et parlement
         de paix qui point n’avinrent, furent à Bruges,
         li rois de France avoit ses pourveances et sen armée
     10  fait faire sur mer et appareillier très grossement, et
         avoit entention d’envoiier ardoir en Engleterre; et
         estoient ses gens pourveu de gallées et de gros vaissiaux
         que li rois Henris d’Espagne leur avoit envoiiés,
         et l’un de ses [maistres] amiraus, qui s’appelloit dan
     15  Ferrans Sanses de Touwars. Et li amiraus de France
         estoit pour le temps messires Jehans de Viane;
         avoecques lui estoit messires Jehans de Rays et pluiseur
         appert chevalier et escuier de Bourgongne, de
         Campagne et de Pikardie [et d’aultre part]. Si waucroient
     20  ces gens marins sus mer, et n’attendoient
         aultre cose que nouvelles leur venissent que la guerre
         fust renouvelée, et bien s’en doubtoient en Engleterre,
         et l’avoient les chapitainnes des isles d’Engleterre,
         de Gernesie, de Grenesée et de Wisk segnefiiet
     25  au conseil dou roy d’Engleterre, car li rois estoit ja
         moult malades, et ne parloit on point à lui des besongnes
         de son royaume, fors à son fil le duch de
         Lancastre, et estoit si très foibles que li medecin
         n’i esperoient point de retour. Si fu envoiiés à
     30  Hantonne messires Jehan d’Arondiel, atout deus
         cens hommes d’armes et trois cens arciers, pour
   [230] garder le havene, le ville et le frontière contre les
         François.

         Quant li dus de Bretagne, ensi que contenu et devisé
         est chi devant, fu ramenés à Calais dou conte de
      5  Sallebrin et de monsigneur Guichart d’Angle, il entendi
         que li rois, ses sires, estoit durement malades et
         afoiblis. Si se parti dou plus tost qu’il peut et monta
         en mer, et demorèrent encores à Calais li contes de
         Sallebrin et messires Guichars d’Angle. Si prist terre
     10  à Douvres li dis dus, et puis chevauça viers Londres,
         et demanda dou roy, où il estoit. On li dist que il
         gisoit [moult] malades en un petit manoir royal, qui
         est là sus le [rivière de] Tamise, à cinc liewes englesces
         de Londres, que on dist Cenes. Là vint li
     15  dus de Bretagne: si y trouva le duch de Lancastre,
         le conte de Campbruge et monsigneur Thumas le
         mainsnet, et ossi le conte de le Marce, et n’attendoient
         dou roy fors l’eure de Dieu; et ossi estoit là
         sa fille, ma dame de Couci, qui moult estoit astrainte
     20  de coer de grant dolour et anguisse, de ce que elle
         veoit son signeur de père en ce parti.

         Le jour devant la vigile Saint Jehan Baptiste, en
         l’an de grasce Nostre Signeur mil trois cens settante
         et set, trespassa de ce siècle li vaillans et li preus rois
     25  Edouwars d’Engleterre: de la quele mort tous li pays
         et li royaumes d’Engleterre fu durement désolés; et
         ce fu raisons, car il leur avoit estet bons rois. Onques
         n’eurent tel ne le pareil puis le temps le roy Artus,
         qui fu ossi jadis rois d’Engleterre, qui s’appelloit à
     30  son temps la Grant Bretagne. Si fu li rois embaulsumés
         et mis et couchiés sus un lit moult reveramment
         et moult poissamment, et portés ensi au lonch de le
   [231] cité de Londres de vint et quatre chevaliers vestis de
         noir, si troi fil et le duch de Bretagne et le conte de
         le Marce derrière lui, et ensi alant pas pour pas, à
         viaire descouvert. Qui veist et oïst en ce jour les
      5  grans lamentations que li peuples faisoit, les plours,
         les cris et les regrés qu’il disoient et qu’il faisoient,
         on en euist grant pité et grant compassion au cuer.
         Ensi fu li nobles rois aportés au lonch de Londres
         jusques à Wesmoustier, et là mis jus et ensepelis
     10  dalés ma dame sa femme, Phelippe de Haynau,
         royne d’Engleterre, ensi qu’en leur vivant avoient
         ordonné. Et fu fais li obsèques dou roy si noblement
         et si reveramment que on peut onques, car
         bien le valli; et y furent tout li prelat, li conte, li
     15  baron et li chevalier d’Engleterre, qui pour ce temps
         y estoient.

         Apriès cel obsèque, on regarda que li royaumes
         d’Engleterre ne pooit estre longement sans roy, et
         que pourfitable estoit pour tout le royaume de couronner
     20  tantost le roy qui estre le devoit, et le quel li
         vaillans rois, qui mors estoit, avoit ordonné et ravesti
         dou royaume très son vivant. Si ordonnèrent là li
         prelat, li conte, li baron, li chevalier et les communautés
         d’Engleterre, et assignèrent un certain jour et
     25  bien brief, que on couronneroit l’enfant, le jone Richart,
         qui fils avoit estet dou prince, et furent à ce
         tout d’acord.

         En celle sepmainne que li rois estoit trespassés,
         retournèrent de Calais en Engleterre li contes de Sallebrin
     30  et messires Guichars d’Angle, qui furent moult
         tristre et fort courouchié de la mort le vaillant roy;
         mès souffrir leur convint, puis que Diex le voloit
   [232] ensi. Si furent tout li pas clos en Engleterre, ne nulz
         n’en partoit, de quel costé que ce fust, pour tant que
         on voloit mettre toutes les besongnes dou pays en
         bonne et estable ordenance, ançois que la mort dou
      5  vaillant roy fust sceue.

         Or vous parlerons de l’armée françoise, qui estoit
         sus mer.


         § 779. Droitement la vigile Saint Pière et Saint
         Pol, vinrent li François prendre terre à un port en
     10  le conté d’Exesses, vers les marces de la conté de
         Kent, à une assés bonne ville plainne de peskeurs
         et de maronniers, que on dist Rie. Si le pillièrent et
         robèrent et ardirent toute entierement, puis rentrèrent
         en leurs vaissiaus et rentrèrent en mer, et prisent le
     15  parfont et les costières de Hantonne, mès point n’i
         approcièrent à celle fois.

         Quant les nouvelles en vinrent à Londres, où tous
         li pays s’assambloit pour couronner leur signeur le
         jone Richart, si en furent toutes gens durement
     20  esmeu, et disent ensi li signeur et toutes gens d’un
         acord: «Il nous fault haster de couronner nostre
         roy, et puis aler contre ces François, ançois que il
         nous portent plus grant damage.» Si fu couronnés
         ou palais, et en le capelle de Wesmoustier, à roy
     25  d’Engleterre li jones Richars, le VIIIe jour dou mois
         de jule l’an dessus dit, en l’onsime an de son eage;
         et fist ce jour li dis rois Richars nuef chevaliers et
         cinc contes. [Les chevaliers ne sçay je mie bien nommer;
         si m’en tairay, mais les contes vous nommeray:
     30  premierement] monsigneur Thumas, son oncle,
         conte de Boukinghem; monsigneur Henri, signeur
   [233] de Persi, conte de Northombrelande; monsigneur
         Thumas de Hollandes, son frère, conte de Kent;
         monsigneur Guichart d’Angle, son mestre, conte de
         Hostidonne; et le signeur de Montbrai, conte de
      5  Notinghen.

         Tantost apriès celle feste et le couronnement dou
         roy, on ordonna li quel iroient à Douvres pour là
         garder le passage, et li quel iroient d’autre part. Si
         furent esleu li contes de Campbruge et li contes de
     10  Boukinghen, li doi frère, d’aler à Douvres, à tout
         quatre cens hommes d’armes et sis cens archiers, et
         li contes de Sallebrin et messires Jehans de Montagut,
         ses frères, à une aultre ville et bon port, que on
         dit Pesk, atout deus cens hommes d’armes et trois
     15  cens archiers.

         Or vous parlerons des François, comment il esploitièrent,
         entrues que ces ordenances se fisent et li couronnemens
         dou jone roy, où on detria environ dis
         ou douse jours, ançois que chil signeur fuissent et
     20  leurs gens où il devoient aler, excepté messires Jehans
         d’Arondiel. Chilz [là] fu toutdis tous quois
         avoech ses gens et se carge à Hantonne, et bien il [y]
         besongna; car, se il n’i euist esté en l’estat que je vous
         di, la ville euist estet destruite des François, car il
     25  vinrent prendre terre en l’isle de Wiske, et là s’arrestèrent,
         et misent leurs chevaus hors de leurs nefs,
         pour courir sus le pays, et y coururent et ardirent
         ces villes que je vous nommerai: Lemonde, Dartemonde,
         Pleumonde et Wesmue, qui estoient bon
     30  gros village. Si les pillièrent et robèrent, et y prisent
         sus le pays et ens es dittes villes pluiseurs riches
         hommes à prisonniers, et puis s’en retournèrent à
   [234] leur navie et misent ens tout leur conquès et leurs
         chevaus, et rentrèrent ens, et se desancrèrent, et s’en
         alèrent vers Hantonne. Si cuidièrent là arriver de
         l’autre marée, et vinrent devant le havene, et fisent
      5  grant samblant de prendre terre. Messires Jehans
         d’Arondiel et ses gens, qui estoient tout avisé de leur
         venue, car il les avoient veu nagier sus mer et prendre
         lor tour pour ariver et prendre terre à Hantonne,
         estoient tout ordené et armé et mis en bataille devant
     10  le havene. Là eut un petit d’escarmuce, et veirent
         bien li François que il n’i pooient riens conquerir:
         si se retraisent et se boutèrent en mer, en costiant
         Engleterre et en revenant vers Douvres. Si singlèrent
         tant, que il vinrent à un autre port que on dist Pesk,
     15  où il y a une bonne ville, et veurent là prendre terre;
         mais messires Guillaumes de Montagut, contes de
         Sallebrin, et messires Jehans, ses frères, et leurs gens
         leur furent au devant et se misent ordonneement en
         bataille pour yaus attendre. Là eut un petit escarmuciet,
     20  mais ce ne fu point gramment; car il rentrèrent
         en mer et singlèrent [aval] en costiant Engleterre
         et en approchant Douvres. Là sont pluiseur
         village sus coste seans sus mer, qui, en leur venant,
         euissent esté tout ars et gasté, mais li contes de
     25  Sallebrin et ses frères et leurs gens les poursievoient
         et costioient as chevaus; et quant il voloient
         prendre terre, chil leur estoient au devant, qui leur
         deffendoient vaillamment, et remoustrèrent bien que
         c’estoient droites gens d’armes et de bonne ordenance,
     30  et qui avoient à garder l’onneur de leur pays.


         § 780. Tout ensi en costiant Engleterre, messires
   [235] Jehans de Viane et messires Jehans de Rays et li amiraus
         d’Espagne herrioient le pays et mettoient grant
         entente et grant painne à ce que il peuissent prendre
         terre sus Engleterre à leur plus grant avantage. Et
      5  tant alèrent en cel estat, qu’il vinrent à un bon gros
         village sus mer, et où il y a une bonne riche priorie,
         que on dist Lyaus. Là estoient les gens dou pays
         venu et recueillié avoeques le prieus de Lyaus et deus
         chevaliers, par le quel conseil il se voloient ordonner
     10  et combatre, se li François venoient. Li chevalier
         estoient nommet messires Thomas Cheni et messires
         Jehans Afasselée. Là ne peurent li contes de Sallebrin
         ne ses frères venir à temps, pour les divers chemins
         et le mauvais pays qui est entre Lyaus et le marce,
     15  où il se tenoient. Là vinrent à ce port li dessus dit
         François et leurs gallées moult ordonneement et ancrèrent
         dou plus priès de terre qu’il peurent, et prisent
         terre, vosissent ou non li Englès, qui leur deffendirent
         ce qu’il peurent. Là eut à l’entrer en la
     20  ville grant hustin et force escarmurce et pluiseurs
         hommes navrés des François à ce commencement
         par le trait; mais il estoient si grant fuison qu’il
         reculèrent leurs ennemis, li quel se recueillièrent moult
         faiticement en une place devant le moustier, et attendirent
     25  leurs ennemis, li quel s’en vinrent sus yaus
         hardiement combatre main à main très ordonneement.
         Là furent faites pluiseurs grans apertises
         d’armes des uns et des aultres, et se deffendirent li
         Englès moult bien selonch leur quantité, car il n’estoient
     30  que un petit ens ou regard des François: si se
         prendoient priès de bien faire la besongne. Ossi li
         François avoient, avoecques le bon desir, grant entente
   [236] d’yaus porter damage. Là obtinrent il le place,
         et furent li Englès desconfi, et en y eut bien deus
         cens mors et grant fuison de pris des plus notables,
         riches hommes de le marce, qui là estoient venu
      5  pour leur corps avancier; et furent pris li doi chevalier
         et li prieus. Si fu li ville de Lyaus toute courue,
         arse et destruite, et aucun petit village marcissant
         illuech. Et puis, quant la marée fut revenue, il
         estoient ja rentré en leurs vaissiaus, il se desancrèrent,
     10  et si se partirent de Lyaus et en menèrent leur
         pillage et leurs prisonniers, par les quels il sceurent
         la mort dou roy d’Engleterre et le couronnement
         dou roy Richart.

         Adont messires Jehans de Viane s’avança de segnefiier
     15  ces nouvelles au roy de France. Si fist partir un
         sien chevalier et trois escuiers, qui portoient lettres
         de creance, en une grosse barge espagnole qui traversa
         la mer, et vint arriver au Crotoi desous Abbeville:
         là prisent il terre, et montèrent as chevaus, et
     20  chevaucièrent viers la cité d’Amiens sans entrer en
         Abbeville, et esploitièrent tant par leurs journées que
         il vinrent à Paris. Là trouvèrent il le roy [de France],
         le duch de Berri, le duch de Bourgongne et le duch
         de Bourbon, et grant fuison de nobles signeurs: si
     25  fisent leur message bien et à point, et furent bien
         creu parmi les lettres de creance qu’il portoient.

         Quant li rois de France sceut le mort de son adversaire
         le roy d’Engleterre, et le couronnement dou roy
         Richart, si ne fu mies mains pensieus que devant,
     30  non que ce li touchast noient, mais il se voloit
         acquitter de le mort son cousin le roi d’Engleterre,
         le quel, le paix durant, il appelloit frère; et
   [237] li fist faire son obsèque ossi poissamment et ossi
         notablement, en le Sainte Chapelle de Paris, que dont
         que li rois d’Engleterre euist esté ses cousins germains,
         et là remoustra li rois de France qu’il estoit
      5  plains de toute honneur, car il s’en fust bien passés
         à mains, se il volsist.

         Or parlerons nous de monsigneur Jehan de Viane,
         et compterons comment il persevera.


         § 781. Apriès le desconfiture de Lyaus, ensi que
     10  vous avés oy, [les François] rentrèrent en leur navie et
         singlèrent devers Douvres, où tous li pays estoit assamblés,
         et là estoient li doi oncle dou roy, li contes
         de Campbruge et li contes de Boukinghen, et bien
         quatre cens lances et huit cens arciers, et euissent
     15  volentiers veu que li François se fuissent avancié
         pour là prendre terre. Et avoient ordené ensi qu’il
         ne leur deve[e]roient point à prendre terre pour combatre
         mieus à leur aise; car il se sentoient fors assés
         pour yaus recueillier. Si se tenoient tout quoi en le
     20  ville, ordonné par manière de bataille, et veoient
         bien avant en le mer la navie monsigneur Jehan de
         Viane, qui approçoit et venoit avoech le mer tout
         droit vers Douvres. Si se tenoient li signeur et li Englès,
         qui là estoient, pour tout conforté qu’il venroient
     25  jusques à là et que il aroient bataille; et furent
         voirement devant le havene et droit à l’entrée, et
         n’eurent point conseil de prendre là terre, mais tournèrent
         leurs singles, et s’en vinrent de celle marée
         tout droit devant Calais, et là ancrèrent. De quoi cil
     30  de le ville de Calais furent moult esmervilliet, quant
         il les veirent si soudainement là venir, et se coururent
   [238] tantost armer et appareillier, car il cuidoient
         avoir l’assaut, et cloïrent leurs portes et leurs barrières,
         et furent en grant effroi; car messires Hues de
         Cavrelée, qui pour ce temps estoit chapitainne de
      5  Calais, n’i estoit point, mais il revint au soir, car en
         che propre jour, il avoit chevaucié hors devant Saint
         Omer, en se compagnie messires Jehan de Harleston,
         gouvreneur de Ghines, et li sires de Gommegnies,
         chapitainne d’Arde. Si fu fais nouviaus chevaliers en
     10  celle chevaucie li ainsnés filz le signeur de Gommegnies,
         messires Guillaumes: si retournèrent au
         soir sans riens faire, fors yaus moustrer ces chapitainnes
         en leurs garnisons: si trouva, ensi que je
         vous di, messires Hues de Cavrelée celle grosse navie
     15  de France et d’Espagne devant Calais. Si fisent bon
         ghet et grant, celle première nuit, et à l’endemain,
         toute jour furent il armé, car il cuidièrent avoir l’assaut
         et le bataille. On supposoit adont en France, et
         ossi le cuidièrent bien adont li Englès de Calais, que
     20  ceste armée par mer deuist assegier Calais; mais,
         quant il eurent là esté à l’ancre huit jours, au
         VIIIe jour leur leva uns vens qui les prist soudain[ne]ment,
         et les couvint par force partir, tant estoit li
         vens fors et durs et mauvais, et li fortune de le mer
     25  perilleuse. Si se desancrèrent et levèrent les singles, et
         se misent aval vent. Si furent moult tost eslongié, et
         vinrent de celle course prendre terre et ferir ou havene
         de Harflues en Normendie. Ensi se desrompi
         pour celle saison li armée de mer dou roy de France;
     30  ne je n’ai point oy parler qu’il en fesissent plus en
         grant temps.


   [239] § 782. Vous avés bien oy parler et recorder comment
         messires Jehans de Graili, dis captaus de Beus,
         fu pris devant Subise en Poito de l’armée Yewain
         de Galles et Radigho de Rous, et comment il fu
      5  amenés à Paris comme prisonniers et mis en le tour
         dou Temple, et là bien gardés. Trop de fois li rois
         d’Engleterre et ses consaulz offrirent pour li le conte
         de Saint Pol et encores trois ou quatre [chevaliers]
         prisonniers, qu’il n’euissent mies rendus pour cent
     10  mil frans, mais li rois de France n’en voloit riens
         faire; car il sentoit le captal de Beus trop durement
         un bon chapitainne de gens d’armes et grant guerrieur,
         et que par lui, se il estoit delivrés, se feroient
         trop de belles recouvrances et recueilloites de gens
     15  d’armes, car, sus cinc jours ou huit, uns tel chevaliers
         comme le captal, estoit bien tailliés, par se hardie
         emprise, d’entrer en un pays et de courir et de
         porter cent mil ou deus cens mil frans de damage.
         Se le voloit tenir en prison, et li prommettoit bien
     20  que jamais ne partiroit de là, se il ne se tournoit françois;
         mais, se il voloit estre françois, il li donroit en
         France si grant terre et si belle revenue, que bien li
         deveroit souffire, et le marieroit hautement et richement.
         Li captaus respondoit que ja, se il plaisoit à
     25  Dieu, ne feroit ce marchié; et puis remoustroit courtoisement
         as chevaliers qui le venoient veoir, comment
         on ne li faisoit mies le droit d’armes, quant par
         bataille et en servant loyaument son signeur, ensi que
         tout chevalier doient faire le leur, il estoit pris, et on
     30  ne le voloit mettre à finance, et que ce on vosist remoustrer
         au roy de France que on ne li faisoit mies
         la cause pareille que li rois d’Engleterre et si enfant
   [240] avoient dou temps passet fait à ses gens, tant de monsigneur
         Bertran de Claiekin que des autres des plus
         nobles de tout le royaume de France, qui n’estoient
         mies mort en prison, ensi que on li faisoit morir et
      5  perdre son temps villainnement. Li chevalier de
         France qui le venoient veoir, au voir dire, en avoient
         pité et disoient bien qu’il remoustroit raison; et par
         especial, li escuiers qui l’avoit pris, qui s’appelloit
         Pières d’Auviller, qui moult apers homs d’armes estoit
     10  et qui eu n’en avoit pour se prise que douse cens
         frans, disoit bien que on faisoit au captal tort, quant
         on ne le mettoit à finance courtoise, selonch son
         estat; et en avoit tel pité, où il en ooit parler et comment
         il faisoit ses regrés, qu’il amast mieulz que il ne
     15  l’euist onques pris.

         Si fu en especialité remoustré au roy et priiet par
         pluiseurs bons chevaliers de son royaume, que il
         vosist estre plus douls au captal que il n’avoit esté;
         car, par droit d’armes, toutes gens disoient que on
     20  li faisoit tort. Li sires de Couci, sicom je fui adont
         enfourmés, y trouva un moiien, car li rois de France
         qui adont se rafrena un petit, demanda quel grasce
         on li poroit faire; et li dis sires de Couci respondi et
         dist: «Sire, se vous li faisiés jurer que jamais ne
     25  s’armast contre le royaume de France, vous le poriés
         bien delivrer, et se feriés vostre honneur.»--«Et
         nous le volons, dist li rois, mais qu’il le voeille.»
         Adont fu demandé à monsigneur le captal s’il se vorroit
         obligier en ceste composition; li captaus respondi
     30  qu’il en aroit avis. En ce terme qu’il s’en devoit
         aviser, tant de merancolies et d’abusions le prisent
         et aherdirent de tous lés, qu’il en entra en une petite
   [241] maladie frenesieuse, et ne voloit ne boire ne mengier.
         Si afoibli [du corps] durement, et entra en une
         langueur qui le mena jusques à mort. Ensi morut prisonniers
         li captaus de Beus. Se li fist faire li rois de
      5  France son obsèque moult honnourablement et ensepelir,
         pour le bien et pour la vaillance dou dit
         captal, et ossi il estoit dou sanch et dou linage dou
         roy, dou costé dou conte de Fois et d’Arragon, par
         quoi il y estoit le plus tenus.


     10  § 783. En celle saison que la guerre de France et
         d’Engleterre fu renouvelée, et que messires Jehans de
         Viane, sicom chi dessus est dit, couri et ardi en Engleterre,
         et qu’il eut esté devant Calais et qu’il se fu
         retrais en Normendie, messires Hues de Cavrelée,
     15  chapitainne de Calais, et messires Jehans de Harleston,
         chapitainne de Ghines, et li sires de Gommegnies,
         chapitainne d’Arde, avoecques leurs gens, couroient
         souvent sus le pays devant Saint Omer, devant
         Tieruane, en le conté de Saint Pol, en le conté
     20  d’Artois et de Boulongne; ne riens ne demoroit devant
         yaus dehors les forterèces, que tout ne fust pris
         et pilliet et amenet en leurs garnisons; de quoi les
         plaintes en estoient venues et venoient encores tous
         les jours au roy de France. Li rois, à qui ces choses
     25  desplaisoient et qui voloit obviier à ce, s’en conseilla
         à aucuns de son royaume, comment on poroit à ces
         garnisons englesces, estans en le marce d’Artois et de
         Calais, porter damage. On li dist que la bastide [d’Arde]
         estoit bien prendable, mais que on y alast caudement
     30  sans ce que chil de Calais en sceuissent riens; car on
         avoit entendu par aucuns [chapitaines et] compagnons
   [242] de le garnison qui s’en estoient descouvert,
         que elle n’estoit point bien pourveue d’arteillerie;
         car li sires de Gommegnies, qui chapitains en estoit,
         en avoit esté moult negligens. Ces parolles plaisirent
      5  moult bien au roy, et dist que il y envoieroit hasteement.
         Lors li fu dit que ce fust secretement, par quoi
         nouvelles n’en fuissent ou pays devant ce que on fust
         venu là; et, se on pooit tant faire que on l’euist françoise,
         on ne se doubtoit noient que on ne deuist
     10  tout reconquerre jusques as portes de Calais; et, se
         on estoit signeur des frontières, on aroit milleur
         avantage pour constraindre Calais.

         Adont li rois, tous avisés et pourveus de son fait,
         mist sus une grande assamblée de gens d’armes, et
     15  escrisi à son frère le duch de Bourgongne qu’il se
         traisist à Troies en Campagne, et là fesist ses pourveances,
         car il voloit qu’il fust chiés de toutes ces gens
         d’armes. Li dis dus obeï au commandement dou roy,
         ce fu raisons, et s’en vint à Troies, et là vinrent tout
     20  li Bourghegnon qui en furent priiet et mandet, et ossi
         delivret et paiiet tout sech de leurs gages pour trois
         mois. D’autre part, li rois fist son mandement, à
         Paris, des Bretons et des François, et là furent ossi
         tout prestement paiiet de leurs gages, et des Vermendisiens
     25  et Artisiens en le cité d’Arras. Adont s’avalèrent
         li dus de Bourgongne et ses gens de Troies et
         vinrent à Paris; si se misent là ensamble Bourghegnon,
         Breton et li François, et sceurent adont aucuns
         des chapitains, et ne mies tous, quel part il devoient
     30  aler. Si se departirent sus le darrainne sepmainne
         d’aoust, et s’en vinrent à Arras en Pikardie, et de là
         à Saint Omer. Si se trouvèrent bien vint cinc cens
   [243] lances de bonne estoffe, pourveu de quanques il
         apertenoit as gens [d’armes, et toute fleur de gens]
         d’armes, chevaliers et escuiers. Si se departirent de
         Saint Omer sus un samedi moult ordonneement et
      5  arreement, et s’en vinrent devant Arde.

         Cil de le garnison d’Arde ne s’en donnoient de
         garde, quant il les veirent tous rengiés et ordonnés
         devant leur ville, et si belles gens d’armes, et si grant
         fuison que c’estoit grans merveilles. Là estoient
     10  avoech le duch de Bourgongne, que je ne l’oublie,
         tout premiers, banerès bourghegnons, le conte de
         Geneve, le conte de Grantpret, monsigneur Loeis
         de Chalon, le signeur de le Rivière, le signeur de
         Vregi, monsigneur Thiebaut dou Noefchastiel, messires
     15  Hughe de Viane, Pière de Bar, le signeur de
         Sombrenom, le signeur de Poises, le signeur d’Englure,
         le signeur de Rougemont; et puis banerès bretons,
         le signeur de Cliçon, le signeur de Biaumanoir,
         le signeur de Rocefort, le signeur de Rieus, messires
     20  Charles de Dignant; banerès normans, le signeur de
         Blainville, mareschal de France, le signeur de Hanbiie,
         le signeur de Riville, le signeur d’Estouteville,
         le signeur de Graville, le signeur de Clères, le signeur
         d’Ainneval, le signeur de Friauville; banerès françois,
     25  monsigneur Jakeme de Bourbon, monsigneur
         Hue d’Antoing, le conte de Dammartin, messire
         Charles de Poitiers, le senescal de Haynau, le signeur
         de Wavrin, le signeur de Helli, le signeur de le Fère,
         l’evesque de Biauvais, monsigneur Hue d’Amboise,
     30  le signeur de Saint Digier; Vermendisiens, le signeur
         d’Aufemont, le signeur de Moruel, le visconte des
         Kesnes, le signeur de Fransures, le signeur de Rainneval;
   [244] Artisiens, le visconte de Miaus, le signeur de
         Villers, le signeur de Cresèkes; et là estoient tout
         chil baron en tel arroi et si bien acompagnié, que
         merveilles seroit à recorder. Si se logièrent li pluiseur
      5  de fueillies, et li aultre de nient fors au nu chiel,
         car il voloient moustrer qu’il ne seroient mies là longement
         et qu’il assauroient continuelment, car il
         fisent drechier et appareillier leurs canons, qui portoient
         quarriaus de deus cens de pesant.


     10  § 784. Quant li sires de Gommegnies se vei ensi
         environnés de telz gens d’armes et de si grant fuison,
         dont il ne se donnoit garde, et si sentoit sa forterèce
         mal pourveue d’arteillerie, si se commença à esbahir,
         et demanda conseil à ses compagnons comment il
     15  s’en cheviroit, car il ne veoit mies que longhement
         [contre telz gens d’armes] il se peuist tenir. Avoecques
         lui estoient troi chevalier de Haynau, assés appert
         homme d’armes, messires Eustasses, sires de Viertain,
         et messires Pières, [ses frères], et messires Jakemes
     20  dou Sart, et pluiseur bon escuier et apert, qui
         estoient en bonne volenté d’yaus deffendre.

         Che premier jour que li François furent venu devant
         Arde, s’en vint li sires de Hangès, uns moult
         apers chevaliers vermendisiens, armés de toutes
     25  pièces, le lance ou poing, montés sus un coursier,
         courir jusques as barrières d’Arde, et dist, quant il
         fu là venus en fretillant et remuant son coursier, par
         quoi il ne fust avisés dou trait: «Entre vous, Haynuier
         englès, que ne rendés vous ceste forterèce à
     30  monsigneur de Bourgongne?» Adont respondirent
         doi escuier frère qui là estoient, Yreus et Hustins
   [245] dou Lay: «Nous ne le renderons pas ensi, non.
         Pensés vous que nous soions desconfi pour ce que
         vous estes chi venu grant fuison de gens d’armes?
         Dittes au duch de Bourgongne qu’il ne l’ara pas si
      5  legierement qu’il cuide.» Adont respondi li sires de
         Hanghet, et dist: «Sachiés que, se vous estes conquis
         par force, ensi que vous serés, il n’est mies doute, se
         nous vous assallons, il n’i ara homme nul pris à
         merchi; car je l’ay ensi oy dire monsigneur le duch
     10  de Bourgongne.» A ces parolles retourna li sires de
         Hanghet.


         § 785. Je vous voeil recorder comment cil d’Arde
         finèrent. Là estoit en l’ost li sires de Rainneval, cousins
         germains au signeur de Gommegnies, qui savoit
     15  en partie l’entention dou duch. Si s’avança de venir
         vers son cousin, et fist tant que il y eut assegurances
         d’yaus deus, et parlementèrent dedens la ville d’Arde
         moult longement ensamble; et là remoustra li sires
         de Rainneval au signeur de Gommegnies, en grant
     20  especialité et fiance de linage, comment li dus et tout
         chil de l’ost le maneçoient et ses gens ossi, non pas
         pour prendre raençon se par force estoient conquis,
         mais de tous faire morir sans merchi: se li prioit qu’il
         se vosist aviser et laissier consillier et rendre le
     25  forterèce; si s’en partiroient ilz et ses gens sauvement, et
         se osteroient de grant peril, car confors ne secours
         ne leur apparoit de nul costé. Tant le preeca et sermonna
         que sus assegurances il l’amena parler au
         duch de Bourgongne et au signeur de Cliçon. Là entrèrent
     30  en trettiés, et n’en volt adont li sires de Gommegnies
         riens avoir en couvent sans le sceu de ses
   [246] compagnons. Si retourna dedens Arde, et remoustra
         as chevaliers et escuiers qui là estoient, toutes les
         parolles et raisons de quoi on l’avoit aresné, et comment
         on les maneçoit: si voloit savoir quel cose il
      5  en diroient. Li aucun li consilloient dou rendre, et li
         aultre non, et furent plus de deus jours en fait contraire,
         et disoient bien li aucun qu’il se porteroient
         trop grant blasme, se il se rendoient si legierement
         sans estre assalli, et que jamais ne seroient en nulle
     10  place creu ne honneré. Li sires de Gommegnies respondoit
         que il avoit oy jurer moult especialment le
         duch de Bourgongne que, se on aloit jusques à l’assallir,
         jamais à yaus rendre ne la forterèce, il ne venroient
         à temps qu’il ne fuissent tout mort, se de force
     15  il estoient pris: «Et vous savés, signeur, que cheens
         n’a point d’arteillerie, qui ne fust tantost alevée.» Là
         disoient li compagnon: «Sire, vous en avés mal
         songnié; c’est par vostre negligense.»

         Adont s’escusoit li sires de Gommegnies, et disoit
     20  que ce n’estoit mies sa defaute ne sa coupe, mais
         celle dou roy [d’Engleterre, le roy] Edowart et de son
         conseil, car il leur avoit bien dit et moustré en celle
         anée par pluiseurs fois, comment dedens Arde il en
         estoient mal garni: «Et, se de ce il ont esté negligent,
     25  ce n’est mie ma coupe, mais la leur, et m’en
         vorroie bien escuser par yaus.» Que vous feroi je
         lonch parlement de ceste aventure? Tant fu trettié et
         pourparlé, parmi l’ayde et pourchac dou signeur de
         Rainneval, qui fist tant, que Arde se rendi. Et s’en
     30  partirent chil qui partir vorrent, et especialment li
         quatre chevalier et tant li compagnon saudoiier, et
         furent conduit jusques à Calais de monsigneur Gauwinet
   [247] de Bailluel. Si demorèrent chil de le nation de
         le ville sans riens pierdre dou leur, et en prisent li
         François la saisine et possession, li sires de Cliçon et
         li mareschaus de France. Si furent moult resjoï li
      5  François et tous li pays de la prise d’Arde.


         § 786. Ce propre jour que Arde se rendi, tout
         caudement s’en vinrent quatre cens lances devant un
         aultre petit fort, que on dist le Planke, où il avoit
         Englès qui le gardoient. Si furent environné de ces
     10  gens d’armes, et leur fu dit qu’il ne savoient que
         faire de tenir, car Arde s’estoit rendue, et fuissent
         tout segur que, se il se faisoient assallir, il seroient
         tout mort sans merchi. Quant cil de le Planke oïrent
         ces nouvelles, si furent esbahi moult durement, et se
     15  conseillièrent entre yaus, et regardèrent que il n’estoient
         que un petit de compagnons et n’avoient mies
         trop forte place: si valoit trop mieulz que il se rendesissent
         salves leurs vies et le leur, puis que Arde estoit
         rendue, que il feissent pieur marchié. Si rendirent
     20  la forterèce, salve leurs vies et le leur, et furent conduit
         oultre parmi ce trettié pour le peril des rencontres
         jusques à Calais; puis prisent li François le
         saisine de le Planke, et disent entre yaus que bien il
         le tenroient parmi l’ayde d’Arde et des aultres forterèces
     25  qu’il prenderoient encores. A l’endemain s’en
         vinrent li François devant Bavelinghehem, un chastiel
         biel et fort en le conté de Ghines, que li Englès
         tenoient, et n’i furent mies tout à celle empainte,
         car li dus de Bourgongne estoit encores demorés
     30  derrière et entendoit as ordenances de Arde et au
         regarder quels gens y demorroient, et comment on le
   [248] poroit tenir contre les Englès. Chil qui vinrent devant
         Bavelinghehem, estoient bien douse cens combatans:
         si environnèrent le chastiel et fisent grant
         samblant de l’assallir. A Bavelinghehem avoit fossés
      5  et grans rouleis, ançois que on peuist venir jusques as
         murs; mais chil François, targiet et paveschiet, passèrent
         oultre et rompirent les roulleis et pertruisièrent
         les murs. Quant li Englès, qui dedens estoient, se
         veirent assalli de tel façon et entendirent que cil
     10  d’Arde et de le Planke s’estoient rendu, si furent
         tout esbahi et entrèrent en trettiés devers ces François.
         Finablement il rendirent le chastiel, salve leur
         vies et le leur, et deurent estre conduit jusques à
         Calais, ensi qu’il furent, et li François prisent le
     15  possession de Bavelinghehem, qui s’en tinrent tout
         joiant.

         En apriès, on vint devant un autre petit fort que on
         appelle le Haie, mais on trouva que li Englès s’en
         estoient parti et avoient bouté le feu ens. Adont s’en
     20  vint li dus de Bourgongne, et en se compagnie tout
         chil baron dessus nommé, et leurs routes, devant
         Oudruich, un biau chastiel et fort, douquel troi
         escuier englès, que on dist les trois frères de Maulevrier,
         estoient chapitain et gardiien, et avoient
     25  avoecques yaus de bons compagnons. Quant li dus
         de Bourgongne et ses gens furent venu jusques à là,
         il l’environnèrent, et leur fu demandé à chiaus dou
         fort se il se renderoient, et que cil d’Arde et de
         Bavelinghehem estoient rendu. Il respondirent que il
     30  n’en faisoient compte et qu’il ne savoient riens de
         cela et que point ne se renderoient ensi. Quant on
         oy ceste response, adont se logièrent toutes manières
   [249] de gens, ce fu par un merkedi, et le joedi toute jour
         on regarda comment on les poroit assallir.

         Cilz chastiaus de Oudruich siet sus une mote, environnés
         de fossés plains d’aigue bien parfons, qui
      5  n’estoient mies legier à passer; mais li Breton s’afioient
         que bien les passeroient. Adont fist li dus de
         Bourgongne drecier ses canons et traire ne sçai cinc
         ou sis quariaus pour plus effraer chiaus de dedens.
         Si en y eut de ces quariaus qui, par force de trait,
     10  passèrent oultre les murs et les pertruisièrent. Quant
         cil dou chastiel veirent la forte artellerie que li dus
         avoit, si se doutèrent plus que devant, mais toutdis
         jusques au dimence fisent il grant samblant d’yaus
         tenir et deffendre.

     15  Entrues ordonnèrent li François, et avoient ja ordené
         toute lor besongne pour avoir l’avantage d’yaus
         assallir, grant fuison de bois, de mairiens, de velourdes
         et d’estrain pour raemplir les fossés, et
         estoient ja les livrées parties pour aler assallir et
     20  delivrées, ensi que usages est en telz besongnes, et savoit
         cescuns quel cose il devoit faire, et ja jettoient li
         kanon, dont il y avoit jusques à set, quariaus de deus
         cens de pesant, qui pertruisoient les murs, ne riens
         ne duroit devant yaus, quant li troi frère de Maulevrier
     25  se misent en trettiet envers le duc, et m’est avis
         qu’il rendirent la forterèce, salves leurs vies et le leur,
         et furent conduit des gens le duch de Bourgongne
         jusques à Calais.

         Vous devés savoir que messires Hues de Cavrelée,
     30  capitainne de Calais, et les gens de celi ville furent
         moult esmervilliet, quant si soudainnement il se veirent
         en leur marce desgarni de cinc chastiaus, et leur
   [250] vint trop grandement à desplaisance, et par especial
         de le bastide d’Arde, qui leur avoit esté dou temps
         passé uns grans escus et confors contre les Artisiens,
         et n’en savoient que supposer, car li sires de Gommegnies,
      5  comment que en devant il l’amaissent,
         creissent et honnourraissent tant qu’à merveilles, il
         estoit maintenant tout hors de leur grasce, et en
         murmuroient li aucun villainnement sus se partie
         et tant, que, lui estant à Calais, il s’en donna bien de
     10  garde et perchut bien que li Englès le regardoient
         fellement sus costé, tant qu’il en parla et s’en conseilla
         à monsigneur Hue de Cavrelée. Messires Hues
         le conseilla loyaument, et li dist: «Sire de Gommegnies,
         nullement je ne vous oseroie conseillier dou
     15  contraire pour vostre honneur que vous n’alés en
         Engleterre, et remoustrés tout le fait, ensi qu’il va, au
         duch de Lancastre et au conseil dou roy, par quoi
         vous en soiiés escusés de yaus et dou pays, et que
         vous en demorés sus vostre droit et à vostre honneur.
     20  On piert bien par fait de guerre plus grant cose que
         la bastide d’Arde ne soit, ne Bavelinghehem ne Oudruich.
         Si remoustrés vostre escusance de bonne façon,
         car vous arés assés à faire à vous escuser contre
         le pays; car toutes gens ne sevent mies comment, en
     25  tel parti d’armes, on se poet ne doit maintenir: si
         en parollent li aucun, tel fois est, plus largement qu’à
         yaus n’apertiegne.»


         § 787. Li sires de Gommegnies retint en grant
         bien tout ce que messires Hues de Cavrelée li dist, et
     30  ordonna ses besongnes pour passer oultre en Engleterre,
         et renvoia monsigneur Guillaume, son fil, le
   [251] signeur de Vertain et son frère, messire Jakeme dou
         Sart et tous les compagnons de Haynau, qui retournoient
         simple et couroucié, ensi que compagnon et
         gens d’armes qui ont perdu leur saison pour un grant
      5  temps; et li sires de Gommegnies passa oultre en
         Engleterre: si se remoustra au duch et au conseil dou
         roy. Se li fu dit à ce commen[cement] que il avoit mal
         esploitié, et fu grandement acqueilliés de chiaus de
         Londres de le communauté, qui ne considèrent mies
     10  toutes coses, ensi que elles poeent avenir; mais li dus
         de Lancastre ses escusances à porter oultre li aida
         telement, que il demora sus son droit; car on trouva
         bien que dou rendage d’Arde il n’avoit recheu or ne
         argent, et que tout ce que il en fist, ce fu par composition
     15  et trettié, et pour eskiewer plus grant damage
         pour lui et pour ses compagnons.

         Or vous parlerons dou duch de Bourgongne, comment
         il persevera.


         § 788. Quant li dus de Bourgongne eut fait ceste
     20  chevaucie en le marce de Pikardie, en celle saison
         qui fu moult honnourable pour lui et pourfitable
         pour les François de le frontière d’Artois et de Saint
         Omer, il ordonna en cascun de ces chastiaus, dont
         il tenoit le possession, chapitainnes et gens d’armes
     25  pour le tenir; et par especial en le ville d’Arde il y
         establi à demorer le visconte de Miaus et le signeur
         de Saint Pi. Chil le fisent remparer et fortefiier malement,
         comment que elle fust forte assés devant.

         Li rois de France, qui de ces nouvelles fu trop
     30  grandement resjoïs, et qui tint à belle et bonne ceste
         chevauchie, envoia tantost ses lettres à chiaus de
   [252] Saint Omer, et commanda que la ville d’Arde fust
         bien garnie et pourveue de toutes pourveances largement
         et grandement. Tout fu fait ensi que il le commanda;
         si se desfist ceste chevauchie. Mais li sires de
      5  Cliçon et li Breton ne desrompirent point leur route,
         mais retournèrent dou plus tost qu’il peurent vers
         Bretagne, car nouvelles estoient venues au signeur
         de Cliçon et as Bretons, yaus estant devant Arde, que
         Janekins, dis Clerc, uns escuiers d’Engleterre et bons
     10  homs [d’armes, estoit yssus] d’Engleterre et venus en
         Bretagne et mis les bastides devant Brest: pour quoi
         li Breton retournèrent dou plus tost qu’il peurent,
         et en menèrent messire Jakeme de Werchin, le seneschal
         de Haynau, avoecques yaus, et li dus de
     15  Bourgongne s’en retourna en France dalés le roy son
         frère.

         En ce temps, se faisoit une grande assamblée de
         gens d’armes en le marce de Bourdiaus au mandement
         dou duch d’Ango et dou connestable; car il
     20  avoient une journée arrestée contre les Gascons englès,
         de la quele je parlerai plus plainnement, quant
         j’en serai enfourmés plus veritablement.


FIN DU TEXTE DU TOME HUITIÈME

ET DU LIVRE PREMIER.




VARIANTES


§ =669=. Assés tost.--_Ms. d’Amiens_: Dont il avint que sitost que
messires Bertrans fu creés connestables, il les ordonna à cevacier
contre les Englèz et à aller garder les frontières du Mainne et
d’Angho, car messires Robers Canolles et ses routtes tiroient à
cevauchier celle part. Si se partirent de Paris et dou roy li doi
dessus dit, à grant esploit et à grant fuisson de gens d’armez, et
toudis leur en croissoit, car li roys leur en envoioit de tous lés. Si
s’en vinrent li connestablez de Franche et messires Oliviers de Clichon
en l’evesquet du Mans, et se loga li dis connestables en le cité du
Mans, et li sires de Clichon en une autre garnison assés priès de là;
et pooient y estre li Franchois bien cinc cens lanches de bonne gens
d’estoffe. Si aprendoient tous les jours dou convenant des Englès,
et entendirent que il n’estoient mies bien d’accord et s’espardoient
par le fait d’un chevalier englèz, qui estoit en leur routte et bien
acompaigniés, lequel on clammoit messire Jehan Mestrourde. Chils
chevaliers n’estoit point dou chemin ne de le tenure des autrez, et
desconsilloit le chevauchie à tous les compaignons de leur costé et
disoit qu’il travilloient leur corps et riens ne faisoient, et que
briefment il se retrairoit en Engleterre, car il ne faisoit sus l’ivier
nul hostoiier. Nonobstant ce, messires Robiers Canolles et pluisseurs
des autres chevaliers ne volloient mies tenir son pourpos, quoyqu’il
en descoragast pluisseurs, mès volloient achiefver leur emprise à
leur loyal pooir, et avoient entendu que li connestablez de France
se tenoit en le chité du Mans atout gens d’armes et en vollenté que
d’iaux combattre, siques messires Robers Canolles, pour tant qu’il
n’avoit encorres sus tout son voiaige de France sceu à qui combattre ne
respondre, s’avisa qu’il venroit combattre les Franchois. Si segnefia
son desir et sen entente as compaignons qui estoient adont sus le
rivière de Loire, et par especial à monseigneur Hue de Cavrelée, qui
se tenoit à Saint Mor sur Loire et à monseigneur Robert Cheny, et leur
manda qu’il traissent avant, car il combateroit monsigneur Bertran et
monsigneur Olivier de Clichon et les Franchois; et d’autre part ossi
il le manda à monsigneur Thummas de Grantson et à monsigneur Joffroy
Ourselée et à monsigneur Gillebert Griffart et à Jehan Cressuelle et à
monsigneur Robert Ceni, mès oncques si secretement ne sceut faire son
mandement ne ordonner ceste besoingne pour remettre ses gens enssemble,
que messires Bertrans et li sires de Clichon ne fuissent tout aviset de
leur chevauchie, et s’ordonnèrent seloncq chou, et se partirent un jour
de le chité du Mans; et estoient bien quatre cens lanches de bonnes
gens d’armes, et vinrent au devant de monsigneur Thummas de Grantson et
de se routte, qui estoient bien deus cens lanches et otant d’archiers,
et s’en venoient à esploit deviers l’abbeïe où messires Robers Canolles
et leur grosse routte gisoient. Si trouvèrent d’encontre, à un villaige
et sus un passaige que on appelle ou païs Pont Volain, les Franchois,
le connestable de Franche et le signeur de Clichon et leurs gens qui
estoient tous pourveus de leur fait. Quant li Englès virent lors
ennemis, il ne daignièrent reculer ne fuir, mès se missent en arroy
et en ordonnance de bataille bien et faiticement. Là eut des premiers
venues grans joustes et tammaint homme reverssé à terre, de l’une part
et de l’autre; et si trestost que les lanches leur furent fallies, il
se traissent as espées et as haches, et puis se ferirent l’un dedens
l’autre et se donnèrent grans horions sans yaux espargnier. Là eut
bataille et hustin ossi dur et ossi fort, gens pour gens, que on euist
veu de piecha, et se prendoit chacuns mout priès de bien faire le
besoingne. Bien est voirs que li archier d’Engleterre au commencement
traissent as Franchois pour yaux bersser et ouvrir, mès il estoient
si fort armé que li très ne les greva oncques de riens. Là furent bon
chevalier messires Bertrans de Claiequin et li sirez de Clichon, et y
fissent tamainte[s] belles appertises d’armes et tinrent leurs gens
en bon estat. Finablement li Englès furent là desconfi et ruet jus,
et demora la place as Franchois; et y furent pris messire Thummas de
Grantson et messires Gillebers Griffars, et messires Joffrois Ourselée,
et Hues li Despenssierz, fils à monsigneur Huon le Despenssier, et
pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et en y eut bien mors sour
le place set vint. Puis retournèrent li Franchois deviers le chité du
Mans, et enmenèrent leurs prisonniers, dont il avoient bien sis vint,
tous gentilz hommes, ossi tout leur pillage. Ceste besoingne fu à
Pont Volain sur le marce d’Ango et du Mainne, l’an mil trois cens et
settante, le Xe jour d’octembre. Fºs 171 rº et vº.

P. 1, l. 2: ravestis.--_Ms. A 8_: revestus. Fº 338 rº.--_Ms. B 4_:
advertis.

P. 1, l. 10: chevauça.--_Ms. A 8_: chemina.

P. 2, l. 4: et tenure.--_Ms. A 8_: ne de l’accort. Fº 338 vº.

P. 2, l. 7: en vain et à petit.--_Ms. A 8_: à point.

P. 2, l. 14: Joffrois d’Urselée.--_Ms. A 8_: Geffroy Oursellée.

P. 2, l. 16: en sus.--_Ms. A 8_: arrière.

P. 2, l. 17: Alains.--_Ms. A 8_: Alains de Bouqueselle.

P. 2, l. 20: remesissions.--_Ms. A 8_: recueillissons.

P. 3, l. 2: Asneton.--_Ms. A 8_: Assueton.

P. 3, l. 3: discort.--_Ms. A 8_: desaccort.

P. 3, l. 9: il le segnefiièrent.--_Ms. A_ 8: il segnefièrent celle
besoingne.

P. 3, l. 24: se trouvèrent.--_Ms. A 8_: tournèrent.

P. 3, l. 30: ascourça.--_Ms. A 8_: escourcy.

P. 3, l. 32: ou pays le.--_Ms. A 8_: le pas.

P. 4, l. 1: courut sus et envay.--_Ms. A 8_: coururent sus et les
envaïrent.

P. 5, l. 3: li plus.--_Ms. A 8_: les pluseurs. Fº 339 rº.


§ =670=. Apriès celle.--_Ms. d’Amiens_: Quant les nouvellez vinrent
à monsigneur Robert Canolle et à monseigneur Alain de Bouqueselle
et as autres compaignons englès, que messires Thummas de Grantson
et se routte avoient estet rencontré au Pont Volain, et là rués jus
des Franchois, si en furent durement courouchié, ce fu raisson;
et pour tant eurent il consseil qu’il se retrairoient et qu’il ne
chevauceroient adont plus avant. De ceste avenue fu adont entre
les Englès mout de parolles encouppés messires Jehans Mestreourde,
et dissent li pluisseur qu’il estoit trop grandement cause de leur
dammaige. Enssi se desrompi ceste chevauchie de monsigneur Robert
Canolle, et se retraist au plus tost qu’il peut avoecques ses gens
en Bretaingne devers Derval, un sien castiel, fort mout malement,
et donna à touttes ses gens congiet. Si rapasèrent le mer chacuns au
plus briefment qu’il peurent, et s’en rallèrent en Engleterre, et se
retrairent ens es marches dont il estoient parti; mès messires Alains
de Bouqueselle s’en vint en le Basse Normendie en Constentin, à Saint
Sauveur le Visconte, qui estoit à lui, car apriès le mort de monsigneur
Jehan Camdos, li roys englès li donna. Si se tint là li dis messires
Alains un grant tamps, et puis rapassa le mer et revint en Engleterre
deviers le roy. Quant messires Bertrans de Claiequin et li sires de
Clichon virent que li Englès estoient retrait et leur cevaucie toutte
anullée, et que il n’aparoit point que ceste yvier il se remesissent
enssamble, si donnèrent à touttes leurs gens congiet, et puis s’en
revinrent en Franche deviers le roy, qui les festia et reçupt liement,
che fu bien raisson, car il avoient bien gardé et deffendu le frontière
contre les Englès. Et amenèrent li dessus dit les chevaliers englès
prisons qu’il tenoient, à Paris, et les recrurent bellement sur leurs
fois, et les laissièrent aller et venir et chevauchier partout sans
villain regart ne constrainte, ainsi que tout gentil homme par raisson
doient faire li uns de l’autre, et sicomme Englès et Franchois en
leur gherre ont eu toudis cel usaige; car mout courtois toudis ont il
estet li ungs à l’autre: che ne sont mies li Allemant, car il sont dur
et auster à leurs prisonniers, et les tiennent et mettent en ceps,
en fiers, en buies et en grisillons, et leur font grieftés dou corps
souffrir, à le fin qu’il em puissent plus presser de finanche.

De ceste avenue de Pont Volain et de le desconfiture des Englès acquist
li connestables de Franche en se nouvelleté grant grasce de touttez
gens, et meysmement li roys et tout si frère l’en honnourèrent mout. En
ce tamps que il estoit nouvellement revenus à Paris, trespassa de ce
siècle chil preux chevaliers franchois qui ja estoit tous vieux, qui
bien est ramenteu chy dessus en ceste histoire en pluisseurs lieux,
messires Ernoux d’Audrehen; et fu li roys de Franche à son obsèque à
Paris, et ossi y eut grant fuisson de prelas, de contes et de barons,
car il avoit estet ung grant temps marescaux de Franche, et bien
s’estoit acquités en son offisce et en touttes places où il s’estoit
trouvés. Fºs 171 vº et 172 rº.

P. 5, l. 10: de Claiequin.--_Ms. A 8_: du Guesclin.

P. 5, l. 18: buies.--_Ms. A 8_: prisons.

P. 6, l. 11: ou.--_Ms. A 8_: dedens le. Fº 339 vº.

P. 6, l. 24: et grant travel à.--_Ms. A 8_: à sa delivrance de.

P. 6, l. 26: Quarentin.--_Ms. A 8_: Quarenten.


§ =671=. En ce temps.--_Ms. d’Amiens_: Or vous parlerons d’une grant
aventure qui advint adont à ce baron de Limozin, monsigneur Raimmon de
Maruel, qui s’estoit tournés franchois. Enssi qu’il s’en raloit en son
pays, il fu avisés et espiiés sus le chemin des gens monsigneur Hue de
Cavrelée, adont senescaux de Limozin, et tant poursuiwis que pris et
arestés et menés ent en Poito prisonniers, et mis en un fort castiel
en le garde de monsigneur Thummas de Perssi, senescal de Poito, qui le
prise dou dessus dit chevalier segnefia tantost au roy englès, pour
savoir quel cose il volloit que on en fesist. Li roys, qui fu mout
joieant de le prise monsigneur Rammon, manda à monsigneur Thummas qu’il
li fuist envoiiés; car il le volloit pugnir si crueusement que tout
li autre y prenderoient exemple; et de tout ce fu enfourmés messires
Rammons en se prison, que li roys englès le volloit avoir pour lui
faire morir. Si en estoit à grant destrèce de coer: c’estoit bien
raison. Touttesfois, comme sages chevaliers et ymaginans, regarda le
peril où il estoit et que de lui tant qu’au monde n’estoit noient:
si s’aquitta et parlementa si bellement et si meurement à un escuier
englès qui le gardoit, et li prommist et li jura sus se loyauté, mès
qu’il le volsist delivrer de ce peril, qu’il li partiroit toutte se
terre et revenue, moitiet à moitiet, et l’en ahireteroit lui et son
hoir. Li Englès regarda qu’il n’estoit mies bien rice homs, et que cils
li prommetoit grant proffit; si le convoita, et le delivra finablement
et se mist avoecq lui en aventure, et ceminèrent une nuit bien set
grans lieuwes tout à piés parmy ung bois. A l’endemain il fissent tant
qu’il vinrent à le Roce de Pousoi, où messires Guillaummes dez Bordes
et Caruel estoient. Si recorda messire Rammons sen aventure et comment
li escuiers l’avoit sauvé. De ce furent li dessus dit moult joiant,
et loèrent Dieu quant enssi il estoient escappet. Si furent là cinc
jours dallés yaux. Entrues envoiea messires Raimmons en son pays querre
chevaux et gens, et puis se parti et revint entreus ses amis qui en
eurent grant joie, mès il faisoit otant honnourer l’escuier englès qui
l’avoit gardé que soy meysmes, et li vot tenir ses couvens et li donner
le moitiet de son hiretaige; mès cilz ne veult, et dist que ce seroit
trop pour lui. Si prist tant seulement deus cens livres de revenue sus
le terre le seigneur de Maruel, et demora depuis toudis avoecq lui, et
fu bons Franchois.

En ce tamps, et environ le Noël mil trois cens et settante, trespassa
de ce siècle li pappes Urbains V{ez}, qui tant fu preudons, bons clers
et hardis, et qui bien tint et garda à son pooir les drois de l’Eglise.
Si fu esleus après lui en plain concitoire en Avignon li cardinaux
de Biaufort à estre pappez, et le fu. Si i rendi li dus d’Ango, qui
estoit adont à Villeneuve dallés Avignon, grant painne à se creation.
Si fu creés à Saint Père le Ve jour de jenvier et appelles Grigoires
XI{emez}. De ces nouvelles furent li roys de Franche et tout li royalme
moult joyant, pour tant qu’il le sentoient bon Franchois et loyal.
Assés tost apriès se creation, eut Rogiers de Biaufort, ses frères,
grasce de lui venir veoir, qui estoit prisonniers au comte de Camtbruge
de le prise de Limoges, et ossi eut messires Jehans de Villemur.

En ce tamps estoit en grant tretiet de pais ou de gerre li rois de
Franche et li roys de Navarre pour aucunez terrez que li roys de
Navarre demandoit à avoir et à tenir ou royaumme de Franche. Si s’en
ensonnioient par cause de moiien li comtes de Salebruche et messires
Guillaummez des Dormanz; tant fu parlementé et allé de l’un à l’autre
que on les acorda, car on remonstra au roy de Franche qu’il valloit
mieux qu’il se laiast à dire et aucune [chose] aller du sien, qu’il
ewist guerre à son serourge, le roy de Navarre, car il avoit gerré
assés as Englès. Si descendi li roys de Franche à l’opinion de ses
gens, et pardonna au roy de Navarre son mautalent; et vint li dessus
diz roys à Paris, où il fu grandement festiiez. Assés tost apriès fu
acordés li mariages de ma dammoissele Jehanne de France, qui fu fille
au roy Phelippe et de la roynne Blanche serour au roy de Navarre, au
fil le roy Piere d’Aragon, et fu mout honnerablement envoiiée celle
part, car elle estoit ante dou roy de France. Si s’en volloit li roys
acquitter enssi qu’il fist moult grandement; mès elle trespassa sour le
cemin: Dieu en ait l’ame!

En ce tamps et en celle saison, vinrent certainnez nouvelles en
Gascoingne et en Acquittainne de par le roy Edouwart d’Engleterre, qui
senefioit moult doucement à tous contes, viscontes, barons, chevaliers
et communautéz des bonnes villez que, se li prinches de Galles, ses
filz, les avoit de riens pressés ou grevés ou voloit faire, il leur
amenderoit plainnement à leur vollenté; et, se chil qui estoient
retourné franchois par povre avis ou maise infourmation, se volloient
recongnoistre et retraire à lui comme en devant, il leur pardonnoit
tout son mautalent, et leur donnoit terme quatre mois de pourveanche
pour yaux adviser; et du resort il volloit qu’il en fuist sour douse
prelas et douse barons d’Acquittaine et douse barons d’Engleterre,
et tout ce que cil trente et sis ordonneroient, il le tenroit ferme
et estable à tous jours mès, et le feroit jurer ses enfans à tenir,
et toutes plaintes, grieftés, expressions, que ses filz li prinches
ou si offiscyer avoient fait, dont on voroit avoir amendement et
restorier, il en feroit plainne satifaction, tant qu’il deveroit bien
souffire. Et en avant il se voulloit rieuller, ordonner et deduire
par l’avis et consseil des barons de Gascoingne et d’Acquittainne; et
quittoit et anulloit tous fouages, tous cens et touttes expressions:
et n’en volloit nulle, car il estoit rices et puissans assés pour yaux
maintenir et gouvrener sans nul avantage. Telz paroles et tretiés de
pès entre lui et chiaus d’Acquittainne fist li roys englès adont jeter
et semer ens es ces terrez dessus dites, et les fist publier tout parmi
le païs, les chités [et] les bonnes villes, et estoient ces lettres
bien escriptez et grossées et scellées par seaux autentiques dou roy
englèz premierement et des plus grans d’Engleterre. Mès, quoyqu’il fust
segnefiiés et publiiés, je n’oy oncques dire que nulx s’en retournast
englès, qui devenu estoient franchois; mès se retournèrent tous les
jours franchois, si tost qu’il pooient avoir un peu de laisseur pour
venir en France. Fº 172 rº et vº.

P. 7, l. 6: et menés ent.--_Ms. A 8_: et amenez.

P. 7, l. 12: punition.--_Ms. A 8_: vengence.

P. 7, l. 24: gardoit.--_Ms. B 4_: regardoit.

P. 7, l. 31: je vous ay en couvent sus ma.--_Ms. A 8_: où je suis, je
vous ai en couvent et promet par ma.

P. 8, l. 7: parolle, li creanta.--_Ms. A 8_: responce, luy jura. Fº 340
rº.

P. 8, l. 15: esconser.--_Ms. A 8_: destourner.

P. 8, l. 17: diroit.--_Ms. A 8_: pourroit penser.

P. 8, l. 18: estoit.--_Ms. A 8_: avoit.

P. 8, l. 30: Et li voloit m. R. donner.--_Ms. A 8_: Et baillier li
voloit m. R.


§ =672=. En ce temps.--_Ms. d’Amiens_: En ce temps trespassa li aisnés
filx dou prince de Galles, Edouwars, dont vous poés bien savoir que li
prinches et la princesse furent durement courouchiés. Adont fu regardé
et avisé ou conseil dou prinche pour tant que se maladie ne li allegoit
point, que il se partesist dou païs et en rallast en Engleterre:
espoir li airs li serroit plus pourfitables que chils de Gascoingne et
le remeteroit en santé ou kas qu’il en avoit estés nouris et fais de
jonèce; che fu tout li remède que li surgiien et li medechin sceurent
prendre ne aviser sus sa maladie. Si en respondi li prinches: «Dieux y
ait part!» Si ordonna on tantost naves et vaissiaux sus le rivière de
Geronde pour lui, pour le princesse, pour Richart, leur joine fil, et
pour touttes leurs gens.

Ainschois que li prinches de Gallez departesist d’Acquittainne, il
s’en vint à Bourdiaux, et manda là tous les barons de Gascoingne, qui
estoient demoré dallés lui, et ossi chiaux de Poito et de Saintonge:
premierement le seigneur de Duras, monsigneur Berart de Labreth,
seigneur de Geronde, monsigneur le captal de Beus, le seigneur de
Longeren, le signeur de Courton, le seigneur de Rosen, le seigneur de
Pummiers et sen frère, le signeur de Mulciden, le seigneur de Lespare,
monsigneur Aimmeri de Tarsce, monsigneur Ghuicart d’Angle, le signeur
de Pons, monsigneur Loeys de Halcourt, le signeur de Parthenay, le
seigneur de Puiane, le signeur de Tannai Bouton et pluisseurs autrez;
et quant il furent tout venut, il les fist venir en une cambre devant
lui, et là estoient dallés lui si doi frère, li dus de Lancastre et
li conte de Cantbruge, et ossi li contes de Pennebroucq. Là leur
remonstra il moult bellement et sagement comment en toutte honneur et
en pais à son pooir il lez avoit maintenus et gouvrenés. Or estoit il
enssi ordonnés que de retourner en Engleterre, mès il leur lairoit ses
deus frèrez, et par especial le duc de Lancastre. Si prioit à tous et
requeroit que il volsissent obeïr à lui, sicomme il avoient fait à
li dou tamps passet, et li tenissent foy et loiauté en tous kas, si
s’aquiteroient enviers Dieu et le roy son père, et li aidaissent à
garder et à deffendre leur hiretaige que li Franchois à grant tort leur
empechoient. Tout chil baron et chevalier dessus nommet li jurèrent
et se obligièrent par fois et par sierement que ossi feroient il.
Adont prist li prinches moult doucement congiet à yaux, et se parti
assés tost depuis de Bourdiaux, et entra en son vaissiel qui estoit
moult bien appareilliet pour lui et madame la princesse, sa femme, et
Richart leur fil, et entrèrent leurs gens en autres nefs ordonnées
pour yaux: si estoient bien trois cens hommes d’armes et cinc cens
archiers, qui aidièrent le prinche à reconduire, afin que nulx mesciés
ne durs encontres ne li presist sour le mer. Or lairons nous à parler
dou prinche qui singla tant qu’il arriva en Cornuaille en Engleterre,
et parlerons de son frère le duc de Lancastre et des seigneurs dessus
nommés, qui estoient demourés à Bourdiaux. Apriès le departement
dou prinche de Galles, si firent faire le obsèque moult reveramment
de Edouwart, fil au dit prinche de Galles, qui estoit nouvellement
trespassés, ensi que vous avés oy. Fº 172 vº.

P. 9, l. 10: et phisicien.--_Ms. A 8_: et medecins.

P. 9, l. 11: se assenti moult bien à ce conseil.--_Ms. A 8_: s’i
accorda assez bien.

P. 10, l. 6: couvent.--_Ms. A 8_: convenance. Fol. 340 vº.

P. 10, l. 10: et le baisièrent tout en le bouche.--_Ms. B 4_: et
baisièrent tout li un après l’autre.

P. 10, l. 13: ains.--_Ms. A 8_: mais.

P. 10, l. 15: leur.--_Ms. A 8_: son.


§ =675=. Assés tost apriès.--_Ms. d’Amiens_: Assés tost apriès chou
que li prinches de Galles fu retrès en Engleterre, et entroes que li
dus de Lancastre et li baron de Gascoingne entendoient à faire le
obsèque dou fil le prince, et qu’il regardoient entre yaux là où il se
poroient traire pour emploiier leur saisson et grever lors ennemis, se
partirent de le chité de Pieregort une grande routte de Bretons, qui là
s’estoient tenu en garnisson tout le temps, et chevauchièrent deviers
un castiel mervilleusement fort, que on appelle Mont Paon. Si en estoit
sires messires Guillaumme de Mont Paon, et se tenoit pour englès.
Si tost que chil Breton furent venu jusques à là, desquels Bretons
estoient cappitainne messires Guillammes de Loncval, messires Jehans
de le Housoie, messires Loeis de Mailli et li sires d’Arsi, à petit
de fait et de parlement, et me samble, seloncq ce que je fui adont
infourméz, que li dessus dis messires Guillaummes de Mont Paon les
mist en le fortrèche, et se tourna franchois. Ces nouvelles vinrent au
duc de Lancastre et as barons de Gascoingne et de Poito, qui estoient
adont à Bourdiaux. Quant il en seurent le verité, si en furent durement
courouchiet, et regardèrent que tantost et sans delay il se trairoient
deviers Mont Paon et y meteroient le siège et n’en partiroient jammès,
si le raroient à leur vollenté, combien qu’il deuist couster. Si
fist li dus Jehans de Lancastre, comme chiés et souverains de toutte
la ducé d’Acquitainne, une priière et un mandement à touttes gens
d’armes, barons, chevaliers et escuiers, qu’il fuissent, dedens un
brief jour qu’il i mist, à Bregerach; car il s’en alloit devant Mont
Paon. A ce mandement ne volt nus desobeïr, mais se partirent de leurs
hostels touttes mannières de gens d’armes, et vinrent à Bregerach
et à Bourdiaux au jour qui y fu assignés. Dont s’esmurent li dus de
Lancastre, li contes de Cantbruge, li comtes de Pennebrucq, li sires de
Duras, li sirez de Courton, li captaus de Beus, li sires de Lesparre,
li sires de Pummiers, li sires de Longeren, li sirez de Chaumont,
messire Loeis de Halcourt, messire Guichars d’Angle, li sires de Pons,
li sirez de Partenay, li sires de Puiane, messires Jakes de Surgières,
li sires de Tannai Bouton et tout li autre baron, chevalier et escuier,
et estoient bien set cens lances de bonne gent d’estoffe et deus mil
hommes autres parmy les archiers. Si chevauchièrent et cheminèrent
moult areement et ordonneement par deviers Mont Paon, et fissent tant
par leur esploit qu’il y vinrent. Si se logièrent tout à l’environ; il
estoient gens assés pour faire y et bastir grand siège. Fºs 172 vº et
173 rº.

P. 11, l. 2: Si le fist.--_Ms. A 8_: Et le fist faire.

P. 11, l. 17: dou quel messires Guillaumes de Mont Paon.--_Ms. A 8_:
dont un chevalier.

P. 11, l. 23: se rendi et tourna.--_Ms. A 8_: se tourna et rendi.

P. 12, l. 15: l’Estrade.--_Ms. A 8_: l’Estrau. Fº 341 rº.

P. 12, l. 22: Fraiville.--_Ms. A 8_: Framville.

P. 12, l. 30: feroient morir à grant painne.--_Ms. A 8_: feroit morir
de male mort.


§ =674=. Quant li dus.--_Ms. d’Amiens_: Par devant le ville et le
castiel de Mont Paon s’amanagièrent et hebregièrent li Englès, et
li Gascons de leur costé ossi bien et ossi fort et par ossi bonne
ordonnance que don qu’il y dewissent demourer un an; car il sentoient
en le fortrèce bons chevaliers et escuiers et bien tailliés dou garder
et dou deffendre. Si ordonnèrent encorre li dessus dit instrumens
et atournemens d’assaus grans et fors durement, et faisoient leurs
gens priesque tous les jours aller assaillir, traire, lanchier et
escarmuchier à ceux de le fortrèche, qui moult bien se deffendoient, et
plus y perdoient li assallant que li assis, car messires Guillaummes de
Lonchval, messires Alains de le Houssoie, messires Loeis de Mailli et
li sirez d’Arssy estoient droite gent d’armes pour yaux souffissamment
acquiter en telz besoingnes, et ossi il en fissent bien leur devoir,
tant que li dus de Lancastre et ses gens qui estoient plus de trois
mil combatans, y sisent plus de nuef sepmaines. En ce tamps et le
siège pendant devant Mont Paon, s’avisa uns bons escuiers bretons qui
s’appelloit Selevestre Rude, et hardi homme durement, et estoit chils
cappittainne et souverains d’une autre fortrèce qui se nomme Sainte
Basille, et regarda en soy meysmes que chil chevalier breton, qui
se tenoient dedens Mont Paon, gisoient assés honnerablement, et que
tous les jours il avoient parti et fait d’armes, et c’estoit tout ce
qu’il demandoit: si se parti à dis hommes d’armes seullement de sa
garnison, et s’en vint de nuit tout à chevauchant, et fist tant qu’il
vint jusques à Mont Paon. Si trestost que chil de le garde sceurent que
c’estoit Selevestre Bude et se route, qui venoit là pour querre les
armes et aider ses compaignons, si en eurent grant joie et le missent
en le forterèce et ses gens ossi, et le conjoïrent li chevalier breton
et li compaignon qui là estoient, grandement, et le remerciièrent moult
de sa venue. Fº 173 rº.

P. 13, l. 10: lés.--_Ms. A 8_: costez.

P. 13, l. 16: de belourdes.--_Ms. A 8_: autres choses.

P. 14, l. 15: y.--_Ms. A 8_: vers eulx. Fº 341 vº.

P. 14, l. 28: gas.--_Ms. A 8_: fable.


§ =675=. Si com je vous.--_Ms. d’Amiens_: Ensi se tint li sièges des
Englès devant le castiel de Mont Paon, où il y eut fait maintes bellez
appertisses d’armes, maint assaut et mainte escarmuce, et priesque
tous les jours se venoient combattre chil dou castiel à leur barrière
à ciaux de hors, et là en y avoit des blechiés souvent des uns et des
autres. Enssi se tinrent il ung grant temps mout honnerablement: si
estudioient li signeur, qui devant seoient nuit et jour, comment il
pewissent aprochier le fin de leur siège et yaux emploiier ailleurs, et
fissent à l’un des lés à leur avis aporter et achariier grant fuisson
de bois et de velourdes et de faghos et jeter ens es fossés et terre
par dessus, et raemplir tant que on pooit bien aprochier les murs. Si
tost que cela fu fait et qu’il eurent l’avantaige pour venir traire,
lanchier et combattre à ce costé à chiaux dou fort, il estoient trop
pourveu de grans escaufaus et mantiaus bien ouvrés et fort carpentés,
où il pooient bien [estre] en chacun vint hommez d’armes et quarante
archiers. Si les fissent par roes et enghiens amener et aprochier
jusques as murs, tous garnis et emplis de gens d’armes, d’archiers et
d’artillerie. Si commencièrent chil à traire par dedens le fortrèche et
à assaillir durement; car ou piet de ces escaffaux avoit autrez hommes
atout grans pilz et haviaux, qui piketoient et brisoient le mur et tout
à le couverte, car d’amont on ne les pooit grever. Là eut ung très fort
asaut et trop dur, car on ne poroit ymaginer coumment chil de dedens
se deffendoient vaillamment et corageusement, et estoient sur les murs
armé et paveschiet contre le tret, et faisoient là merveilles d’armes;
mès ce qui les greva et esbahy, che fu par le picketer desoubs ou mur,
car on y fist ung grant trau. Si n’estoit ils nulx qui y osast entrer;
car il y avoit à l’encontre par de dedens grant fuisson de bonnes
gens d’armes, qui trop bien gardoient et deffendoient le passaige et
lanchoient à l’encontre mout vistement tonniaux, et les emplissoient de
terre pour estouper ces pertruis. Enssi dura ung jour tout entier li
assaus, et convint les Englès departir pour le cause de la nuit, mais
il pourveirent bien de bonne gent d’armes et d’archiers leurs escaufaus
et leurs instrummens d’asaut, par quoy chil dou fort ne leur fesissent
nul contraire, et les retrayrent à ce dont par les roes ens sus dou
mur, et s’arestèrent tout li seigneur de l’ost que à l’endemain on
yroit assaillir plus fort que devant. Cette nuit se renforchièrent li
Franchois dou plus qu’il peurent, et restoupèrent les pertruis dou mur;
mès bien perçurent li chevalier breton qui là estoient et Selevestre
Bude, que il ne se poroient longement tenir. Si aurent tamainte
imagination à savoir quel cose il feroient, se il demoroient ou se il
se partiroient. Toutteffois tout consideré et pour leur honneur, il
demourèrent, et dissent que il avoient pluz chier à atendre l’aventure
de Dieu et y estre pris par biau fait d’armez, que ce qu’il leur fuist
reprochie nulle vilonnie.

Quant ce vint à l’endemain environ soleil levant, li dus de Lancastre
fist sonner sez trompettez. Si s’armèrent touttes gens, et se traist
chacuns à se livrée, et puis aprochièrent le castiel, et entrèrent
dedens les escaufaus touttes nouvellez gens, hommez d’armes et
archiers, et puis furent par les roes amenés jusques as murs. Si
commencièrent li archier à traire fort et roit, et les gens d’armez à
combattre. Là eut, je vous dis, fait mainte belle appertisse d’armes,
et trop bien se deffendirent chil dou fort. Entroes que on entendoit
à l’assaillir et que priès tout chil de l’ost estoient à l’assaut,
messires Guillaummes de Mont Paon, qui ces Bretons avoit mis dedens
le fortrèce, regarda le peril et le parti où il estoient, et que
nullement à le longe il ne se pooient tenir, et que, se il estoient
pris, de se vie estoit noiens, si s’avisa qu’il s’embleroit des autres
et se partiroit sans congiet et les lairoit finer au mieux qu’il
poroient: si monta sus un courssier, et fist ouvrir une posterne à
l’opposite de l’asaut et se mist as camps, et se sauva par telle
mannière, et toudis duroit li assaux. Quant ce vint environ primme, li
picketeur, qui estoient au darrain estage de l’escauffault, avoient
tant ouvré et picketé, que il fissent reverser un pan dou mur, dont
n’y eut ens es chevaliers bretons que esbahiz. Si se traissent avant
et fissent signe qu’il volloient parler et tretiier d’acort. Li dus
de Lancastre, qui en vit le mannière, y envoiea monsigneur Guichart
d’Angle, et fist cesser l’assaut; car bien li sambla qu’il les aroit,
quant il vorroit. Sitost que li marescaux d’Acquittainne fu là venus,
il li dissent: «Monsigneur Guichart, nous nos vollons rendre sauve
nos corps et le nostre, et nous partirons de chy, et vous lairons le
fortrèce.»--«Signeur, signeur, respondi messires Ghuicars, il n’yra
mies enssi. Vous avez tant cousté, argué et courouchié monsigneur de
Lancastre que je croi bien qu’il ne vous prendera à nul merchy.» Dont
respondirent li chevalier breton, et dissent: «Monsigneur Guicart,
nous sommez saudoiiers gaegnans nos saudées au roy de France, et qui
loyaumment nous vollons acquitter envierz no signeur, sicomme vous
feriés pour le vostre; si vous requerons que vous nous menés justement
au droit d’armes, enssi que chevalier et escuier doient faire l’un
l’autre, et que vous vorriés que on vous fesist, ou les vostrez, se
vous estiés ou parti où nous sommes.» Dont respondi messires Guichars,
et dist: «J’en iray vollentiers parler à monsigneur de Lancastre, et
savoir quel cose il l’em plaira à fere, et tantost retourray.» Adont
se parti messires Guicars, et s’en vint au dit ducq qui n’estoit
mies loing de là, et li remoustra comment li chevalier de Mont
Paon se volloient partir et laissier leur fortrèche. Dont respondi
li dus, et dist: «Maugré en aient il! Sachiés, messire Guichars,
qu’il ne s’en partiront pas enssi, mès demoront deviers my et en me
vollenté.»--«Monsigneur, dist li marescaux, vostre vollenté serra telle
qu’il passeront parmy courtoise raenchon; car, se il se sont tenu et
ont gardé le forterèce vaillamment et à leur pooir, on ne leur en doit
savoir nul mauvais gré, et ou parti où il sont poevent vos gens escheïr
tous les jours, siques vous leur ferez le droit d’armes.»--«Monsigneur,
ce dist li captaus de Beus, messires Guicars dist bien et l’en creés,
car il vous consseil à vostre honneur.» Adont se rafrenna un peu li
dus de Lancastre, et li dist: «Messire Guicart, je le vous acorde, mès
nullement je ne voeil que messires Guillaummes de Mont Paon soit mis ou
tretiet.»--«Sire, dist li marescaux, de par Dieu!» Adont s’en revint
il là où li chevalier breton l’atendoient, et leur dist: «Certes,
signeur, à grant dur j’ai empetré deviers monsigneur que vous soiiés
pris et mis à raenchon convignable par droit d’armes, sans vous trop
presser; toutteffois vous le serés; mès monsigneur Guillaume de Mont
Paon ne voet nullement li dus pardonner son mautalent, mès le voet
avoir à faire son plaisir.» Dont respondirent li chevalier breton, qui
ja estoient enfourmet que chils s’estoit partis, et dissent: «Messire
Guicart, nous parlons de nous tant seullement. De monsigneur Guillaumme
ne savons nous riens, et quidons mieux qu’il soit hors que ceens ou que
dedens, et vous jurons que nous ne savons où il est ne quoi devenus.
Par raison vous ne nous en devés demander plus avant.»--«C’est voirs,»
dist messires Guichars. Adont fist on retraire touttez mannièrez de
gens assallans. Si se vinrent li chevalier françois et li hommes
d’armes, qui là estoient avoecq yaux, rendre et mettre en le prison
le duc de Lancastre, qui les prist vollentiers et qui envoya tantost
dedens Mont Paon querre et cerchier, se on poroit trouver le chevalier
dessus nommet; mès il raportèrent que nennil et qu’il s’estoit partis
très le matin. De ce fu li dus de Lancastre mout courouchiés, mès
amender ne le peut. Si envoiea de rechief par dedens le fort monsigneur
Guicart d’Angle prendre le saisinne et le possession dou castiel,
et y estaubli à demourer le seigneur de Muchident et monseigneur le
soudich de Lestrade et cent hommez d’armes et deus cens archiers pour
le garder, lequel chevalier dessus noummet le fissent remparer et
fortefiier par les hommes dou pays mieux que devant, et en fissent une
grosse garnison et qui mout grevoit et cuvrioit chiaux de Pieregorch
avoecq le garnison de Bourdelle qui se tenoit englesse. Fºs 173 rº et
vº, 174 rº.

P. 15, l. 12: pis.--_Ms. A 8_: pics.--_Mss. B 1_ et _B 4_: pilz.

P. 15, l. 23: par mi ce mur trauet.--_Ms. A 8_: premierement.

P. 16, l. 14: Guillaume.--_Ms. A 8_: Guillaume de Mont Paon. Fº 342, rº.

P. 17, l. 1: abrisier.--_Ms. A 8_: abregier.

P. 17, l. 11: païsans.--_Ms. A 8_: maçons.


§ =676=. Apriès le reconquès.--_Ms. d’Amiens_: Apriès le prise de Mont
Paon, se departirent li signeur, et leur donna li dus de Lancastre
de revenir ung tierme, tant qu’il les manderoit, à leurs maisons. Si
s’en rallèrent li signeur de Gascoingne en leur pays, pour garder lors
fortrèces à l’encontre dou conte d’Ermignach et dou signeur de Labreth
et des compaingnes de leur costé qui leur faisoient grant guerre. Ensi
estoit li pays entouilliés li uns sur l’autre: li fors foulloit le
foible, li voisins desroboit et tolloit son voisin quanqu’il avoit;
un jour tenoit les camps li Englès, et l’autre li Franchois, ne on ne
vit oncques tel guerre, ne on ne se savoit en quoy apoiier; et avint
pluisseurs fois que, quant li Englès venoient devant une fortrèche
franchoise et il les requeroient à rendre, il s’en tournoient englès;
et sitost qu’il estoient parti, et li Franchois revenoient, il se
retournoient franchois. Dont par celle mannière et par tel variement
tamainte ville en fu violée, robée, arse et gastée, et tamains castiaux
abatus et reverssés pas terre, et tamains homs mors et perdus sans
merchy. Fº 174 rº.

P. 17, l. 22: espardre.--_Ms. A 8_: estendre.

P. 17, l. 26: à avoir besongne.--_Ms. A 8_: avoir à besoingnier.

P. 18, l. 5: Charuels.--_Ms. A 8_: Carlouet le Breton.

P. 18, l. 6: adamagoient.--_Ms. A 8_: dommageoient.

P. 18, l. 11: doubtance.--_Ms. A 8_: doubte. Fº 342 vº.


§ =677= et =678=. Assés tost et Cilz chastiaus.--_Ms. d’Amiens_: Or
vous diray dou signeur de Pons en Poito qu’il en avint. Assés tost
apriès chou que on fu revenu de Mont Paon, il se tray franchois, dont
li seigneur d’Engleterre eurent grant merveille, car il avoit estet
ja grant plenté en leurs chevauchies. Et si trestost qu’il fu tournés
franchois, il envoya souffissamment deffiier le ducq de Lancastre et
tous ses aidans, liquelx dus fu de ceste aventure durement courouchiés,
car li sirez de Pons li estoit ungs grans bourdons en son pays; et
quoyque li sires de Pons fust tournéz franchois, ma damme sa femme se
tint englesce, et dist que ja ne relenquiroit le roy d’Engleterre,
et ses maris avoit tort, quant il estoit devenus franchois. Enssi se
portoient lez parchons. Si envoiea li dus de Lancastre saisir le ville
de Pons en Poito, et i mist grant garnison de par lui et fuisson de
bonnes gens d’armes, et en fist souverain et cappitainne monseigneur
Aimmenon de Bourch, un hardi et sceur chevalier durement. Enssi se
tenoit li ville de Pons et la damme englesse, et li sires estoit
franchois, et couroit tous lez jours jusques as barrières de sa ville.
Fº 174 rº.

P. 18, l. 28: est là uns grans sires malement.--_Ms. A 8_: estoit
malement grant seigneur.

P. 18, l. 31: de le ville... englès.--_Ms. A 8_: qui se voloient tenir
englès, qui demouroient en la dite ville de Pons.

P. 19, l. 13: en l’autre.--_Ms. A 8_: dedens les autres.

P. 19, l. 18: les.--_Ms. A 8_: qui les.

P. 19, l. 20: cité.--_Ms. A 8_: ville.

P. 20, l. 2: ou de.--_Mss. A 8_ et _B 4_: pour aidier à.

P. 20, l. 16: de le cité... Touars.--_Ms. A 8_: de Touars et de la cité
de Poitiers. Fº 343 rº.

P. 21, l. 4: pertruisièrent.--_Ms. A 8_: percièrent.


§ =679= et =680=. Nous retourrons et Quant li Englès.--_Ms. d’Amiens_:
Or revenrons à monsigneur Bertran de Claiequin, connestable de Franche,
qui s’estoit tenus à Paris dallés le roy ung grant temps après le
revenue de Pont Volain, où il avoit rués jus les Englès, sicomme chi
dessus est recordé. Si regarda que pour emploiier son tamps, il se
trairoit en le Langhedoc et feroit guerre as fortereches qui englesces
se tenoient, car encorres y en avoit pluisseurs en Auviergne, en
Limozin, en Roherge, en Quersin et en Pieregorch, sans le pays de
Poito, de Saintonge et de le Rocelle; et par especial il y avoit un
chevalier englès en La Millau sus le marce de Rodès et de Montpellier,
qui s’appelloit messires Thummas de Wettevalle, qui là gisoit trop
honnerablement, car il tenoit le garnison et avoit tenu plus d’un an et
demy contre les Franchois, et ossi Le Roche Vauclere, quoyque li pays
d’environ fust tous tournés franchois; et faisoit li dis chevaliers
avoecques ses gens pluisseurs belles yssuez, et gaegnoit moult souvent
sour le pays pourveances et prisonniers à fuison, dont les plaintes
venoient au duc d’Ango et au roy de Franche. Se dist ly connestables
qu’il se trairoit celle part et que ce ne faisoit mies à souffrir. Si
fist ung très grant mandement à estre à Bourges en Berri dedens un
jour qu’il i assigna. Entroes qu’il ordonnoit ses besoingnes et qu’il
se pourveoit de gens d’armes, se departirent de Poito et dou ducq de
Lancastre li contes de Cantbruges et li contes de Pennebroucq, et
revinrent arrière en Engleterre, car li roys les remanda; et messires
Bertrans de Claiequin esploita fort et songneusement, et se parti
dou roy et s’en vint vers Orlyens. Si le sieuwoient touttes mannières
de gens d’armes, et vint à Bourges, et là trouva il le duc de Berri.
Si ne fissent gaires long sejour, mès se partirent de Bourges et
passèrent tout le pays à grant esploit, et entrèrent en Auviergne, et
s’en vinrent premierement devant une cité que on appelle Uzès, que li
Englès tenoient, qui se nommoient à monseigneur Thummas de Wettevalle
chi dessus. Si s’avisa li connestablez qu’il n’yroit plus avant, si
aroit pris la garnison d’Uzès, car elle grevoit trop le pays, et si
avoit adont avoecques lui toutte le fleur de le chevalerie de Franche
ou en partie: le ducq de Berri, le ducq de Bourbon, monseigneur Robert
d’Allenchon, conte du Perche, le conte de Saint Pol, messire Wallerant
de Lini, son fils, le dauffin d’Auviergne, messire Huge Daufin, le
conte de Bouloingne, messire Jehan de Bouloingne, le signeur de
Biaugeu, Ainbaut dou Plasciet et grant fuison de bonnes gens d’armes,
et estoient bien deus mil lanches. Si s’atrayrent tout chil signeur
et leurs routtes devant Uzès, et le fissent assaillir fortement et
durement, et y eut pluisseurs grans assaus et durs et faite tamainte
appertisse d’armes, car li seigneur et li chevalier qui là estoient,
ne s’espargnoient nient pour leur honneur, mès entroient en es fossés
qui estoient grans et parfons et plains d’aighe, et y avoient fait
ruer grant fuisson de faghos et d’estrain, sour quoy il passoient et
venoient comme bon chevalier et appert li ungs par l’autre, enssi
que par envie, jusques au piet dou mur, et montoient contremont, les
targes sour lor testes. Ensi et en cel estat s’aquitoient il trop bien
de l’assaillir, et ossi cil de le fortrèche d’iaux deffendre, car ils
jettoient pierres et baus et gros mangonniaux, dont il les reculloient
comme avanchiés qu’il fuissent, et les reboutoient à grant meschief
jusques ens es fossés. A l’un de ces assaux fu en grant peril messires
Wallerans de Lini, car il montoit contremont sa targe sour sa teste,
armés de touttes pièces et vestus d’un jake de kamoukas très rice et
bien ouvré; mès il fu ravallés d’une pierre par tel mannière que on le
reverssa ens es fossés, et tourna jusques ou bruech, et ne s’en fuist
jammès partis, qui ne l’euist secourut. Mès li contes de Saint Pol, ses
pères, et se bannière estoient là en present: si saillirent tantost
avant à le recousse, chevalier et escuier, et le traissent hors de
l’aighe et du broecq où il estoit si entouilliés que on ne savoit de
quel coulleur ses jaques estoit. En tel dangier et en tel aventure en y
eut pluisseurs celle journée, car oncques gens ne se deffendirent plus
aigrement ne plus vassaument comme cil qui dedens Uzès estoient. Quant
li connestables de France eut consideret les grans assaus et certains
que leurs gens faisoient, qui point ne s’espargnoient, et comment en
vain il se travilloient, si lez fist retraire arrière, et chascun
aller à son logeis pour yaux rafrescir et reposer, et ils meysmes se
retrayst, et vint en le tente monsigneur de Berri. Là furent mandé
li plus grant partie des seigneurs pour avoir consseil comment il se
maintenroient, car li dis connestablez leur remoustra qu’il avoient
ja esté là plus de quinse jours et assaiié le garnison de pluisseurs
assaux; mès, à ce qu’il pooit connoistre, elle estoit imprenable,
car elle estoit forte, et si avoit dedens trop bonne gens d’armes et
grant fuison: si leur pria tout autour que chascuns en volsist dire
sen intention. A ce dont estoit nouvellement venus en Auvignon deviers
le saint pape Gregoire XIe li dus d’Ango. Si avoit mandé le ducq de
Berri, son frère, et le ducq de Bourbon, le conte du Perche, le conte
de Saint Pol, le conte de Bouloingne, le dauffin d’Auvergne et aucun
de ces seigneurs qui là estoient, qu’il le venissent veoir pour avoir
consseil comment apriès les Pâques dont il estoient mout prochain, il
se poroient maintenir; car il ne volloit mies que ces chevauchies ne
chil concquès se fesissent sans lui. Si estoient enclin chil signeur à
yaux trère deviers Auvignon et venir veoir le dist ducq et savoir quel
cose il voroit dire et ordonner. Si fu conssilliet que chil signeur
se partiroient et venroient tout en Avignon excepté le connestable et
li Breton, mès chil là chevauceroient deviers Roherge et Limozin et
tenroient les camps à leur pooir. Si se deslogièrent de devant Uzès
touttes mannières de gens d’armes, et descendirent par routtes deviers
Avignon sicomme dessus est. Et li connestables li sires de Clichon, li
viscontes de Rohem, messires Loeis de Sausoire, marescaux de Franche,
li sires de Laval, li sires de Biaumannoir et grant fuisson de bonnes
gens d’armes de Bretaingne se retraissent plus amont deviers Limozin,
et là se missent en le routte dou connestable chil baron de Limozin,
messires Loeis de Melval, messires Raimmons de Maroeil et li sires de
Pierre Bufière, qui estoient tourné franchois.

Tantost apriès le Pasque que on compta en ce tamps l’an mil trois
cent settante et un, et que chil signeur dessus nommet eurent estet
en Auvignon veoir le pappe Grigoire et tenu leur pasque avoecq
lui et parlet au duc d’Ango, il se departirent et s’en revinrent
deviers le connestable qui seoit devant La Millau, où messires
Thummas de Wettevalle se tenoit et estoit tenus ung grant tamps mout
honnerablement; mès li dus d’Ango, quoyque vollentiers y fuist allés,
n’y ala mies adont, car li rois de Franche, ses frères, li manda,
entroes qu’il estoit en Avignon, qu’il venist parler à lui. Si s’avala
li dis dus deviers Lions sus le Rosne pour venir en Franche; et lis
dus de Berri, li dus de Bourbon, li comtes de Saint Pol, li comtes
du Perche, li comtes de Bouloingne, li daufins d’Auviergne, li sires
de Sulli, li sires de Biaugeu et li autre chevalerie de Franche se
traissent en Auviergne et vers Roherge où li connestablez de Franche
se tenoit à siège devant La Millau où il y eut pluisseurs assaux,
escarmuches et paleteis, et dura li dis sièges mout avant en l’esté.
Finablement chil de le garnison furent si astraint qu’il ne peurent
plus souffrir, car li dis chevaliers englès, qui là s’estoit tenus
plus de vint mois, considera que tous li pays d’environ estoit rendus
et tournés franchois, si ne pooit avoir secours ne comfort de nul
costé, pour quoy il commencha à traitiier deviers le connestable et les
seigneurs qui là estoient, que il renderoient le forterèce, se on le
volloit laissier partir et tous les siens, sauve leurs corps et leurs
biens. Li signeur de France entendirent ad ce tretiet, et se passa, et
partirent li dit Englès de La Millau sauvement, yaux et le leur, et
furent conduit jusques en Poito, que oncques n’y eurent point de damage.

Apriès le reconcquès de La Millau, dont tous li pays fu resjoïs
grandement, car ceste fortrèce leur avoit porté trop de contraire, se
traissent li Franchois devant Le Roce Vauclère qui point ne se tint
trop longement, mès se rendirent par composition enssi que li dessus
dit, et furent pris à merchy. En apriès reprist li connestables aucuns
petits fors sus les marches de Roherge, d’Auviergne et de Quersin, que
li Englès avoient fortefyé, et en delivra auques tout le pays parmy
le confort des dessus dis seigneurs qui estoient en se routte, puis
s’en vint devant le cité d’Uzès, et le assega comme en devant de tous
poins. En ce tamps repassa li dus d’Ango parmy Auviergne, qui avoit
estet en Franche et viseté le roy Carle, son frère. Si se rafresci à
Clermont en Auviergne et envoyea ses gens devant Uzès, où il y eut
maint assaut et mainte escarmuche. Finablement chil qui dedens estoient
et qui gardé l’avoient, le rendient par composition sauve leurs corps
tant seullement: nulle autre cose n’en portèrent. Apriès le prise et
le reconket d’Uzès, ces gens d’armes se departirent et passa oultre
li dus d’Ango deviers Montpellier et viers Toulouze, où le plus il se
tenoit, et li connestables revint en Franche et li plus grant partie
des autres seigneurs dessus nommés. Fºs 174 rº et vº, 175 rº.

P. 21, l. 26 _et partout_: de Claiekin.--_Ms. A 8_: du Guesclin.

P. 22, l. 8: encores de nouviel les.--_Ms. A 8_: encores les.

P. 22, l. 9: tenoient ou.--_Ms. A 8_: tenoient de nouvel ou.

P. 22, l. 11 et partout: Ussel.--_Mss. A 8_ et _B 4_: Uzès.

P. 22, l. 28: le assegièrent.--_Ms. A 8_: se logièrent. Fº 343 vº.

P. 23, l. 3: des chiés.--_Ms. A 8_: chiefz.

P. 23, l. 6: fisent.--_Ms. A 8_: orent parlé.

P. 23, l. 14: que.--_Ms. A 8_: quant.

P. 24, l. 1: non.--_Ms. A 8_: et non.

P. 24, l. 10: acquitta.--_Ms. A 8_: acquist.

P. 24, l. 17: voirs.--_Ms. A 8_: verité. Fº 344 rº.

P. 24, l. 31: lavés.--_Ms. A 8_: loez.

P. 24, l. 31: amises.--_Ms. A 8_: paroles.


§ =681= et =682=. Li rois d’Engleterre et Apriès celle desconfiture.
--_Ms. d’Amiens_: En ce tamps faisoit ung très grant appareil pour
passer le mer li dus de Lancastre, et avoit son passage segnefiié à
ses deus cousins germains, le duc de Guerle et le ducq de Jullers,
qui le devoient servir à mil lanches et entrer ou royaumme ou lés
deviers Tieraisse à si grant effort que pour combattre tout chiaux qui
contre eux se metteroient; et devoient ossi y estre, il en estoient
priiet et mandé, messires Robers de Namur, li comtez de Saumes en
Ardane et tout chil de l’empire, qui avoecques yaux estoient aliiet.
Et, quoyque ceste armée et emprise se mesist avant pour li, li roys
d’Engleterre l’ordonnoit ou nom de son fil, le ducq de Lancastre, qui
point n’estoit ou pays, ainschois estoit en Gascoingne, où il guerioit
là fortement et avoit gueriiet tous le tamps depuis le departement
dou prinche son frère. Mès on l’atendoit de jour en jour, car li roys
l’avoit remandé, et estoient ses pourveanches sus le Geronde ou havene
devant Bourdiaux. Or avint que ceste armée ne se fist point sicomme li
roys et ses conssaux l’avoient empensé à faire, pour le cause de ce
que en celle saison, ou mois d’aoust, une grosse assamblée de gens
d’armes se mist sus en l’empire entre le ducq Wincelin de Braibant et
de Luxembourcq qui en fu chiés de son costé, et le duc de Jullers et
messire Edouwart de Guerles de l’autre costé; et là eut, le nuit Saint
Bietremieu l’an dessus dit, entre ces seigneurs et leurs gens une très
grosse bataille et maint gentil homme mort et pris; et par especial,
li dus de Guerle, qui avoit empris le guerre si forte et aporté si
grant contraire le royaumme de Franche, y fu ochis, quoyque li dus de
Jullers obtenist le plache, et là furent pris, dou costé le ducq de
Braibant, il et tout li enfant et signeur de Namur qui là estoient, li
comtez de Saumes, messires Jakemes de Bourbon, messires Walerans de
Lini, et mors li comtes Guis de Saint Pol, ses pères, et grant fuisson
de bons chevaliers mors et pris, siques pour celle avenue et pour le
perte que li rois d’Engleterre eut là de son nepveult, messire Edouwart
de Guerles, où il avoit très grant fiance, et le prise de monsigneur
Robert de Namur et de pluisseurs bons chevaliers, dont li dus de
Lancastre, ses fils, euist estet servis et aidiés en son voiaige, il
rafrenna son pourpos et contremanda ceste armée et chevauchie: se ne se
prist nient si priès li dus de Lancastre de revenir. Depuis fu li dus
de Braibant delivrez de le prison le duc de Jullers par le puissanche
le roy Carle d’Allemaigne et empereur de Rome, son frère, et pluisseur
prisonnier qui furent pris avoecq lui, par le pourcach de madamme
Jehanne, femme au dit duch, ducoise de Braibant et de Luxembourcq.
Fº 175 rº.

P. 25, l. 1 et 2: guerriiés et cuvriiés.--_Ms. A 8_: hariez et guerriés.

P. 25, l. 13: bien cler.--_Ms. A 8_: amis.--_Ms. B 4_: bien d’acort.

P. 25, l. 14: heriiet.--_Ms. A 8_: hardoiez et envaïs.

P. 25, l. 17: à le Bay.--_Ms. A 8_: à la Bay.

P. 25, l. 24 et 25: Richars de Pennebruge... Sturi.--_Ms. A 8_: Richars
Savi.

P. 26, l. 4: grawés de fier et à kainnes.--_Ms. A 8_: crochèz de fer et
à kainnes de fer.

P. 26, l. 5: Toutes fois.--_Ms. A 8_: Et.

P. 26, l. 16: par mi.--_Ms. A 8_: par.

P. 26, l. 20: des.--_Ms. A 8_: des dis.

P. 26, l. 21: à guerriier et heriier et à clore.--_Ms. A 8_: guerrier
et clore. Fº 344 vº.

P. 26, l. 29: comment que il en touchoit.--_Ms. A 8_: comment il en
tenroit.

P. 26, l. 31: li plus sage des.--_Ms. A 8_: les.

P. 27, l. 3: ains.--_Ms. A 8_: avant.

P. 27, l. 5: ordenances qui furent ditté et seelé.--_Ms. A 8_:
ordenances seelé.


§ =683= et =684=. Vous avez bien oy et Li dus Jehans de
Lancastre.--_Ms. d’Amiens_: Vous avés bien chy dessus oy recorder
comment li rois de Maiogres avoit estet pris en Espaigne en une ville
qui s’appelle le Val d’Olif; or vous parlerai de se delivranche. Li
rois Henris, qui le tenoit en se prison, l’avoit rendut et delivret à
monsigneur Bertran de Claiequin, en cause de paiement de ses gaiges,
et estoit li dis rois de Maiogres prisonniers au dit connestable de
Franche, et li fist venir tenir prison à Montpellier. Assés tost apriès
pourcachièrent sa delivrance la marquis[e] de Montferrat, sa soer,
et la roinne de Naples, sa femme, parmy cent mille francs qu’il en
paiièrent, et tant en eut messires Bertrans. Depuis qu’il fu delivré,
il se composa et acorda au roy Henry d’Espaingne, et vint en Auvignon
et se complaindi au pappe Gregoire du roy d’Arragon, qui li tolloit son
hiretaige sans droit et sans raison. Li pappes fut adont si consillet
qu’il li acorda bien à faire guerre au roi d’Aragon pour le cause de
son hiretaige ravoir. Si se pourvei li roys James de Maiogres de gens
d’armes; et prist grant fuison de compaignes, dont messires Garsions
dou Castel, messires Jehans de Malatrait, messires Selevestre Bude et
Jackes de Bray estoient me[ne]ur et cappittainne. Si pooient bien estre
ces gens mil combatans, et entrèrent en Espaingne par l’acort dou roy
de Navarre et dou roy Henri, et fissent guerre au roy d’Aragon, mès
elle ne dura point longement, car li rois de Maiogres s’acoucha malades
en Espaingne ou Val de Sorie, de laquelle maladie il morut. Dont se
retraissent ces compaingnes et ces gens d’armes deviers le duc d’Ango,
qui les rechut vollentiers et qui bien les seut où emploiier.

Encorres avés vous bien oy recorder chy dessus comment la mère de
la roynne de Franche et dou duc de Bourbon fu prise en Belleperche,
et ossi de messire Ustasse d’Aubrecicourt, comment il fu pris de
Thieubaut dou Pont ou castiel de Pierre Bufière, si ques il avint ensi
(pour tant, une boute, l’autre requiert), messires Ustasse aida mout
grandement à le delivrance de la dessus ditte damme et en eut mout de
painne et mout de pourcach: ossi il en souvint le duc de Bourbon et
la roynne de Franche. Si fu li dis messires Ustasses mis à finanche
parmy douse mil frans que dubt paiier pour se raanchon, et en paya uit
mil tous appareillés; et pour les autres quatre mil, demoura li dus de
Bourbon parmy, tant que ungs biaux fils que messires Ustasses avoit,
nepveux au duc de Jullers, filz de sa soer, en fu plèges et delivrés
deviers le dit ducq. Depuis ceste ordonnanche, messires Ustasses
d’Aubrecicourt s’en vint en Constentin deviers le roy de Navarre, qui
le retint à lui et fist souverain deseure tous ses chevaliers. Assés
tost apriès li dis messires Ustasses se acoucha malades en le conté
d’Evrues, de laquelle maladie il morut. Dieux en ait l’ame, car ce fu
en son tamps ungs moult appers chevaliers!

Nous retourons as besoingnes de Poito, et parlerons des barons et des
chevaliers qui là se tenoient de par le roy d’Engleterre, telz que
messires Loeis de Harcourt, li sires de Partenay, messires Guicars
d’Angle, li sires de Puiane, li sires de Tanai Bouton, li sires de
Rousselon, messires Guillaummes de Crupegnach et pluisseurs autres. Si
regardèrent en celle saison que la ville et li castiaux de Montcontour
leur portoit trop grant contraire: si s’avisèrent qu’il metteroient
le siège par devant, et de ceste chevauchie seroit chief messires
Thummas de Perssi, senescaux de Poito, li sires de Partenay et messires
Ghuichars d’Angle, et feroient leur amas et leur assamblée à Poitiers.

Ensi regardèrent et advisèrent chil signeur dessus nommet, qu’il
venroient mettre le siège devant Montcontour. Si se ordonnèrent et
mandèrent gens de tous costés et especialement des compaingnes, et
fissent leur assamblées à Poitiers. Quant il furent tout venu, il
estoient bien trois mil combatans, uns c’autre: si se partirent de
le cité de Poitiers et cheminèrent à grant esploit, et fissent tant
qu’il vinrent devant Montcontour, qui est ungs très biaux castiaux
et fors seans sur le marche d’Ango et de Poito, à quatre lieuwes de
Touars. Si le assegièrent de tous costés et l’assaillirent vistement,
car il avoient avoecq yaux fait mener et akariier grans instrummens et
atournemens d’assaut, dont il grevoient grandement chiaux dou fort.
Par dedens le garnison se tenoient messires Pierres de la Gresille et
Jourdains de Couloingne, appert hommes as armes durement, et avoient
avoecq yaux des bons compaignons bretons et franchois qui leur aidoient
à garder le fortrèce. Si furent devant le fortrèce de Montcontour li
dessus dit Englès poitevin, desquelx messires Thummas de Perssi, li
sires de Partenay et messires Guicars d’Angle estoient souverain,
environ quinse jours; et eut là en dedens fait tamaint fort assaut et
dur, car mout pressoient li dessus dit que il le peuissent prendre
par forche ou autrement, car on leur disoit que li connestables
metoit sus grant fuison de gens d’armes pour venir lever le siège. Si
n’en estoient mies li dessus dit plus asseguret, et se hastoient ce
qu’il pooient à painnes nuit et jour sans cesser de l’assaillir; et
requeroient à chiaux dedens qu’il se rendissent, et on les lairoit
partir courtoisement; mès il n’y volloient entendre, car il esperoient
à estre comforté du connestable de Franche, et l’euissent esté sans
faute, se ilz se peuissent estre plus longement tenus; mès, enssi que
je vous ai dit, on les assalloit si ouniement et par tant de mannières,
que finablement li castiaux fu de forche concquis, et pris li doy
cappittainne messires Pieres de la Gresille et Jourdains de Couloingne,
et encorres ne say cinc ou sis bons hommes d’armes, et li demorans
tous tués sans merchy. Ensi eurent li Englèz le castiel de Montcontour
qu’il trouvèrent bien garny de touttes pourveanches et de fuison de
bonne artillerie. Si regardèrent entr’iaux li chevalier qu’il le
tenroient, puisque conquesté l’avoient, car il leur estoit bien seans
pour gueryer le terre d’Ango et les autres villes et fortrèchez qui
françoises se tenoient; et y ordonnèrent à demourer monsigneur Gautier
Huet, Carsuelle et David Holegrave et touttes les compaingnes, qui là
estoient de leur costé, et qui s’estoient remis enssamble depuis le
desconfiture de Pont Volain.

Apriès ceste ordonnance de Montcontour et l’estaublissement que
messires Guichars d’Angle et li autre y eurent fait, il donnèrent
congiet au demourant de leurs gens, et s’en revinrent à Bourdiaux où
li dus de Lancastre se tenoit, qui les rechupt à grant chière. Ensi
laissièrent il par les dessus dit gens de compaingnes gueriier le pays
d’Ango et les marches du Mainne, où il avoit ossi ens es garnisons
mout de bonne gens franchois. En ce tamps se trouvèrent sus mer en ung
lieu en Bretaingne, que on appelle Le Bay, li Flamenc et li Englès
qui adonc se herioient et avoient sur mer heriiet toutte le saison;
et consentoit bien li comtes de Flandres ceste guerre entre ses gens
et les Englès pour la cause dou duch de Bourgoigne, qui avoit sa
fille espousée sicomme vous savés, et euist encorres volentiers plus
plainnement gueriiet les Englès, se ses gens l’euissent acordé, mès il
n’en avoit mies bien l’acord. Touttefois, ensi que renommée couroit
en Engleterre et que li roys englès estoit enfourmés, li comtes Loeis
de Flandres avoit mis sus mer grant fuison de ses gens pour porter
dammaige as Englès, se il lez trouvaissent ou encontraissent, dont
Jehans Pietresone estoit amiraux et cappittainne de leur navie. Et à ce
dont venoient en Bretaingne lez gens le roy englès, c’est assavoir: li
contes de Herfort, messires Richars de Pennebruge, messires Alains de
Bouqueselle, messires Richars de Sturi et pluisseurs autres chevaliers
de l’ostel du roy, et pour parler au duc de Bretaingne de par le dit
roy; et pour ce que il estoient en doubte des Flammens, s’estoient il
pourveu bien et grossement: si estoit amiraux de leur navie messires
Guis de Briane. Si se trouvèrent ces deus navies, sicomme dessus est
dit, à Le Bay en Bretaingne: si se combatirent enssamble fierement et
radement, et y eut très dur hustin et très fort et mout perilleux, et
fait de l’un lés et de l’autre tamainte belle appertise d’armes, et
furent ce jour li Englès en grant peril d’estre tout mort et desconfi,
car li Flamencq estoient plus de gens qu’il ne fuissent et mieux
pourveus de gros vaissiaux et de toutte artillerie, dont il eurent un
grant temps bon avantaige; mès finalement li comtes de Herfort, qui fu
ungs appers et hardi chevaliers, s’i esprouva si bien, et tout chil de
se routte, ossi messires Richars Sturi et li autre, qu’il desconfirent
che qu’il y avoit là de Flammens; et y fu pris leurs amiraux, Jehans
Pietresonne, et prisonniers à monsigneur Gui de Brianne; et en y eut
grant fuison de mors et de noyés, et mout petit s’en sauvèrent. Si
retournèrent li dessus dit Englès atout leur concquès de barges et de
vaissiaux et leurs prisonniers en Engleterre, et recordèrent au roy
comment li Flamencq lez avoient envays et assaillis. De che fu li roys
moult courouchiés, mès ce le rejoyssoit qu’il veoit ses gens retournés
en bon point et à l’onneur d’iaux, et dist adont li roys, en maneçant
les Flammens, qu’il leur feroit encorres chier comparer le guerre qu’il
avoient de nouviel et sans raison reprise à lui et faite à ses gens.

Apriès le revenue dou dit comte de Herfort et de ses compaignons en
Engleterre et le infourmation faite ou dit roy, li roys englès assambla
ses gens de son consseil, et fist [mander] ung grant parlement à estre
à Londres en son palais de Wesmoustier. A ce parlement vinrent tout
chil qui semons et priiet en furent: là eut pluisseurs coses parlées
et devisées des sages d’Engleterre, et la principal cose estoit sus
l’estat de Flandres, qui celle fois et autre che font à savoir. Li
Flammencq avoient heriiet les Englès. Si fu enssi ordonné que li roys,
pour l’onneur de lui et de son pays, mesist et establesist une cantité
de vaissiaux armés et pourveus de gens d’armes sus les frontièrez de
Flandrez, entre Zanduich et Calais, et que chil qui de par le roy
là seroient, ne laiassent aller, passer ne venir nulle marchandise
en Flandres, et leur fuissent ennemis touttes mannières de gens, de
quelque nation qu’il fuissent, qui en Flandres voloient ariver pour
faire y marchandise. Tantost apriès ceste ordonnanche, li roys englès
par l’avis de son consseil mist et estaubli grant fuison de gens
d’armes et d’archiers et de bons vaissiaux bien armés et bien pourveus
sus mer, entre les destrois de Douvres et de Calais, sur l’estat dessus
dit. Si trestost que ces nefs et ces gens d’armes furent sur mer, et il
commencièrent à esploitier fort et delivrement à touttes mannièrez de
gens allans et venans en Flandres, et tant que les plaintes en venoient
tous lez jours as Flammens, et que tout marcheant resongnoient à venir
en Flandres pour le peril et le doubte des Englès, adont regardèrent
les bonnes villes de Flandres, et li conssaux et advis des sages hommez
qui dedens abitent et demeurent, que ceste guerre et haynne as Englès
ne leur estoit pas pourfitable, et que point n’en estoient cause, ne
ne se mouvoit de leur costé. Si se traissent enssamble et en eurent
pluisseurs conssaux: finablement il s’avisèrent tout d’un commun acord
et se traissent deviers leur signeur le comte, qui adont se tenoit
dehors Gand en une moult belle maison qu’il y avoit fait faire, et li
remoustrèrent les plaintes des marcheans estragniers, qui venoient
tous les jours jusques à yaux, comment il n’osoient aler ne venir ne
faire ariver nulle marchandise en Flandre pour le doubte dez Englès.
Et ossi li estaples des lainnes qui se tenoit à Calais, leur estoit
clos, che qui estoit grandement au prejudisce de toutte le communauté
de Flandrez; car sans le drapperie ne pooient il nullement vivre: «Pour
tant, chiers sires, voeilliés y remediier; si ferés bien et aumosne,
et acquerrés la grasce et amour de vos bonnes gens qui vous ont estet
appareilliés à tous vos commandemens jusques à ores.»

Quant li contes Loeis de Flandres eut oy les raisons et les complaintes
de ses gens, ilz, comme sages et ymaginans sires, leur respondi: «J’en
aray prochainnement avis; et tout le bonne remède parmi raison, sauve
l’onneur de moy et de mon pays, je y meteray.» Chil qui là estoient
envoiiet de par les bonnes villes, se tinrent de ceste responsce
à bien content. Au tierch jour apriès fu conssilliéz li comtes, et
en respondi plainnement et dist enssi, pour appaisier son païs, que
le guerre que ses gens avoit ne faisoit as Englès, elle n’estoit en
riens cause ne participans pour le roy de Franche ne pour le duch
de Bourgoingne, à qui par succession li hiretaiges de Flandres, par
la cause de sa fille, devoit retourner, ou à ses enfans, fors tant
que, pour aucuns despis que li Englès avoient, passet avoit ja deus
ans, fais à ses gens sur mer, si s’en volloit contrevengier; et, se
chil de Flandres volloient aller ou envoyer en Engleterre deviers le
roy englès et son consseil, et savoir à quel title il s’estoient de
commenchement esmeu contre lui, il le consentiroit assés legierement,
et tout ce que li communs en feroient et ordonneroient pour le milleur
et pour le commun prouffit de tout le pays, à l’onneur de li et de sa
terre, il s’y acorderoit volentiers. Ces parolles furent rapportéez,
au consseil dez bonnes villes, qui les acceptèrent, et ordonnèrent
tantost douse bourgois des sis milleurs villes de Flandres, liquel
yroient en Engleterre parlementer au roy et à son consseil, et saroient
plus plainnement qu’il ne savoient encorres pourquoi on les guerrioit.
Ainschois que chil s’en meussent ne partesissent de Flandres, il
envoiièrent devant impetrer un sauf conduit pour yaux et leur famille
aller et retourner sans dammage: si leur fu acordé dou roy assés
legierement. Adont se missent il à voie et cheminèrent tant qu’il
vinrent à Callais, et là montèrent il en mer. Si arivèrent à Douvres,
et puis chevauchièrent jusques à Windesore, là où li roys se tenoit
adont.

Quant chil bourgois de Flandres furent venu à Windesore, il n’eurent
mies accès de parler au roy, mès leur fu respondu de par le roy que il
se traissent deviers Londres, car là seroient il expediet: il fissent
ce que ordonné leur fu et vinrent à Londres. Au neufvime jour apriès,
il furent mandé au palais de Wesmoustier devant le consseil du roy, à
qui il remoustrèrent pourquoi il estoient là venu, et furent respondu
si à point que ilz se tinrent assés pour comptens; mès adont il se
departirent de le cambre et du consseil le roy sans certain accord, et
furent assigné de revenir le tierch jour après, et il oroient à ce jour
le plus grant partie de l’intension dou roy. Si se partirent sour ce,
et revinrent à lors hostelz. Vous devés savoir que à envis fuissent
parti li Flammencq du roy englès ne de son consseil, sans avoir certain
acord. Ossi li roys englès et ses conssaux n’avoient mies trop grant
desir de gueriier les Flamens, car il avoient assés affaire d’autre
part, et si leur est de necessité li pays de Flandres à tenir à amour,
pour le cause de le marchandise qu’il y prendent et qu’il y envoient;
car nulle part li Englès ne pueent avoir si belle delivranche de leurs
lainnes qu’il ont en Flandres et par les Flammens. Si estoit bien
chils poins et affaires considerés entre yaux, mès il se faindoient de
premiers pour tant qu’il volloient y estre priiet, et moustroient qu’il
n’avoient que faire des Flammens, mès li Flammens d’iaux. Touttezfois
il fu tant parlementé et allé de l’un à l’autre, que unes trieuwes
furent prisses à durer entre le roy englès et ses gens et le comte
Loeis de Flandres et les siens jusques à le Saint Jehan Baptiste,
que on compteroit l’an mil trois cens settante et deus, et de celle
Saint Jehan en nuef ans enssuiwant. Si se fissent fort li bourgois de
Flandres, qui là estoient venu et envoiiet, de le tenir et faire tenir
à leur seigneur le comte et tout le pays enexsé en le trieuwe, et
ossi il en avoient bonne procuration d’esploitier à leur entente. Si
se partirent d’Engleterre dou roy et de son consseil, sus l’estat que
je vous di, et s’en revinrent arrière à Bruges. Là eut à leur revenue
ung grant parlement des bonnes villes de Flandres et dou comte leur
signeur dessus noumet, et ossi de quatre chevaliers englès que li roys
englès et ses conssaux y avoient envoiiet sus le conduit des dessus
dis Flandrois, et le tretiet de le trieuwe dessus devisée, laquele fu
là partout confremmée et saiellée et jurée à tenir sans enfraindre le
tierme dessus deviset de l’une partie et de l’autre.

Après ces ordonnanches, furent li pas de le mer ouvert, et coururent
sceurement les marchandises de l’un pays en l’autre, mèz toudis se
tenoit li estaples des lainnes à Calais, et là les venoient querre li
Flammencq et acater, s’il les volloient avoir.

Or retourons nous as besoingnes de Poito et de Saintonge et de ces
lointainnes marches. Vous avés bien chi dessus oy comment li prinches
de Galles estoit tous malades retournés en Engleterre, et madamme la
princesse ossi, et leur fil le jone damoiziel Richart, qui fu puis rois
d’Engleterre, sicomme vous orés en l’istoire. Li dus de Lancastre,
qui estoit là ordonnés et estaublis de par le dessus dit prinche à
gouvrenner et à seignourir la duché d’Acquittainne, avoit ja fait
depuis le departement de son frère le prinche pluisseurs chevauchies,
armées et yssues sus les terres, qui leurs estoient ennemies, et se
tenoit une fois en Angouloime et l’autre à Bourdiaux, et li baron de
Poito, de Gascoingne, de Roherge et de Saintonge dallés lui. Encorres
s’entretenoient bien chi[l] païs et li seigneur, baron et chevalier
qui dedens demoroient, pour lui et en sen aye, tels que li sires de
Duras, li sires de Rosen, li seigneur de Pumiers, li sirez de Chaumont,
li sires de Courton, li sires de Longheron, li sirez de Lespare, li
captaux de Beus, li soudis de Lestrade, messires Bernadet de Labreth,
li sires de Geronde, messires Aimeris de Tarse; et de Poito: li sires
de Partenay, messires Guicars d’Angle, messires Loeis de Halcourt,
li sires de Surgières, li sires de Puiane, li sires de Tannai Bouton
et pluisseurs autrez barons et chevaliers de ces marches et contrées
dessus nomméez. Or fu enssi adont regardé et adviset entre cez signeurs
et pluisseurs chevaliers d’Engleterre ossi dou consseil dou duc qui là
estoient, que li dessus dis dus de Lancastre estoit à marier, et que
une damme de hault affaire et de grant linage seroit bien emploiiée en
lui, car il estoit durement haut gentils homs et de noble generation,
et avoit eu à femme une très noble et gentil dame, madamme Blanche,
fille au bon duc Henry de Lancastre, que li Gascon avoient moult
amé. Si n’estoit mies li dus Jehans de Lancastre à present tailliés
d’amenrir ne de lui marier en plus bas degret ne de menre linage; car
ja estoit il filz de roy et ungs grant sires de soy meysme. Si savoient
chil dessus dit signeur deus jonnes dames et filles au roy dant
Pierre d’Espaingue et hiretièrez par droit dou royaumme d’Espaingne,
qui estoient à Bayonne, et là les avoit laissiées en plèges et en
crant pour grant argent li roys dan Piètres, leurs pèrez. Si fu enssi
remoustret et dit au duch que adont il ne se pooit mieux mettre et
asener que en l’ainnée de ces filles madamoiselle Constanse qui estoit
de droit, par le succession dou roy son père, hiretière d’Espaingne, et
encorres par che costé poroit il y estre roys d’Espaingne, qui n’est
pas petis hiretaiges, mès ungs des grans dou monde royaumes crestyens,
ou chil qui de li et de ceste damme descenderoient; et que on devoit
bien presumer et ymaginer si grant prouffit sus le temps à venir. A ces
parolles entendi li dus de Lancastre mout vollentiers, et li entrèrent
si ou coer que oncques puis ne l’en partirent, et bien le moustra;
car tantost il fist appareillier douse de ses chevaliers, et envoya
querre et delivrer les dessus dittes dammoiselles Constance et Ysabel à
Bayonne, et furent amenées et acompaignies des dammes de Gascoingne et
de là environ jusques à Bourdiaux sus Geronde et là rechuptes à grant
joie. Assés tost apriès espousa li dus de Lancastre l’ainnée madamme
Coustanse, en ung villaige dallés Bourdiaux, où il y a un grant mannoir
dou signeur, que on appelle Rocefort, et là eut grant feste et grant
solempnité des barons et des chevaliers, des dammez et des dammoiselles
dou pays, et durèrent les noches et les festez bien douse jours.

Apriès les espousailles dou duc Jehan de Lancastre et de madamme
Coustance, fille ainnée au roy dan Piètre d’Espaingne que ses frères,
li rois Henris, avoit fait morir, sicomme chy dessus est deviset en
ceste histoire, li dus de Lancastre eult consseil et vollenté de
retourner en Engleterre et de amener y sa femme et sa serour ossi,
madammoiselle Ysabiel. Si ordonna ses besoingnes et fist touttes
ses pourveanches, et recommanda le pays de Poito et les marches par
de delà, qui pour yaux se tenoient, en le garde et ou gouvernement
des barons des pays, et par especial il elisi quatre souverains,
dont li ungs fu li sires de Duras pour les marches de Gascoingne, li
secons li captaus de Beus pour les frontières de Bourdiaux, li tiers
messires Thummas de Persi pour les tierez de Poito et de Saintonge,
et li quars avoecq lui li sires de Partenay. Et il leur dist ensi
que il ne se partoit mies pour cose que il n’ewist grant vollenté et
bonne de gueriier, mès pour imfourmer le roy, son père, et les barons
d’Engleterre de l’estat dou pays, et que, se il plaisoit à Dieu, il
retouroit à l’esté si bien pourveus de bonne gent d’armes que pour
reconcquerir tout le pays qui perdu estoit; et li dessus dit signeur et
gardiien estaubli de par lui respondirent: «Dieus y ait part!» Assés
tost apriès, quant touttez ses pourveanches furent faittes et cargies,
se departi li dus de Bourdiaux, et tous ses hostes, et montèrent en mer
sus le rivière de Geronde et nagièrent tant au vent et as estoilles
qu’il arivèrent en Engleterre ou havene de Hantonne. Si descargièrent
depuis leurs vaissiaus tout bellement, et missent hors lors chevaux et
tout leur harnois, et se reposèrent en ce faisant en le ditte ville de
Hantonne par deus jours.

Quant il eurent là sejourné ces deus jours, et qu’il y furent
rafresci, li dus et la ducoise se partirent et tous leurs arois, et
chevauchièrent deviers Londres, et fissent tant par leurs journées
qu’il y vinrent. Si y furent recheu moult sollempnement et très
reveramment, et fu la nouvelle ducoise de Lancastre moult honerée,
festiée et conjoïe, et tout chil et touttes celles qui avoecq lui
estoient, pour l’amour de lui. Meysmement li rois en son palais de
Wesmoustier le festia et conjoy mout grandement, car bien le savoit
faire. Assés tost après le revenue dou duch de Lancastre en Engleterre,
fu fais li mariaigez par l’acord et le vollenté dou roy englès et de
son consseil, de monseigneur Aimon, comte de Cantbruge, son fil, et
de la seconde fille au roy d’Espaingne, madammoisielle Ysabel qui
estoit là avoecq sa soer, et eut as espousailles grant feste et grant
solempnité; et dissent adont li Englès que cis mariaiges leur plaisoit
grandement et que leur doy seigneur s’étoient aloiiet à noble sanch et
grant, et que grans biens et grans prouffis leur en venroit encorres et
à leurs hoirs; car il en demoroient hiretier dou royaumme d’Espaingne.
Et avoecq tout ce, il avoient fait très grant aumosne; car ces deus
dammes estoient escachies et deshiretées: si n’euissent jammès esté
relevées, se li enfant dou roy n’ewissent esté. Si en devoient avoir
grant grace et grant loenge à Dieu et à tout le monde, voirs de chiaux
qui loiauté et franchise amoient et aidoient à parmaintenir: telle
estoit la vois et la renommée communement des Englès parmy le royaumme
d’Engleterre.

Tout cest yvier se tinrent enssi chil signeur en Engleterre, regardans
et ymaginans comment à l’estet il poroient faire un grant fet en
Franche. Li aucun dou consseil le roy englès consilloient que li dus
de Lancastre empresist à porter en touttes ses armoiries les plainnes
armes de Castille, comme drois hoirs, et mesist sus une grande armée
de naves et de vaissiaus, de gens d’armes et d’archiers, et venist en
Espaingne combattre le roy Henry et reconcquerre le pays, et furent li
Englès ung grant temps sus cel estat. Fºs 175 rº et vº, 176 rº et vº,
177 rº.

P. 27, l. 9: oy.--_Ms. A 8_: oy cy dessus.

P. 27, l. 10: rois.--_Ms. A 8_: rois James.

P. 27, l. 13: Montferrat.--_Ms. A 8_: Montferrant.

P. 27, l. 22: en.--_Ms. A 8_: à.

P. 27, l. 25: de rechief au chemin en istance de ce que pour
guerriier.--_Ms. A 8_: au chemin de rechief en entencion de guerrier.

P. 27, l. 27: mort.--_Ms. A 8_: tué.

P. 28, l. 2: au dit roy.--_Ms. A 8_: au roy.

P. 28, l. 4: peut.--_Ms. A 8_: pouoit.

P. 28, l. 11 et 12: et acord... Arragon.--_Ms. A 8_: du dit roy de
Navarre et entrèrent en Arragon.

P. 28, l. 15: essillier.--_Ms. A 8_: assaillir.

P. 28, l. 16: plain.--_Ms. A 8_: plat.

P. 28, l. 21: furent meneur et.--_Ms. A 8_: furent.

P. 29, l. 3: quoi c’aucun.--_Ms. A 8_: combien que aucun. Fº 345 rº.

P. 29, l. 8: moullier.--_Ms. A 8_: femme.

P. 29, l. 15: le doubtance.--_Ms. A 8_: la doubte.

P. 29, l. 17: les deus filletes.--_Ms. A 8_: les filletes.

P. 29, l. 26: celles.--_Ms. A 8_: elles.

P. 30, l. 4: encontre.--_Ms. A 8_: contre.


§ =683= et =686=. Ces nouvelles et Nous retourrons.--_Ms. d’Amiens_:
Bien estoit li rois Henris d’Espaingne enfourmés des mariages dessus
dis de ses deus cousinnes, mariées as enfans d’Engleterre, pourquoy
il estoit en doubte qu’il ne li fesissent trop grande guerre et que
par aucun meschief il s’acordaissent au roy de Franche, affin que plus
plainnement il le peuissent gueriier. Si envoiea tantost li roys Henris
grans messaiges deviers le roy de Franche, en lui remoustrant ces
perils et les doubtes qu’il y metoit, et que pour Dieu et par amours il
y volsist regarder et arester, car il estoit bons et loyaux Franchois
et seroit tousjours. Li roys de Franche, comme sages et ymaginans,
regarda le bonne vollenté dou roy Henri, et que voirement dou tamps
passet l’avoit il en tous estas loyamment servi, et ossi que, se li
royaummes de Castille estoit soumis ne concquis pas les Englès, sa
guerre en seroit plus layde: si aseura tantost le roy Henry, et dist
enssi qu’il fuist tout reconfortés, car jammais il n’aroit as Englès
pais, acord, trieuwez ne respit, que il ne fuist ossi plainnement
dedens enexés, comme il seroit ilz meysmes. Ces parolles et proummesses
pleurent grandement au roy Henry, che fu bien raison, et en leva
lettrez et instrummens publicques seellées dou propre seel le roy de
Franche; et li roys de France ossi à l’autre lés prist lettrez et
instrumens autentikes saiellées dou roy Henry et de tous les barons
d’Espaingne. Enssi s’aliièrent, jurèrent et confermèrent chil doy roy
enssemble, et ne peuvent faire pais ne acord as Englès li ungs sans
l’autre, et doient estre aidant et confortant enssamble, et leur doy
royaumme; ne point ne s’en doivent ne puevent repentir ne relenquir,
che ont il juré par veu solempnel, presens prelas, dus, comtes, barons
et chevaliers.

Par celle mannière vinrent les alianches entre le roy Carlon de Franche
et le roy Henry d’Espaingne, et meysmement messires Bertrans de
Claiequin, connestables de Franche, y mist et rendi grant painne; car
moult amoit le roy Henry, et grans biens en disoit et recordoit. Dont
il avint qu’il fu consilliet au duc de Lancastre que il fesist le roy
son père pourcachier une trieuwe à durer deus ans ou trois entre lui
et le roy de Franche; si aroit plus grant loisir et milleur avantaige
de gueriier en Espaingne. Et fu adont li roys englès si enfourmés et
consilliés qu’il envoiea en Franche grans messaiges sus tel estat
que pour avoir unes trieuwez; mès chil qui envoiiet y furent, n’en
peurent riens esploitier, et en respondi li roys de Franche plainnement
qu’il n’avoit cure des trieuwes ne des respis son adverssaire le roy
d’Engleterre. De ces responsses furent li rois englès et li dus de
Lancastre durement courouchiés et virgongneux, et se repentirent mout
quant envoiiet y avoient; et dist adont et jura li dis dus de Lancastre
que hasteement il enterroit en Franche si poissamment que li royaummes
s’en dieurroit vint ans apriès, et que jammais n’en partiroit, s’en
aroit em partie sa vollenté, fust par pais ou autrement, à sen honneur.
Si fist de rechief ses pourveances plus grandez et plus grosses assés
que devant, et retint et manda gens de tous lés où il les pooit avoir,
et estoit sen entente qu’il aroit le duc de Guerles, son cousin, et le
duc de Jullers; car cil li avoient proummis qu’il le serviroit à douse
cens lanches toutez etoffées, et feroient ung grant trau en Franche,
et bien li en ewissent tenu couvent, mès ungs empecemens leur vint en
celle meysme année, qui leur rompi leur pourpos, sicomme vous orés chy
apriès en l’istoire. Encorres remanda li dus de Lancastre le seigneur
Despenssier qui se tenoit à Venise et avoit gueriiet les seigneurs
de Melans, messire Galeas et messire Bernabo, plus de deus ans; et
li pria et enjoindi qu’il revenist en Engleterre au plus tost qu’il
pewist, car il volloit mettre sus une très grande armée de gens d’armes
et chevauchier en Franche. Sitost que li sires Despenssiers oy ces
nouvellez, il se hasta ce qu’il peut, et se parti de Venise, mès ce ne
fu mies si trestost.

En ce tamps trespassa de ce siècle chils gentilz et preus chevaliers
messires Gautiers de Mauny, qui si par ses proèces et par ses biaux
vassellages renlumine che livre em pluisseurs lieux. De le mort de lui
furent li rois et tout li signeur d’Engleterre durement courouchiet,
et fu mout plains et regretés de tous ses amis. Se li fist on faire
son obsèque très reveramment en une eglise de Cartrous dehors Londres,
que il avoit fait faire et edefiier, et la prouvenda [à] Chartrous qui
tous les jours y font le divin offisce. Si furent à son obsèque li
roys et tout si enfant, excepté le prinche, et ossi y eut grant fuisson
de prelas d’Engleterre, et fist li evesques de Londres le service. De
monsigneur Gautier de Mauny remest une fille appellée damme Anne, qui
eut à marit le jone comte Jehan de Pennebrucq, liquelx se traist assés
tost apriès as hiretaiges monsigneur Gautier comme hiretiers de par sa
femme, et envoya saisir et relever par un de ses chevaliers la terre de
Mauny en Haynnau. Fº 177 rº et vº.

P. 31, l. 30: selonch.--_Ms. A 8_: sur. Fº 345 vº.

P. 32, l. 2: pour le temps se tenoient Englès.--_Ms. A 8_: pour Anglois
se tenoient.

P. 32, l. 4: avoient.--_Ms. A 8_: avoit desir et.

P. 32, l. 6: qui revenoit.--_Ms. A 8_: prochain venant.

P. 32, l. 7: ses frères.--_Ms. A 8_: son père.

P. 32, l. 14: estre mainbour et.--_Ms. A 8_: estre.

P. 33, l. 2: se s’i.--_Ms. A 8_: s’i se. Fº 346 rº.

P. 33, l. 17: rescheï.--_Ms. A 8_: cheï.

P. 33, l. 18: cha en Haynau.--_Ms. A 8_: cha.


§ =687=. Tout cel iver.--_Ms. d’Amiens_: Vous devés savoir que quant
li dus de Lancastre se parti de Bourdiaux et qu’il amena la ducoise sa
femme, sicomme chy dessus est contenu, ens ou royaumme d’Engleterre,
avoecq yaux se partirent de la ducé d’Acquittainne, tant pour yaux
acompaignier que pour remoustrer au roy englès les besoingnes dou pays
de Poito et de Saintonge, messires Guichars d’Angle, li sires de Puiane
et messires Ammeris de Tarse. Si s’estoient chil chevalier tout l’ivier
et le temps tenu en Engleterre, ung jour à Londres, l’autre fois dalléz
le roy qui se tenoit le plus ens ou castiel de Windesore, ou dallés
le prinche, qui gisoit tous maladez ens son mannoir de Berkamestede.
Et avoient li dessus dit chevalier pluisseurs fois remoustré au roy
l’estat et les besoingnes pour lesquellez il estoient là venu et
envoiiet, et par especial messires Ghuicars d’Angle que li rois veoit
vollentiers et l’en ooit parler, et li prioient chierement que il y
volsist entendre et pourveir de remède. Li roys qui mout enclins a esté
tousjours à aidier et à adrechier ses gens et par especial chiaux à qui
il besongnoit, leur respondi que ossi feroit il prochainnement, mès il
ne savoit encorres de quel part ceste armée qu’il metoit sus, dont si
doy fil estoient chief, se trairoit, ou en Franche, ou em Pikardie, ou
en Normandie par le pays de Constentin, ou se il iroient em Poito par
le Rocelle; se leur prioit que ilz se volsissent souffrir et atendre
tant que ses conssaux en aroit ordonné. Telle estoit la cause pour
quoy li troi chevalier dessus nommet sejournoient en Engleterre, dont
mout leur desplaisoit; mès amender ne le pooient puisque li roys et
ses conssaux le volloient enssi. Or parlerons ung petit dou duc de
Bretaingne.

Voirs est que en ce temps que ces coses se varioient sicomme vous avés
oy recorder, li dus de Bretaingne metoit et rendoit grant cure à ce
que ses pays et li noble et gentil homme de sa terre fuissent englès;
et en fist pluisseurs assamblées et parlemens tant de chevaliers
que des conssaux des chitéz et des bonnes villes de Bretaingne, mès
nullement il ne pooit ses gens amenner ad ce qu’il fuissent englès ne
qu’il gueriaissent le royaumme de Franche, leurs boins voisins; et
s’escusoient souffissamment et disoient tout plainnement au duc et d’un
acord que il n’avoit que faire de demourer en Bretaingne, se il volloit
gueriier le royaumme de France, mès se tenist en sa pais et allast
voller et cachier et lui deduire, et layast le roy de Franche et le
roy d’Engleterre gueriier enssamble, et les Bretons servir le roy de
Franche, se armer il se volloient. Chils dus, qui le coer avoit moult
englès, ne prendoit mies en trop grant gret les responsces que cil de
son pays li faisoient, car il se sentoit si tenus au roy d’Engleterre
que il disoit bien à ses plus especials amis, tels qu’il estoit, li
roy[s] englès et se puissanche l’avoit fait, et ja n’ewisst estet dus
de Bretaingne, se li dis rois englès n’euist esté: pour quoy il se
veist trop vollentiers dalés lui en renumerant les serviches et amistés
que on li avoit fais. Si en eut chils dus pluisseurs imaginations et
pourpos l’espasse de deus ou de trois ans, et tout ce savoit assés li
roys de Franche par lez barons et les chevaliers de Bretaingne qui se
court hantoient, dont li dis roys les tenoit à amour che qu’il pooit,
et ossi les prelas et les riches hommes dez chités et des bonnes
villez de Bretaingne, et les honneroit grandement, quant il venoient à
Paris, et leur donnoit dou sien largement pour yaux mieux atraire à se
vollenté, et tant faisoit que il estoient tout enclin et obeïssant à
lui, et en avoit l’amour, l’antise et le service.

Or retourons à monseigneur Ghuichart d’Angle et as compaignons qui se
tenoient en Engleterre dalés le roy et estoient ung grant temps puis
le revenue dou duc de Lancastre ens ou païs, sicomme chy dessus est
dit. Quant li yviers fu passés et la douce saison d’esté revenue que
on compta l’an mil trois cens settante et deus et qu’il y eut ews
pluisseurs parlemens en Engleterre sus l’estat des guerres et d’une
très grosse armée que li dus de Lancastre volloit mettre sus et venir
en Franche, sicomme il fist; mès ce ne fu mies si tost qu’il esperoit,
et ce le arriera [enssi] que je vous diray. Le saison devant, avoit eu
entre Tret sus Meuze et Jullers une très grosse bataille dou duc de
Jullers et de monsigneur Edouwart de Guerles d’un lés, et de monsigneur
Winchelans, duc de Luxembourcq et de Braibant, d’autre, à laquelle
besoingne chils messires Edouwars de Guerles avoit esté ochis, dont
li confors et espoirs des Englès estoit mout afoiblis; car il devoit
servir le roy englès son oncle à mil lanches et faire ung grant trau en
Franche, et devoit li dus de Jullers, ses serourges, estre avoecq lui;
mès leur chevauchie et armée demoura tant pour le mort dou dessus dit
monsigneur Edouwart que pour ce que li dus de Jullers se trouva mout
empeschiés, car messires Carles de Behaingne, empereur de Romme, le
volloit guerriier pour le cause de son frère, le duc de Braibant, qu’il
tenoit em prison et lequel il delivra par le doubtanche et puissance
de l’empereur. Et ossi messires Jehans de Blois, et comtez de Blois,
avoit pris à femme la sereur de monsigneur Edouwart dessus nommet, et
clammoit à la ducé de Guerles grant part de par sa femme; si ne s’osoit
li dus de Jullers partir de son pays, car il avoit l’autre serour de
monsigneur Edouwart. Enssi estoient chil pays de Guerles et de Jullers
ensonniiet et entriboulet, car la contesse de Blois y faisoit grant
guerre à l’encontre de son serourge le duc de Jullers, et de laquelle
matère je me voeil partir assés briefment pour tant que elle ne touce
de riens à nostre histoire des rois, fors tant que li Englès furent
mout courouchiés de la mort de monsigneur Edouwart, car au voir dire
c’estoit chils de par dechà le mer qui plus les pooit valloir et
aidier. Si eurent toutte celle saison li Englès pluisseurs conssaux ens
ou palais à Wesmoustier. Finalement il fu consilliet et aresté que li
dus de Lancastre et li contes de Cantbruge seroient chief, gouvreneur
et souverain de ceste armée, et passeroient le mer à quatre mil hommes
d’armes et douse mil archiers et bien otant de Galois et d’autre gens.
Si ordonnèrent leurs pourveancez grandes et grosses seloncq chou, et
mandèrent et priièrent gens tout partout où il les penssoient à avoir,
et retinrent bien de purs Escos quatre cens lances de bonne estoffe.

Quant messires Guichars d’Angle et li sires de Puiane et messires
Aimeris de Tarse qui tout le temps s’estoient tenu en Engleterre,
veirent et entendirent le certain arrest dou consseil le roy et de ses
barons, et que li doy fil le roy seroient chief et souverain de ceste
armée, et que nul il n’en aroient pour remenner en Poito avoecq yaux,
si se adrechièrent deviers le roy englès, et li fissent une priière et
requeste qui s’estendoit en telle mannierre: «Chiers sires et nobles
roys, nous veons et entendons que vous devés envoiier en ceste saison
une grant armée et chevauchie dez vostres ens ou royaumme de Franche,
pour gueriier les marches de Pikardie, de France, de Bourgoingne et
d’Auviergne, de laquelle grosse armée vo doi fil seront gouvreneur et
souverain, et ce soit à l’onneur de Dieu et d’iaux, si vous prions et
requerons, chiers sires, ou kas que nous ne les poons avoir, ne l’un
d’iaux par lui, que vous nous voeilliés baillier et delivrer le comte
de Pennebrucq à gouvreneur et cappittainne, et que il vous plaise que
il s’en viengne avoecq nous en es marcez de Poito.» Adont s’aresta li
roys sous monseigneur Guichart d’Angle plus que sus les autres, et
dist: «Messires Ghuichart, et se je ordonne le comte de Pennebrucq,
mon fil, à aller avoecq vous ens ou pays de Saintonge, vous faurra il
grant carge de gens pour aidier à garder et à defendre le pays contre
nos ennemis?»--«Monsigneur, respondi messire Ghuichars, nennil, mais
que nous aiiens deus cens hommes d’armes et otant d’archiers pour les
rencontres dessus mer et le finanche pour gagier trois mil combatans;
nous en recouvrerons bien par de delà; car encorres y sont grant
fuison de gens des compaingnes et gens d’autres nations, qui vous
serviront vollentiers, mès qu’il aient bons gaiges, et que on lor paie
ce avant le main pour cinc ou pour sis mois.» Adont respondi ly roys
englès: «Messires Guichars, ja pour or ne pour argent ne demourra que
je n’aie gens assés et que chils voiages ne se fache; car j’ay bonne
vollenté de deffendre et garder mon pays de Poito. Or soiiés de ce
costé tous recomfortés et assegurés, car j’en ordonneray temprement,
et vous cargeray, avec le mise que vous emporterés, tels gens et tel
cappitainne qu’il vous devera bien souffire.» Adont respondirent tout
li troy chevalier, et dissent: «Monsigneur, grant merchis». Fºs 177 vº,
178 rº et vº.

P. 33, l. 30: Ghiane.--_Ms. A 8_: Guienne.

P. 34, l. 1: ens es.--_Ms. A 8_: es.

P. 34, l. 2: pluiseur signeur.--_Ms. A 8_: pluiseur.

P. 34, l. 4: appareil de pourveances et.--_Ms. A 8_: appareil et.

P. 34, l. 5: ost que.--_Ms. A 8_: ost aussi quant comme.

P. 34, l. 13: li rois Edouwars.--_Ms. A 8_: li rois.

P. 34, l. 19: ghertier.--_Ms. A 8_: jaretier.

P. 34, l. 24: li contes de Cantbruge, ses frères.--_Ms. A 8_: li
Cantbruge. Fº 346 vº.

P. 34, l. 26: prière et requeste.--_Ms. A 8_: prière.

P. 34, l. 32: peuist.--_Ms. A 8_: feïst.

P. 35, l. 21: mainbour.--_Ms. A 8_: meneur.

P. 35, l. 29: l’emploie.--_Ms. A 8_: l’emploieray.


§ =688=. Ensi et de pluiseurs.--_Ms. d’Amiens_: Depuis ne demoura
guaires de tamps que li roys englès ordonna et pria au comte Jehan
de Lennebrucq d’aller avoecq les dessus dis chevaliers ens ou pays
de Poito et de Saintonge, pour garder les frontierres contre les
Franchois, liquelx comtes à l’ordonnanche dou roy obeï et descendi
vollentiers et emprist liement le voiaige à faire. Avoecques le dit
comte furent nommet chil qui iroient: premierement, messires Othe de
Grantson, banereth et riche homme durement, messires Robers Tuifort,
messires Jehans Courson, messires Jehan de Gruières, messires Thummas
de Saint Aubin, messire Simons Housagre, messires Jehans de Mortain,
messires Jehans Touchet et pluisseurs autres bon chevalier et escuier,
tant qu’il furent bien deus cens hommes d’armes et otant d’archiers, et
fissent leurs pourveanches tout bellement et à grant loisir de tout ce
qu’il leur besongnoit, et leur fist li roys delivrer une grande somme
de florins pour gagier et paiier un an tout entier trois mil combatans;
puis se departirent dou roy li dessus dit seigneur, quant il eurent
pris congiet à lui, et se missent au chemin et s’en vinrent à Hantonne.
Là sejournèrent il en ordonnant et regardant à lors pourveances et en
cargant leurs vaissiaux et en atendant le vens plus de trois sepmaines.
Et quant il eurent tout cargiet et ordonné, et le vent pour yaux, il
entrèrent en leurs vaissiaux, et puis se desancrèrent: si se partirent
des mettes d’Engleterre, et singlèrent par deviers Poito et le Rocelle.
Fº 178 vº.

P. 36, l. 12 et 13: que li rois... d’Angle.--_Ms. A 8_: que monsigneur
Guicart avoit faite au roy.

P. 36, l. 15: gagier.--_Ms. A 8_: paier.

P. 36, l. 19: XVIIe.--_Ms. A 8_: XVIe.

P. 36, l. 24: sçai par.--_Ms. A 8_: sçai comment ne par.

P. 36, l. 28: mainbour.--_Ms. A 8_: meneur.

P. 37, l. 5: breteschies.--_Ms. A 8_: bretanchées. Fº 347 rº.

P. 37, l. 7: Boukenègre.--_Ms. A 8_: de Boukenègre.

P. 37, l. 8 et p. 41, l. 3: Pyon.--_Ms. A 8_: Piou.

P. 37, l. 12: venir et ariver.--_Ms. A 8_: venir.

P. 37, l. 13: à l’ancre.--_Ms. A 8_: et ancrez.

P. 37, l. 18: calengièrent.--_Ms. A 8_: destourbèrent.

P. 38, l. 1: amiroient ne.--_Ms. A 8_: doubtoient et.

P. 38, l. 2: atendant.--_Ms. A 8_: afendant.

P. 38, l. 3: trairie.--_Ms. A 8_: crierie.

P. 38, l. 10: si grans.--_Ms. A 8_: grans.

P. 38, l. 14: malement.--_Ms. A 8_: mout malement.

P. 38, l. 16: et proèce remoustrées.--_Ms. A 8_: et remoustrée proèce.


§ =689=. A ce que je oi.--_Ms. d’Amiens_: En ce tamps avoit li roys
Henris d’Espaigne, à le priière et requeste dou roy de France, mis sus
mer une grosse armée d’Espagnols et de Chatelains, liquel estoient
droite gens d’armes sus le mer de grant fait et de hardie emprise.
Et estoient li dit Espagnol pourveu de trèse grosses gallées touttes
armées et fretées, et gisoient à l’ancre devant le Rocelle, et avoient
ja jeu plus d’un mois, fors tant que chiés de fois il waucroient
sour les frontières de Poito pour veoir et savoir s’il trouveroit
nullez aventures; mès de touttes les marées il revenoient par droite
ordonnanche gesir devant le Rocelle, et se tenoient là à l’entente
que pour atendre et combattre lez gens d’armes que messires Guichars
d’Angle devoit amener ou pays. Si estoient patron de ceste navie
Ambrose Boukenègre, Cavesse de Vake, dan Ferant de Pion et Radigo de la
Rosele. En tout le royaume d’Espaigne, de Seville, de Ghalisce et de
Portingal ne pewist on recouvrer de quatre milleurs amiraux ne patrons
pour gouvrenner une grosse navie sus mer, et estoient chil bien pourveu
de grant fuison de bons combatans et de droite gent d’eslite. Bien les
veoient chil de le ville de le Rocelle et messires Jehans Harpedane,
qui estoit pour le temps senescaux de le Rocelle, mès point ne les
aloient combattre; et avint que li comtes de Pennebruc dessus nommés
et messires Ghuichars d’Angle et leur navie nagièrent tant par mer, en
costiant Normendie et Bretaingne et yaux adrechant pour venir en le
Rocelle, qu’il aprochièrent les mettes dou pays et trouvèrent à leur
encontre celle grosse navie d’Espaingne. Adont seurent il bien qu’il
les couvenoit combattre: che fu l’avant vegille de le nuit Saint Jehan
Baptiste, l’an mil trois cens settante et deus.

Quant li comtes de Pennebrucq et li chevalier qui là estoient en se
compaignie, perchurent le navie des Espagnolx qui estoient en leur
chemin, et ne pooient nullement venir ne ariver en le Rocele ne passer
fors que parmy yaux, et le virent si grande et si grosse et pourveue de
si gros vaissiaus enviers les leurs, si ne furent mies bien aseguret.
Nonpourquant, comme bonnes gens, il s’armèrent tost et appertement,
et fissent sonner leur trompettes et mettre leurs bannièrez et leurs
penons hors avoecq ceux de Saint Jorge, et moustrèrent bon visaige,
et requeillièrent et missent enssamble tous leurs vaissiaux, petis et
grans, et aroutèrent leurs archiers tout devant, et pooient y estre
quatorse nefs parmy leurs pourveanches. D’autre part, li Espagnol
qui mout les desiroient à combattre, si trestos comme il les virent
nestre ne approcier, il s’armèrent et ordonnèrent, et missent leurs
bannières et leurs pennons de Castille hors, et fissent sonner lors
trompettes et aller touttes mannières de gens à leur gardes, et
montèrent amont as cretiaux et as garittes de leurs vaissiaux qui
estoient bien breteskiés, et targièrent et paveschièrent tous leurs
rimeurs, dont en chascune gallée avoit grant fuison, et s’estendirent
tout au lonch affin que li Englès ne les pewissent fuir ne eslongier.
Et quant il se furent enssi ordonné, comme gent de bon et grant
couvenant, li quatre patron dessus nommet, dont chascuns estoit en une
gallée par soi et entre ses gens, se missent en frontière tout dentre
et aprochièrent les Englès vistement et radement. D’autre part, li
Englès qui estoient tout comforté de le bataille, car combattre les
couvenoit et atendre l’aventure ne ilz ne pooient fuir d’entre yaux ne
reculler, ne ossi il n’ewissent daigniet, aprochièrent moult bellement
et moult ordonneement. Si trestost que il furent li ung devant l’autre,
comme gens de guerre et ennemy, sans noyent parlementer, il se
commencièrent à envaïr, à atraire et à lanchier vistement et fortement.
Là s’acquitoient li archier d’Engleterre souffisamment au traire, et
estoient sour les bors de lors nefs, et traioient si roidement et si
ouniement c’à painnes se pooit ne osoit nuls amoustrer. D’autre part
Espagnol et Chateloing, qui estoient bien pavesciet et à le couverte en
leurs vaissiaux, lanchoient dars et archigaies si trenchans, que qui
en estoit à plain cop consieuwis, c’estoit sans remède: il estoit mors
ou trop villainnement navrés. Che premier jour tournièrent il enssi
en lanchant et escarmuchant, en jettant pierres et en traiant, dont
il en y eut des uns et des autres pluiseurs ochis et navrés, tant que
li marée dura et que li aige ne leur falli, car li mers seloncq son
usage se retraiioit. Si couvint retraire les Englès, mais à ce premier
estour il perdirent quatre nefs de leurs pourveanches, que li Espagnol
conquissent sus yaux et encloïrent au departement dou hustin entre
yaux, et furent mort et noiiet et jetté à bort le plus grant partie de
ceux qui dedens estoient: tout che veoient leur mestre et leur signeur
qui devant yaux estoient, mès amender ne le pooient. Fºs 178 vº et
179 rº.

P. 38, l. 28: ens ou.--_Ms. A 8_: au.

P. 39, l. 18: Harpedane.--_Ms. A 8_: Hardane. Fº 347 vº.

P. 39, l. 21: Cauderier.--_Ms. A 8_: Chauderon.--_Ms. B 1_:
Chaudouvrier.

P. 39, l. 23 et p. 40, l. 9: kay.--_Ms. A 8_: gué.

P. 39, l. 32: peuist.--_Ms. A 8_: sceust.

P. 40, l. 1: en le.--_Ms. A 8_: dedens la.

P. 40, l. 10: naviier.--_Ms. A 8_: nager.


§ =690=. Quant ce vint.--_Ms. d’Amiens_: Enssi sus heure de vespres au
retrait dou flos et que li wèbes leur falli, se departi li bataille,
et retournèrent à l’ancre li Englès tous courouchiés, c’estoit bien
raison; car il avoient ja perdu grosement jusques à quatre vaissiaux
de lors pourveanches et les gens qui dedens avoient estet trouvé, et
d’autre part li Espagnol se missent à l’ancre tout joieant, qui se
tenoient tout comforté que à l’endemain il aroient le demorant. Moult
estoit li tamps et li airs quois et seris, et ne faisoit point de
vent. Si eurent che soir et le nuit enssuiwant li signeur d’Engleterre
tamainte ymagination comment il se poroient maintenir et deduire contre
ces Espagnolz, car point ne se veoient en jeu parti contre yaux, dont
il n’estoient miez à leur aise. D’autre part, nullement il n’en pooient
venir ne ariver à le Rocelle, car leurs nefs estoient trop grandes, et
li aige trop basse, car c’estoit sus le decours de le lune; si n’avoit
li mers point de force. Bien avoient des batiaux en leurs nefs et
qui les siewoient, ens es quels li chevalier se pewissent bien estre
mis, se il volsissent, et venir à rime jusques au kay de le Rocelle,
mès il doubtoient le peril; car il ne pooient passer fors parmy leurs
ennemis qui avoient ossi otelle pourveance de barges et de batiaux,
et estoient tout enfourmé de ce fait; et au passer devant ou dalés
lors ghalées, chil qui seroient d’amont leur jetteroient pierres et
barriaux de fer et leur effonderoient leurs batiaux: si seroient
perdu d’avantaige. Dont à yaux mettre en ce parti il n’estoient point
d’acort; ossi dou retourner ne de prendre le parfont, il n’y veoient
ne prouffit ne honneur pour yaux, car sitost que li Espagnol les
veroient fuir, yaux qui ont leurs gallées armées et pourvewez de grant
fuisson de rimeurs, leur seroient mout tost au devant, et les aroient
à vollenté avoecq le blamme et le reproce qu’il aroient du fuir. De
quoy, tout consideret et peset le bien contre le mal, il dissent que il
atenderoient l’aventure de Dieu et se combateroient à l’endemain, tant
qu’il poroient durer, et se venderoient plus chier que oncques gens ne
fissent, siques sus ce pourpos et avis il s’arestèrent, et passèrent le
nuit au plus biel qu’il peurent.

P. 40, l. 19: tous li wèbes.--_Ms. A 8_: la marée.

P. 40, l. 30: et se.--_Ms. A 8_: et.

P. 41, l. 1: Evous.--_Ms A 8_: et puis vindrent. Fº 348 rº.

P. 41, l. 6: cros et havès de fier à kainnes.--_Ms. A 8_: crochès et
chaines.

P. 41, l. 7: peuissent.--_Ms. A 8_: pouoient.

P. 41, l. 10: Guichart.--_Ms. A 8_: Guichart d’Angle.

P. 41, l. 15: d’assallir et de yaus targier.--_Ms. A 8_: d’assallir.

P. 41, l. 22: ne onques.--_Ms. A 8_: que onques.

P. 41, l. 24: des leurs.--_Ms. A 8_: de leurs gens.

P. 42, l. 3: où il eut fait tamainte.--_Ms. A 8_: où l’en fist mainte.

P. 42, l. 15: li.--_Ms. A 8_: yceulx.


§ =691=. Qui se trueve.--_Ms. d’Amiens_: Celle meysme nuit et tout le
soir estoit en grant priière et pourcach messires Jehans de Harpedanne,
un chevalier englès et senescaux de le Rocelle pour le temps, enviers
chiaux de le ditte ville; et leur disoit et moustroit comment leurs
gens se combatoient as Espagnolz, et qu’il ne s’aquitoient mies
biens quant il ne les aloient aidier; mès, quoyque li chevaliers les
sermonast ne amonestast, il n’en faisoient nul compte, et moustrèrent
bien li pluisseur par samblant qu’il avoient plus chier le dammaige des
Englès que l’avantaige. A ce dont estoient en le Rocelle doy gentil
chevalier de Poito, li sires de Tannay Bouton et messires Jaquemes
de Surgières, liquel pour yaux acquitter dissent qu’il se meteroient
en barges et en batiaus et venroient dallés leurs gens, et priièrent
estroitement et fortement à ciaux de le ville qu’il volsissent aller
avoecq yaux, mès oncques nus ne dist: «Vollentiers,» ne ne s’avancha de
l’aler. Quant ce vint à l’endemain qui fu la nuit Saint Jehan Baptiste
l’an mil trois cens settante et deus, et que li flos de le mer fu
revenus, li chevalier, qui en le Rocelle se tenoient, ne veurent mies
estre là trouvé sejournant, et il veyssent leurs gens combattre, mèz
s’armèrent au plus tost et dou mieux qu’il peurent, et entrèrent et
se fissent menner et naviier à esploit de rimmes à l’endroit de leurs
gens qui ja se combatoient, et tant alèrent tourniant les gallées et
les Espagnols qui entendoient au combattre, qu’il vinrent jusques à
yaux, et entrèrent ens es nefs dou conte de Pennebrucq et de monsigneur
Ghuichart d’Angle, qui leur seurent mout grant gret de leurs secours
et de leur venue. Ja estoit li estours et li hustins commenchiet très
le point dou jour, qui fu ossi fors et ossi bien combatus que on vey
oncques gens sus mer combattre; car li assallant estoient droite gens
de mer, fort et rade, et bien durant et esploitant en tel besoingne,
et li Englès très bien deffendant ossi vassamment et radement que on
vey oncques gens, et ne l’avoient mies li Espagnol d’avantaige, car li
chevalier englès, gascon et poitevin, qui là estoient, se combatoient
et deffendoient leurs corps et leur navie de très grant vollenté et
mout durement, comment que la parchon n’estoit mies juste pour yaux;
car li Espagnol estoient grant fuisson, et se n’y avoit si petit
varlet entre yaux, qui ne fesist otant que uns homs d’armes en lors
gallées, car il jettoient d’amont pierres de fais, plommées et gros
barriaux de fier, dont il debrissoient et deffroissoient tous lez
vaissiaux des Englès. Là fu li jones comtes de Pennebrucq très bons
chevaliers, et fist merveillez d’armes de se main, et ossi furent
messires Othes de Grantson, messires Guichars d’Angle, messires Aimeris
de Tarse, li sires de Tannai Bouton, li sires de Puiane, messires James
de Surgières, messires Jehans Harpedane, messires Jehans Tuifort,
messires Jehans de Gruières, messires Jehans Toursès, messires Jehans
de Lantonne, messires Simons Housagre, messires Jehans de Mortain,
messires Jehanz Touchet et li autre chevalier et escuier, et estoient
par ordonnanche espars par leurs vaissiaux pour mieux entendre à leurs
gens et rencoragier les lassés et les esbahis.

A ceste bataille, qui fu, devant le Rocelle, dez Espagnols as
Englès, eut ce jour fait mainte[s] bellez appertises d’armes, car là
s’esprouvoient li hardit et li bien combatant; mais au voir dire li
Espagnol avoient moult grant avantaige de bien assaillir et de requerre
leurs ennemis, car il estoient en grans et gros vaissiaux, c’on dist
gallées, touttes frettées et armées, qui se remoustroient deseure tous
les vaissiaux des Englès, et pooient veoir li Espagnol par dedens leurs
vaissiaux, et point li Englès en chiaux des Espagnolz; et estoient li
jet et li cop lanchiet et ruet des vaissiaux des Espagnols en chiaux
des Englès de plus grant force et de plus grant virtu sans comparison,
pour ce qu’il descendoient de plus haut que ne fuissent chil des
Englès. Si traioient li archier d’Engleterre mout fortement et très
ounniement, mès li Espagnol estoient bien paveschiet contre ce, et
ne leur fist li très mies trop grant dammaige. Ensi en che hustin et
en celle rihotte se tinrent li Englès tout ce jour, et qui quidoient
toudis que chil de le Rocelle les dewissent comforter et secourir, mès
il n’en avoient nul talent, enssi qu’il apparu; car oncques plus nuls
ne s’en partirent, fors li troi chevalier dessus nommet, qui se veurent
acquiter de leur honneur, ensi que tout loyal chevalier par droit et
raison doient faire en telz besoingnes. Là estoient li quatre patron et
cappitainne des Espagnols, chascun en une gallée et entre ses gens en
bon couvenant, et moustroient bien chière et fait de hardit homme, et
resbaudissoient grandement leurs gens, et disoient en leur langage: «My
enfant, esploitiés vous et ne vous esbahissiés de cose que vous voiiés;
car ceux chy sont nostre, et apriès venront tout li autre.» De ces
parolles avoient li chevalier englès et gascon, qui les entendoient,
grant indination, mès amender ne le pooient: si en faisoient leur pooir
et leur devoir à leur milleur entente, et s’abandonnoient de grant
vollenté et chascun pour rencoragier l’un l’autre. Enssi continuèrent
ilz et perseverèrent le plus grant partie dou jour, et tant furent li
Englès et chil de leur costé fort requis, combatu et apresset, qu’il
furent durement lasset et foullé, et ne se peurent plus tenir, et en
furent li Espagnol mestre, et lez conquissent par force d’armes, mès
moult leur cousta de leurs gens, car là avoient ossi bonne chevalerie
tant pour tant que on pewist point recouvrer, et bien le moustrèrent,
car point ne se vorrent rendre jusques à tant que force leur fist faire
et que autrement leurs nefs ewissent estet touttes effondrées et yaux
perdu sans merchy. Là furent mort de leur costé messires Aimeris de
Tarse, gascons, bons chevaliers et preux durement et qui estoit yssus
de tamainte dure besoingne, et avoecq lui messires Jehans de Lantonne,
messires Simons Housagre et messires Jehans de Mortain, messires
Toucet et pluisseurs autres, et pris li comtes de Pennebruc, messires
Ghuicars d’Angle, messires Othes de Grantson, li sires de Puiane, li
sires de Tannai Bouton, messires Jehans de Harpedane, messires Robers
Tuifort, messires Jehans de Gruières, messires Jaquemes de Surgières,
messires Jehans Toursès, messires Thummas de Saint Aubin et bien dis
et set chevaliers, tous de nom: oncques nuls n’escappa de ceste armée,
que n’en fuissent tout mort ou tout pris; et fu li vaissiaus peris et
effondrés, où li finanche estoit, que li roys englès envoiioit en Poito
pour gagier trois mil combatans et paiier, se il besongnoit, un an. Si
poés bien croire que il y avoit grant somme de florins, et oncques ne
fist aise ne prouffit à nullui, dont ce fu dammaigez qu’il en escheï
enssi; et en furent li Espagnol meysmement courecié, quant il le
sceurent; mès ce fu si tart qu’il n’y peurent pourveir de remède.

Qui se treuve en tel parti d’armes que li dessus dit, il couvient qu’il
prende en gré l’aventure que fortunne li envoie. Che jour l’eurent
moult dur li Englès pour yaux et par le coupe de monsigneur Ghuicart
d’Angle et de monsigneur Ammeri de Tarse qui là demoura, et dou signeur
de Puiane, qui avoient enfourmé le roy englès qu’il estoient gens
assés pour ariver em Poito, de trois cens ou de quatre cens, siques
li roys sour leur requeste se fourma et leur acompli leur demande,
dont il leur mesvint; et, au voir dire, il s’estoient trop foiblement
parti d’Engleterre, seloncq le grant fuison d’ennemis qu’il avoient
par mer et par terre. Apriès celle desconfiture, et que li Espagnol
eurent quis et cherchié touttes les nefs dez Englès et pris les barons
et les chevaliers et fait entrer en leurs gallées, et qu’il se furent
tout saisi de leurs armures et les eurent fianchiés, il se tinrent
tout quoy à l’ancre devant le Rocelle en atendant le marée et le flos
de le mer qui devoit revenir, en menant grant joie et grant reviel.
Bien virent et congneurent tantost chil de le Rocelle que leurs gens
estoient desconfi, dont li pluisseur en requoy furent tout joieant,
et ne volsissent mies que la besoingne fuist autrement allée pour nul
avoir, et especialement li plus grant maistre de le ville; car il leur
estoit segnefiiet et dit pour certain que on devoit prendre douse de
leurs bourgois à election, sus lesquels li roys englès et ses conssaux
estoient mal enfourmet, et mener comme prisonniers en Engleterre.
Pour celle cause et celle doubte il s’en portèrent et passèrent plus
bellement; nonpourquant il se faindirent adont pour apaisier les
ennemis, et cloïrent leurs portes mout estroitement, et s’armèrent
touttes mannières de gens, et alèrent as cretiaux, as portes, as tours
et as gharittes par connestablies, et ne laissièrent nullui entrer
ne yssir; car il disoient enssi qu’il ne savoient que li Espagnol
penssoient et se ilz les venroient assaillir. Pour tant se tenoient
il sour leur garde, mès li Espagnol n’en avoient nul tallent fors de
partir au flos revenu et de tourner vers Espaingne et là menner leur
concquest et leurs prisonniers à sauveté. Che soir esceï trop bien à
monseigneur James de Surgières, un chevalier de Poito, qui là estoit
pris; car il parla si bellement et si sagement à son mestre qu’il fu
quittes parmy trois cens frans franchois qu’il paiia tous appareilliés,
et fu renvoiiés arrièrre en le Rocelle, delivrés sicomme vous avés
oy; et pour l’onneur de chevalerie on mist tout les chevaliers qui là
avoient estet mort, en une barge, et les envoiièrent li Espagnol en le
Rocelle. Là furent il recheu et ensepveli en sainte terre.

Quant li flos de le mer fu revenus et que li mestre patron et souverain
des Espagnols, loist assavoir: Ambroise Boukenègre, Cabesse de Vake,
dan Ferrant de Pyon et Radigo de la Roselle, eurent ordonné leur
besoingnes et mis gens et maronniers ens es nefs englèces qu’il
avoient concquis pour gouvrenner et amener avoecq yaux, ilz sachièrent
les singles amont et se desancrèrent, et se partirent trompant et
cornemusant et faisant grant feste, et entrèrent ou parfont pour
prendre le mer d’Espaingne. Fºs 179 rº et vº, 180 rº.

P. 42, l. 28: coi que.--_Ms. A 8_: combien que.

P. 43, l. 1: recorder en.--_Ms. A 8_: en. Fº 348 vº.

P. 43, l. 16 fuissent.--_Ms. A 8_: estoient.

P. 43, l. 25: coron.--_Ms. A 8_: boux.

P. 44, l. 10: d’Agoriset.--_Ms. A 8_: d’Angonse.


§ =692=. Cilz Yewains.--_Ms. d’Amiens_: Nous lairons un petit à parler
d’iaux et parlerons d’une armée que Yeuwains de Gallez et messires
Jehans de Ray, bourgignons, avoient au commandement dou roy de Franche
en celle saison mis sus, et estoient venut sus les ysles de Coustentin,
et pooient y estre environ uit cens hommez d’armes et avoient tout le
temps gardé le mer et les pas de Normendie, et estoient arivet chil
Franchois en l’isle de Grenesée, dont Ammons Rose, uns escuiers dou
roy d’Engleterre, estoit cappitainne. Quant il sceut que Yeuwains de
Galles et se routte devoient prendre terre en l’isle dont il estoit
gardiiens, il requeilla chiaux dou pays et chiaux qu’il avoit amenés
d’Engleterre avoecq lui, et s’en vint sus un certain pas où il penssoit
que li Franchois prenderoient terre. Là eut grant bataille et dure, et
moult fu trait, lanchiet et assailli, et coust(um)a moult grandement li
passaiges as Franchois, ainschois qu’il pewissent ariver. Toutteffois
finablement il le concquissent, et en y eut bien mors de le partie as
Englèz sis cens et se sauva à grant meschief Ammon Rose, et se bouta
ou castiel de Cornet, qui est priès de là. Depuis celle desconfiture
n’y eut riens retenu sus tout le pays, car il n’y a nulle forterèche.
Si ardirent et essillièrent li dit Franchois tout cesti ysle, et y
ranchonnèrent hommes et femmez, et apriès entrèrent en l’isle de
Gersée, et l’ardirent et ranchonnèrent ossi, et puis vinrent mettre le
siège devant le castiel de Cornet, où Ammon Rose et aucun gentil homme
d’Engleterre estoient retret. Là y eut pluisseurs assaux, mès il ne
fu mies adont gaegniés, car li roys de Franche manda au dit Yeuwain
de Gallez et à monsigneur Jehan de Ray qu’il se partesissent de là et
s’en allaissent en Espaingne parler au roy Henry et impetrer ou nom
de lui vint et cinc ou trente grosses gallées pour venir assegier le
Rocelle; car li roys savoit ja que cil qui le devoient rafrescir, li
comtes de Pennebrucq et li autre dessus nommet, estoient tout mort et
tout pris. Si se departi du siège de Cornet li dis Yeuwains, et entra
en mer à tout trèse barges tant seullement, et prist le droit chemin
d’Espaingne, et singlèrent tant qu’il arivèrent en Galisce, à ung port
et à une ville qui s’apelle le bourcq Saint Andrieu. Fº 180 rº.

P. 44, l. 31: par quel.--_Ms. A 8_: pour quelle.

P. 45, l. 5: et.--_Ms. A 8_: il. Fº 349 rº.

P. 45, l. 7: en gouvrenance.--_Ms. A 8_: gouvernement.

P. 45, l. 13: ci.--_Ms. A 8_: ci dessus.

P. 45, l. 16: Harflues.--_Ms. B 4_: Harfleux.

P. 45, l. 23: le dit isle.--_Ms. A 8_: la ditte.

P. 45, l. 28: dura.--_Mss. A 8_ et _B 4_: se tint.

P. 46, l. 1: de là.--_Ms. A 8_: près de là.

P. 46, l. 1: avoit esté.--_Ms. A 8_: fu.

P. 46, 1. 9: est.--_Ms. A 8_: estoit.

P. 46, l. 18: desous.--_Ms. A 8_: declin.

P. 47, l. 4: oy.--_Ms. A 8_: vi.

P. 47, l. 6: à toutes gens congiet.--_Ms. A 8_: congié à ses gens.
Fº 349 vº.

P. 47, l. 9: de.--_Ms. A 8_: de devant.


§ =693=. Vous devés savoir.--_Ms. d’Amiens_: En ceste meysme heure
arivèrent li dessus dit Espagnol, Cabesse de Vake et li autre, qui
avoient pris les dessus nommés Englès et Poitevins, et entrèrent auques
enssamble en le ville; si furent moult resjoy chil dou pays de le pris
des dessus dis et de le belle aventure qui estoit avenue à leurs gens.
Si vinrent li dessus dit patron, qui la bataille avoient desconfi,
deviers le roy Henry, leur seigneur, qui se tenoit à Burges, et li
fissent present de leurs prisonniers. Li roys leur en sceut grant gret,
et furent si bien d’acort que li dit prisonnier dubrent demourer et y
estre au dit roy parmy une grande somme de florins qu’il en rendoit.
Si furent envoiiet querre li dessus dit chevalier à le ville de Saint
Andrieu, et vint contre yaux bien acompaigniés li ainsnés filz dou
roy Henry, qui s’appelloit Jehans, et les honnoura et requeilli moult
bellement, et furent amenet à Burgez, et depuis furent il espars en
diviers lieux et mis tous en kainnes et en destroitez prisons, excepté
li comtes de Pennebrucq et messires Ghuichars d’Angle. Fº 180 rº.

P. 47, l. 14: tant c’à ceste fois.--_Ms. A 8_: pour celle fois.

P. 47, l. 14: si imaginèrent tantost li sage homme.--_Ms. A 8_: si
ymagina lui et les sages gens.

P. 48, l. 1: et embuiés.--_Ms. A 8_: de fer.

P. 48, l. 6: très.--_Ms. A 8_: entrés.

P. 48, l. 15: rampronnant.--_Ms. A 8_: reprouchant.

P. 48, l. 29: ne en voie.--_Ms. A 8_ et _B 4_: ne en lieu.

P. 49, l. 6: et.--_Ms. A 8_: ne.

P. 49, l. 27: cose.--_Ms. A 8_: cose il.


§ =694=. Nous retourrons.--_Ms. d’Amiens_: Nous retourrons as
besoingnes et as avenues de Poito, de Saintonge et de le Rocelle,
et vous parlerons que droitement le jour saint Jehan Baptiste, dont
le jour devant la bataille avoit esté desconfite sus mer, vinrent
en le Rocelle grant fuison de gens d’armes de le partie as Englèz,
dont li captaus de Beus estoit souverains, et de se route, li soudis
de Lestrades, messires Petiton de Courton, li bastart de Courton,
messires Berars de le Lande, messires Pierres de Landuras, messires
Bertrans dou Franch et pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, et
furent mout courouchiet, quant il oïrent les nouvellez que leurs gens
estoient desconfit. Si trouvèrent là monsigneur Jehan d’Ewrues, qui
avoit estet à la besoingne et s’en estoit sauvés. Là eurent chil dit
signeur chevalier grant conseil enssemble quel cose il feroient et
comment il se maintenroient. Si fu enssi ordonné que messires Jehan
d’Ewrues demourroit ou castiel de le Rocelle et le garderoit, car
ja se commenchoient il à souppechonner de chiaux de le ville, et
entr’iaux chevaucheroient il sour le pays, et bouteroient hors Bretons
qui tenoient aucuns petis fors, marchissans sour le marinne, qui
ranchonnoient et herioient le pays.

Si se partirent ces gens d’armes de le Rocelle, et pooient estre
environ trois cens lanchez, et s’en vinrent deviers Subise; là environ
se tenoient Breton qui avoient fortefiiet eglises et petis fors. Si
se traist celle part li captaux et se routte, et les commenchièrent à
envayr et à assaillir asprement et roidement. Fº 180 rº et vº.

P. 50, l. 4 et 5: le Rocelle.--_Ms. A 8_: la ville de la Rochelle, si
comme vous avez oy cy dessus.

P. 50, l. 18: d’Agorisès.--_Ms. A 8_: Agonses.

P. 50, l. 24: gens.--_Ms. A 8_: routes.

P. 51, l. 9: Cruese.--_Ms. B 4_: Tierasse.

P. 51, l. 25: cose, si.--_Ms. A 8_: jusques il. Fº 350 vº.


§ =695=. Tant esploitièrent.--_Ms. d’Amiens_: En ce tamps chevauchoient
et tenoient les camps li connestablez de Franche et li dus de Bourbon,
il dauffins d’Auviergne, messires Loeis de Saussoire, marescaux de
Franche, li sirez de Sulli, li viscontes de Miaux, li viscontes
d’Aunay, messires Raoul de Rainneval, li sires de Biaumanoir, li
viscontez de Rohem, messires Oliviers de Clichon, li sires de [La]val
et pluisseurs autres barons et chevaliers, et vinrent devant une
forterèche en Poito qui s’appelle Mont Morillon, et l’asaillirent
vistement et radement et le prisent d’assaut, et furent mort tout chil
qui dedens estoient. En apriès il vinrent devant Cauvegny et furent
là deus jours: au tierch jour li ville se rendi à yaux, et d’illuecq
il vinrent devant Leusach, et prissent le ville et le castiel et y
missent gens et gardes de par yaux, et encorrez prissent il pluisseurs
autres petis fors, et puis s’en vinrent il logier devant Poitiers,
et là jurent il une nuit ens es vingnes, et celle nuit eurent il
consseil et advis qu’il venroient devant Mont Contour, qui estoit ungs
biaux castiaux et fors, et qui durement contraindoit les fortrècez
franchoises. Si se deslogièrent à l’endemain de devant Poitiers li dit
Breton et Franchois, et vinrent à Mont Contour et le assegièrent et
environnèrent de tous costés, car il estoient bien gens assés pour tout
chou faire.

De la ville et du castiel de Mont Contour estoit cappitainnes et
gardiien Jehans Carsuelle et David Holegrave, et avoient laiens avoecq
yaux bien soissante compaignons d’armes. Sitost que li connestablez
de Franche, li dus de Bourbon, messires Loeis de Sausoire, messires
Oliviers de Clichon, li sires de Biaumannoir et li autre chevalier
dessus nommet furent venu devant, il commenchièrent fortement à
assaillir, et chil de dedens à eux defendre, et n’y fissent riens
li dit Breton dou premier ne dou second ne dou tierch assault. Dont
se retraissent li signeur à leur logeis, et eurent autre consseil
qu’il fissent les païsans dou pays coper et achariier grant fuison
de busce et de arbres pour emplir une partie des fossés et jetter
estrain et faghos et terre dessus, et mist on quatre jours à faire
ceste ordonnanche. Quant li Englès qui dedens estoient, en virent le
mannière, si parlèrent enssemble; car il perchurent bien qu’il ne
seroient comforté de nul costé, et, s’il estoient pris par forche, il
seroient tout mort et sans merchy. Si commencièrent à traitier à chiaux
de l’ost pour rendre le fort. Li signeur de Franche y entendirent
volentiers, et fu rendu au VIe jour par composition que chil de dedens
se partiroient, sauves lors vies tant seullement, et n’enporteroient
riens dou leur, et entrèrent li Franchois dedens et se saisirent de le
ville, et y mist li connestables messires Bertrans une cappittainne
breton en qui il avoit mout grant fianche. Fº 160 vº.

P. 52, l. 5: de plus priès.--_Ms. A 8_: de priès.

P. 52, l. 13: tout fait.--_Ms. A 8_: tout ce fait.

P. 52, l. 15: besongnoit.--_Ms. A 8_: estoit bien mestier.

P. 52, l. 17: aventure.--_Ms. A 8_: aventure et peril.

P. 52, l. 20: et traïsent.--_Ms. A 8_: et se traïrent.

P. 52, l. 21 et 22: vinrent.--_Ms. A 8_: venoient.

P. 52, l. 22: pilz et haviaus.--_Ms. A 8_: pics et hoyaulx.

P. 52, l. 27: nompourquant.--_Ms. A 8_: neantmoins.

P. 52, l. 28: mieulz.--_Ms. A 8_: firent.

P. 52, l. 31: si Breton.--_Ms. A 8_: ses gens.

P. 53, l. 1: il seroient tout mort.--_Ms. B 4_: ou ochis.

P. 53, l. 4: leurs corps et leurs biens.--_Ms. A 8_: leurs vies et
leurs corps. Fº 351 rº.

P. 53, l. 14: pooit.--_Ms. A 8_: savoit.


§ =696=. Quant cil de le cité.--_Ms. d’Amiens_: En ces ordonnances,
et entroes que on seoit devant Mont Contour, mandèrent chil de
Poitiers, qui se commencièrent à esbahir, secours à messire Thummas
de Perssi, leur senescal, qui estoit en le route et en le compaignie
dou captal, en lui priant chierement qu’il volsist là venir si fors
de gens d’armes que pour garder et deffendre leur chité contre les
Franchois, car il penssoient bien qu’il seroient assegiés. Li senescaux
de Poito remoustra ces coses au captal et as autres chevaliers qui là
estoient. Li captal n’eut mies consseil de rompre se chevauchie, mès il
acorda bien qu’il se traysist celle part. Si se parti li dis messires
Thummas de Perssi dou captal environ à ciquante lanches, et s’en vint
à Poitiers, et y trouva monsigneur Jehan d’Ewrues, qui s’i estoit ja
boutés à cent hommez d’armes, car on li avoit comptet aussi que li
Franchois le volloient assegier: si avoit laissiet en garnisson ou
castiel de le Rocelle un escuier qui puis en fist malle garde, si comme
vous orés chy apriès.

Apriès ce que chil baron de Franche eurent repris Mont Contour, il
eurent consseil qu’il se trairoient deviers le marce de Limozin,
car li dus de Berri à tout grant fuison de gens d’armes de Berri et
d’Auviergne se tenoit celle part et volloit mettre le siège devant
Sainte Sivière, qui estoit à monsigneur Jehan d’Ewrues. Et en estoient
cappittainne et gardiien de par lui messires Guillaumes de Perssi,
Richars Gilles et Richars Helme, et pour tant que ceste garnison du
Sainte Sivière contraindoit durement les marches et les frontières de
Berri et de Limozin, li dus de Berri mettoit grant entente que il le
pewissent avoir. Si se traissent celle part touttes mannières de gens
d’armes, et vinrent assegier Sainte Sivière, et y eut là pluisseurs
grans assaux, dont chils dedens de premiers se portèrent moult bien,
car il estoient bien quatre vins hommez d’armes. Ces nouvelles vinrent
à monsigneur Jehan d’Ewrues qui estoit à Poitiers, comment li dus
de Berri, li dus de Bourbon, li connestables de Franche, messires
Oliviers de Clichon, li viscontes de Rohem, li sires de Sulli, li
sires de Tournemine, messires Olivier de Mauni, et grant baronnie de
Franche, de Bretaingne et de Berri et ossi de Pikardie seoient devant
Sainte Sivière qui se tenoit et rendoit à lui, et, se il n’estoient
secouru et comforté, il seroient pris de forche. Sitost que messires
Jehans d’Ewrues entendi chou, il pria moult affectueuzement au captal
et à tous les chevaliers qui là ens ou pays estoient, tant de Poito
que d’Engleterre, qu’il volsissent faire leur pooir et dilligensce
d’aidier et conforter se fortrèce et ceux qui dedens estoient, et de
lever le siège. Chil signeur à le priière monsigneur Jehan d’Ewrues
descendirent, et se reunissent tout enssamble et fissent leur amas en
l’abbeïe de Charros en Poito, et quant il furent tout enssamble, il
se trouvèrent bien uit cens lanches. Si eurent grant entension que de
venir combattre les Franchois devant Sainte Sivière. Fº 180 vº.

P. 54, l. 5: jusques à.--_Ms. A 8_: vers.

P. 54, l. 9: retraire.--_Ms. A 8_: traire.

P. 54, l. 22: recueilloite.--_Ms. A 8_: recongnoissance.

P. 54, l. 28: de Bourgogne et de Limozin.--_Ms. A 8_: d’Auvergne et de
Bourgogne.

P. 55, l. 1: Holme.--_Ms. A 8_: Horme.

P. 56, l. 1: sa forterèce.--_Ms. A 8_: la forterèce de Sainte Sivière.
Fº 351 vº.

P. 56, l. 7: vous entendés à vostre cousin et mes.--_Ms. A 8_: vous
m’entendés et conseilliez à mes.

P. 56, l. 9 et 10: j’en sui en grant.--_Ms. A 8_: j’en ay grant.

P. 56, l. 16 et 17: de le ditte cité.--_Ms. A 8_: d’ycelle.

P. 56, l. 17: Renaus.--_Ms. A 8_: Regnaulz.

P. 56, l. 26: enclos et assis.--_Ms. A 8_: assis et enclos.

P. 57, l. 14 et 15: qu’il se presissent priès.--_Ms. A 8_: qu’ilz
s’apprestassent.

P. 57, l. 17 et 18: as quelz ces nouvelles vinrent.--_Ms. A 8_: à qui
ces lettres furent envoiées.

P. 57, l. 18: se.--_Ms. A 8_: s’en.

P. 57, l. 20: estoffeement qu’il peut.--_Ms. A 8_: efforciement qu’il
pouoit.

P. 57, l. 21: vinrent.--_Ms. A 8_: furent.

P. 57, l. 23: Vivone.--_Ms. A 8_: Vivoire.

P. 57, l. 25: Ponsances.--_Ms. A 8_: Puissances.

P. 57, l. 29 à 32: trouvèrent tout ensamble, et s’en vinrent
logier...--_Ms. A 8_: trouvèrent neuf cens lanches et cinc cens
archiers.


§ =697=. _Le ms. d’Amiens, à partir de ce paragraphe, présente la
même rédaction que notre texte: nous n’en donnerons donc plus que les
variantes, quand il y aura lieu._

P. 58, l. 2: Bertran.--_Ms. A 8_: Bertran du Guesclin.

P. 58, l. 6: ains.--_Ms. A 8_: et.

P. 58, l. 9: quelz.--_Ms. A 8_: quelque.

P. 58, l. 11: bonne.--_Ms. A 8_: grant.

P. 58, l. 14 et 15: le riche arroy et richesse d’yaus.--_Ms. A 8_:
l’afrique armoierie et riche d’eulx.

P. 58, l. 19: esvigurer.--_Ms. A 8_: asseurer.--_Ms. B 4_: esmouvoir.

P. 59, l. 1: ressongnoient.--_Ms. d’Amiens_: refusoient.

P. 59, l. 5: point ne se refroidoit.--_Ms. A 8_: ne refroidoit point ne.

P. 59, l. 11: n’en.--_Ms. A 8_: ne le.

P. 59, l. 12: Pour.--_Ms. A 8_: et pour.

P. 59, l. 13: dangier.--_Ms. A 8_: dommage.

P. 59, l. 19: toutes ses gens traire.--_Ms. A 8_: traire toutes ses
gens.

P. 59, l. 22: encore.--_Le ms. A 8 s’interrompt brusquement après ce
mot._


§ =698=. P. 61, l. 3 _et ailleurs_: Poitiers.--_Ms. d’Amiens_:
Poitierres.

P. 61, l. 12: li maires.--_Ms. d’Amiens_: li maires de celi ville.

P. 61, l. 23: fiance.--_Ms. B 4_: feauté.

P. 62, l. 2: quoiteusement.--_Ms. B 4_: courtoisement.


§ =700=. P. 64, l. 13: escondi.--_Ms. B 4_: contredit.

P. 64, l. 10: Yewains.--_Ms. d’Amiens_: Yeuwains. Fº 181 vº.

P. 65, l. 14: Renault.--_Ms. d’Amiens_: Renât. Fº 182 rº.

P. 65, l. 20: Alyot de Cholay.--_Ms. d’Amiens_: Aliot de Calay.

P. 65, l. 23: forterèce.--_Ms. d’Amiens_: dit castiel.

P. 66, l. 2 _et ailleurs_: armeures de fier.--_Ms. B 4_: hommes d’armes.

P. 66, l. 18: qui ossi en ot grant joie.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_:
et li dissent tout ce qu’il avoient eu et trouvé ou captaul: si s’en
resjoy grandement la dicte dame, ce fu bien raison.

P. 66, l. 25: Cressuelle.--_Ms. d’Amiens_: Carsuelle.

P. 66, l. 25 _et ailleurs_: Luzegnan.--_Ms. B 1_: Luzegnon.


§ =701=. P. 67, l. 20: et toute, _lisez_ en toute.

P. 68, l. 25: commencent.--_Ms. d’Amiens_: commenchièrent. Fº 182 vº.

P. 69, l. 11: tout pris et mort.--_Ms. d’Amiens_: tout mort et tout
pris.

P. 69, l. 19: leur.--_Ms. d’Amiens_: le.


§ =702=. P. 70, l. 3: achievement.--_Ms. d’Amiens_: chievement.

P. 70, l. 12: et s’en misent en.--_Ms. B 4_: en.


§ 703. P. 72, l. 7: des Englès.--_Ms. d’Amiens_: as Englès. Fº 183 rº.

P. 73, l. 19: force.--_Ms. B 1_: forforce.

P. 73, l. 25: recevons.--_Ms. B 1_: revenons.

P. 73, l. 27: deffence.--_Ms. d’Amiens_: deffendre.


§ =704=. P. 75, l. 5: Bourdiaus.--_Ms. B 1_: Bourdiaus et se traist en
sa ville.


§ =705=. P. 76, l. 5 _et ailleurs_: Cauderier.--_Ms. d’Amiens_:
Caudurier. Fº 183 vº.--_Ms. B 1_: Chaudouvrier.

P. 76, l. 5: Phelippos.--_Ms. d’Amiens_: Phelippres.

P. 76, l. 28: Li.--_Ms. d’Amiens_: et li.

P. 77, l. 1: rescrisist.--_Ms. d’Amiens_: escrisist.

P. 77, l. 24: tel.--_Ms. d’Amiens_: cel.

P. 78, l. 13: que.--_Ms. d’Amiens_: de.

P. 78, l. 17: veoient.--_Ms. d’Amiens_: veoit.

P. 78, l. 26: se.--_Ms. d’Amiens_: s’en.

P. 79, l. 19: tout li aultre.--_Ms. d’Amiens_: tout li juré à cheval.
Fº 184 rº.--_Ms. B 4_: tous les jurés à cheval.


§ =706=. P. 80, l. 11: le.--_Ms. d’Amiens_: leur.

P. 80, l. 28 _et ailleurs_: Melle.--_Ms. B 1_: Nielle.


§ =707=. P. 81, l. 13: clos.--_Ms. d’Amens_: enclos.

P. 82, l. 18: d’otel.--_Ms. d’Amiens_: de tel.

P. 82, l. 22: masniers.--_Ms. d’Amiens_: masnois.--_Ms. B 1_:
masuiers.--_Ms. B 4_: meismes.

P. 83, l. 3: s’en.--_Ms. d’Amiens_: se. Fº 184 vº.


§ =708=. P. 83, l. 28: mettre rés.--_Ms. d’Amiens_: mettre tout rés.

P. 83, l. 31: paver.--_Ms. B 4_: reparer.

P. 84, l. 6: Bertran de Claikin.--_Ms. d’Amiens_: Bertran le
connestable.

P. 84, l. 12: dou.--_Ms. d’Amiens_: dou dit.

P. 84, l. 17: revelé et jeué.--_Ms. B 4_: sejourné et jué.

P. 85, l. 3 à 6: en prison courtoise, et li fist..... retournés
françois.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: en prison courtoise sans nulle
contrainte, car volentiers l’eust retrait à son amour, par quoy il fust
retournez franchois.


§ =709=. P. 85, l. 24: segur estat.--_Ms. B 4_: grant seurté.

P. 86, l. 4: Paus.--_Ms. d’Amiens_: Paux.

P. 86, l. 5: s’appelloit.--_Ms. d’Amiens_: se nommoit. Fº 105 rº.

P. 86, l. 10: bien lor sambloit qu’il estoient.--_Ms. d’Amiens_: bien
estoient.

P. 87, l. 9: Breton et aultres gens.--_Ms. B 4_: messire Bertram et ses
gens.


§ =710=. P. 88, l. 9: chil.--_Ms. B 4_: li Englès.

P. 88, l. 12: chastiel.--_Ms. d’Amiens_: fortière.


§ =711=. P. 88, l. 23: enghin.--_Ms. B 4_: avis.

P. 88, l. 31: priès que tous les jours.--_Ms. d’Amiens_: tous les jours
priès.

P. 89, l. 2: des mors et (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 89, l. 8: imaginoient.--_Ms. B 4_: imaginèrent.

P. 89, l. 16: Poito englès pour le temps se tenoient.--_Ms. B 4_: Poito
se tenoient.

P. 89, l. 25: Renaulz.--_Ms. d’Amiens_: Renars.

P. 89, l. 27: et y furent reçu à grant joie (_d’après le ms. de
Valenciennes_).


§ =712=. P. 90, l. 8: pavais.--_Ms. B 4_: apavais.

P. 90, l. 28: Mauburnis.--_Ms. d’Amiens_: Mamburnis ou Mainburnis.
Fº 185 vº.

P. 91, l. 8: destraint.--_Ms. d’Amiens_: estraint.

P. 91, l. 21: messires Perchevaus.--_Ms. d’Amiens_: il.

P. 93, l. 9: filz.--_Ms. B 4_: enfans.

P. 93, l. 11: devenoient.--_Ms. d’Amiens_: devenroient.--_Ms. B 4_:
demouroient.

P. 93, l. 16 à 21: dedens la dite ville... gens tous.--_Ms. d’Amiens_
et _ms. B 1_: dedens et dehors, ne se deffist mie pour ce li sièges,
mès y envoioit li rois de Franche tous les jours gens tous.


§ =713=. P. 93, l. 28: sentans.--_Ms. B 4_: sonnans. Fº 186 rº.

P. 93, l. 30: en.--_Ms. d’Amiens_: à.

P. 94, l. 12: li.--_Ms. d’Amiens_: le.

P. 94, l. 11: de purs Escos.--_Ms. B 4_: depuis.

P. 95, l. 6: estoit. Si entrèrent..... estoient. Quant.--_Ms. d’Amiens_
et _ms. B 4_: estoit. Quant.

P. 96, l. 4: cel.--_Ms. d’Amiens_: celle.

P. 96, l. 6: tost comme.--_Ms. d’Amiens_: trestost que.


§ =714=. P. 96, l. 15: Si en sçavoit.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 3_:
Bien sçavoit.--_Ms. B 4_: Bien sçavoient.

P. 96, l. 19: avoient pris et ossi que li rois.--_Ms. B 3_: avoient
bien sceu que le roy.--pris (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 96, l. 25: Mouchident.--_Ms. B 1_: Monchident.

P. 96, l. 27: Helyes.--_Ms. d’Amiens_: Halies.

P. 96, l. 31: pooient.--_Ms. d’Amiens_: pooit.

P. 97, l. 4 et 5: chevaliers englès.--_Ms. d’Amiens_: englès chevaliers.

P. 97, l. 7: Robert Mitton.--_Ms. d’Amiens_: Mitton.

P. 97, l. 19: que la journée.--_Ms. d’Amiens_: la journée qui.

P. 97, l. 26: comme.--_Ms. d’Amiens_: que. Fº 186 vº.

P. 97, l. 30: estoffeement.--_Ms. d’Amiens_: efforchiement.


§ =715=. P. 99, l. 26: conseillièrent sur cestes.--_Ms. d’Amiens_:
conseilloient.

P. 100, l. 12: et.--_Ms. d’Amiens_: ne.

P. 100, l. 17: specifiies.--_Ms. B 4_: septefiies.

P. 100, l. 22: Tannai Bouton.--_Ms. B. 4_: Channai Bouton.

P. 100, l. 26: il s’acorda.--_Ms. d’Amiens_: il s’apaisa et acorda.


§ =716=. P. 101, l. 19: Cisech.--_Ms. d’Amiens_ (fº 187 rº) et Ms. B 4:
a sek.

P. 101, l. 21: Dieunée.--_Ms. B 4_: Dieuvée.

P. 102, l. 4: vassaument.--_Ms. B 4_: vaillamment.

P. 102, l. 7: pas.--_Ms. d’Amiens_: point.

P. 102, l. 14: gascon et englès.--_Ms. d’Amiens_: englès et gascon.

P. 102, l. 16: frans.--_Ms. d’Amiens_: florins.

P. 102, l. 24: euist.--_Ms. B 4_: euissent.

P. 103, l. 15: d’yaus.--_Ms. d’Amiens_: de.


§ =717=. P. 104, l. 16: Gensay.--_Ms. d’Amiens_: Gonsay.


§ =718=. P. 105, l. 2: contraires.--_Ms. B 4_: contraintes. Fº 187 vº.

P. 105, l. 12: tenoit.--_Ms. d’Amiens_: avoit.

P. 105, l. 29: parla.--_Ms. d’Amiens_: parla li dus.

P. 106, l. 12: là li.--_Ms. d’Amiens_: li là.

P. 106, l. 20: Lagnigai.--_Ms. d’Amiens_: Ghingay.

P. 107, l. 13: s’i tinrent.--_Ms. d’Amiens_: se partinrent.


§ =719=. P. 108, l. 10: ne le peuist, _lisez_ ne leur peuist.

P. 108, l. 19 et 20: dou segnefiier leur estat.--_Ms. B 3_: de le
signifier leur estat (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 109, l. 20: tout quoiement li connestables.--_Ms. d’Amiens_: li
connestables tout coiement. Fº 188 rº.

P. 110, l. 20: et escriant.--_Ms. d’Amiens_: escrient.

P. 110, l. 28: fuison.--_Ms. d’Amiens_: fais.


§ =720=. P. 112, l. 25: Quaremiel.--_Ms. B 4_: Quarevel.

P. 112, l. 27: assambler de front.--_Ms. d’Amiens_: de front assembler.
Fº 188 vº.

P. 113, l. 17 et 18: grant estecheis..... apertises.--_Ms. d’Amiens_ et
_ms. B 4_: grans appertises.

P. 113, l. 30: Holme.--_Ms. d’Amiens_: Olive.

P. 114, l. 1: tenoit.--_Ms. d’Amiens_: tenoient.

P. 114, l. 4: durant.--_Ms. d’Amiens_: durement.


§ =721=. P. 114, l. 30: qui li.--_Ms. d’Amiens_: si le.

P. 115, l. 3: fors.--_Ms. d’Amiens_: fors que.

P. 115, l. 12: ou.--_Ms. B 1_: et.


§ =722=. P. 115, l. 31: la dame vint jusques.--_Ms. d’Amiens_: à la
dame jusques. Fº 189 rº.

P. 116, l. 11: sceut.--_Ms. d’Amiens_: scet.

P. 116, l. 13: ançois.--_Ms. d’Amiens_: ains.

P. 116, l. 19: dou roy Henri.--_Ms. d’Amiens_: dou roy d’Espaingne.

P. 116, l. 32: qu’elle.--_Ms. d’Amiens_: quant elle.

P. 117, l. 4: qui.--_Ms. d’Amiens_: si.


§ =723=. P. 117, l. 10: Merspin.--_Ms. d’Amiens_: Mespin.

P. 117, l. 16: et là eut.--_Ms. d’Amiens_: là eut il.

P. 117, l. 24: Hanbiie.--_Ms. d’Amiens_: Hanbue.

P. 117, l. 27: d’Avaugour.--_Ms. d’Amiens_: d’Avangot.--_Ms. B 4_: de
Nangor.

P. 118, l. 3: raquitté.--_Ms. d’Amiens_: raquisé.

P. 118, l. 7: saison.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: année.

P. 118, l. 13: departirent.--_Ms. d’Amiens_: partirent.

P. 118, l. 22: Alain.--_Ms. B 3_: Jehan.

P. 118, l. 25: messires Thumas de Quatreton (_d’après le ms. de
Valenciennes_).

P. 120, l. 3: conjunction.--_Ms. d’Amiens_: conjection. Fº 189
vº.--_Ms. B 4_: signe.


§ =724=. P. 120, l. 17: il.--_Ms. d’Amiens_: il i.

P. 120, l. 24: escheïrent.--_Ms. d’Amiens_: estoient.


§ =725=. P. 121, l. 30: Bien.--_Ms. B 1_: Si en.

P. 122, l. 6 _et ailleurs_: Rais.--_Ms. B 1_: Raiy.

P. 122, l. 24: set.--_Ms. B 4_: huit.

P. 123, l. 1: sus.--_Ms. d’Amiens_: sour.

P. 123, l. 7: ne tenoit (_d’après le ms. B 3_).

P. 123, l. 9: cités, villes.--_Ms. d’Amiens_: villes, cités. Fº 190 rº.


§ =726=. P. 124, l. 5: ses forterèces et ses chastiaus.
--_Ms. d’Amiens_: ses castiaus et ses forterèces.

P. 124, l. 16: bonnes.--_Ms. d’Amiens_: bonnes gens.

P. 125, l. 6: conduiseur et gouvreneur.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_:
souverain et conduiseur.

P. 125, l. 8: d’acord tout le pays.--_Ms. d’Amiens_: tout le pays
d’acord.

P. 125, l. 23: Konke.--_Ms. d’Amiens_: Kouke.

P. 126, l. 13: bail.--_Ms. d’Amiens_: bail de Bretaigne.

P. 126, l. 14: departi.--_Ms. d’Amiens_: parti.


§ =727=. P. 127, l. 22 à 24: et donna li dis connestables le chastel
dou Suseniot à un sien escuier, bon homme d’armes, qui.
--_Ms. d’Amiens_: et donna le chastel... Fº 190 vº.--_Mss. B 1_, _B 3_
et _B 4_: et donna le chastiel dou Suseniot à un sien escuier, bon
homme d’armes, li diz connestables, qui.

P. 129, l. 2 _et ailleurs_: Hainbon.--_Ms. B 1_: Hanibon.


§ =728=. P. 129, l. 24: quasse d’achier.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 1_:
quaffe d’acier.--_Ms. B 3_: bacinet.

P. 129, l. 28: anuit.--_Ms. d’Amiens_: nuit.

P. 130, l. 5: amoustrer.--_Ms. d’Amiens_: moustrer. Fº 191 rº.

P. 130, l. 27: pooient.--_Mss. B 1_ et _B 4_: pooit.


§ =729=. P. 131, l. 10: ne.--_Ms. d’Amiens_: et.

P. 131, l. 15: en.--_Ms. d’Amiens_: à.

P. 132, l. 17: baron.--_Ms. d’Amiens_: bon.

P. 133, l. 24: conforter ne consillier.--_Ms. d’Amiens_: consillier ne
conforter. Fº 191 vº.


§ =730=. P. 134, l. 12: avenoient.--_Ms. d’Amiens_: avoient.

P. 135, l. 8: et.--_Ms. d’Amiens_: ne.


§ =731=. P. 136, l. 26: au.--_Ms. d’Amiens_: dou.


§ =732=. P. 137, l. 3: requerre.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: en cause
de.

P. 137, l. 9: armeures de fier.--_Ms. d’Amiens_: armeures de fer,
chevaliers et escuiers.--_Ms. B 4_: hommes d’armes, escuiers et
chevaliers.

P. 137, l. 14: et Sainne.--_Ms. B 1_: et le Sainne. Fº 192 rº.

P. 138, l. 15: à appareillier.--_Ms. d’Amiens_: à pourveir et
apareillier.

P. 138, l. 18: par.--_Ms. d’Amiens_: pour.

P. 139, l. 5: on.--_Ms. d’Amiens_: on y.

P. 139, l. 22: bien priès de.--_Ms. d’Amiens_: à.


§ =733=. P. 139, l. 30: Konke.--_Ms. d’Amiens_: Kouke.

P. 140, l. 12: remparèrent.--_Ms. B 4_: reperèrent.


§ =734=. P. 140, l. 28: chevir.--_Ms. d’Amiens_: tenir.

P. 141, l. 4 et 5: il n’estoient secouru, aidié et conforté.
--_Ms. d’Amiens_; il n’estoit conforté et secouru. Fº 192 vº.

P. 142, l. 14: Robert.--_Ms. d’Amiens_: Robert Canolle.

P. 142, l. 47: contentoient.--_Ms. B 4_: conchevoient.


§ =735=. P. 143, l. 8: hokebos.--_Ms. d’Amiens_: hokebas.--_Ms. B 3_:
hochecos.--_Ms. B 4_: hulkés.

P. 143, l. 26: sis.--_Ms. B 4_: huit.

P. 144, l. 11: leur.--_Mss. B 1_ et _B 4_: li.

P. 145, l. 1: de ses maistres.--_Ms. d’Amiens_ (fº 193 rº) et ms. B 4:
Hiraux.

P. 145, l. 15: journée.--_Ms. d’Amiens_: besoingne.

P. 146, l. 18: tenir.--_Ms. B 1_: tenu.


§ =736=. P. 147, l. 15: avoient.--_Ms. d’Amiens_: avoit estet.

P. 147, l. 22: à.--_Ms. d’Amiens_: en.

P. 147, l. 24: li dessus nommés dus se departi.--_Ms. d’Amiens_:
li dessus dis dus se parti.


§ =737=. P. 148, l. 5: connestables.--_Ms. B 4_: chapitaines.

P. 148, l. 19: Helmen.--_Ms. d’Amiens_: Holmen. Fº 193 vº.

P. 148, l. 28: Tamwore.--_Ms. d’Amiens_: Cannore.--_Ms. B 1_:
Tammore.--_Ms. B 4_: Tanmore.

P. 149, l. 8: Hoske.--_Ms. d’Amiens_: Heske.

P. 149, l. 20: Horfaut.--_Ms. d’Amiens_: Herfant.

P. 149, l. 22: Lyonniaus.--_Ms. d’Amiens_: Lionnès.

P. 150, l. 7: commandé ou.--_Ms. d’Amiens_: demandé et.

P. 150, l. 12: il.--_Ms. d’Amiens_: si.

P. 150, l. 29 et 30 leur ordenance savoir.--_Ms. d’Amiens_: savoir leur
ordenance.


§ =738=. P. 151, l. 9 et 10: dou pays.--_Ms. d’Amiens_: de le terre.

P. 152, l. 17: Se.--_Ms. d’Amiens_: Si. Fº 194 rº.

P. 152, l. 25: Cin.--_Ms. d’Amiens_: Chin.


§ =739=. P. 153, l. 26: sceurent.--_Ms. B 4_: sentirent.

P. 154, l. 13: ces.--_Ms. d’Amiens_: les.


§ =740=. P. 155, l. 15: desiroient.--_Ms. d’Amiens_: demandoient.
Fº 194 vº.

P. 155, l. 18: assentir.--_Ms. d’Amiens_: consentir.

P. 155, l. 25: matin.--_Ms. d’Amiens_: main.

P. 155, l. 26: resvillièrent.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: resvillier
vinrent.

P. 156, l. 2 _et ailleurs_: Hangest.--_Ms. B 1_: Haughet.

P. 156, l. 9 à 12: avoecques se route, et messires... issir dou
froais.--_Ms. d’Amiens_: avoecques se route, et tenoit chascuns son
chemin sans point yssir, et messires Guillaume des Bordes et messires
Jehans de Buel faisoient une aultre route.

P. 156, l. 13: biau.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: blanc.

P. 156, l. 15: voler.--_Ms. d’Amiens_: voler maintenant.

P. 156, l. 17: Aymeris.--_Ms. B 4_: Couchi.

P. 156, l. 19: ere.--_Ms. d’Amiens_: estoie.


§ =741=. P. 157, l. 5: Ouci.--_Ms. B 1_: Onci.--_Ms. B 4_: Couchi.

P. 158, l. 1: le.--_Ms. d’Amiens_: son.

P. 158, l. 2: si.--_Ms. d’Amiens_: il.


§ =742=. P. 158, l. 17: cause.--_Ms. d’Amiens_: incidensce.

P. 158, l. 28: en le.--_Ms. d’Amiens_: em. Fº 195 rº.

P. 159, l. 2: qu’il avoient fait.--_Ms. d’Amiens_: qui avoient estet
fait.

P. 159, l. 10: rendoit.--_Ms. d’Amiens_: rendroit.

P. 159, l. 14: fust segurs.--_Ms. d’Amiens_: fuist tous assegurés.

P. 159, l. 17: feroit.--_Ms. d’Amiens_: faisoit.


§ =743=. P. 160, l. 8: parler en oïrent.--_Ms. d’Amiens_: en oïrent
parler.

P. 160, l. 9: se desfist li sièges.--_Ms. d’Amiens_: li sièges se
desfist.

P. 160, l. 26 et 27: en puble.--_Ms. d’Amiens_: l’un à l’autre et en
publicque.

P. 160, l. 29: a de (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 160, l. 29: dont.--_Ms. d’Amiens_: et de quoy.


§ =744=. P. 161, l. 7: oïr le cascun.--_Ms. d’Amiens_: le cascun oïr.

P. 161, l. 14 et 15: si signeur qui là estoient, parlé.--_Ms. B 4_: si
signeur respondu et parlé qui là estoient.

P. 161, l. 25: prendre.--_Ms. d’Amiens_: faire et prendre.

P. 162, l. 29: soutieuement.--_Ms. d’Amiens_: soutieuement et par
sagement. Fº 195 vº.

P. 163, l. 2: pan.--_Ms. d’Amiens_: paul.


§ =745=. P. 164, l. 26: et.--_Ms. d’Amiens_: et à.

P. 164, l. 31: sain et sauf.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_ sain et en
boin point.

P. 165, l. 8: alitter.--_Ms. d’Amiens_: demourer.

P. 165, l. 9: et là morut.--_Ms. d’Amiens_: et là s’alita et morut.

P. 165, l. 18: Grette.--_Ms. d’Amiens_: Grettre.

P. 165, l. 22: de qui.--_Mss. B 1_ et _B 4_: de quoi.

P. 166, l. 5: Othe.--_Ms. d’Amiens_: Othe de Grantson. Fº 196 rº.


§ =746=. P. 166, l. 30: li quel.--_Ms. d’Amiens_: qui.

P. 167, l. 4: d’Avignon.--_Ms. d’Amiens_: d’Anjo.

P. 167, l. 19: deus.--_Ms. d’Amiens_: deus dus.

P. 167, l. 23: touchoit.--_Ms. d’Amiens_: appertenoit.

P. 167, l. 27: tinrent.--_Ms. d’Amiens_: missent.


§ =747=. P. 168, l. 22: puis.--_Ms. d’Amiens_: que puis.

P. 168, l. 25: à part à conseil.--_Ms. d’Amiens_: à conseil à part.

P. 168, l. 28: n’oseroient.--_Ms. d’Amiens_: ne seroient.

P. 168, l. 28: Le premier (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 169, l. 3: rumeur nulle.--_Ms. d’Amiens_: remous.

P. 169, l. 7 à 9: avoient juret ensi que... à ces.--_Ms. d’Amiens_:
avoient juret, ensi ne pooient respondre, car il sçavoient bien où il
estoient cargiet d’aler, et pour ce ne pooient entendre à ces. Fº 196
vº.

P. 169, l. 26: dou visconte de Miaus.--_Ms. d’Amiens_: et de Miaus.

P. 170, l. 3: il.--_Ms. d’Amiens_: il y.


§ =749=. P. 172, l. 3: de.--_Ms. d’Amiens_: à.


§ =750=. P. 172, l. 26: de Poito.--_Ms. d’Amiens_: de Poito et
d’Auvergne. Fº 197 rº.

P. 173, l. 10: departirent.--_Ms. d’Amiens_: partirent.

P. 173, l. 18: de l’assaillir.--_Ms. d’Amiens_: d’assaillir.

P. 173, l. 21: le duch d’Ango et le connestable.--_Ms. B 4_: iaulx.

P. 173, l. 31: ostages.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: plèges.

P. 174, l. 9: l’assegièrent.--_Ms. d’Amiens_: là se logièrent.

P. 174, l. 16: cités.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: ville.


§ =751=. P. 174, l. 27: moult.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: si.

P. 174, l. 27: fuison.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: fuison que nulx ne
leur alloit au devant.

P. 175, l. 2: Paus.--_Ms. B 4_: Pars.

P. 175, l. 13: mettre ces coses.--_Ms. d’Amiens_: ces coses mettre.

P. 175, l. 19: terres.--_Ms. d’Amiens_: cités.

P. 175, l. 20: intimer.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 3_: interiner.

P. 175, l. 21: livreroit.--_Ms. B 4_: livrèrent.


§ =752=. P. 176, l. 29: Auroy.--_Ms. B 1_: Anroy.

P. 177, l. 17: gardé.--_Ms. d’Amiens_ (fº 197 vº) et _ms. B 4_: gaitié.

P. 177, l. 30: il envoieroient.--_Ms. d’Amiens_: envoieroient il.

P. 178, l. 3: envoiassent.--_Ms. d’Amiens_: envoieroient.

P. 178, l. 3: hasteement.--_Ms. B 4_: hastivement.

P. 178, l. 23: journée.--_Ms. d’Amiens_: jour.


§ =753=. P. 179, l. 1: priiés et mandés.--_Ms. d’Amiens_: mandés et
priés.


§ =754=. P. 180, l. 10: reconquerre.--_Ms. d’Amiens_: conquerre. Fº 198
rº.

P. 180, l. 11: XVIIe.--_Ms. d’Amiens_, _mss. B 3_ et _B 4_: VIIe.

P. 180, l. 15: Chastielbon.--_Ms. d’Amiens_: Chastillon.

P. 180, l. 23: Prudaire.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: Prudane.

P. 180, l. 25: point.--_Ms. d’Amiens_: peu.

P. 180, l. 31: li doi trettieur legal.--_Ms. d’Amiens_: les deux
commissaires legaulx.

P. 184, l. 5: en.--_Ms. d’Amiens_: à.

P. 184, l. 8: où il.--_Ms. d’Amiens_, _mss. B 3_ et _B 4_: il.

P. 184, l. 9: se.--_Ms. B 3_: qui se.

P. 184, l. 18: ossi.--_Ms. d’Amiens_: et ossi.

P. 182, l. 3: donnèrent.--_Ms. d’Amiens_: donnoient.


§ =755=. P. 182, l. 15: de soy contrevergier (_d’après le ms. de
Valenciennes_).--_Ms. B 3_: faire merveilles.

P. 182, l. 15: ses.--_Ms. d’Amiens_: les.

P. 182, l. 31: sus.--_Ms. d’Amiens_: sour. Fº 198 vº.

P. 183, l. 2: messires.--_Ms. d’Amiens_: monsigneur.

P. 183, l. 7: le.--_Ms. d’Amiens_: leur.

P. 183, l. 7: estoit.--_Ms. d’Amiens_: estoient.

P. 183, l. 10: Arde.--_Ms. d’Amiens_: Ardre.

P. 183, l. 22: pas.--_Ms. d’Amiens_: pays.

P. 183, l. 23: encontra.--_Ms. B 1_: encontre.

P. 184, l. 3: l’Eveline.--_Ms. d’Amiens_: d’Eveline.


§ =756=. P. 185, l. 11: dist li chevaliers.--_Ms. d’Amiens_ et
_ms. B 3_: dient li chevalier.

P. 185, l. 12: mi signeur.--_Ms. B 3_: mes seigneurs.--_Ms. B 4_:
monsigneur.

P. 185, l. 17 et 19: pas.--_Ms. d’Amiens_: pays.

P. 186, l. 19: quinse.--_Ms. d’Amiens_ (fº 199 rº), _ms. B 3_ et
_ms. B 4_: vint et cinc.

P. 186, l. 20: avoecques se route.--_Ms. B 3_: de se route avec lui.

P. 187, l. 11: ne chil.--_Ms. B 4_: et ceulx.

P. 187, l. 18: Gauwinès.--_Ms. d’Amiens_: Gauwains.


§ =757=. P. 187, l. 22: venir.--_Ms. d’Amiens_: venu.

P. 187, l. 28: n’eut.--_Ms. d’Amiens_: n’eurent.

P. 188, l. 4: reskeure.--_Ms. d’Amiens_: requerre.

P. 190, l. 1: Si.--_Ms. d’Amiens_: Se. Fº 199 vº.


§ =758=. P. 191, l. 5: li.--_Ms. d’Amiens_: l’en.

P. 191, l. 29: de l’entention (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 191, l. 32: demorer.--_Ms. d’Amiens_: demourèrent.


§ =759=. P. 193, l. 13: telz fais.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: telx
appertises. Fº 200 rº.

P. 194, l. 8: car li, _lisez_ car les.


§ =760=. P. 194, l. 17: de.--_Ms. d’Amiens_: à.

P. 195, l. 8: Manne.--_Ms. B 1_: Maune.

P. 195, l. 9: Burlé.--_Ms. d’Amiens_: de Burlé.

P. 195, l. 11: Thumas.--_Ms. B 1_: Edouwart.

P. 196, l. 18: fu.--_Ms. d’Amiens_: se fu.

P. 196, l. 26: qu’il.--_Ms. d’Amiens_: qui.


§ =761=. P. 197, l. 4: devers.--_Ms. d’Amiens_: par devers.

P. 197, l. 18: carola.--_Ms. d’Amiens_: carole.

P. 198, l. 13: n’euist.--_Ms. d’Amiens_: n’avoit.

P. 198, l. 27: outreement.--_Ms. B 4_: entierement.

P. 199, l. 4: trettié.--_Ms. d’Amiens_: trettié ne acord.


§ =762=. P. 199, l. 20: s’i.--_Ms. d’Amiens_: se.

P. 199, l. 24: que il appelloient.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: mais
il l’apeloient.

P. 200, l. 18: à siège.--_Ms. B 4_: asiegés.


§ =763=. P. 201, l. 29: fillettes.--_Ms. B 4_: filles.

P. 202, l. 11: menront.--_Ms. d’Amiens_: mouront. Fº 201 rº.

P. 202, l. 19: Saint Brieu.--_Ms. d’Amiens_: Saint Bieu.

P. 202, l. 30: les.--_Ms. d’Amiens_: le.

P. 203, l. 7: par sa chevalerie criés.--_Ms. d’Amiens_: criés par sa
chevalerie.

P. 203, l. 12: aprenderont.--_Ms. d’Amiens_: aprendent.

P. 203, l. 26: afin.--_Ms. d’Amiens_: à le fin.


§ =764=. P. 204, l. 11: appressoient.--_Ms. B 4_: qu’il pressoient.

P. 204, l. 18: le ville par mine.--_Ms. d’Amiens_: par mine la ville de
Saint Brieu de Vaus. Fº 201 vº.

P. 205, l. 7: messire.--_Ms. d’Amiens_: monsigneur.

P. 205, l. 10: attenderons, _lisez_ attenderont.

P. 205, l. 13: de dangier.--_Ms. d’Amiens_: de ce dangier.


§ =765=. P. 205, l. 25: que.--_Ms. d’Amiens_: le plus que.

P. 205, l. 31: chevaus.--_Ms. B 4_: coursiers.

P. 206, l. 19: ses gens.--_Ms. d’Amiens_: se route.

P. 206, l. 21: qu’il.--_Ms. d’Amiens_: qui.

P. 207, l. 6 et 8: vous.--_Ms. d’Amiens_: nous.

P. 207, l. 8: doiiés.--_Ms. d’Amiens_: doiions.

P. 207, l. 14: nouviaus fors, _lisez_ Nouviaus Fors.


§ =766=. P. 207, l. 27: bon couvenant.--_Ms. d’Amiens_: bonne
ordonnance. Fº 202 rº.

P. 207, l. 28: peu.--_Ms. d’Amiens_: petit.

P. 208, l. 2: et.--_Ms. d’Amiens_: ou.

P. 208, l. 5: en.--_Ms. d’Amiens_: à.

P. 208, l. 6: avoit.--_Ms. d’Amiens_: eult.

P. 208, l. 12: leur.--_Ms. d’Amiens_: il.

P. 208, l. 16: de froce.--_Ms. d’Amiens_: que.

P. 208, l. 24: à merci (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 208, l. 32: remousterai.--_Ms. d’Amiens_: mousterai.

P. 209, l. 25 en imaginant.--_Ms. d’Amiens_: et imaginoient.


§ =767=. P. 211, l. 5: Tantost.--_Ms. d’Amiens_: Tantost que.

P. 211, l. 13: vous de.--_Ms. d’Amiens_: vos. Fº 202 vº.

P. 211, l. 14: ne.--_Ms. d’Amiens_: et.

P. 211, l. 24: li.--_Ms. d’Amiens_: si.

P. 212, l. 5: estragnement.--_Ms. d’Amiens_: durement.

P. 212, l. 9: je m’acordai.--_Ms. d’Amiens_: m’en acordai.


§ =768=. P. 212: l. 22 desrompi.--_Ms. d’Amiens_: departi.

P. 213, l. 4: se ce.--_Ms. d’Amiens_: che ce.

P. 213, l. 14: Ançois.--_Ms. B 4_: Encores.

P. 213, l. 21: première.--_Ms. B 4_: darraine.

P. 213, l. 32: et ossi font nos gens.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: et
nos gens maintiennent.

P. 214, l. 14: s’en.--_Ms. d’Amiens_: se.

P. 214, l. 25: il oroit.--_Ms. d’Amiens_: ilz oroient.


§ =769=. P. 214, l. 30: Li rois.--_Ms. d’Amiens_: Et li rois.

P. 215, l. 4: providense.--_Ms. B 4_: prudence.

P. 215, l. 9: trespassé.--_Ms. d’Amiens_ (fº 203 rº) et _ms. B 4_: mort.

P. 216, l. 3: instruit (_d’après le ms. de Valenciennes_).


§ =770=. P. 216, l. 26: Loerainne.--_Ms. d’Amiens_: le royaume.

P. 217, l. 12: messire.--_Ms. d’Amiens_: monsigneur.

P. 217, l. 23: parlerons.--_Ms. d’Amiens_: parlons.

P. 218, l. 21: peu.--_Ms. d’Amiens_: point.

P. 218, l. 27: brisie.--_Ms. d’Amiens_ (fº 203 vº) et _ms. B 4_: rompue.

P. 219, l. 3: proporsionnant.--_Ms. d’Amiens_: poursuivant.--_Ms. B 4_:
proposoient.

P. 219, l. 9: d’avril.--_Ms. d’Amiens_: d’avril l’an.

P. 219, l. 12: legaulx.--_Ms. d’Amiens_: aultre.


§ =771=. P. 219, l. 19: deffiiet.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: fait
deffiier.

P. 220, l. 13: disent.--diront.

P. 220, l. 19: de nos ennemis les Alemans.--_Ms. d’Amiens_ et
_ms. B 4_: des Alemans.

P. 221, l. 11: c’est mont.--_Ms. d’Amiens_: ce mon.

P. 221, l. 19: gettiés.--_Ms. d’Amiens_: gaitiez.

P. 221, l. 27: Fuiret.--_Ms. d’Amiens_, _mss. B 3_ et _B 4_: fuir et.

P. 221, l. 27: furent.--_Ms. d’Amiens_: fissent.


§ =772=. P. 222, l. 6: gages.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: saudées.

P. 222, l. 7: argent.--_Ms. d’Amiens_: saudées et argent. Fº 204 rº.

P. 222, l. 18; de tous perilz.--_Ms. d’Amiens_: dou peril.

P. 222, l. 24: parti revenu.--_Ms. d’Amiens_: parti que le signeur
de Couchy revenu.

P. 222, l. 29: avoit (_d’après le ms. de Valenciennes_).

P. 223, l. 20: eut.--_Ms. d’Amiens_: l’eut.


§ =773=. P. 223, l. 25: compagnons.--_Ms. d’Amiens_: compaignes.

P. 223, l. 30: revinrent.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: retournèrent.

P. 224, l. 12 et 13: et laissa là sa mainsnée... et puis s’en.
--_Ms. d’Amiens_: et laissa là sa femme et sa mainsnée fille,
la damoiselle de Couci, et puis s’en.


§ =774=. P. 226, l. 2: renvoieroient.--_Ms. d’Amiens_: y envoieroient.
Fº 204 vº.

P. 226, l. 5: revinrent.--_Ms. d’Amiens_: retournèrent.


§ =775=. P. 226, l. 22: solennele.--_Ms. d’Amiens_: solempnité.


§ =776=. P. 227, l. 19: dou.--_Ms. d’Amiens_: au.

P. 227, l. 26: l’un devant.--_Ms. d’Amiens_: devant l’un.

P. 228, l. 1: qu’il.--_Ms. d’Amiens_: qui.

P. 228, l. 9: à.--_Ms. d’Amiens_: à tout.


§ =777=. P. 228, l. 25: ce de veu.--_Ms. d’Amiens_: de ce voé.

P. 228, l. 30: Genuenes.--_Ms. B 4_: Jennes.


§ =778=. P. 229, l. 23 et 24: d’Engleterre, de Gernesie, de
Grenesée.--_Ms. d’Amiens_: d’Engleterre, de Grenesée. Fº 205 rº.

P. 230, l. 9: et messires Guichars d’Angle.--_Ms. d’Amiens_ et
_ms. B 4_: et li sires d’Angle, messires Guicars.

P. 230, l. 14: Cenes.--_Ms. B 3_: Chenez.--_Ms. B 4_: Chenes.

P. 230, l. 15: trouva.--_Ms. B 4_: ordonna.

P. 230, l. 20: de coer.--_Ms. B 4_: au coer.

P. 230, l. 21: ce.--_Ms. d’Amiens_: tel.

P. 231, l. 27: estoit.--_Ms. B 4_: fu.

P. 232, l. 1: pas.--_Ms. d’Amiens_: pays.


§ =779=. P. 232, l. 17: celle.--_Ms. d’Amiens_: ceste.

P. 232, l. 18: en vinrent.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: furent venues.

P. 232, l. 22: fault.--_Ms. d’Amiens_: couvient.

P. 232, l. 32: signeur.--_Ms. d’Amiens_: sire. Fº 205 vº.

P. 233, l. 23: estat.--_Ms. d’Amiens_: esté.

P. 234, l. 10: petit.--_Ms. d’Amiens_: peu.

P. 234, l. 23: sus.--_Ms. d’Amiens_: sour celle.

P. 234, l. 27: chil.--_Ms. d’Amiens_: il.

P. 234, l. 28: remoustrèrent.--_Ms. d’Amiens_: remoustroient.


§ =780=. P. 235, l. 6: y a.--_Ms. d’Amiens_: ra.

P. 236, l. 30: non que.--_Ms. d’Amiens_; neque dent que. Fº 206 rº.

P. 236, l. 30: voloit.--_Ms. d’Amiens_: vot.


§ =781=. P. 237, l. 10: les François.--_Ms. d’Amiens_: il.

P. 237, l. 17: deveeroient.--_Ms. B 1_ et _B 4_: deveroient.

P. 238, l. 21: huit.--_Ms. d’Amiens_: vii.

P. 238, l. 22: leur leva uns vens.--_Ms. d’Amiens_: uns vens contraires
leur leva.

P. 238, l. 22: prist.--_Ms. B 1_: leva.


§ =782=. P. 239, l. 1: bien oy.--_Ms. d’Amiens_: bien chy dessus oy.

P. 239, l. 8: chevaliers.--_Ms. B 4_: bons.

P. 239, l. 12: un bon.--_Ms. d’Amiens_: bonne.

P. 240, l. 13: qu’il amast mieulz.--_Ms. B 4_: que il vosist.

P. 240, l. 19 à 23: Li sires de Couci... respondi et dist.
--_Ms. d’Amiens_ (fº 206 vº), _ms. B 3_ et _ms. B 4_: Adont se rafrenna
un petit li roys et demanda quel grace on voroit que on li fesist: li
sires de Couci, si com je fui adont enfourmés, y trouva un moiien et
dist.


§ =783=. P. 241, l. 10: la.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: ceste.

P. 241, l. 12: couri.--_Ms. d’Amiens_: couru.

P. 241, l. 31: par.--_Ms. d’Amiens_: que.

P. 243, l. 8: leur.--_Ms. d’Amiens_: la.

P. 243, l. 14: Thiebaut.--_Ms. d’Amiens_: Thummas.

P. 243, l. 21: Haubue.--_Ms. d’Amiens_: Hambue. Fº 207 rº.


§ =784=. P. 244, l. 12: garde.--_Ms. d’Amiens_: de garde.

P. 244, l. 28: remuant.--_Ms. d’Amiens_: remouvant.

P. 244, l. 31: escuier.--_Ms. d’Amiens_: hainuier englèz.

P. 245, l. 2: soions.--_Ms. d’Amiens_: soiés.


§ =785=. P. 245, l. 20: fiance.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: feauté.

P. 245, l. 25: s’en.--_Ms. d’Amiens_: se.

P. 246, l. 3: aresné.--_Ms. B 4_: asseuré.

P. 246, l. 16: alevée.--_Ms. d’Amiens_: alouée.

P. 246, l. 28: pourparlé.--_Ms. B 4_: pourcachié.

P. 246, l. 29: tant.--_Ms. B 1_: tout.


§ =786=. P. 247, l. 17: trop mieulz.--_Ms. d’Amiens_: mieulz. Fº 207 vº.

P. 248, l. 6: murs.--_Ms. B 1_: mais.

P. 250, l. 3: Artisiens.--_Ms. B 4_: garnisons.


§ =787=. P. 251, l. 6: au duch.--_Ms. d’Amiens_: au duc de Lancastre.
Fº 208 rº.

P. 251, l. 7: fu dit.--_Ms. d’Amiens_: fu bien dit.

P. 251, l. 10 à 12: mais li dus de Lancastre ses escusances... sus son
droit; car.--_Ms. d’Amiens_ et _ms. B 4_: mais li dus de Lancastre li
aida escusances à porter oultre, et demoura li sires de Gommegnies sus
sen droit; car.


§ =788=. P. 252, l. 2: toutes.--_Ms. B 1_: gens.

P. 252, l. 22: enfourmés plus veritablement.--_Ms. d’Amiens_ et
_ms. B 4_: mieux enfourmés.


FIN DES VARIANTES DU TOME HUITIÈME ET DU LIVRE PREMIER.




TABLE.


  CHAPITRE XCVIII.

  _1370, 4 décembre._ Combat de Pontvallain.--_19 décembre._ Mort
    du pape Urbain V; _30 décembre_. Élection de Grégoire XI.--_1371,
    avant le 15 janvier._ Aggravation de la maladie et retour en
    Angleterre d’Édouard, prince d’Aquitaine et de Galles.--_1370,
    1ers jours de décembre_-_1371, fin de février._ Siège et prise de
    Montpont, en Périgord, par Jean, duc de Lancastre.--_1371, août
    et septembre._ Siège et prise de Moncontour, en Poitou, par Jean,
    duc de Lancastre, et Thomas de Percy, sénéchal de Poitou.--_1371,
    fin de janvier et février._ Expédition de Bertrand du Guesclin en
    vue de la levée du siège de Montpont et siège d’Ussel.--_1371, 1er
    août._ Combat naval de la baie de Bourgneuf.--_22 août._ Bataille
    de Bastweiler.--_1372, premiers mois._ Retour en Angleterre de
    Jean, duc de Lancastre, et mariage de ce prince avec Constance de
    Castille, fille aînée de D. Pèdre, d’Edmond, comte de Cambridge,
    frère de Jean, avec Isabelle, sœur de Constance.--_1372, 13
    janvier._ Mort de Gautier de Masny.--_Sommaire_, p. III à
    XXII.--_Texte_, p. 1 à 33.--_Variantes_, p. 255 à 288.

  CHAPITRE XCIX.

  _1372, 23 juin._ Défaite de la flotte anglaise devant la
    Rochelle.--_juillet._ Siège de Moncontour et de Sainte-Sévère;
    reddition de ces deux places aux Français.--_7 août._ Reddition
    de Poitiers.--_Du 22 au 23 août._ Défaite et capture de Jean de
    Grailly, captal de Buch, connétable d’Aquitaine, et de Thomas
    de Percy, sénéchal de Poitou, devant Soubise; reddition de
    cette place.--Reddition d’Angoulême (_vers le 8 septembre_),
    de Saint-Jean-d’Angely (_20 septembre_), de Saintes (_24
    septembre_), de Taillebourg et de Pons.--Reddition des châteaux
    de Saint-Maixent (_4 septembre_), de Melle et de Civray.--_8
    septembre._ Reddition de la Rochelle.--_15 septembre._ Prise du
    château de Benon et reddition de Marans.--_19 septembre._ Reddition
    de Surgères.--_9 et 10 octobre._ Reddition de la ville et prise
    du château de Fontenay-le-Comte.--_1er décembre._ Reddition de
    Thouars et soumission des principaux seigneurs du Poitou et de
    la Saintonge.--Siège de Mortagne.--_1373, 21 mars._--Défaite des
    Anglais à Chizé.--_27 mars._ Occupation de Niort.--Reddition
    des châteaux de Mortemer et de Dienné.--_Sommaire_, p. XXIII à
    LXV.--_Texte_, p. 33 à 117.--_Variantes_, p. 288 à 312.

  CHAPITRE C.

  _1373, fin d’avril, mai et juin._ Expédition de Louis, duc de
    Bourbon,  et de Bertrand du Guesclin en Bretagne; départ de Jean
    de Montfort pour l’Angleterre; occupation de Rennes, de Dinan,
    de Saint-Malo, de Vannes et d’un certain nombre de places de
    moindre importance; prise d’Hennebont; sièges de la Roche-sur-Yon,
    de Derval et de Brest; occupation de Nantes; grands préparatifs
    en Angleterre des ducs de Lancastre et de Bretagne pour envahir
    la France à la tête d’une armée considérable; prise de Conq par
    l’armée franco-bretonne.--_6 juillet._ Traité de capitulation de
    Brest et levée du siège de cette place par les Franco-Bretons qui
    vont renforcer les gens d’armes campés devant Derval.--_Fin de
    juillet._ Débarquement à Calais de l’armée rassemblée par les ducs
    de Lancastre et de Bretagne.--_Du 4 août au 8 septembre._ Marche
    et opérations de cette armée à travers l’Artois, la Picardie, le
    Vermandois et le Soissonnais; combat de Ribemont.--_9 septembre._
    Combat d’Oulchy.--_29 septembre._ Exécution devant Derval par
    le duc d’Anjou des otages livrés naguère aux Franco-Bretons en
    vertu du traité de capitulation de cette place auquel Robert
    Knolles a refusé de souscrire.--_10 septembre._ Arrivée à Paris
    du duc d’Anjou, de Du Guesclin et de Clisson, qui assistent à
    un grand conseil de guerre tenu par Charles V et y donnent leur
    avis.--_1375, 16 avril._ Mort du comte de Pembroke, prisonnier
    du roi de Castille, livré par le dit roi à Du Guesclin en
    payement d’une somme de 120 000 francs due pour le comté de
    Soria, racheté par D. Enrique de Trastamar; rachat par ce même
    roi du comté d’Agreda moyennant la cession d’un autre de ses
    prisonniers, Guichard d’Angle, à Olivier de Mauny.--_1373, du 11
    au 26 septembre._ Les Anglais en Champagne; arrivée des légats du
    pape à Troyes; échec subi sous les murs de cette ville par les
    envahisseurs.--_Du 26 septembre au 25 décembre._ Marche pénible et
    meurtrière de l’armée du duc de Lancastre à travers la Bourgogne,
    le Nivernais, le Bourbonnais, l’Auvergne, le Limousin et le
    Périgord; arrivée à Bordeaux.--_Sommaire_, p. LXV à CIII.--_Texte_,
    p. 117 à 171.--_Variantes_, p. 312 à 317.

  CHAPITRE CI.

  _1373, 28 octobre_-_1374, 8 janvier_. Retour du duc d’Anjou
    à Toulouse par Avignon.--_1373, juin et juillet._ Traité de
    capitulation de Bécherel. Expédition du duc d’Anjou en Bigorre;
    reddition de Saint-Sever; prise de Lourdes.--_1374, commencement
    d’avril._ Journée de bataille assignée près de Moissac entre
    les ducs d’Anjou et de Lancastre; défaut à ce rendez-vous de
    Lancastre, qui part de Bordeaux et retourne en Angleterre.--_21
    mai._ Expiration de la trêve conclue par Du Guesclin avec le
    duc de Lancastre.--_Juin et juillet._ Soumission du vicomte de
    Castelbon. Expédition de Du Guesclin et du duc d’Anjou, d’abord
    dans le bas Languedoc contre les Compagnies, ensuite sur les
    confins de l’Agenais et du Bordelais contre les Anglais; siège et
    prise de la Réole, de Langon, de Saint-Macaire, de Sainte-Bazeille
    et des places avoisinantes.--_2 octobre._ Retour de Du Guesclin
    à Paris et du duc d’Anjou à Toulouse.--_Août et septembre._
    Siège de Saint-Sauveur-le-Vicomte.--Reddition de Bécherel,
    dont la garnison va renforcer celle de Saint-Sauveur.--_1375,
    premiers mois._ Défaite des Français dans une rencontre entre
    Licques et Tournehem; capture du comte de Saint-Pol, emmené
    en Angleterre.--Ouverture des négociations à Bruges entre les
    ambassadeurs de France et d’Angleterre.--Retour en France du
    duc de Bretagne et du comte de Cambridge avec un corps d’armée
    considérable; débarquement à Saint-Mathieu; prise de Saint-Pol de
    Léon; siège de Saint-Brieuc.--_21 mai._ Traité de capitulation de
    Saint-Sauveur.--Levée du siège de Saint-Brieuc par les Anglais,
    et du siège du Nouveau Fort par les Français, que les Anglais
    accourus de Saint-Brieuc poursuivent jusqu’à Quimperlé où ils les
    assiègent.--_27 juin._ Trêve d’un an entre les rois de France et
    d’Angleterre conclue à Bruges; levée du siège de Quimperlé.--_3
    juillet._ Reddition de Saint-Sauveur au roi de France.--_Sommaire_,
    p. CIII à CXXVIII.--_Texte_, p. 171 à 214.--_Variantes_, p. 317 à
    321.

  CHAPITRE CII.

  _1375, août et septembre._ Guerre entre Enguerrand VII, seigneur
    de Coucy, et Léopold II, duc d’Autriche, au sujet de seigneuries
    situées en Alsace, dans le Brisgau, l’Argovie et le comté de
    Nydau; marche des Compagnies rassemblées par le dit Enguerrand
    à travers la Champagne orientale, le Barrois, le pays Messin,
    la Lorraine et l’Alsace.--_1375, décembre_-_1376, 12 mars_.
    Conférences de Bruges. Prorogation jusqu’au 1er avril 1377 des
    trêves qui devaient expirer le dernier juin 1376.--_1375, octobre,
    novembre, décembre._ Ravages exercés par les Compagnies sur la
    rive gauche du Rhin, en Alsace et en Suisse.--_1376, 13 janvier._
    Conclusion d’un traité de paix avec les ducs d’Autriche et retour
    furtif en France du seigneur de Coucy.--_8 juin._ Mort d’Édouard,
    prince de Galles, surnommé le prince Noir.--_Septembre._ Mort de
    Jean de Grailly, captal de Buch.--_1376, 20 septembre_-_1377,
    17 janvier_. Départ d’Avignon du pape Grégoire XI et arrivée à
    Rome.--_1377, mars, avril et mai._ Nouvelles conférences pour la
    paix entre les plénipotentiaires du roi de France, qui se tiennent
    à Montreuil-sur-Mer et à Boulogne, et ceux du roi d’Angleterre
    établis à Calais. Préparatifs maritimes des Français pour faire des
    descentes sur les côtes d’Angleterre et des Anglais pour s’opposer
    à ces descentes.--_21 juin._ Mort d’Édouard III.--_28 juin._
    Descente des Français à Rye; prise et pillage de cette ville.--_16
    juillet._ Couronnement de Richard II.--_Fin de juin et juillet._
    Combat de Lewes; prise et pillage de cette ville, de Folkestone,
    de Portsmouth, de Darmouth et de Plymouth.--_15 août-septembre._
    Nouvelle campagne maritime des Français; occupation de l’île de
    Wight; descentes à Southampton et à Winchelsea; incendie de Poole.
    Expédition du duc de Bourgogne sur les confins du Boulonnais et du
    Calaisis; prise d’Ardres et d’Audruicq.--_Sommaire_, p. CXXIX à
    CLVIII.--_Texte_, p. 214 à 252.--_Variantes_, p. 321 à 324.

  APPENDICE                                              p. CLV-CLXIII.


FIN DE LA TABLE DU TOME HUITIÈME.




ERRATA.


    P. 37, l. 27, _au lieu de_: d’argent,--_lisez_: d’armes.

    P. 61, l. 15 et 16, _au lieu de_: connestable,--_corrigez_:
    seneschal.

    P. 67, l. 19, _au lieu de_: ainsi,--_lisez_: ains.

    P. 67, l. 20, _au lieu de_: et,--_lisez_: en.

    P. 69, l. 12, _au lieu de_: Hues,--_lisez_: Huès.

    P. 117, l. 27, _au lieu de_: d’Avangor,--_lisez_: d’Avaugour.




  9627.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
  Rue de Fleurus, 9






*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 74209 ***